Déposé le 11 juin 2013 par : M. Moreau, M. Fasquelle, M. Le Ray.
I. Il est inséré un article 341 ter au code des douanes ainsi rédigé :
« Pour la recherche et la constatation des délits réprimés par les articles 414, 414-1, 415 et 459, les agents de l'administration des douanes peuvent recevoir et utiliser tous documents, informations et dénonciations, même anonymes, qui sont susceptibles de leur être transmis par leurs aviseurs, y compris lorsque cette transmission est susceptible de constituer une infraction de la part de l'aviseur.
Seuls les éléments soumis au débat contradictoire entre les parties peuvent servir de fondement aux poursuites et au recouvrement. En aucun cas l'identité d'un aviseur ne peut être révélée sans l'accord de celui-ci. Il ne peut non plus être contraint de témoigner sans son accord.
Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'éléments recueillis en application du présent article. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve transmis par un aviseur, conformément aux dispositions de l'article 427 du code de procédure pénale.»
II. L'article L.212 A du livre des procédures fiscales est complété par les trois alinéas suivants :
« Pour la recherche et la constatation de ces infractions, les agents de l'administration peuvent recevoir et utiliser tous documents, informations et dénonciations, même anonymes, qui sont susceptibles de leur être transmis par leurs aviseurs, y compris lorsque cette transmission est susceptible de constituer une infraction de la part de l'aviseur.
Seuls les éléments soumis au débat contradictoire entre les parties peuvent servir de fondement aux poursuites et au recouvrement. En aucun cas l'identité d'un aviseur ne peut être révélée sans l'accord de celui-ci. Il ne peut non plus être contraint de témoigner sans son accord.
Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'éléments recueillis en application des deux alinéas précédents. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve transmis par un aviseur, conformément aux dispositions de l'article 427 du code de procédure pénale. »
III. L'article 706-58 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement, lorsque l'audition d'une personne est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou l'intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge d'instruction, après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République, peuvent, par décision motivée, autoriser que les déclarations de cette personne soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. Cette décision n'est pas susceptible de recours, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article 706-60. Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peuvent décider de procéder eux-mêmes à l'audition du témoin.
Peuvent être transmis dans le cadre de cette audition tous documents, informations et dénonciations, y compris lorsque cette transmission est susceptible de constituer une infraction de la part du témoin.
La décision du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, qui ne fait pas apparaître l'identité de la personne, est jointe au procès-verbal d'audition du témoin, sur lequel ne figure pas la signature de l'intéressé. L'identité et l'adresse de la personne sont inscrites dans un autre procès-verbal signé par l'intéressé, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête prévue à l'alinéa précédent. L'identité et l'adresse de la personne sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance. »
IV. Au premier alinéa ainsi qu'au troisième alinéa de l'article L.1161-1 du code du travail, les mots « de corruption » sont remplacés par les mots « constitutifs de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ».
V. Le premier alinéa de l'article L.1161-1 du code du travail est ainsi complété :
« Il ne peut pas faire l'objet de sanction pénale de ce fait. »
A l'heure où l'on demande énormément d'efforts aux français en augmentant la pression fiscale, il convient aussi de chercher à améliorer significativement la lute contre la fraude, car c'est une voie plus juste que celle de l'augmentation des prélèvements obligatoires.
L'amendement a pour vocation de sécuriser les lanceurs d'alertes éthiques ainsi que le statut juridique des informations transmises aux services d'enquête en matière de fraudes aux finances publiques.
La possibilité prévue par la loi de rémunérer les informateurs des services d'enquête, policiers ou douaniers, n'empêche pas d'être confronté à un problème d'utilisation légale des informations recueillies.
Ainsi, dans l'affaire HSBC, un « informateur » suisse a communiqué à l'administration fiscale française des données internes qui ont manifestement été volées chez HSBC. Dans le même temps, les autorités suisses, qui avaient déposé plainte pour vol, ont saisi la justice française car cet informateur était alors domicilié en France. Le parquet compétent qui gérait la demande d'entraide pénale internationale a procédé à l'interpellation de cette personne, mené des perquisitions et découvert à cette occasion des informations fiscalement intéressantes pour la France. Le procureur de la République a alors appliqué l'article L. 101 du livre des procédures fiscales et transmis l'information à l'administration fiscale. Formellement, la loi était respectée.
Néanmoins, dans deux arrêts du 31 janvier et du 21 février 2012, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que « c'est à bon droit qu'après avoir constaté que des documents produits par l'administration au soutien de sa requête avaient une origine illicite, en ce qu'ils provenaient d'un vol, le premier président a annulé les autorisations obtenues sur la foi de ces documents », en retenant qu'il importait peu que l'administration en ait eu connaissance par la transmission d'un procureur de la République ou par un autre moyen.
Nous sommes donc confrontés à un problème de statut de l'information transmise à des services d'enquête ou à la justice.
En matière de fraude fiscale internationale, dossiers marqués du sceau de l'opacité la plus grande, il est impossible d'intervenir de manière efficace sans informations exploitables et donc sans informateurs sécurisés. Se bercer d'illusions en la matière revient à refuser de lutter contre la grande fraude.
Il est donc indispensable de prévoir explicitement dans la loi la possibilité pour les services concernés d'utiliser les informations qui leurs sont transmises par des indicateurs, quand bien même la personne qui leur transmet ces informations peut commettre des irrégularités ce faisant, ce qui était le cas dans l'affaire HSBC par exemple.
Le projet de loi prend en compte cette nécessité mais ne la traite que sous l'angle des services fiscaux.
Il est donc nécessaire de prévoir une procédure de sécurisation de l'utilisation des informations également pour l'administration des douanes, souvent en première ligne dans la recherche du renseignement en matière d'évasion fiscale, et pour les services de police et de gendarmerie agissant dans le cadre de procédures judiciaires.
L'amendement complète donc le projet de loi et modifie le code des douanes et le livre des procédures fiscales dans sa partie « contributions indirectes », gérée par les douanes (trafics d'or notamment) pour permettre à l'administration des douanes et à la police judiciaire de faire usage des informations qu'elles reçoivent dans le cadre de leurs enquêtes.
Les textes proposés encadrent strictement l'usage de ces informations, limitant aux seuls éléments débattus contradictoirement avec les mis en cause une éventuelle force probante, sous le contrôle du juge et en application de la jurisprudence classique de la chambre criminelle de la Cour de cassation relative à l'article 427 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, la proposition adapte à la marge les dispositions du code de procédure pénale relatives à l'audition des témoins sous X pour y intégrer le même principe, tout en y renforçant le rôle du juge d'instruction, magistrat du siège indépendant.
Enfin, cet article renforce de manière substantielle la protection des lanceurs d'alertes éthiques en étendant celle-ci à la dénonciation des crimes ou délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, notamment la fraude fiscale ou le blanchiment, et plus seulement aux faits de corruption comme c'est le cas actuellement.
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