Sous-amendements associés : 105 (Adopté)
Déposé le 18 juin 2013 par : M. Cherki.
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L'article L. 561‑2 est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° La Caisse des règlements pécuniaires des avocats. » ;
2° L'article L. 561‑3 est complété par un VII ainsi rédigé :
« VII. – Les caisses des règlements pécuniaires des avocats exercent leur vigilance sur l'origine et la destination ainsi que sur le bénéficiaire effectif des fonds, effets ou valeurs qui sont déposés par les avocats pour le compte de leurs clients. » ;
3° Le I. de l'article L. 561‑36 est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Par la Commission de contrôle des caisses de règlements pécuniaires des avocats, pour les caisses de règlements pécuniaires des avocats. ».
I- Enjeux : lutte contre le blanchiment et profession d'avocats.
Les avocats ont été assujettis au dispositif LAB par la loi n° 2004‑204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité conformément aux recommandations du GAFI.
Compte tenu des spécificités de leur métier, ils bénéficient de dispositions particulières :
Jusqu'alors, considérant que le dispositif violait le secret professionnel et les principes fondamentaux de notre droit, les avocats, relayés institutionnellement et médiatiquement par le Conseil national des barreaux et le Barreau de Paris, se sont ouvertement opposés à participer au dispositif, arguant que le contrôle des CARPA et les règles déontologique commandant aux avocats de rompre la relation d'affaire en cas de soupçon de blanchiment suffisaient à garantir la profession contre le risque de blanchiment.
De fait, depuis 2004, TRACFIN n'a reçu que quelques déclarations de soupçon de l'ordre de l'unité rarement régulières en la forme et au fond.
Cette opposition de principe n'est pas isolée au sein des pays du GAFI : certains pays ont même exclu les avocats du dispositif (Canada). Il est certain que les modalités et les limites de la participation des avocats au dispositif ne sont pas faciles à définir. Ainsi un avocat peut nouer une relation d'affaires avec un client pour réaliser pour son compte une opération immobilière et être assujetti au dispositif LAB puis assurer la défense des intérêts de son client désormais en litige avec sa contre-partie dans une procédure juridictionnelle et ne plus être alors assujetti au dispositif.
À contrario, les avocats anglo-saxons (Grande-Bretagne, États-Unis) participent au dispositif lorsqu'ils exercent des fonctions de « sollicitors ». Les cabinets anglo-saxons ont ainsi introduit les obligations de la LAB/FT dans leurs protocoles de conformité.
Pour autant, le GAFI n'a pas mis à l'ordre du jour une réflexion spécifique sur cette question et continue d'évaluer le positionnement effectif des avocats dans le dispositif LAB. Au cours de la dernière évaluation de la France par le GAFI en 2010‑2011, la position de rejet des avocats avait été relevée par les examinateurs et avait contribué à affaiblir l'évaluation globale du dispositif.
Il n'est pas non plus prévu de modifications des textes applicables dans le cadre de la 4ème directive européenne en cours de négociation.
Il n'est donc pas envisageable d'écarter définitivement et complètement les avocats du dispositif :
- avec l'élargissement régulier de leu champs de compétences, ils ont de plus en plus de missions équivalentes à celles diligentées par d'autres professions assujetties : tout type de transactions financières (immobilières, commerciales, civiles..) peut être confié à un avocat intervenant comme intermédiaire ou mandataire. Il agit dès lors comme un banquier d'affaires, un agent sportif, un conseiller en investissements financiers, un notaire... Le non-respect des obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme par les avocats dans ces situations peut constituer un élément de concurrence non loyal et en tout cas perturbe la vigilance exercée par les autres professions qui interviennent dans les mêmes opérations.
- comme tous les comptes de tiers gérés par les professions du chiffre et du droit (comptes CDC des notaires, des huissiers..), les comptes tenus par les CARPA sont vraisemblablement attractifs pour blanchir des capitaux : ils donnent un gage d'honorabilité et sont un obstacle à la vigilance des autres professionnels (notamment les établissements bancaires) qui ne peuvent obtenir d'information sur l'objet desdits flux.
Or aujourd'hui, il est impossible de connaître l'origine des fonds sortant des comptes CARPA ou la destination future des fonds entrants, les avocats opposant le plus souvent les limites du champ de leur assujettissement pour ne pas communiquer d'information.
La profession attendait l'issue des recours exercés par P. Michaud, avocat, contre les normes professionnelles édictées pour la mise en œuvre du dispositif. Le Conseil d'État en juillet 2010 puis la CEDH en décembre 2012 ont rejeté les requêtes déposées.
Néanmoins, il n'est pas attendu un engagement effectif de la profession dans le dispositif opérationnel de lutte contre le blanchiment. Le Conseil national des barreaux s'est d'ailleurs gardé de réagir officiellement aux décisions de la CEDH.
II- L'assujettissement des CARPA comme solution efficace et respectueuse des principes fondateurs de la profession d'avocat.
Les caisses de règlements pécuniaires des avocats légalisées par la loi du 31 décembre 1971 sont des associations déclarées de type loi 1901. La création d'une CARPA résulte d'une délibération du conseil de l'ordre ou, lorsqu'elle est commune à plusieurs barreaux d'une délibération, conjointes des conseils de l'ordre des barreaux intéressés.
La profession compte 150 CARPA regroupant la totalité des 182 barreaux.
Elles ne sont pas des établissements financiers. Mais, les avocats exerçant en France doivent obligatoirement, et sans délai, y déposer l'argent qu'ils reçoivent pour le compte de leurs clients, dès lors que ces fonds sont accessoires à un acte professionnel, judiciaire ou juridique, et ce quel que soit l'instrument du paiement. Les fonds, effets ou valeurs ainsi déposés sur le compte ouvert par la CARPA auprès de la caisse des dépôts et consignations ou de tout autre établissement bancaire ne peuvent être sortis par l'avocat qu'après un contrôle de la caisse qui établit le moyen de paiement à l'ordre du bénéficiaire.
Les modalités de contrôle des CARPA sont définies par arrêté du Garde des Sceaux pris après avis du CNB.
Les CARPA affirment assurer ainsi la traçabilité des fonds maniés par les avocats (hors honoraires) dans le respect du secret professionnel partagé entre l'avocat et son bâtonnier.
Elles prétendent ainsi être instrument de lutte contre le blanchiment
Les CARPA gèrent aussi les fonds alloués par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Eu égard à l'origine et au montant des sommes en jeu ainsi qu'au contrôle de leur utilisation, il ne, paraît pas utile d'assujettir les CARPA sur ce champ de compétence.
Avec l'assujettissement des CARPA, le SCN est susceptible de recevoir des informations sur de mouvements suspects repérées par les services de contrôle souvent étoffés des CARPA. Surtout, le service pourra exercer son droit de communication pour faire le lien entre des flux atypiques entrants et sortants des comptes CARPA, y compris dans le cadre de l'activité juridictionnelle, mais dans le strict respect du secret professionnel de l'avocat. Le compte de tiers ne sera plus une étape d'opacité empêchant la traçabilité des flux financiers.
Les CARPA étant contrôlée par la commission de contrôle des CARPA, celle-ci pourrait être désignée comme autorité des contrôles chargés du respect des obligations de vigilance et de déclaration.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.