La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
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Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 3.
Madame la présidente, chers collègues, je pense qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance de cet amendement. Il propose de compléter la déclaration fiscale de la manière suivante : en complément à la déclaration de détention de compte à l'étranger, il y aurait une déclaration de non-détention de compte à l'étranger. L'objectif est d'engager plus fortement le contribuable, qui aura déclaré positivement, dans ce cas, qu'il ne possède pas de compte à l'étranger.
Créer cette rubrique symétrique permettra de revaloriser la déclaration de détention de compte à l'étranger et de resserrer l'étau autour de ceux qui en détiennent. Cet amendement a donc une forte valeur symbolique. Nous devons, avec le Gouvernement, faire feu de tout bois pour éradiquer la fraude fiscale. C'est une obligation très solennelle qui pèse sur nous. Il faut vraiment cerner les fraudeurs de toutes parts pour les dissuader de recourir aux paradis fiscaux.
Lors des travaux en commission, certains ont estimé que « si on agit ainsi sur tous les sujets, on n'a pas fini ». Je crois pour ma part qu'on ne peut pas considérer la fraude fiscale comme un sujet parmi d'autres : c'est un sujet à 50 milliards d'euros !
Ce que je propose ressemble un peu à la procédure en vigueur pour la déclaration de détention de téléviseurs. Cela relève du même principe. Ce n'est pas du tout la même chose d'oublier de signaler que l'on détient des comptes que d'affirmer que l'on n'en détient pas : cela n'a pas la même valeur symbolique.
J'insiste sur le fait que cela ne sera pas redondant avec la déclaration de détention, mais au contraire que cela la revalorisera. L'impact de cette déclaration sera ainsi beaucoup plus fort.
Je donnerai par la suite d'autres explications sur cet amendement.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à M. Alauzet en commission des finances, lorsqu'il remplit sa déclaration, le contribuable est tenu d'ores et déjà de déclarer s'il détient un compte à l'étranger. Prévoir une case supplémentaire pour que les contribuables attestent qu'ils ne détiennent pas de compte à l'étranger allongerait encore les formulaires fiscaux et causerait des risques d'erreur.
Cela peut même donner de mauvaises idées à beaucoup de gens. Je vous l'ai déjà dit, mais ce n'était pas de l'humour, contrairement à ce que vous avez pensé. Dans cette logique en effet, il y a beaucoup d'autres choses que l'on serait censé déclarer ne pas détenir. On entrerait donc dans une logique de présomption de culpabilité, ou en tout cas de suspicion dont je ne suis pas sûre qu'elle apporterait grand-chose. Par ailleurs, je ne suis pas certaine que les 50 milliards d'euros auxquels vous avez fait allusion seront retrouvés grâce à l'ajout de cette case dans les formulaires de déclaration d'impôt !
La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget pour donner l'avis du Gouvernement.
Je partage le sentiment de Mme la rapporteure. Les contribuables sont déjà contraints de déclarer leurs comptes et leurs assurances-vie, y compris détenus à l'étranger. C'est une obligation à laquelle ils doivent déjà se conformer. Nous voulons, vous le savez, simplifier et améliorer la lisibilité des formalités que doivent accomplir les contribuables. Obliger tous les contribuables français à déclarer le cas échéant qu'ils n'ont pas de compte à l'étranger en plus de l'obligation qui leur est déjà faite de les déclarer s'ils en ont reviendrait à créer de la confusion. Ce n'est pas cela qui nous permettra de lutter efficacement contre la fraude fiscale.
Je crois qu'il faut se donner tous les moyens pour lutter contre la fraude fiscale. Si nous proposons cette mesure, c'est justement parce qu'il y a des gens qui ne déclarent pas leurs comptes à l'étranger ! Sinon, il n'y aurait pas de problème…
Actuellement, il est obligatoire de déclarer ses comptes, mais il y a des gens qui ne le font pas. S'ils le faisaient, il n'y aurait plus de fraude. Donc, il y a bien un problème. Je pense qu'il est beaucoup plus contraignant de déclarer qu'on ne détient pas de compte.
Vous me dites que cela multiplierait les risques d'erreur, que les personnes âgées pourraient se tromper par exemple. Mais à la limite, on s'en moque ! Ce n'est pas ça, le problème !
Si une personne détient un compte à l'étranger et le déclare, il n'y a pas de problème. Si elle veut tricher, elle ne le déclarera pas, espérant passer entre les mailles du filet et qu'aucun contrôle ne soit réalisé. Après cela, il lui faudra attendre trois ans – six ans, à présent – pour être tranquille. En cas de contrôle, bien évidemment, cette personne invoquera l'argument de l'omission. Cela ne trompera personne, mais les arguments ne manqueront pas : « j'ai oublié », « ma belle-mère est morte la veille » ou je ne sais quoi d'autre… Et ces excuses pourront néanmoins influencer la négociation avec les services des impôts, voire être présentées au juge en cas de poursuites.
Même si le résultat de la transaction devait être identique, ce qui reste à vérifier, les contribuables seront avec cette mesure moins tentés d'éviter la déclaration. En effet, l'on s'engage plus en affirmant que l'on ne détient pas de compte qu'en oubliant de déclarer que l'on en détient un. Certes, cela aboutit à une double validation, une double déclaration, mais le problème est suffisamment important pour se donner les moyens d'agir.
Prenons, à l'inverse, le cas d'une personne qui ne détient pas de compte à l'étranger. Cette personne cochera, naturellement, la case : « non-détention ». Même si elle se trompe, la rapporteure a évoqué ce risque et cela peut arriver dans un certain nombre de cas, c'est sans importance : il n'est pas question d'enquêter auprès de toutes ces personnes ! Celles qui nous intéressent sont celles qui détiennent vraiment un compte à l'étranger. L'objectif de ce dispositif est de confronter les fraudeurs à leur fausse déclaration lors d'une procédure d'enquête.
Leur déclaration serait d'ailleurs doublement fausse…
J'ai quasiment terminé, madame la présidente.
Cette déclaration serait donc doublement fausse. La responsabilité du déclarant sera vraiment engagée, et cela l'incitera à faire vraiment attention. Les contribuables y réfléchiront à deux fois avant de mentir deux fois dans la même déclaration.
L'amendement n° 67 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 88 .
Cet amendement vise à créer, dans le cadre de la répression pénale de la fraude, un statut de « repenti fiscal ». Cette proposition est complémentaire avec celles de Yann Galut, d'Yves Goasdoué, du groupe SRC, du groupe écologiste, mais aussi de nos camarades du groupe GDR.
Je propose donc que la peine privative de liberté de l'auteur d'une fraude fiscale soit réduite de moitié s'il a permis d'identifier les coauteurs ou les complices de l'infraction. Il s'agit bien de réduire sa peine privative de liberté, pas sa peine fiscale. Cet amendement ne propose donc pas de faire bénéficier d'une réduction de peine les personnes ayant simplement permis de faire cesser l'infraction de fraude, mais bien celles qui permettent d'identifier une bande organisée. Cela ne relève donc pas du tout d'une logique d'amnistie pénale, au contraire.
Cet amendement est important. Il vise à instituer un statut de repenti fiscal. Il prévoit une diminution de moitié de la peine d'emprisonnement encourue par une personne poursuivie pour fraude fiscale, qui permet d'identifier d'autres auteurs ou éventuellement complices.
Cet amendement peut permettre d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude, dans les cas où plusieurs personnes apportent leur concours à la réalisation de l'infraction : professionnels, établissements bancaires, hommes de paille… En effet, si ces personnes consentent à coopérer avec les autorités répressives, l'administration fiscale ou l'autorité judiciaire, afin d'identifier les autres auteurs ou les complices, elles pourront bénéficier d'une réduction de moitié de la peine de prison encourue. Cela va dans le bon sens. Avis donc favorable.
L'amendement n° 88 est adopté.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour défendre l'amendement n° 6 .
Nous revenons à un sujet que nous avons déjà abordé tout à l'heure. M. le ministre a répondu aux opinions que j'avais exprimées, mais je voudrais revenir sur un point : la suppression d'une part du monopole du ministre du budget dans le déclenchement des poursuites en matière fiscale et d'autre part du filtre constitué par la commission des infractions fiscales, la CIF.
Il n'y a aucun argument qui justifie que l'on traite la fraude fiscale comme un délit à part. Dès lors que l'administration constate la fraude, elle devrait porter plainte : il appartient ensuite, en l'état, au procureur de la République d'engager les poursuites dans les conditions du droit commun.
Votre projet de loi améliorera certes la situation actuelle : le fonctionnement de la fameuse CIF sera plus transparent, et un débat annuel aura lieu devant les commissions des finances des deux assemblées. Mais cela ne suffit clairement pas à justifier le maintien d'une règle aussi dérogatoire du droit commun des poursuites en matière pénale.
En vérité, ce n'est pas parce que votre gouvernement manifeste l'intention d'agir de manière plus déterminée contre la fraude fiscale qu'il faut conserver cette procédure, dont je dirais qu'elle relève d'une logique d'ancien régime, d'une logique de privilège. Elle ne peut qu'entraîner la suspicion, que jeter le doute sur la volonté de lutter contre la fraude fiscale. Que diriez-vous si chacun des ministres du Gouvernement gardait, dans un domaine précis, le monopole de la transmission des infractions à la justice ?
Il s'agit d'une survivance d'un système dépassé, d'un élément de blocage et d'engorgement, d'un facteur de suspicion. Si l'on veut réconcilier les Français avec l'administration fiscale, il faut évidemment faire sauter ce verrou.
En outre, vous vous apprêtez à créer un procureur financier : pourquoi alors laisser au ministre du budget le monopole de l'exercice de poursuites pénales pour fraude fiscale ? En vérité, tout le monde sait qu'énormément de transactions sont conclues : c'est un instrument du pouvoir exécutif, dont tous les gouvernements ont usé, voire abusé. Certains ont été plus prudents que d'autres. D'autres seront peut-être exemplaires, comme vous affirmez vouloir l'être, et j'ai toutes les raisons de vous croire. Mais dans ce cas, de grâce, faites sauter ce verrou, cette survivance de l'ancien régime !
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour défendre l'amendement identique n° 38 .
L'amendement n° 38 est retiré.
Monsieur Dupont-Aignan, j'ai déjà donné mon avis sur votre amendement en commission. Permettez-moi de reprendre mes arguments : cela vaudra également pour tous les amendements qui ont été défendus en commission des finances par le groupe UDI.
Les effets que produirait cet amendement s'il était adopté seraient exactement inverses à ceux que vous souhaitez. Que recherchez-vous en effet ? Ce que nous recherchons nous aussi : l'efficacité, la sanction, l'égalité, le respect de la République. Debout, la République !
Sourires.
De fait, si nous accédions à votre demande, nous transférerions les 51 000 contrôles fiscaux annuels aux magistrats. Étant donné l'état dans lequel la garde des sceaux a trouvé l'administration de la justice dans ce pays, cela serait absolument dramatique !
L'exposé sommaire de votre amendement relève que la trop méconnue commission des infractions traite, bizarrement, à peu près le même nombre de dossiers chaque année. C'est vrai. Mais la nature des dossiers qu'elle traite a totalement changé. Auparavant, ce que les membres de la CIF avaient coutume d'appeler des dossiers de « maçons turcs » constituait la majorité des infractions fiscales. À cette époque, la CIF défendait le contribuable. Aujourd'hui, elle défend les contribuables, mais contre les fraudeurs ! La logique a totalement changé. La commission des infractions fiscales doit se prononcer sur des dossiers d'une tout autre nature.
Que se passe-t-il en amont, avant même la transmission à la justice ? Ce point est très intéressant. Avant, il y a eu des amendes, des majorations. C'est exactement comme quand on doit payer une contravention. Il vous est peut-être arrivé de ne pas mettre de pièces dans le parcmètre ? On vous dresse une contravention, mais vous pouvez écrire au préfet de police pour la contester. C'est pareil en matière fiscale. L'administration fiscale procède à des contrôles. Il arrive que les contribuables se soient trompés, ou demandent à bénéficier d'une réduction à laquelle ils n'ont pas droit, c'est une matière compliquée… Bref, l'administration cherche, d'abord, à établir la bonne foi du contribuable, et peut le cas échéant le sanctionner par une amende fiscale qui est normalement la même pour tous et qui n'entraîne pas de poursuite pénale au sens correctionnel du terme.
Comprenez, monsieur Dupont-Aignan, que l'administration fiscale entend le contribuable, le sanctionne, puis transmet à la justice des cas extraordinairement lourds, pour lesquels très peu de peines de prison sont pourtant prononcées. Cela relève de la justice, c'est le principe de l'individualisation des peines. Et il n'y a pas énormément d'amendes non plus. La médiane des amendes prononcées par les magistrats est très en deçà de celle des amendes dont s'acquittent les contribuables contrôlés en amont par l'administration fiscale.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de retirer cet amendement qui va à l'inverse de l'objectif que vous poursuivez, le même que le nôtre.
Je vais tenter, monsieur le député, parce que je vous sais sincère dans l'intention, de vous convaincre que vous faites fausse route. En effet, votre idée a une certaine popularité, mais elle est fausse. Je vais vous en expliquer les raisons.
Nous poursuivons tous ensemble un même objectif : être plus efficients dans la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons, par conséquent, intérêt à ne laisser aucun espace au fraudeur qui lui permettrait de trouver un chemin pour échapper au contrôle, puis à la sanction.
Je me permettrai de corriger amicalement un certain nombre d'erreurs qui se sont glissées dans votre présentation concernant l'intervention de l'administration fiscale.
C'est parce que la matière fiscale est hautement technique, ce qui implique un très haut niveau de compétences juridiques et une parfaite connaissance des montages fiscaux, qui ne s'apprécient d'ailleurs pleinement que dès lors que l'on dispose d'un certain retour d'expérience, qu'a été établi le principe selon lequel ceux qui contrôlent sont ceux qui savent, et qu'ils peuvent être, pour partie, ceux qui sanctionnent. Quel est l'avantage de ce dispositif ? Il y a une même temporalité, un même mouvement entre la constatation de l'infraction, à travers le contrôle, et l'application de la sanction qui est une amende souvent très élevée et qui a la valeur de la peine pénale.
Ce temps court de la gestion du contrôle, de l'élucidation de l'infraction et de la sanction est, précisément parce qu'il est court, extraordinairement dissuasif pour le fraudeur. Si l'on n'est pas capable d'expertiser, d'élucider et de sanctionner rapidement, on laisse au fraudeur un temps pour la procédure, dans toutes ses dimensions contradictoires, qui est une forme d'échappatoire qu'il ne mérite pas compte tenu de son comportement.
Par ailleurs, lorsque la sanction a été prononcée, il peut rester des dossiers pour lesquels, parce que des infractions très lourdes ont été constatées, la justice doit intervenir. Ce qui compte, c'est qu'il n'y ait pas d'incompatibilité entre le temps court de l'administration fiscale, lorsqu'elle frappe, et la possibilité pour le juge d'intervenir lorsqu'il est légitime qu'il le fasse. C'est la raison pour laquelle nous transmettons à la justice, par le truchement de la CIF, les dossiers qui méritent des investigations et des jugements complémentaires.
Par conséquent, opposer l'administration fiscale à la justice est une erreur. Considérer que l'administration fiscale fait preuve d'une sorte de complaisance qui conduirait le fraudeur à échapper à la sanction est faux.
Enfin, monsieur le député, l'idée selon laquelle un monopole serait entre les mains du ministre est fausse, en droit et en organisation, parce que le ministre, pour des raisons qui tiennent aux textes en vigueur, n'a pas à intervenir dans la gestion du contrôle et de la peine après que le contrôle a été effectué. Les dispositions en vigueur, notamment les circulaires, en conformité avec le droit fiscal, lui interdisent de le faire. S'il le fait, donc si le schéma que vous avez décrit est réel, le ministre est en faute. Je puis vous assurer, et je le dis sans esprit partisan, qu'au cours des dernières années, dans le temps long de l'histoire du fonctionnement de notre administration, le fonctionnement du pouvoir politique a été globalement rigoureusement conforme à ce que je viens d'indiquer. S'il a pu y avoir des manquements, ils ont été identifiés. Ceux qui ne l'ont pas été, le seront, je le pense, prochainement, et ce d'une façon assez spectaculaire.
Vous faites, par conséquent, fausse route en posant le problème ainsi. Tout est organisé de telle sorte qu'aucun interstice ne soit laissé au fraudeur qui lui permette de se frayer un chemin entre l'administration fiscale et la justice. Telle est la force de notre dispositif. Il serait hautement coupable, au nom d'une idée fausse, même si elle peut être populaire, de remettre en cause un système qui marche.
Je comprends très bien votre point de vue, monsieur le ministre. Il convient, bien évidemment, de laisser à l'administration fiscale le temps nécessaire, qui est court, pour infliger des sanctions administratives et recouvrer des montants financiers. Ce n'est pas cela que je conteste, mais le verrou au niveau du ministre. Comme vous venez de le souligner, ceux qui savent sont ceux qui contrôlent. C'est une contradiction majeure avec le principe même de la séparation des pouvoirs. Je vois que Mme Taubira est plongée dans son code !
Pour vous, justement !
Je n'en doute pas un instant ! Vous êtes suffisamment attachée au principe de la séparation des pouvoirs pour savoir que ce verrou ministériel est une survivance d'un système que je ne qualifierai d'antirépublicain, mais de profondément dangereux.
Il est certain que de bonnes pratiques peuvent corriger de mauvaises institutions. De bonnes pratiques, une bonne coopération peuvent supprimer ce verrou. Il reste qu'il est particulièrement choquant qu'un ministre soit un filtre entre des administrations qui luttent contre des délits et l'institution judiciaire. Ce n'est pas digne de notre pays et cela peut en tout cas entraîner une suspicion dangereuse.
On pourrait très bien imaginer un système déconcentré, avec des CIF régionales. Cela permettrait de combattre les défauts que vous pensez voir dans ma proposition de suppression du verrou du ministre. Ce que je conteste, c'est cette remontée systématique de l'ensemble des affaires au niveau du ministre avec, bien évidemment, les conséquences que cela peut avoir.
Je tiens à vous redire, et ce sera mentionné dans le compte rendu, qu'aucun dossier ne remonte au niveau du ministre. Si tel était le cas, cela serait une infraction grave aux principes qui régissent le fonctionnement de l'administration et le rôle du ministre. Ce que vous décrivez est exactement le contraire des principes posés par le droit. Je ne peux pas vous laisser affirmer cela dans cette enceinte, parce que c'est faux.
Vous parlez du verrou de Bercy. Le ministre n'a, en ces matières, aucun pouvoir. Si tel était le cas, ce pouvoir serait totalement discrétionnaire et de nature à remettre gravement en cause l'égalité des Français devant l'impôt. Le ministre n'a pas un verrou entre les mains. Il incite son administration à être une catapulte des fraudeurs vers l'administration judiciaire. Ce n'est donc pas un verrou. Ce n'est pas une targette ou une chevillette, c'est une énorme catapulte qui envoie ceux qui fraudent le plus vers la justice pour qu'elle passe. Quand Bercy tire la chevillette, la bobinette qui se trouve place Vendôme ne vous veut pas du bien !
Nous ne voterons pas cet amendement. Comme cela a été parfaitement expliqué, il y a le droit pénal d'un côté et de l'autre le droit fiscal. Notre collègue propose une surpénalisation du droit fiscal. Cela ne peut se faire, pour des raisons pratiques : d'abord du fait de l'encombrement des tribunaux et du nombre de dossiers, et ensuite parce que le droit fiscal est d'une telle complexité que cela entraînerait, pour les services de la justice, un travail gigantesque de formation et de spécialisation. Nous sommes de ceux qui pensent que le droit fiscal, qui demeure autonome, indépendant du droit pénal, doit relever de dispositifs distincts. Cette surpénalisation n'est donc pas bienvenue.
C'est bien le ministre qui transmet à la commission des infractions fiscales. Il s'agit d'une décision ministérielle. Vous m'affirmez, monsieur le ministre, que le ministre n'intervient pas. Mais alors, qu'en est-il de cette transmission ? Vous employez le mot de catapulte. C'est le ministre qui décide s'il y aura une catapulte ou un verrou. Cette possibilité de verrou est particulièrement choquante. Il faut imaginer d'autres solutions, qui ne surchargent pas la justice pénale. Mais quand on connaît le nombre et la similitude des affaires au fil des années et quand on sait ce qui s'est passé avec votre prédécesseur, on ne peut qu'être inquiet pour les bonnes pratiques futures.
J'ajouterai un élément à ce débat de fond extrêmement important : le Parlement peut contrôler le fonctionnement de l'administration. Il peut s'intéresser, par l'intermédiaire du président de la commission des finances et du rapporteur général, au nombre de dossiers et au fonctionnement de la procédure. En outre, le ministre s'est engagé à fournir un certain nombre de rapports portant, entre autres, sur le bilan du fonctionnement de la commission des infractions fiscales. Peut-être en discutera-t-on à l'occasion d'autres amendements.
En revanche, le Parlement ne peut contrôler, et c'est fort heureux, l'administration judiciaire, et ce au nom d'une autre séparation des pouvoirs que chacun connaît et à laquelle, je le crois, nous sommes tous attachés.
Je tenais à apporter cet élément supplémentaire à notre réflexion collective.
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
Cet amendement traite du même sujet et je vais le retirer, compte tenu des explications qu'a données le ministre. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement et de la nôtre, commune, d'être efficaces s'agissant des fraudeurs. Nous devons nous donner les meilleurs moyens pour atteindre l'objectif de rendement. Il est cependant vrai que les demandes répétées des uns et des autres sur ce sujet, y compris des rapporteurs, sont la traduction d'une relative incompréhension, d'un doute. Il ne faut pas prendre ce doute comme une défiance à l'encontre du travail de l'administration ou du Gouvernement, mais comme une recherche d'efficacité pour atteindre notre objectif commun. Peut-être le système actuel est-il le plus efficace. C'est tout ce que nous souhaitons. On peut penser qu'il l'est. Je n'en ai, pour ma part, pas la certitude. Peut-être la justice est-elle trop longue à trancher, submergée et moins productive financièrement, je ne sais pas. En tout cas, nous avons besoin d'un peu plus de transparence pour essayer au moins de lever ces incompréhensions sur un système que nous avons du mal à apprécier de l'extérieur.
L'amendement n° 64 est retiré.
L'amendement n° 65 est retiré.
L'article 3, amendé, est adopté.
Cet amendement revêt pour nous une importance particulière puisqu'il concerne la prévention des carrousels TVA.
Le dispositif que nous vous proposons vise à mieux surveiller la délivrance des numéros de TVA intracommunautaires afin de prévenir leur attribution à des sociétés inactives, des sociétés boîtes aux lettres à la durée de vie éphémère qui ne servent qu'à obtenir un numéro de TVA intracommunautaire.
La Cour des comptes, dans un rapport remis l'an dernier sur la gestion et le contrôle de la TVA, avait souligné l'enjeu d'un contrôle a priori dans l'attribution des numéros de TVA intracommunautaires. Nombre de nos voisins européens, à l'instar de la Belgique, des Pays-Bas ou de l'Allemagne, se sont dotés de mécanismes de précontrôle préventifs, alors que, dans notre pays, la délivrance reste automatique et ne s'accompagne d'aucune vérification des opérations qui motivent la demande.
Nous proposons de combler cette lacune en nous inspirant de la législation en vigueur en Belgique, et je crois que ce sera évoqué dans le rapport de M. Dupont-Aignan et de M. Bocquet. Nous proposons ainsi une procédure d'enquête préalable pour les cas suspects de demande de numéros de TVA, soit à raison du type d'activité, soit à raison de suspicions d'inactivité.
Nous n'avons pas la prétention de tout régler par ce modeste amendement. Il faudrait encore, par exemple, comme le suggérait là encore la Cour des comptes, accélérer la procédure de radiation des entreprises défaillantes ou sans activité.
Selon le Conseil de l'Union européenne, les pertes de recettes pour l'ensemble des États membres seraient de l'ordre de 100 milliards d'euros par an, 12 à 15 milliards pour la France – une somme qui, c'est une parenthèse, nous éviterait d'avoir à augmenter la TVA au 1er janvier 2014 pour le CICE !
Face à l'ampleur du phénomène, notre pays s'est doté au fil des ans d'un ensemble de mesures ayant pour but de faire échec à la fraude, notamment la mise en oeuvre de dispositifs d'autoliquidation de la TVA ou le renforcement des sanctions pénales. Des pas restent toutefois à faire concernant les opérateurs défaillants ou sans activité réelle. C'est le sens de notre amendement.
Favorable, parce que les carrousels TVA constituent effectivement une source majeure de fraude fiscale, pas seulement pour la France mais un peu partout en Europe.
La Cour des comptes a estimé à 1,6 milliard d'euros la perte fiscale pour le budget de l'État résultant de la fraude à la TVA sur les quotas de CO2 entre l'automne 2008 et juin 2009 – je crois que la période est encore plus courte en réalité. Europol a évalué les pertes fiscales pour l'ensemble des États membres de l'Union à environ 5 milliards d'euros.
On a donné le sentiment récemment, de façon probablement maladroite, de sous-estimer ces problèmes de fraude carrousel. Je suis donc tout à fait favorable à votre amendement, monsieur Sansu, et à l'objectif de développer les contrôles que peut exercer l'administration fiscale dans l'attribution des numéros individuels d'identification en matière de TVA.
La parole est à M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Comme vous l'avez compris, nous travaillons vraiment main dans la main avec la rapporteure de la commission des finances et si je prends la parole après elle, c'est de façon exceptionnelle, pour abonder dans son sens.
Je me permets d'insister, monsieur le ministre du budget, sur un élément très important qui figure dans les rapports des deux commissions. Nous avons été invités à aller sur le terrain et nous sommes rendus, avec Yves Goasdoué, auprès du service national de douane judiciaire. Nous avons pu y constater la compétence de nos douaniers, mais aussi découvrir les mécanismes de la fraude à la TVA. Pour moi, c'est d'ailleurs plus qu'une fraude, c'est une escroquerie à la TVA. Certes, la fraude est scandaleuse en soi : on cache des choses, on ne déclare pas des fonds, on les transfère dans des comptes off shore, dans des paradis fiscaux. Mais ce qu'on appelle la fraude à la TVA, c'est un autre processus : tout se joue entre deux sociétés qui ont été créées pour cela, l'une ne remboursant pas la TVA à l'État, l'autre percevant des chèques du Trésor public.
C'est ce phénomène qu'il faut toucher du doigt. Les escrocs à la TVA non seulement ne déclarent pas des opérations, qui d'ailleurs peuvent être fictives, mais en plus se font adresser des chèques par le Trésor public ! C'est doublement scandaleux. Nous devons donc nous mobiliser, et je suis persuadé que vous en avez conscience, monsieur le ministre, non seulement contre la fraude générale, pour lutter contre l'évasion fiscale, mais aussi contre l'escroquerie à la TVA. Nos amis belges ont résolu le problème en quatre ans, et nous en avions discuté avec votre administration, qui en a totalement conscience. Nos amis allemands sont en train de le résoudre et viennent d'adopter un dispositif législatif.
Je me rallie bien entendu à la position de Mme Mazetier et, même si je sais que vous en avez pleinement conscience, je voulais insister sur ce problème d'escroquerie à la TVA tout en saluant une fois de plus, nous sommes plusieurs dans cette assemblée à l'avoir constaté, le travail de terrain réalisé par le service national de douane judiciaire.
Je vous remercie sincèrement pour ces interventions.
Sur le fond, je suis bien entendu d'accord et totalement déterminé à lutter contre la fraude à la TVA qui, vous l'avez souligné, a pris, en France parfois, au plan communautaire assurément, des proportions préoccupantes justifiant qu'on s'attaque au problème.
Nous devons le faire en tenant compte de ce qui se passe au sein des autres pays de l'Union européenne, en coopération avec eux, parce que si nous voulons être certains d'atteindre le but, nous devons être capables de coordonner l'action de nos administrations pour être sûrs de pouvoir à la fois identifier les fraudeurs et récupérer les sommes en cause.
Je n'ai donc aucun problème avec le but, l'esprit de cet amendement. Je souhaiterais simplement que nous puissions approfondir le travail technique sur la rédaction de manière à avoir un texte parfaitement concerté, dont toutes les dimensions juridiques aient été parfaitement expertisées.
Je vous suggère donc, monsieur Sansu, de retirer votre amendement contre l'engagement de ma part d'aller au bout de l'expertise technique dont nous avons besoin sur ces sujets complexes si nous voulons être pertinents, performants, efficaces. Si vous ne le retirez pas, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.
Je soutiens totalement cet amendement proposé et je rejoins le rapporteur : c'est un véritable braquage des finances publiques, et qui continue en ce moment même.
Ce que je trouve ahurissant, c'est qu'un pays comme la Belgique ait réussi à éradiquer ce système – j'ai passé une journée avec M. Bocquet dans le service qui croise les fichiers, nous avons rencontré les magistrats, les procureurs, les directeurs des services fiscaux, c'est même le fisc belge qui forme les magistrats français à Aix-en-Provence tous les ans ! – et que nous, nous en soyons toujours à nous demander comment faire. Que l'on m'explique comment un petit État efficace comme la Belgique a pu le faire alors que notre grande administration, avec ses fonctionnaires de talent, ne réussit toujours pas à croiser les fichiers et à savoir ce qui se passe.
Voilà pourquoi cet amendement est fondamental. Je ne vois pas pourquoi son adoption priverait le Gouvernement du temps nécessaire pour travailler. Il y a suffisamment de fonctionnaires de talent à Bercy pour proposer des mesures techniques faciles à mettre en oeuvre, celle-ci notamment mais il y en a d'autres, peut-être de nature réglementaire, qui seront proposées dans notre rapport, notamment la déclaration au bout du premier mois d'exercice d'une nouvelle société. Nous savons en effet que c'est dans le premier mois que des millions d'euros sont obtenus du budget de l'État et nous attendons six mois, parfois dix-huit mois pour agir ! Eurofisc transmet au fisc français des numéros de sociétés, des numéros de brigands, de criminels, et il faut attendre douze mois en France pour que l'on traite le sujet !
Je suis désolé de mettre les pieds dans le plat mais je demande aux parlementaires de voter cet amendement, non pas pour embêter le ministre mais pour montrer qu'il y a urgence face à une fraude fiscale qui est un vol organisé par des criminels.
Je salue le fait que vous vous en remettiez à la sagesse de l'Assemblée, monsieur le ministre. Peut-être que, techniquement, cet amendement n'est pas parfait mais les deux rapporteurs lui ont apporté leur soutien et il me semble que ce serait un joli pas en avant en attendant la discussion au Sénat. Des améliorations techniques pourront être apportées là-bas et vous aurez le soutien du groupe CRC, je m'y engage – je n'en ai sans doute pas le droit… – parce que c'est un sujet qui mérite vraiment que l'on s'y arrête.
Je maintiens donc l'amendement, le Sénat aura tout loisir de l'améliorer sur quelques points techniques si nécessaire.
Je vous remercie moi aussi, monsieur le ministre, de vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
J'ai bien conscience de l'enjeu, mais j'ai conscience aussi des difficultés techniques qu'entraîne cet amendement. Il faudra en effet reconfigurer l'ensemble des services qui délivrent ces fameux numéros de TVA et voir dans quelles conditions ces derniers peuvent être délivrés, avec les précautions nécessaires. Comme l'a en effet dit M. Dupont-Aignan, c'est dans les premières semaines que la fraude est manifeste et ne peut pas être détectée. Je souhaite donc que les services de Bercy travaillent pour que le texte soit amélioré au Sénat.
Je suis absolument convaincu de la nécessité de nous engager dans cette voie. Nous n'avons donc pas de divergence sur le fond. Ma seule préoccupation, c'est que la rédaction soit suffisamment précise pour être parfaitement efficace. Toutefois, nous sommes au début du processus. Nous pourrons apporter des modifications, des améliorations tout au long du parcours de ce texte. Je m'en remets donc, je le répète, à la sagesse de l'Assemblée.
Nous sommes un certain nombre, sur tous les bancs de l'Assemblée, à avoir saisi Bercy de ce problème, et depuis longtemps. Nous connaissons bien le système du carrousel TVA, pratiqué notamment sur des automobiles qui se promènent dans toute l'Europe, ne descendent pas des camions, ne respectent aucune condition, tout cela sans contrôle…
Il faut donc vraiment aller chercher la société qui encaisse la TVA. Ce n'est pas un problème fiscal, c'est vraiment un problème pénal, un problème d'escroquerie, toujours en bande organisée puisque les marchandises circulent d'une société à l'autre.
J'entends bien vos arguments, monsieur le ministre, j'y suis sensible, je connais la complexité de ce dossier, au regard notamment du droit européen, mais adopter un tel amendement serait vraiment un appel à accélérer les choses. C'est la raison pour laquelle mon groupe a souhaité le voter.
L'amendement n° 44 est adopté.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l'amendement n° 68 rectifié .
C'est un amendement de transparence, qui concerne cette fois les trusts, sujet sur lequel nous nous sommes déjà exprimés. Il vise à répondre à des demandes anciennes, répétées, de la part notamment, n'ayons pas peur de le dire, de la société civile, de grandes associations telles que CCFD ou Oxfam, qui souhaitent la création d'un registre public des trusts. D'ailleurs, à la sortie du G8, le Président de la République a souligné les avancées importantes qui ont eu lieu sur ce sujet et reconnu qu'il était possible d'aller plus loin en publiant les registres.
Cette transparence est nécessaire. Comme le souligne le rapport du sénateur Éric Bocquet sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, la constitution de trusts donne lieu à des phénomènes massifs d'évasion fiscale. Selon Transparency International France, 80 % des flux illicites mondiaux liés à l'évasion fiscale transiteraient par les trusts.
Ces montages permettent également de diluer la responsabilité des entreprises. Ainsi, l'Erika avait été affrété par une société bahaméenne appartenant à un trust géré par un cabinet juridique panaméen.
Afin que les entreprises ne se dédouanent pas de leurs responsabilités sociales et environnementales, il nous semble donc essentiel que soit institué un registre public.
Si vous le voulez, madame la présidente.
L'amendement n° 69 concerne la déclaration : pour être efficace, elle doit faire référence à des éléments tangibles permettant l'identification des personnes ayant constitué le trust et en bénéficiant. En cas de fraude fiscale, l'identification sera alors plus efficace et l'application des mesures de sanction plus aisée.
Cet amendement se situe dans l'esprit de la recommandation 25 du GAFI, selon laquelle « les pays devraient prendre des mesures pour empêcher l'utilisation des constructions juridiques à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. En particulier, les pays devraient s'assurer que des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les trusts exprès, parmi lesquelles des informations sur le constituant, le trustee et les bénéficiaires, peuvent être obtenues ou sont accessibles en temps opportun par les autorités compétentes. » La France a d'ailleurs plaidé ce week-end pour une plus grande transparence des trusts, tout comme David Cameron.
J'en viens à présent à l'amendement n° 70 . Afin d'établir un réel fichier des trusts, il est nécessaire d'élargir l'obligation de déclaration à l'ensemble des trusts détenus par les Français, même s'ils relèvent du droit étranger. Cet amendement vise donc, toujours conformément à la recommandation 25 du GAFI, à ce que la déclaration fiscale du gestionnaire précise l'ensemble des trusts qu'il gère, pour permettre un meilleur contrôle et anticiper une fraude.
Je suis favorable à l'amendement n° 68 rectifié , qui permet de détailler les modalités de déclaration des trusts par leurs administrateurs. Il apporte des clarifications utiles et crée un registre public des trusts qui serait une forme de pendant au registre national des fiducies créé par la loi de février 2007.
Je suis également favorable à l'amendement n° 69 , un amendement de repli qui ne porte que sur les modalités de déclaration des trusts.
En revanche, sans être tout à fait hostile à l'amendement n° 70 , je ne suis pas sûre qu'il ait une réelle efficacité. En termes d'imposition due en France en tout cas il n'apporte rien.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 68 , il aborde une question qui n'est pas à proprement parler de nature fiscale. Il entend créer une forme de registre du commerce et des sociétés pour les trusts. C'est une idée intéressante, sur laquelle nous devons travailler ensemble d'ici l'examen du texte par le Sénat, afin de trouver un mode d'organisation de ce listing et surtout le service compétent pour le gérer. En effet l'administration fiscale ne gère aucun registre, ce n'est pas de sa compétence. Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Alauzet, de retirer votre amendement, auquel je ne suis pas favorable.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 69 , vous proposez d'inscrire dans la loi que les administrateurs de trusts doivent déclarer le nom, la date de naissance et l'adresse des constituants et bénéficiaires de ces trusts. Je partage votre volonté de donner à l'administration fiscale les moyens de mieux contrôler ces structures. La loi prévoit déjà que les administrateurs de trust sont tenus de déclarer les constitutions, modifications, extensions de trust ainsi que la valeur, au 1er janvier de chaque année, des biens placés en trust. En outre, les modalités d'application de ces obligations déclaratives sont prévues par décret. Les éléments que vous citez dans votre demande doivent donc d'ores et déjà être déclarés par les administrateurs de ces trusts et tout cela est déjà inscrit dans la loi. Toutefois, votre amendement peut permettre de la préciser. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Enfin, l'amendement n° 70 vise à étendre l'obligation déclarative existante aux trusts gérés par les administrateurs domiciliés en France, même si aucun constituant bénéficiaire, bien ou droit, ne se situe en France. Or les impositions relatives aux trusts ne sont dues dans notre pays que si le constituant ou l'un des bénéficiaires a son domicile fiscal en France, ou encore lorsque le trust comprend un bien ou un droit situé en France. A contrario, aucune imposition n'est due pour des trusts dont tous les constituants ou bénéficiaires sont domiciliés à l'étranger et qui comprennent uniquement des biens ou droits situés à l'étranger, et ce même si l'administrateur est fiscalement domicilié en France. Votre amendement vise donc des situations non imposables en France, et je m'en remets également le concernant à la sagesse de votre assemblée.
Je propose d'écouter le ministre, qui s'en remet à notre sagesse sur ces deux derniers amendements.
L'amendement n° 68 rectifié est adopté et l'amendement n° 69 tombe.
L'amendement n° 70 est adopté.
Cet amendement concerne les pénalités applicables en cas de non-respect des obligations de déclaration des trusts par leurs administrateurs, prévues à l'article 1649 AB du code général des impôts. Pour autant, les peines encourues ne semblent pas dissuasives au regard des gains engendrés par ce type de montage juridique.
Cet amendement propose donc de multiplier par deux la peine minimale, la passant de 10 000 à 20 000 euros si les droits placés sont inférieurs à 50 000 euros. Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende par compte non déclaré sera de 12,5 % et non plus de 5 % comme actuellement.
Avis très favorable. Il s'agit d'une coproduction de la commission et du groupe écologiste. La proposition que ce dernier avait faite à l'origine était quelque peu excessive mais revenue à ses proportions actuelles, elle est tout à fait acceptable.
L'amendement n° 91 est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 83 , deuxième rectification, qui fait l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement n° 99.
Cet amendement propose de diversifier la composition de la commission des infractions fiscales, aujourd'hui constituée de membres de la Cour des comptes et de conseillers d'État, en y incluant des magistrats honoraires à la Cour de cassation ainsi que des personnalités qualifiées qui seraient désignées par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, tout cela dans le respect de l'impératif catégorique de la majorité : la parité.
Pour des raisons de recevabilité, je suggérais dans cet amendement de ne pas rémunérer les nouveaux membres et je remercie infiniment le Gouvernement de l'avoir sous-amendé pour assurer la rémunération et l'indemnisation des nouveaux membres de la commission.
Si je vous comprends bien, madame la rapporteure, vous annoncez déjà que vous êtes favorable au sous-amendement du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre délégué, pour défendre le sous-amendement n° 99 .
Je suis très favorable à cet amendement, conforme à la volonté du Gouvernement de rendre le fonctionnement de la commission des infractions fiscales plus transparent. Il ouvre la composition de cette commission à un certain nombre de personnalités, ce qui devrait mettre un terme à la suspicion exprimée par un certain nombre de parlementaires, je pense notamment à M. Nicolas Dupont-Aignan. Et comme il n'y a pas de raison que les nouveaux membres ne soient pas traités comme les membres actuels, je propose par ce sous-amendement qu'ils perçoivent la même rémunération.
Le sous-amendement n° 99 est adopté.
L'amendement n° 83 , deuxième rectification, sous-amendé, est adopté.
Il vise à colmater une faille procédurale, en inscrivant dans la loi la possibilité pour les agents de réaliser des copies des fichiers informatiques lors de contrôles inopinés.
En l'état actuel du droit, le contrôle inopiné consiste à procéder à des constatations matérielles, notamment la constatation de l'existence de moyens de production, de matières et éléments de stock, l'existence et l'état des documents comptables, l'inventaire des valeurs en caisse ou encore le relevé des prix pratiqués. À l'issue de l'intervention, un état est dressé contradictoirement par le vérificateur et le contribuable, et l'examen au fond des documents ne peut commencer qu'après un délai raisonnable permettant à la personne vérifiée de se faire assister par un conseil.
La difficulté est que si les services fiscaux n'emportent pas une copie des fichiers, les contribuables peuvent être tentés d'utiliser le délai raisonnable qui leur est laissé pour détruire « accidentellement » les données ou faire disparaître les éléments prouvant la fraude. L'absence de possibilité d'emport de copie vide partiellement de son intérêt la visite inopinée par rapport à la vérification classique. Son caractère inopiné vise en effet précisément à pouvoir relever des éléments déterminants qui pourraient avoir tendance à disparaître si le contribuable était informé des intentions administratives.
Pour éviter toute contestation, nous proposons, avec cet amendement, d'ouvrir la possibilité au service d'effectuer deux copies des fichiers, l'une destinée à l'administration, l'autre au contribuable, et de mettre ces copies sous scellés informatiques avant l'examen des documents selon la procédure ordinaire de vérification.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l'amendement identique n° 93 .
Nicolas Sansu l'a brillamment défendu. Il s'agit d'une disposition très utile, dans la mesure où, entre le contrôle inopiné et la transmission des fichiers, la sinistralité est importante dans certaines entreprises…
Je suis donc sûre que le Gouvernement devrait également être favorable à cette mesure de soutien à l'administration fiscale.
Quel est l'avis du Gouvernement ? Êtes-vous sensible, monsieur le ministre, à cet appel de la rapporteure ?
Je suis sensible à tous les appels de Mme la rapporteure, depuis très longtemps. Elle a toujours été dans cet hémicycle extrêmement pertinente dans ses propositions, ses réflexions et ses amendements.
N'en jetez plus !
Sourires.
Je soutiens totalement cet amendement. Il est de nature à permettre à l'administration fiscale lorsqu'elle intervient en contrôle, notamment en contrôle inopiné, de saisir des pièces qui seront très utiles pour aller au bout de la procédure.
L'objectif de cette loi est de permettre, à la fin du contrôle, de réprimer les actes délictueux ou les infractions constatés, mais cela ne sera possible qu'à condition de donner les moyens au contrôleur de travailler efficacement. Votre proposition est pertinente et de nature à faciliter le travail des services. Je ne peux qu'y souscrire.
Cet amendement est très pertinent et il est curieux que nous n'ayons pas adopté plus tôt une telle mesure.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour soutenir l'amendement n° 86 rectifié .
Cet amendement tend à inscrire dans la loi une doctrine sur les transactions auxquelles procède l'administration fiscale.
Chaque année, l'administration fiscale traite 430 000 demandes de remise gracieuse. Certains proposent que les magistrats en prennent connaissance, mais vous voyez bien que ce serait compliqué…
En revanche, un peu moins de 3 000 transactions sont réalisées chaque année. Le terme de transaction dénote d'ailleurs une forme de mansuétude qui n'est pas avérée car l'administration fiscale est animée, tout comme notre majorité, et au-delà me semble-t-il, d'un même sentiment d'intransigeance à l'encontre de la fraude.
J'expliquais tout à l'heure ce qui se passe en amont de la poursuite pénale. Sous d'anciennes majorités, des amendes, des pénalités, des majorations étaient éminemment négociables. Désormais, le ministre l'a confirmé en réponse à la discussion générale, il n'y aura pas de traitement au cas par cas, VIP par VIP, différente selon le montant des honoraires versés par un client à son avocat fiscaliste chevronné. Il y aura égalité de traitement dans les transactions. Je souhaite même que nos assemblées soient informées de la politique transactionnelle et que la loi prévoie ce qui peut faire l'objet d'une transaction et ce qui ne le peut pas.
Une fois de plus, je cherche en vain ce qui pourrait m'opposer à cet amendement très pertinent, qui vise à renforcer la transparence du fonctionnement de l'administration fiscale.
Pour répondre aux préoccupations que le rapporteur général a formulées dans son excellent discours, il est nécessaire de permettre aux parlementaires de garantir à tout moment l'égalité des citoyens face à l'impôt, parce qu'ils ont un pouvoir de contrôle sur l'action de l'administration, ce qui implique la plus grande transparence sur son fonctionnement. Les sujets sensibles appellent de telles garanties, et l'égalité des citoyens face à l'impôt en est un. Par ailleurs, dès lors que nous créons les conditions pour que cette égalité soit bien la règle et que le fonctionnement de l'administration soit totalement transparent, il faut pouvoir rendre compte devant le Parlement. Je me réjouis de cet amendement qui assure la transparence et garantit au Parlement qu'il pourra contrôler les conditions dans lesquelles cette transparence est mise en oeuvre. L'égalité face à l'impôt est bien la règle dans l'administration fiscale. Je soutiens totalement cet amendement.
L'amendement n° 86 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour soutenir l'amendement n° 95 rectifié .
Il propose de soumettre aux obligations déclaratives de soupçon les consultations juridiques données ou demandées à des fins de fraude fiscale. Cette mesure paraît évidente mais elle n'était pas prévue dans le code monétaire et financier. Aujourd'hui, les professionnels du droit et du chiffre sont soumis à l'obligation de déclaration de soupçon quand ils agissent en qualité de mandataires, fiduciaires ou rédacteurs d'actes pour des opérations juridiques. Ils ne sont soumis à aucune obligation quand ils donnent une consultation juridique, à moins qu'elle n'ait été fournie à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Je propose d'ajouter à cette exception les consultations fournies ou demandées à des fins de fraude fiscale. J'ai bien conscience que les professionnels affichent rarement une telle intention mais au cas où cela se produirait, il faut pouvoir en tirer les conséquences. De toute façon, le secret professionnel est préservé.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je partage bien entendu l'esprit de cet amendement mais il pose une difficulté liée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme : la quatrième directive anti-blanchiment est, vous le savez, en cours de discussion et j'ai juste un petit problème, sans doute passager, de calendrier.
En outre, et tout en étant parfaitement en accord sur le fond de l'amendement, cela fait plusieurs mois que je discute avec la profession des avocats, qui a le sentiment que nous nourrissons de la suspicion à l'égard de l'ensemble de ses activités…
… même si nous lui avons précisé que n'était pas son activité de défense qui était en cause, mais son activité de conseil. Nous avons déjà un débat très compliqué sur la frontière entre l'obligation de dénoncer et le respect du secret professionnel.
Si cette proposition intervenait quelques semaines ou quelques mois plus tard, je n'hésiterais pas un instant, d'autant que j'ai déjà eu l'occasion de rappeler, l'année dernière en octobre, lors de l'assemblée générale du conseil national des barreaux, que chacun doit prendre sa part dans la lutte contre le fléau du blanchiment des produits de toutes ces infractions et de cette criminalité organisée.
Il s'agit juste, vraiment, d'une question d'opportunité. Je n'ai pas vraiment envie de rendre un avis défavorable mais il ne serait pas très loyal vis-à-vis de la profession que je participe à l'inscription dans la loi d'une telle disposition, même s'il faut en effet que nous continuions à travailler sérieusement pour que la profession participe à la lutte contre la fraude, dans le respect du secret professionnel. Bien évidemment, il ne s'agit pas du secret sur la connaissance de fraudes fiscales mais de celui des échanges, dont se prévalent en particulier les bâtonniers.
Je m'en remets par conséquent à la sagesse de l'Assemblée mais j'aurais préféré que l'on introduise cette disposition après quelques semaines de travail avec les avocats.
Dans ces conditions, je ne saurais refuser quelques semaines de travail à la garde des sceaux ! Je retire mon amendement.
L'amendement n° 95 rectifié est retiré.
L'article 3 bis est adopté.
L'article 3 ter est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 98 .
Cet amendement vise à supprimer un alinéa introduit pour assurer la recevabilité financière d'un amendement adopté par les commissions des finances et des lois.
Il permet de rémunérer les personnalités qualifiées désignées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat afin de participer au comité du contentieux fiscal, douanier et des changes à raison de leurs fonctions exécutées dans ce cadre, comme le sont les membres actuels de ce comité.
L'amendement n° 98 est adopté.
L'article 3 quater, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 81 .
Cet amendement tend à augmenter les sanctions en cas de non respect par les banques …
de leurs obligations de déclaration des comptes bancaires dans le FICOBA. Ce fichier des comptes bancaires, qui répertorie 80 millions de personnes physiques, existe depuis trente ans mais en cas de non respect de ces obligations, la sanction est aujourd'hui très peu dissuasive.
J'en profite, monsieur le ministre délégué, pour vous interroger sur l'état d'avancement d'un fichier des assurances vie, qui serait le parallèle nécessaire du FICOBA. En effet, les assurances vie sont devenues un produit d'épargne très important mais aussi une manière d'assurer leur insolvabilité pour certains fraudeurs.
S'agissant tout d'abord de l'amendement, qui vise à conduire les banques à se conformer rigoureusement à leurs obligations déclaratives, j'y suis bien évidemment très favorable. Il va dans la bonne direction et permet d'aller au bout de la logique de notre texte. Il correspond par ailleurs à l'esprit de la loi bancaire que le ministre de l'économie et des finances a présentée devant votre assemblée.
Pour ce qui est du FICOBA assurance vie, vous vous souvenez que le Premier ministre en a fait un objectif à atteindre lors de la présentation, en février dernier, des dispositions relatives à la lutte contre la fraude. Nous travaillons aujourd'hui en étroite collaboration avec les compagnies d'assurance pour assurer la plus grande efficacité aux mesures que nous mettrons en oeuvre dans les prochains mois.
L'amendement n° 81 est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 82 rectifié .
Cet amendement est une coproduction. Il apporte une réponse, probablement imparfaite, à une demande très forte d'Éric Alauzet et du groupe écologiste en particulier, mais les groupes GDR et socialiste partageaient les mêmes préoccupations : en finir avec l'incitation à la fraude fiscale. Nous avons du mal à trouver une solution absolue, définitive, qui couvrirait tous les champs. En l'espèce, nous proposons de sanctionner l'incitation à la fraude fiscale même quand cette incitation n'est pas suivie d'effet.
Je m'empresse de dire, en prévision de ce qu'on pourrait nous opposer, que la sanction d'incitation non suivie d'effet existe déjà dans notre droit. Elle permettrait en particulier de poursuivre les publicités qui incitent à la fraude fiscale, qui se multiplient sur internet. De tels faits ne peuvent pas aujourd'hui tomber sous le coup de la complicité de fraude fiscale alors qu'ils devraient être sanctionnés.
Cet amendement impose de toucher à ce monument qu'est la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Je n'aime pas beaucoup que l'on touche à cette loi !
Dans ce cas, il ne s'agit pas de liberté d'expression, mais d'incitation au vol, à la prédation et à l'incivisme. Et l'incitation au vol sans même que le vol soit commis est déjà, dans notre droit, punie par la loi.
Madame la garde des sceaux, je crois deviner votre réserve s'agissant de cet amendement. Je souhaite toutefois appeler toute votre attention sur ce problème. Je remercie une fois de plus M. Alauzet et Mme Mazetier d'avoir porté cet amendement, auquel nous tenons tout particulièrement. Nous devons en effet trouver une solution pour combattre ces annonces dans la presse et sur internet qui font de la publicité pour ce qui est présenté comme de l'optimisation fiscale alors qu'il s'agit purement et simplement de fraude fiscale.
L'amendement n° 82 rectifié nous permet de faire un pas dans cette logique et de combattre les annonces hallucinantes que l'on peut trouver sur internet ou les sollicitations envoyées à de nombreux destinataires par courrier et par mail. Il nous permettra d'engager des poursuites contre les soi-disant conseillers en gestion de fortune qui proposent des placements présentés comme de l'optimisation fiscale mais qui ne sont en réalité que de la fraude fiscale.
Je sais qu'il est toujours difficile, madame la ministre, de toucher à la loi de 1881. Mais cet ajout des faits de fraude fiscale dans son article 24 incrimine l'incitation non suivie d'effets à commettre des infractions, et cette incrimination est cohérente avec le champ d'application actuel de cet article où l'on trouve déjà, doit-on le rappeler, le vol qui est puni de peines inférieures à celles prévues pour la fraude fiscale.
J'invite l'ensemble de mes collègues à rejoindre la volonté exprimée par M. Alauzet et Mme Mazetier et je donne un avis extrêmement favorable à cet amendement.
Je le confesse publiquement, je n'aime pas beaucoup que l'on touche à la loi du 29 juillet 1881 !
Sourires.
C'est une loi sur la liberté de la presse et sur la liberté d'expression et j'estime que ces principes doivent constamment être réaffirmés dans notre société.
Toutefois, il y a des exceptions. Nous sommes confrontés à de nouvelles pratiques délictueuses de plus en plus ingénieuses. Il nous faut donc fabriquer des réponses. Certaines peuvent trouver leur place dans le code pénal, mais pas de cette façon, avec cette aisance qui fait croire qu'on peut passer sur la loi du 29 juillet 1881 comme sur un boulevard. On veut souvent y mettre des choses que je n'aime pas toujours, même si j'en perçois la nécessité.
Cet amendement prévoit donc de punir l'incitation à la fraude fiscale, même lorsque le délit n'est pas commis, qu'il n'a pas abouti. Cela me paraît un peu délicat. Juridiquement, ce n'est pas très solide et je vois mal une telle disposition résister à une question prioritaire de constitutionnalité. Je n'inciterai donc pas des parlementaires à écrire dans la loi quelque chose qui tombera sans doute sous peu.
Il y a déjà un certain nombre de dispositions dans notre droit, la complicité d'incitation, par exemple – mais cela suppose que les faits soient commis – et le présent projet de loi comporte une disposition assez large concernant les circonstances aggravantes qui pourrait, à mon avis, couvrir le champ que vous visez.
Je ne sais pas si cela vous satisfera, mais je puis vous dire que le Premier ministre, dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité, a chargé le ministère de la justice, le ministère de l'économie et des finances, le ministère de l'intérieur et le ministère chargé de l'économie numérique de mettre en place un groupe de travail, ce que nous avons fait. Il est présidé par un magistrat, M. Marc Robert, procureur général à la cour d'appel de Riom. Le groupe de travail nous remettra son rapport en novembre prochain. Il va faire le tour des questions de cybercriminalité et des réponses possibles.
Cela ne répond qu'aux incitations sur internet, dont vous avez parlé avec insistance. S'agissant de celles qui revêtent d'autres formes, et à condition que cette forme se matérialise, il faut probablement un autre type de réponse mais je pense que le cas le plus massif et le plus pernicieux est probablement l'incitation qui se fait sur internet. Cela étant, il faut être vigilant : l'optimisation n'est pas illégale. Elle est scandaleuse, mais elle est légale. Elle est moralement contestable, mais légale. La loi ne sanctionne pas l'ingéniosité qui permet de se glisser dans toutes les failles que l'on perçoit.
Voilà où est la difficulté. Je devrais être capable de dire cela en deux phrases, mais il m'en faut 151 !
Sourires.
Mais pour ces raisons, je ne m'arrêterai pas à la sagesse et j'émettrai un avis défavorable à cet amendement.
Il est difficile de prendre la parole après Mme la ministre ! Mais mes arguments ne seront pas de la même nature.
Dans cette matière, nous avons intérêt à agir le plus en amont possible. Il faut être très anticipateur, car l'incitation a lieu avant que la fraude soit commise. Plus on agit en amont, plus on est efficace. On sait qu'il est très difficile de toucher à ce monde du conseil. Ce sont des gens très avertis, qui connaissent parfaitement la matière juridique et qui parviennent à se faufiler partout.
Un des objectifs de notre amendement était d'atteindre le monde sulfureux des conseillers de tout poil. L'incitation à contourner l'impôt doit être condamnée, car elle est insupportable pour les Français, d'autant que l'on assiste à une forme de démocratisation, de banalisation de la notion d'optimisation fiscale. D'ailleurs, beaucoup pensent faire de l'optimisation alors qu'il s'agit de fraude ou inversement. Il y a beaucoup de progrès à faire pour délimiter plus précisément la frontière entre l'optimisation et la fraude, et pour arriver à grignoter ce que l'on appelle aujourd'hui de l'optimisation pour la faire basculer du côté de la fraude.
Dernier argument, qui ne convaincra sans doute pas Mme la ministre : je voulais souligner le travail en commun qui a été mené entre le groupe SRC et le groupe écologiste. Il est assez rare que des amendements soient cosignés par nos deux groupes et je tenais à saluer l'événement. J'espère que cela se reproduira.
Je demande à mes collègues de voter contre cet amendement, c'est-à-dire de suivre l'argumentaire de Mme la garde des sceaux.
Cet amendement me plaît pourtant beaucoup, mais toucher à la loi de 1881 n'est pas simple et je ne pense pas en outre que l'on puisse prendre la responsabilité de fragiliser juridiquement le présent projet de loi. Il va toucher tellement de monde et tellement d'intérêts qu'il va être regardé à la loupe pour trouver des moyens d'en faire tomber des pans. Ce n'est pas à nous d'en donner un, même si l'idée de l'amendement est franchement séduisante.
Mme la garde des sceaux l'a fort bien dit, la loi de 1881 est une oeuvre d'art. Elle met en place des équilibres, tout y est pesé au trébuchet. Nombre de procédures sont mises en oeuvre pour que l'on ne s'en serve pas, ou si peu. Cet équilibre très complexe pourrait être profondément modifié par cet amendement.
La dernière fois que nous avons touché à la loi de 1881 dans cet hémicycle, c'est lorsque nous avons mis en place la protection des sources des journalistes. Aujourd'hui, restreindre la liberté de la presse par voie d'amendement sous prétexte qu'elle peut inciter à la fraude fiscale serait entrer dans un domaine extrêmement sensible.
Pour cette raison, le groupe UMP votera contre cet amendement.
Pour soutenir Mme la garde des sceaux, je vais tenter une synthèse qui permettrait de trouver une solution rassurant à la fois ceux qui ont présenté cet amendement avec une ambition légitime et tous ceux qui, comme la garde des sceaux ou moi-même, sont très réticents à l'idée de revenir sur les équilibres de la loi de 1881.
Il est très difficile d'établir la frontière entre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale. Mais lorsque la frontière est franchie, c'est un délit pénal. Il existe aujourd'hui une possibilité de poursuivre le délit pénal, y compris lorsque des publicités par voie de presse ou sur internet, sous prétexte d'inviter à l'optimisation fiscale, incitent de façon ostentatoire à la fraude : au nom du délit de complicité de fraude fiscale ou de complicité de blanchiment de fraude fiscale, il est légitime de déclencher l'action publique.
Si la fraude fiscale se dissimule derrière l'optimisation fiscale à travers des publicités véhiculées sur internet ou par voie de presse, il existe aujourd'hui des instruments juridiques qui permettent de la poursuivre. Vous aurez donc satisfaction, les moyens de contrôle que nous allons mobiliser pour identifier la fraude et la complicité de fraude nous permettront d'être plus efficients et nous aurons la voie de droit pour poursuivre et condamner.
Je ne suis pas juriste et je ne connaissais pas bien la loi de 1881. Cela étant dit, je suis un peu troublé que l'on fasse référence à une loi vieille de 132 ans. Certes, en matière constitutionnelle, je me dirais que plus le temps passe, plus c'est solide. Mais en l'occurrence, j'estime que plus les lois sont anciennes, plus on doit s'interroger ! En l'occurrence, on s'appuie sur le temps passé pour dire que la loi est inviolable.
La jeunesse de M. Alauzet plaide pour lui !
La loi de 1881 a été consolidée, c'est-à-dire qu'elle a déjà été modifiée. La référence reste la date de la première élaboration de la loi, son origine, mais elle a été consolidée et le texte dont nous parlons intègre les modifications survenues depuis. M. Blanc a par exemple rappelé qu'elle a été modifiée en 2010, par la loi du 4 janvier 2010 sur la protection du secret des sources. Nous l'avons aussi légèrement modifiée en octobre et en décembre 2012 à propos de la lutte contre le terrorisme.
Mais chaque fois que nous travaillons sur la loi de 1881, chaque fois que nous devons y introduire une virgule, nous le faisons avec la plus grande prudence. C'est en effet une bien belle loi, celle sur la liberté d'expression. Elle fait partie des grandes lois de la fin du XIXe siècle : liberté d'expression, liberté d'association, liberté syndicale. C'est une période où il y avait de beaux débats dans la société sur la liberté. C'est ce que j'appelle une période de forte laïcisation de la société, c'est-à-dire que les libertés individuelles et les droits civiques prenaient le pas et que de belles lois étaient élaborées pour organiser ces libertés particulières.
La loi de 1881 témoigne donc d'un moment où la société accepte la liberté d'expression et la protège. Depuis, elle a été modifiée mais ce n'est pas une raison pour la prendre pour un monument poussiéreux, vieillissant, sur le point de s'effondrer. C'est au contraire une loi encore extrêmement vigoureuse.
L'amendement n° 82 rectifié n'est pas adopté.
Les articles 4, 5 et 6 sont successivement adoptés.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 97 rectifié .
Depuis la création de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, les sommes saisies lors de procédures pénales sont centralisées sur son compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations. L'AGRASC exécute les décisions de confiscation ou de restitution relatives aux sommes saisies. L'intégralité des sommes saisies dans le cadre des procédures pénales en cours avant la création de l'AGRASC devaient lui être transférées, les sommes confisquées ayant quant à elles vocation à être reversées au budget de l'État.
Certains virements ont eu lieu, mais les tribunaux sont dans l'incapacité de rapprocher analytiquement de nombreuses sommes des affaires en cours et donc de préciser leur statut. Dans l'état du droit, la situation demeure bloquée car le transfert des sommes à l'Agence nécessite l'établissement préalable de leur statut. Le présent amendement vise à résoudre la difficulté en confiant à l'AGRASC à titre transitoire la gestion des sommes saisies dans le cadre d'affaires pénales en cours et dont le statut n'a pas encore été établi.
Avis favorable. Il s'agit d'une mesure pragmatique qui s'inscrit dans la logique d'une meilleure gestion des biens saisis et qui permettra de dégager une recette non négligeable pour l'État.
L'amendement n° 97 rectifié est adopté.
Les articles 7, 8, 9, 9 bis, 9 ter, 9 quater, 9 quinquies et 9 sexies sont successivement adoptés.
Cet amendement me semble très important. Comme nous l'avons indiqué à plusieurs reprises et comme je l'ai dit lors de mon intervention préliminaire, un amendement sur les lanceurs d'alerte a été introduit sur la suggestion de MM. Goasdoué et Alauzet. Les lanceurs d'alerte auront à l'avenir une tâche extrêmement importante pour aider à la prise de conscience des faits de fraude ou de corruption. Il est donc normal et nécessaire de les protéger. À cette fin, nous devons nous interroger sur le régime de la preuve.
Cet amendement vise donc à renforcer la protection des lanceurs d'alerte créée par l'article 1er septies en prévoyant une inversion de la charge de la preuve au bénéfice du salarié ou de l'agent public sanctionné ou licencié pour avoir dénoncé des faits constitutifs d'une infraction pénale. L'inversion de la charge de la preuve existe déjà dans tous les cas où la loi prévoit une protection des lanceurs d'alerte en matière de discrimination, de harcèlement sexuel ou moral, de corruption ou d'alerte lancée dans le domaine de la santé ou de l'environnement. Cette inversion est également prévue par l'article 17 du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique en cas de dénonciation de conflit d'intérêts. Il est donc logique de la faire figurer dans le présent article, afin de donner à la protection générale des lanceurs d'alerte sa pleine effectivité.
Le présent amendement prévoit que l'inversion de la charge de la preuve sera applicable dès lors que la personne présente les éléments de fait permettant de présumer qu'elle a témoigné de bonne foi sur des faits constitutifs d'une infraction pénale ou relaté de tels faits. Je souhaite attirer votre attention sur le fait qu'une telle formulation est utilisée à l'article L. 1134-1 du code du travail en matière de discriminations. Elle l'est également en matière de harcèlement moral par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale votée sous le gouvernement de Lionel Jospin. Mais la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciement économique votée sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a retenu une formulation privant l'inversion de la charge de la preuve d'une partie de ses effets, car le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence du harcèlement. L'amendement propose donc d'en revenir à la formulation la plus efficace pour assurer au lanceur d'alerte, salarié ou fonctionnaire, une protection effective.
Il est dans le même esprit. L'objectif est vraiment d'adopter une protection renforcée du lanceur d'alerte grâce auquel des cas de fraude sont révélés, à l'instar de l'ex-informaticien de la banque HSBC Hervé Falciani. Le salarié décidant de manière désintéressée – ce n'est pas pour son intérêt propre – de porter à la connaissance d'instances fiscales françaises des données révélant une fraude fiscale se verra alors protégé. Notre amendement renforce ce qui a été adopté en commission. D'abord en effet, il permet de donner des suites judiciaires. Si nous ne l'adoptons pas, nous exonérerons de conséquences juridiques les employeurs qui ne respecteraient pas la protection des lanceurs d'alerte. Sans conséquence juridique, l'article ne peut être appliqué. Ensuite, il permet l'inversion de la charge de la preuve, comme cela vient d'être expliqué, ce qui revient à faire du lanceur d'alerte un salarié protégé. Ainsi, comme dans le cas des femmes enceintes, l'employeur devra prouver qu'il n'y a pas discrimination.
Contrairement au délateur, auquel il est souvent assimilé, le lanceur d'alerte est théoriquement de bonne foi. En outre, un certain nombre de garde-fous ont été mis en place par la loi et les amendements. Il ou elle n'est pas dans une logique d'accusation visant quelqu'un en particulier mais divulgue un état de fait, une menace dommageable pour ce qu'il estime être l'intérêt public ou général. Le lanceur d'alerte prend des risques réels au nom de la cause qu'il entend défendre, c'est pourquoi il nécessite une protection particulière. C'est alors la procédure contradictoire qui s'applique et profite au salarié en cas de doute, car il nécessite une protection.
Éric Alauzet et moi partageons la même orientation. Je lui propose donc de retirer son amendement pour se rallier au mien.
L'amendement n° 73 est retiré.
Il présente une petite difficulté.
Je vais vous parler franchement, et j'annonce la couleur tout de suite, car il n'y a pas lieu de jouer le suspense : je compte m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, pas donner un avis défavorable.
Ce dispositif renverse la charge de la preuve dans le secteur privé comme dans le secteur public. Pour le secteur privé, le ministère du travail nous avait proposé une rédaction tout à fait correcte. Elle présentait néanmoins l'inconvénient de ne s'appliquer qu'au seul secteur privé, car le ministère ne modifiait que le code du travail. Je ne l'ai pas validée car je crois que nous introduirions une difficulté supplémentaire en établissant deux régimes distincts de protection du lanceur d'alerte dans le monde privé et le monde public.
Il y a une deuxième difficulté. Comme vous le savez, la ministre de la fonction publique est actuellement en discussion avec les organisations syndicales sur le sujet. D'après les informations dont je dispose, il ne semble pas très facile de régler le problème en ce moment avec les partenaires sociaux. Or la rédaction que vous avez introduite à la commission est assez large. Elle ne se limite pas à la fraude et à la corruption mais couvre absolument toutes les infractions, ce qui suscite des craintes. C'est une vraie difficulté.
J'entends bien la nécessité de protéger les lanceurs d'alerte et de ne pas faire peser sur eux la charge de la preuve que leur dénonciation est de bonne foi et porte sur des faits réels. Mais un champ aussi large, couvrant toutes les infractions dont ils peuvent avoir connaissance dans les entreprises ou leur administration, créerait une protection et surtout un renversement de la preuve tout aussi larges.
Je suis face à ces difficultés, tout en voyant bien la nécessité de protéger les lanceurs d'alerte. Je ne sais si vous aurez la patience d'attendre de voir comment les choses s'ajusteront au Sénat. Il me semble que vous êtes très attaché à cet amendement, monsieur le rapporteur, à voir votre raideur !
Sourires.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée, en espérant qu'un souffle de sagesse intense passera dans l'esprit des parlementaires.
Nous sommes extrêmement réservés sur cet amendement qui étend considérablement le champ de la protection des donneurs d'alerte. On peut se demander légitimement s'il ne s'agit pas d'un cavalier législatif tant il sort du droit fiscal, par bien des aspects. On passe vraiment à un champ extrêmement large. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
Je remercie Mme la ministre, malgré des difficultés que je conçois et que je comprends, d'avoir donné cet avis de sagesse. Je souhaite attirer l'attention de mes collègues sur la nécessité absolue de voter cet amendement si nous voulons véritablement être efficients en matière de protection des lanceurs d'alerte. Si nous ne le votons pas, l'excellent amendement porté par M. Goasdoué et l'ensemble du groupe socialiste n'aurait pas d'efficacité véritable et serait réduit à une disposition de principe. Je comprends les difficultés soulevées par la ministre, mais je suis sûr que nous pourrons les dépasser et il me semble nécessaire de donner un signal très fort en matière de preuve.
L'amendement n° 33 est adopté.
L'amendement n° 52 vise à élargir la protection accordée aux lanceurs d'alerte aux agents non titulaires.
Sagesse, car cela concerne la fonction publique.
L'amendement n° 52 est adopté.
L'article 9 septies, amendé, est adopté.
Comme chacun le sait, nous devons chercher à consolider nos lanceurs d'alerte, qui sont relativement fragiles. On a vu comment Hervé Falciani a dû se résoudre à fuir notre pays quand celui-ci l'a abandonné. Au-delà de la protection dans le milieu professionnel, qui vise à protéger des brimades, il est nécessaire de mettre en place un accompagnement supplémentaire, une protection active.
Les lanceurs d'alerte se retrouvent souvent esseulés. Afin de les aider à vaincre leur hésitation à informer les autorités d'une fraude qu'ils auraient découverte, l'amendement n° 53 prévoit une mise en relation automatique du lanceur d'alerte avec le service central de prévention de la corruption – le SCPC. Ainsi, le salarié qui décide, de manière désintéressée, de porter à la connaissance d'instances fiscales françaises des données permettant de révéler une fraude fiscale, se verra soutenu par le SCPC.
Je suis favorable à cet amendement car j'estime que vous soulevez là un point essentiel, monsieur Alauzet, à savoir la solitude dans laquelle se trouve plongé le lanceur d'alerte. Après qu'il a pris la décision de prévenir, un vide se forme autour de lui. Certes, il peut bénéficier du soutien d'associations, de sa famille, de son conseil, mais il est très fréquent qu'il se trouve seul.
Le fait de lier l'alerte à la mise en relation avec le service central de prévention de la corruption me paraît être une excellente idée. Outre que cela permettra aux personnes qui dénoncent des faits de corruption de bénéficier du soutien de ce service, les témoignages devraient également s'en trouver facilités.
En l'état actuel des choses, le SCPC est encore chez moi
Sourires
, et je ne vous cacherai pas que j'aimerais bien disposer d'une étude d'impact sur la disposition consistant à inscrire dans la loi que la personne est mise en contact avec le SCPC – en effet, de par son caractère obligatoire, cette procédure n'est pas tout à fait anodine.
Je dois vous dire qu'il y a un peu plus de trois mois, j'ai chargé trois hauts magistrats d'un audit sur le SCPC. Le rapport qu'ils m'ont remis contient diverses dispositions relatives aux missions du service, à ses moyens d'action et ses effectifs. Il propose également que ce service soit détaché du ministère de la justice pour être éventuellement rattaché au Premier ministre – je vous en ai parlé cet après-midi, lorsqu'il a été question que le SCPC soit amené à donner son agrément aux associations. Je vais faire expertiser cette proposition, l'explorer et la travailler, afin d'en apprécier la pertinence.
Je comprends parfaitement que le lanceur d'alerte puisse se trouver désemparé après avoir dénoncé à la justice ou à la presse certains faits dont il a eu connaissance, fortuitement ou non. Cependant, je suis un peu réservée sur la proposition visant à prévoir une mise en relation automatique du lanceur d'alerte avec le SCPC. D'ordinaire, je préfère les avis francs et tranchés – un oui ou un non –, mais je crois que, sur cet amendement, je vais à nouveau devoir m'en remettre à la sagesse de votre assemblée. En effet, on ne dispose pas de suffisamment de recul pour prendre correctement la mesure du phénomène, savoir combien de lanceurs d'alerte vont se manifester et ce que cela va représenter pour le SCPC en termes de capacité de réponse, de prise en charge et d'accompagnement.
L'amendement n° 53 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n°84 , deuxième rectification.
L'amendement n° 84 , deuxième rectification, vise à élargir la liste des institutions qui peuvent transmettre à l'administration fiscale des documents qu'elle pourra avantageusement utiliser pour orienter ses contrôles. Il s'agit par exemple de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, des personnes effectuant des opérations immobilières, ou encore des personnes effectuant des opérations d'assurance.
L'amendement n° 84 , deuxième rectification est adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
Les articles 10 bis, 10 ter et 10 quater sont successivement adoptés.
L'objet de l'amendement n° 75 est d'inclure la Caisse des règlements pécuniaires des avocats – la CARPA – dans la liste des personnes visées par l'article L.561-2 du code monétaire et financier, à qui il incombe de faire des déclarations de soupçon.
Le sujet n'est pas simple. Dans une société démocratique, les avocats bénéficient, pour eux-mêmes et pour leurs clients, du secret professionnel. Si le secret professionnel, qui protège la profession d'avocat, doit être préservé et sanctuarisé, il ne doit cependant pas servir de paravent à des irrégularités commises par une minorité de professionnels indélicats – c'est un avocat qui vous parle. Comment faire pour préserver le secret professionnel, tout en avançant sur la question de la CARPA ?
À la lecture du rapport de Tracfin, on constate qu'en 2011, sur plus de 11 000 déclarations de soupçon faites par l'ensemble des personnes et institutions assujetties à l'article L.561-2, une seule émanait d'un avocat. Mieux, le barreau de Paris avait attaqué devant le Conseil d'État les décrets d'application sortis en 2009, à la suite des modifications législatives intervenues à ce moment. L'affaire a été portée jusque devant la Cour européenne des droits de l'homme, considérant que l'obligation pour les avocats de faire une déclaration de soupçon par l'intermédiaire du bâtonnier était attentatoire au secret professionnel.
Par ailleurs, je veux également souligner que le Groupe d'action financière, le GAFI, a relevé que le comportement de certains professionnels du droit, notamment des avocats, n'était pas conforme à ses recommandations. Nous devons donc agir, à la fois en sanctuarisant le secret professionnel et en prenant en compte le fait que des irrégularités peuvent être commises.
L'amendement n° 75 aborde le problème sous l'angle de la CARPA. En effet, si une minorité d'agissements est susceptible de poser problème et de donner lieu à des soupçons, il est logique d'en retrouver la trace au niveau de la caisse servant à enregistrer les mouvements de fonds faits par les avocats pour le compte de leurs clients. Je reconnais que mon amendement comporte un petit défaut : tel que je l'ai rédigé, il prévoit que la CARPA adresse les déclarations de soupçon directement à Tracfin. C'est pourquoi mon collègue Nicolas Sansu a déposé un sous-amendement n° 105 visant à mettre l'amendement en conformité avec l'article L.561-17 du code monétaire et financier, en prévoyant que la CARPA adresse des observations au bâtonnier du barreau dont elle dépend, bâtonnier à qui il reviendra le cas échéant de faire la déclaration de soupçon à Tracfin.
Je pense que cet amendement est de nature à aider la profession d'avocat à prendre conscience de l'urgence qu'il y a à amplifier le mouvement de lutte contre le blanchiment. Certes, ce n'est pas facile, mais d'autres professions, comme celle des notaires, s'y sont mises progressivement, et il n'y a pas de raisons pour que les avocats n'en fassent pas de même. Pour ma part, j'ai confiance en eux.
J'ai une bonne nouvelle, monsieur Sansu : non seulement M. Cherki a présenté votre sous-amendement n° 105 , mais il a utilisé votre temps de parole !
Rires et exclamations.
Rires et exclamations
…mais j'espère que vous me laisserez tout de même dire quelques mots au sujet de mon sous-amendement n° 105 , madame la présidente.
L'amendement présenté par Pascal Cherki est très intéressant, car il vise notamment à faire en sorte que l'on ne voie pas un soupçon généralisé peser sur tous les avocats. À la lecture de la motion nationale des barreaux, on comprend la nécessité de préserver le secret professionnel, et j'espère, avec mon sous-amendement n° 105 , qui tient compte de cette nécessité, ne pas encourir les foudres du Conseil national du barreau – qui a parfois écrit des choses désagréables au sujet d'autres amendements que j'ai présentés. Ce sous-amendement a pour objet de préciser que la déclaration de soupçon émanant d'une CARPA ne peut être transmise à Tracfin que par l'intermédiaire du bâtonnier de l'ordre dont dépend la CARPA.
Tel qu'il était rédigé initialement, l'amendement de M. Cherki posait un véritable problème : il aurait inévitablement été sanctionné pour non-respect des dispositions de la convention de sauvegarde, qui sanctuarise le secret professionnel des avocats. Son adoption en l'état revenait à permettre à la CARPA de passer outre le secret professionnel des avocats sous prétexte que la CARPA, mandataire de l'avocat, avait reçu des fonds de son cabinet.
Le sous-amendement n° 105 prévoit que la déclaration de soupçon éventuellement effectuée par une CARPA doit être transmise au bâtonnier, exactement comme c'est le cas pour une déclaration de soupçon émanant d'un avocat. Sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 105 , le groupe UMP votera en faveur de l'amendement n° 75 .
Je m'en voudrais de troubler cette belle harmonie transversale – j'allais dire « transbancale » pour signifier qu'elle s'étend sur tous les bancs, mais je ne suis pas certaine que ce néologisme soit très heureux
Sourires.
Effectivement, il peut même signifier le contraire de ce que vous voulez dire !
Le sous-amendement n° 105 atténue la disposition contenue dans l'amendement n° 75 . Je veux simplement rappeler que les CARPA ne constituent pas une profession et qu'à ce titre, elles ne sont donc pas soumises à la directive anti-blanchiment. Les CARPA, structures de règlement pécuniaire des avocats, ne sont pas censées passer de l'argent. Par ailleurs, elles sont adossées à des établissements financiers qui sont, eux, soumis à l'obligation de signalement anti-blanchiment. Enfin, la loi de 1996 a institué, d'une part, une commission nationale de contrôle, d'autre part, un commissaire aux comptes, eux aussi soumis à l'obligation de signalement dans le cadre des dispositions anti-blanchiment.
En prenant en compte également le sous-amendement, la disposition proposée est tout à fait acceptable, par sa dimension symbolique et le message qui est adressé à cette profession. Ce n'est aucunement un acte de défiance, de votre part non plus, monsieur le député Cherki et je comprends le sens de ces initiatives qui s'inscrivent dans le cadre plus général du travail que nous accomplissons contre le blanchiment, la fraude et la corruption, en tenant compte de la nécessité des signalements qui doit s'imposer à tous. Aussi je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.
Il est, en ce qui concerne les notaires, évoqués par M. Cherki, un équivalent, en quelque sorte, de la CARPA pour les avocats : je veux parler de la Caisse des dépôts et consignations, qui a d'ailleurs le statut de banque. Alors que le président de la Chambre des notaires ne peut présider la Caisse des dépôts et consignations, qu'en est-il, madame la ministre, lorsque le bâtonnier préside la Caisse de règlement pécuniaire des avocats, la CARPA ?
Sans être, il s'en faut, la plus compétente pour répondre à M. Gibbes, il me semble que dans ce cas, étant, si je puis dire, d'accord avec lui-même, le bâtonnier s'autorise à transmettre l'information.
Dans la pratique, il est effectivement assez fréquent que le bâtonnier préside la CARPA qui, je le rappelle, n'est pas un organisme financier en tant que tel : c'est un organisme de recouvrement pécuniaire en faveur des avocats, par lequel transitent des sommes qui leur sont destinées. Ce n'est ni une caisse de dépôts, ni une banque d'investissement, ni un organisme de spéculation financière.
C'est pourquoi j'ai souhaité nuancer quelque peu le point de vue qui consistait à inclure la CARPA, qui n'est ni une profession ni un établissement financier, dans les dispositions anti-blanchiment. Pour autant, le symbole n'est pas insignifiant et votre question est tout à fait pertinente.
Dans un tel cas de figure, le bâtonnier tiendra un conciliabule avec lui-même – certains sachant cultiver l'art du désaccord avec eux-mêmes – et décider en conséquence.
Le sous-amendement n° 105 est adopté.
L'amendement n° 75 , sous-amendé, est adopté.
Après l'article 10 quater
La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 85 .
Cet amendement propose d'étendre les dispositions de l'article 11, qui concernent l'avis à tiers détenteur sur les assurances-vie en euros, aux assurances-vie en unités de compte.
Comme je l'indiquais précédemment, l'assurance-vie est à l'heure actuelle essentiellement un produit d'épargne qui sert à certains – même si cela ne concerne pas, naturellement, tous les détenteurs des contrats d'assurance-vie – de refuge pour organiser leur insolvabilité. Le projet de loi traite de cette question, tout en se limitant aux contrats en euros : je propose de l'étendre aux contrats en unités de compte. Ceux-ci sont certes minoritaires à l'heure actuelle ; mais on ne peut exclure un effet d'aubaine, incitant les fraudeurs à transformer leurs contrats en euros en contrats en unités de compte.
L'amendement n° 85 est adopté.
L'article 11, amendé, est adopté.
Cet amendement a pour objet d'exclure du bénéfice de la loi LME, qui permet de rendre insaisissables des biens immeubles d'entrepreneurs personnes physiques, ceux d'entre eux qui se sont rendus coupables de manoeuvres frauduleuses ou d'inobservations graves et répétées de leurs obligations fiscales. L'administration nous a en effet indiqué que ces pratiques étaient de plus en plus courantes.
L'amendement n° 18 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 96 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 100 .
Cet amendement vise à permettre à l'administration des douanes de recourir à des expertises techniques dont elle peut avoir besoin dans l'exercice de ses missions. En effet, en raison de la complexité croissante des affaires financières en relation avec l'étranger, il est parfois nécessaire de faire appel à des experts de toutes sortes. Je demande au Gouvernement de « lever le gage », en quelque sorte, pour permettre aux douanes de rémunérer les experts auxquels elles recourent.
Avis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n°100 du Gouvernement. Celui-ci permet de garantir les conditions de rémunération des experts lorsqu'ils interviennent dans le cadre indiqué par l'amendement, dans les mêmes conditions que pour les prestataires auxquels les douanes font appel.
Le sous-amendement n° 100 est adopté.
L'amendement n° 96 rectifié , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 80 .
Cet amendement propose que, dans le cas où une entreprise tient une comptabilité analytique, elle puisse la présenter à l'administration fiscale en cas de contrôle.
Nous ne sommes pas défavorables à l'esprit de cet amendement, mais nous pensons que, pour qu'il soit pleinement efficace, mieux vaudrait prendre le temps de discuter avec les entreprises des modalités de sa mise en oeuvre. Aussi je propose que nous prenions ce temps et que nous évoquions à nouveau cet amendement à l'occasion de l'examen de la loi de finances initiale.
Je souscris à ce que vient de dire le ministre. Cette question aura toute sa place dans une loi de finances et, selon moi, elle relève davantage de la notion de contrôle fiscal que de celle de fraude fiscale.
Je me laisse convaincre par le ministre et je le retire, madame la présidente.
L'amendement n° 80 est retiré.
Nous sommes sur un problème très important, qui se situe même au coeur du sujet : les prix de transfert. Inutile d'insister sur la façon dont les choses se passent : des fonds sont transférés dans des pays où on ne paie pas d'impôts. La législation actuelle n'est sans doute pas adaptée pour régler ces problèmes. La difficulté tient souvent à la facturation des biens corporels : on peut facturer 1 euro ou 1 million d'euros sans que personne ne sache exactement à quoi cela correspond. De plus, les évaluations sont difficiles pour l'administration fiscale. On connaît également les scandales liés aux grandes sociétés – Google, Starbucks, etc. – qui échappent à l'impôt et qui appauvrissent nos pays.
Par cet amendement, nous proposons donc de retourner la charge de la preuve en faveur de l'administration. Il reviendrait ainsi à l'entreprise française de démontrer la pertinence des prix de transfert qu'elle pratique, de donner le vrai prix de ses services. L'entreprise devra informer l'administration de la méthode de définition des prix concernant les actifs immatériels. Cette information permettra de détecter des prix de vente abusifs. Par ailleurs, un tel dispositif faciliterait la lutte contre les restructurations d'entreprises aboutissant à une délocalisation fiscale abusive.
En adoptant cet amendement, la France se placerait une nouvelle fois dans le groupe des pays moteurs en matière de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale dans une période où des pays comme les États-Unis, décidément souvent à l'honneur lorsqu'il s'agit de ces matières, s'attaquent également à ces pratiques.
Les prix de transfert sont une préoccupation majeure de la commission. Tous les groupes de la majorité, dont celui auquel j'appartiens moi-même, ont d'ailleurs déposé des amendements allant dans le même sens. Nous devrions donc parvenir à trouver une solution, à faire un pas dans la bonne direction, comme le disait Valérie Rabault lors de la discussion générale.
Pour autant, je ne pense pas que cet amendement réponde à l'objectif que vous vous fixez, monsieur Alauzet. Il n'est pas suffisamment précis dans sa rédaction. Il serait préférable de viser l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales qui, précisément, énumère les éléments de documentation devant permettre aux entreprises concernées de justifier leur politique de prix de transfert.
Je propose donc que vous retiriez cet amendement et que nous nous ralliions à un amendement susceptible de recueillir les faveurs du Gouvernement.
Ce qui compte, c'est qu'on aboutisse. Puisqu'il y a une volonté commune, je consens à le retirer. Il importe simplement que nous avancions sur ce sujet absolument crucial.
L'amendement n° 60 est retiré.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit. Je souhaite simplement appeler l'attention de tous, notamment de M. le ministre, sur les procédures de rulings. Puisque ces dernières sont au coeur du sujet, il serait bon que, lors des discussions sur les informations qui doivent être communiquées entre les pays, nous nous interrogions sur la possibilité pour l'administration française d'avoir communication de celles qui sont négociées, ou à tout le moins annoncées par un certain nombre de pays.
En étudiant un certain nombre de dossiers que vos services m'ont communiqués, monsieur le ministre, j'ai été interpellé par ce fait.
Dans la ligne de ce que vient de dire M. Eckert, et puisque nous aurons ce débat lors de la discussion du projet de loi de finances, je souhaite appeler l'attention de nos collègues, en particulier de M. Alauzet, sur le fait que la question des prix de transfert est très complexe et qu'elle doit être vue sous ses deux aspects. Vous, vous l'approchez en partant de l'idée que des prix de transfert excessifs conduisent à limiter l'assiette fiscale qui permet de recouvrer l'impôt en France. Toutefois, nous devons aussi aider les entreprises françaises qui ont des filiales à l'étranger face aux comportements de protectionnisme fiscal qui se généralisent depuis que la crise a éclaté. Les pays dans lesquels les filiales des groupes français sont installées cherchent ainsi à majorer l'assiette fiscale autant que possible, quitte à imposer de façon indirecte des prix de transfert élevés, pour que l'impôt recouvré dans ces pays soit le plus élevé possible.
Nous devons donc être très vigilants. Notre intérêt est d'aider nos entreprises. Il faut les contrôler, certes, mais aussi nous préoccuper de leur bon fonctionnement, qui permet la sauvegarde ou la création d'emplois dans notre pays.
Je voulais simplement insister sur la complexité de ce sujet, qu'il faut appréhender sous tous ses aspects. M. Eckert évoquait le ruling, c'est-à-dire une manière peut-être un peu contractuelle…
Je ne sais pas ! Tout à l'heure, je disais en aparté à Mme la garde des sceaux que j'étais moi aussi choqué que l'on puisse employer le terme juridique de « transaction ». On voit bien cependant que se pose un problème d'accompagnement des entreprises dans l'équité des règles fiscales dès lors qu'elles sont implantées non seulement en France mais aussi à l'étranger.
L'amendement n° 59 est retiré.
Nous avons également déposé un amendement relatif aux prix de transfert, mais le présent amendement concerne les schémas d'optimisation fiscale, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
En nous inspirant de la législation que le Royaume-Uni a adoptée en 2004 et qui a fait preuve d'une certaine efficacité, nous proposons de créer une obligation à la charge des promoteurs de schémas d'optimisation – autrement dit, le plus souvent, des cabinets de conseil – ou, à défaut, de leurs utilisateurs. Cette obligation consiste à communiquer le contenu du montage à l'administration fiscale dès les pourparlers de vente ou d'achat du dispositif sous peine de la sanction prévue à l'article 1734 du code général des impôts.
Nous ne demandons nullement aux avocats ou aux conseils de renoncer à proposer des schémas d'optimisation qui respectent la législation en vigueur. Nous leur demandons simplement de les transmettre à l'administration fiscale afin de faciliter son travail de vérification.
Ainsi que Mme la rapporteure l'a indiqué, nous sommes très surpris de la vigueur de la réaction du Conseil national des barreaux sur ce sujet : tout schéma d'optimisation étant supposé légal, en quoi serait-ce manquer à la probité que de les transmettre à l'administration ? En quoi les informations qui intéressent l'établissement de l'impôt devraient-elles être couvertes par le secret professionnel ou, pourquoi pas, le secret des affaires, alors que chacun est soumis au devoir d'acquitter les impôts en toute probité à raison de ses capacités contributives ?
Forts de ces constatations, nous vous invitons donc à adopter le présent amendement, qui reprend une préconisation du rapport d'information sénatorial sur l'évasion fiscale internationale rendu public en juillet dernier.
C'est un sujet crucial, qui est d'ailleurs examiné en ce moment même dans le cadre de la mission d'information conduite par Pierre-Alain Muet et présidée par Éric Woerth et qui fait écho au rapport que vient de publier l'inspection générale des finances. Le sujet est donc en train de mûrir, mais il demeure suffisamment complexe pour ne pas être traité dans la précipitation.
L'intention est là, la conviction également – vous avez fort bien défendu cette disposition, monsieur Sansu – mais je vous propose de patienter, de faire confiance à nos collègues, d'adopter, probablement, le rapport de la mission et, à cette étape, de retirer votre amendement.
L'avis du Gouvernement est le même que celui de Mme la rapporteure : cet amendement est porté par de bonnes intentions mais il mérite que l'on profite du temps qui nous sépare de la discussion du projet de loi de finances pour l'affiner. Qu'est-ce qu'un schéma d'optimisation fiscale ? Comment le définir juridiquement ? Comment articuler l'élaboration de ces schémas avec la responsabilité d'un certain nombre de professions juridiques ?
Je vous propose que l'on prenne un peu de temps pour répondre à toutes ces questions.
Au vu de ces explications et de la bonne volonté dont vous avez fait preuve au cours de ce débat, je retire cet amendement. Sachez toutefois que nous espérons vraiment avancer sur ce sujet d'ici à la discussion de la loi de finances.
L'amendement n° 43 est retiré.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 89 rectifié .
Cet amendement a pour objet de faciliter le travail au quotidien des agents de contrôle de l'administration fiscale en leur permettant de prendre copie des documents qu'ils sont autorisés à consulter.
Refuser les copies fait en effet partie des stratégies d'obstruction de certaines entreprises ou de certains contribuables très réfractaires au contrôle. Une copie ne prend pas nécessairement la forme de millions de photocopies : il peut s'agir de documents scannés, notamment.
Le Gouvernement y est absolument, totalement, diantrement favorable.
Sourires.
L'amendement n° 89 rectifié est adopté et devient l'article 11 A.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 78 .
À l'instar d'Éric Alauzet ou de Nicolas Sansu pour les amendements précédents, je présente celui-ci au nom des membres du groupe SRC pour affirmer notre détermination – je sais que c'est aussi celle du Gouvernement – à traiter la question de l'optimisation fiscale des grands groupes.
J'ai mentionné tout à l'heure au sujet de l'amendement d'Éric Alauzet l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales. Le présent amendement propose d'abaisser de 400 à 100 millions d'euros le seuil du chiffre d'affaires à partir duquel une entreprise doit mettre à disposition de l'administration de la documentation justifiant la politique des prix de transfert prévu dans cet article.
Parce qu'un autre amendement semble devoir être adopté, je présente celui-ci sans grand espoir.
Le Gouvernement est très favorable à des dispositions qui permettraient d'être plus vigilant, plus efficace dans le contrôle des prix de transfert. Nous pensons toutefois que cela implique, aux termes du rapport de l'inspection générale des finances, des réflexions complémentaires. Je propose que nous les conduisions ensemble avec le rapporteur général dans la perspective de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2014.
Puisqu'il a été fait référence à plusieurs reprises à la mission d'information présidée par notre collègue Éric Woerth et dont le rapporteur est Pierre-Alain Muet – j'en suis moi-même membre –, je souhaite insister sur la nécessité d'aboutir dans un délai très court. On évoque beaucoup l'évasion et la fraude fiscales, qui concernent les particuliers, mais on sait que l'optimisation fiscale constitue la grande difficulté à laquelle on est confronté avec les entreprises. Il importe donc que nos travaux aboutissent très rapidement, à brève échéance ; à défaut, nous passerons à côté d'un enjeu essentiel.
L'amendement n° 78 est retiré.
Cet amendement s'inscrit dans les discussions que nous venons d'avoir sur les prix de transfert.
Il propose une modification de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales pour obliger les entreprises à transmettre à l'administration une documentation permettant de justifier leur politique de prix de transfert. Alors que l'article prévoit aujourd'hui une mise à disposition, nous souhaitons qu'il mentionne une obligation de transmission à l'administration fiscale de l'ensemble des pièces permettant de justifier les prix de transfert pratiqués.
S'il était sous-amendé, ce que j'espère et que je vous propose, cet amendement permettrait de marquer notre détermination et constituerait une première avancée, dès ce texte de loi, sur la question des prix de transfert.
Tel qu'il est rédigé, madame Rabault, votre amendement est limité au cas de contrôle fiscal. Or je pense que cela ne correspond pas à votre intention. Je propose que nous le sous-amendions pour ne pas limiter cette disposition à la date d'engagement de la vérification de comptabilité, mais que la transmission à l'administration fiscale intervienne en amont de tout contrôle de la comptabilité de l'entreprise. Tel est l'objet du sous-amendement n° 101 . Et ici je me tourne aussi vers M. Gibbes et M. Blanc, car je crois que cette proposition peut être consensuelle et que notre assemblée, unanime, peut faire ce pas en avant sur la question des prix de transfert.
C'est de la très belle ouvrage. Nous sommes favorables à cet effort de co-rédaction, qui donne à cet article le niveau de précision que l'on est en droit d'attendre d'un excellent texte législatif.
Le sous-amendement n° 101 est adopté.
L'amendement n° 54 , sous-amendé, est adopté.
Je saisis cette occasion pour dire à quel point je suis navrée de constater que les deux membres présents du groupe UMP ne se sont pas associés à la démarche de la majorité sur la question des prix de transfert, question sur laquelle se penchent une mission et un rapporteur de la commission des affaires étrangères et qui scandalise l'opinion publique.
Je retire l'amendement n° 79 .
Je veux gentiment rappeler à Mme Mazetier que la mise en place d'une documentation sur les prix de transfert a été faite sous la présidente législature ; nous ne vous avons pas attendus. Je salue la percée conceptuelle, qui consiste à aller beaucoup plus loin que la mise à disposition permanente en proposant une transmission en amont… pourquoi pas ? Mais ne laissez pas penser que rien n'a été fait. Nous reparlerons de la très complexe question des prix de transfert lors de l'examen du projet de loi de finances. En tout état de cause, elle ne mérite pas une approche si péremptoire.
M. le président de la commission des finances a parfaitement répondu. Le droit, dans ce domaine, nous paraît satisfaisant et la transmission n'apporte rien. Comme l'a dit tout à l'heure M. Carrez, la question des prix de transfert est essentielle. Un excellent article, paru récemment dans Le Monde, traite de la concurrence fiscale à laquelle se livrent un certain nombre de pays, pour attirer chez eux une assiette fiscale qui disparaît de la France. L'analyse de Mme Mazetier est quelque peu superficielle et injuste pour ses prédécesseurs. Je l'invite à mesurer davantage ses propos sur le comportement de l'UMP, qui a été exemplaire sur ce sujet.
L'amendement n° 79 est retiré.
Cet amendement vise à compléter le 1° du II de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales par un alinéa ainsi rédigé : « – la comptabilité analytique des implantations dans chaque État ou territoire. ». Le rapport sénatorial d'information de juillet 2012 sur l'évasion fiscale internationale avait mis l'accent sur la nécessité d'instituer une présomption d'anormalité des prix de transferts lorsqu'une entreprise française transfère ses bénéfices à une entité liée située hors de France, alors même qu'elle représente une part substantielle de l'activité du groupe auquel elle appartient. L'activité s'appréhende en termes de chiffre d'affaires, de clientèle ou encore d'actifs physiques. C'est pourquoi la mise en place d'une comptabilité pays par pays constitue, à notre sens, un préalable.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement n° 55 .
L'appréciation des prix de transfert est difficile, faute d'une comptabilité analytique. Nous proposons, avec cet amendement, de fixer par un décret en conseil d'État les caractéristiques que pourrait avoir cette comptabilité, ce qui permettrait de fournir une analyse plus précise des prix de transfert.
Je suis réservé, pour les raisons que j'ai exposées précédemment. Nous disposons des conclusions d'un rapport de l'IGF et des missions parlementaires travaillent de façon approfondie et méticuleuse sur cette question. Je propose que nous fassions converger les réflexions de l'administration de Bercy et des députés pour faire émerger des propositions astucieuses, intelligentes et pertinentes à l'occasion du projet de loi de finances.
L'amendement n° 55 est retiré.
L'amendement n° 46 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 87 .
Cet amendement a pour objet de faciliter le dépôt des plaintes pour fraude fiscale présentant un lien de connexité, en permettant à un seul service, qu'il s'agisse du service chargé du recouvrement ou de celui chargé de l'assiette de l'impôt, de déposer plainte auprès d'un même Parquet.
Cet amendement de simplification des procédures permettra à l'administration d'être beaucoup plus efficace. Nous y sommes très favorables.
L'amendement n° 87 est adopté.
Les professionnels du service du trésor ayant signalé à multiples reprises cette nécessité, il s'agit de porter le délai de prescription de l'action en recouvrement de quatre à six ans, lorsque la personne ou la société concernée est domiciliée au dehors de l'Union européenne.
L'amendement n° 77 est adopté.
Les articles 11 bis à 11 quater sont successivement adoptés.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 103 rectifié .
L'amendement vise à renforcer le dispositif français de lutte contre la fraude fiscale. Il prévoit l'obligation pour l'autorité de contrôle prudentiel, l'ACP, de transférer aux services fiscaux tout document ou information qu'elle détient dans le cadre de ses missions et qui a été transmis à Tracfin ou au procureur de la République dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale. Ainsi, les services fiscaux seront saisis automatiquement des informations que l'ACP ne veut pas aujourd'hui leur transmettre en raison du secret professionnel.
À titre personnel, j'y suis favorable. L'article 11 quinquies est issu d'un amendement présenté par M. le rapporteur général en commission des finances. L'amendement du Gouvernement prend en compte la nécessité de ne pas porter atteinte aux relations de l'ACP avec ses homologues étrangers ; il restreint le champ des informations qui font l'objet de transmission par l'ACP à Tracfin. J'observe que cet amendement modifie les conditions de transmission, puisqu'il s'agit de transmission spontanée et non plus seulement à la demande de l'administration, ce qui constitue plutôt une évolution positive.
Je souhaite rappeler l'origine de cet amendement. Nous avons vu, au cours de différentes affaires – je pense notamment à l'affaire UBS – quel a été le rôle de l'ACP. Celle-ci n'a pas manqué à son devoir de transmettre immédiatement à l'autorité judiciaire les faits qu'elle avait relevés lors de ses audits de la banque UBS. Transmettre des informations à l'autorité judiciaire est une bonne chose, mais il faut aller plus loin.
Nous verrons dans les prochains jours quelles seront les sanctions éventuelles prononcées par l'ACP. Selon les informations dont je dispose, et que je suis allé chercher sur place, la commission des sanctions de l'ACP devrait prochainement donner sa décision.
Nous avons beaucoup parlé des volets fiscal et judiciaire, mais le volet bancaire existe. Permettez-moi cette comparaison osée : c'est un peu comme si un chauffard était pris à conduire en état d'ivresse, et qu'on lui annonçait qu'il allait être poursuivi, mais en l'autorisant à poursuivre son chemin. Lorsque des faits graves sont relevés par l'ACP, il est important qu'ils puissent faire l'objet de sanctions immédiates. Ces dernières – qui doivent bien sûr être laissées à l'appréciation de la commission des sanctions, laquelle émane d'une autorité indépendante –peuvent aller, dans le cas extrême, jusqu'au retrait de l'agrément de la banque.
Il est utile aussi que les informations relevées par l'audit lors du contrôle de l'aspect prudentiel du fonctionnement d'une banque soient transmises aux services fiscaux.
Cette rédaction constitue une avancée. Nous apprécierons éventuellement les modifications qu'il conviendra d'apporter par la suite, en fonction des observations que nous ferons sur le fonctionnement de cette mesure.
Monsieur le rapporteur général, si je comprends bien, l'amendement du Gouvernement rend automatique la transmission d'informations à l'administration fiscale, mais à condition que ces renseignements aient été transmis parallèlement à l'autorité judiciaire. Pourtant j'avais cru comprendre, lors du débat que nous avons eu en commission des finances, que vous souhaitiez également que des éléments de nature fiscale puissent être transmis à l'administration fiscale, indépendamment de leur communication à l'autorité judiciaire. Est-ce que je me trompe ?
La remarque du président Carrez est pertinente. Un pas est fait, et nous apprécierons si une étape supplémentaire doit être franchie en généralisant la transmission de toutes les informations.
Il est vrai que la rédaction adoptée par la commission était quelque peu lourde et excessive, puisqu'elle faisait de l'ACP un organe dépendant de l'administration fiscale. La rédaction du Gouvernement est meilleure et je m'y rallie. Mais la remarque du président Carrez n'est pas sans intérêt.
Si nous avons fait le choix de cette rédaction, en nous inspirant bien entendu de l'intention du rapporteur général, c'est tout simplement parce que les directives européennes et les règles qui lient entre elles les autorités européennes de contrôle prudentiel nous empêchaient de procéder à une autre rédaction sans que cela pose de sérieux problèmes de droit. Nous avons voulu sécuriser juridiquement la rédaction tout en faisant un pas dans la direction souhaitée par M. le rapporteur général, parce que nous partageons totalement le but visé par son amendement.
L'amendement n° 103 rectifié est adopté et l'article 11 quinquies est ainsi rédigé.
L'article 11 sexies est adopté.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 37 , visant à insérer un article additionnel après l'article 11 sexies.
Monsieur le ministre, vous nous avez détaillé, en réponse à la discussion générale, les nouvelles procédures applicables aux contribuables souhaitant régulariser leurs avoirs non déclarés. Vous vous fixez pour objectif de les inciter à se présenter à l'administration fiscale avant l'entrée en vigueur de la loi, auquel cas ils se verront alors appliquer un barème de pénalité spécifique. Il ne s'agit certes pas d'une amnistie, mais les pénalités seront néanmoins modulées selon les situations, afin de les différencier des pénalités qui s'appliquent en cas de contrôle ; on parle d'amendes réduites de moitié.
Nous aurions préféré l'application d'un malus au-delà d'une date fixée, plutôt que le bonus que vous proposez. Notre amendement est de fait moins conciliant. Il n'est cependant pas contradictoire avec les dispositions que vous avez présentées, puisqu'il s'applique spécifiquement aux biens et revenus détenus à l'étranger. Nous proposons en réalité de nous inspirer – de même, je crois, que le rapport qui est en route – de la solution retenue en Espagne, en prévoyant une majoration de 80 % des droits rappelés pour ceux qui ne se déclareraient pas avant une date que nous proposons de fixer au 31 décembre prochain. Rappelons qu'en Espagne, avec ces dispositions, plus de 130 000 contribuables et 1 500 entreprises ont déclaré des biens à l'étranger, pour une valeur de 87,7 milliards d'euros.
Défavorable. Nous citerons une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Vous proposez, monsieur Sansu, d'allonger à vingt ans la prescription du droit de reprise de l'administration, ce qui n'est pas du tout conforme au principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce principe ne permet pas aux autorités d'infliger des sanctions à des contribuables en raison d'agissements antérieurs à la publication de nouvelles dispositions.
Les dispositions prévues dans le projet de loi, amendé en commission et ce soir dans l'hémicycle, ont suffisamment d'efficacité pour que les téléphones bruissent très bientôt au 139 rue de Bercy.
Je comprends très bien l'esprit de l'amendement que vous présentez, mais je veux, sur deux points que vous avez évoqués, apporter des précisions.
Tout d'abord, vous parlez de bonus. Il n'y a dans cette affaire aucun bonus : il n'y a que des peines. Je veux rappeler que tous ceux qui se trouvent confrontés à l'administration fiscale après avoir été pris en flagrant délit de fraude fiscale, se voient appliquer des pénalités de 40 %. Il est tout à fait logique d'appliquer à ceux qui viennent se présenter spontanément à l'administration fiscale des pénalités qui ne soient pas les mêmes que celles qui s'appliquent en cas de flagrant délit. Vous avez d'ailleurs remarqué que le barème que je propose est à peine inférieur à celui qui s'appliquerait dans ce cas.
Par ailleurs, ce barème n'est pas un petit arrangement sous le manteau entre l'administration fiscale et le contribuable : nous ne voulons pas de cela. C'est un barème voté par la représentation nationale, dont les conditions de mise en oeuvre sont définies par circulaire, et dont il est rendu compte, année après année, à l'occasion d'un rapport devant le Parlement. C'est donc le droit commun et la transparence, dans l'application, non d'un bonus, mais d'une peine.
Le second point concerne la proposition même que vous faites. Vous voulez durcir considérablement les peines appliquées à nos contribuables, en les reprenant sur une période plus longue. Comme vous le savez, il existe un principe de non-rétroactivité de la loi pénale la plus sévère. Ce que vous proposez ne serait donc pas susceptible d'être mis en oeuvre pour des raisons de droit. Aussi, je ne peux vous suivre.
L'amendement n° 37 n'est pas adopté.
Nous avons porté la période de prescription de trois à six ans. Je souhaite appeler votre attention sur des cas où un signalement intervenu avant le terme des six ans ne serait pas suivi d'effet. Nous proposons, dans ces situations, de prolonger d'autant la période de prescription. Si un signalement a été apporté l'année n + 3 et est resté sans suite, la période de prescription serait ainsi portée à neuf ans.
Ce type de mesure est justifié par un certain nombre de situations. Dans l'affaire Cahuzac, par exemple – pardon de remuer le couteau dans la plaie –, un membre de l'administration a signalé, sous le gouvernement Sarkozy, donc plusieurs années avant l'aveu, des irrégularités dans les comptes. La durée de prescription aurait pu être prolongée, alors que la période de six ans n'a pas été suffisante en Suisse.
Dans le dossier Falciani, actuellement, il peut s'écouler un certain temps, à partir du moment où cette personne a divulgué les listes, qui dépasse la période de prescription.
Christian Eckert n'est pas d'accord ; il m'expliquera peut-être pourquoi.
En tout cas, vous aurez compris le principe de l'amendement : en cas de signalement, allonger la période de prescription.
Défavorable. L'amendement porte en réalité à douze ans le délai de prescription de la fraude fiscale, alors que ce délai a déjà été porté à six ans en commission.
Ayant travaillé sur le dossier HSBC, j'ai pu être assuré que les délais de prescription s'éteignaient en 2015. Notre collègue trouvera tout cela dans le rapport que je remettrai dans moins de quinze jours. Cet exemple n'était pas pertinent.
Au vu de ces explications, retirez-vous l'amendement, monsieur Alauzet ?
J'indique à Sandrine Mazetier qu'il ne s'agit pas de six plus six. Si le signalement a été fait en l'an n + 2, on ajoute deux ans et non pas six ! D'autre part mon exemple, monsieur le rapporteur général, n'était peut-être pas très bon, mais du point de vue théorique le problème se pose bel et bien.
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l'amendement de repli n° 57.
L'amendement n° 57 est retiré.
À l'article 11 septies, la parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l'amendement n° 71 .
Tout le monde a compris. Nous avons sans doute oublié d'autres possibilités de transférer des fonds à travers les frontières. L'amendement porte sur les cartes prépayées, que nous proposons d'inclure, au-delà de 10 000 euros, donc pour les cartes prépayées cumulées, dans l'obligation de déclaration. Au passage, ces cartes servent souvent au blanchiment.
Avis très favorable. Dans le rapport Tracfin de 2011, les cartes prépayées sont pointées comme un des nouveaux instruments du fléau qu'est le blanchiment.
L'amendement n° 71 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 11 septies, amendé, est adopté.
L'article 11 octies est adopté.
Je suis saisie d'une série d'amendements visant à introduire un article additionnel après l'article 11 octies.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 36 .
L'amendement n° 36 est retiré.
L'amendement n° 35 est retiré.
La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales est un axe prioritaire de la politique fiscale de notre pays. Au début de cette semaine, le Président de la République a encore insisté sur l'importance de ce sujet auprès de ses homologues du G8 réunis au Royaume-Uni. L'un des instruments indispensables pour mener à bien cette lutte est la transparence fiscale. Celle-ci repose principalement sur la coopération administrative entre États et, plus particulièrement, sur l'échange d'informations à des fins fiscales.
Dans ce contexte, l'échange automatique d'informations fiscales constitue un outil très privilégié d'entraide entre les États. C'est la raison pour laquelle la France souhaite donner une impulsion majeure au développement de ce mode d'échange au plan européen mais aussi au plan international. Dans cette optique, avec ses partenaires du G5, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni, la France travaille à développer entre les États participants au dispositif américain FATCA des accords d'échange automatique réciproque portant sur des informations similaires à celles transmises aux États-Unis.
En parallèle, à la demande du G20, des travaux ont été engagés dans le cadre de l'OCDE afin d'élaborer un nouveau standard international de coopération entre États reposant sur l'échange automatique d'informations.
La France défend donc l'adoption d'une directive sur le sujet, qui s'imposerait à tous les États membres. Dans ce cadre, l'amendement que présente le Gouvernement prévoit d'inscrire pleinement dans notre droit interne l'échange automatique d'informations à des fins fiscales entre États, afin de contribuer à son essor.
Très favorable. Je suis extrêmement fière que notre assemblée se voie proposer cet amendement qui nous a été annoncé par le ministre de l'économie et des finances en réponse à une question d'actualité, mercredi, si je ne m'abuse. C'est une très grande avancée. Cela montre la détermination du Gouvernement à lutter, à l'échelle nationale, européenne et internationale, contre l'évasion fiscale et la non-coopération.
Cela dit, l'échange automatique d'informations ne garantit pas tout. Comme on nous l'a dit en Suisse, à Yann Galut et moi-même, il se livre une guerre entre les pays qui savent tout et ne veulent rien dire – le secret bancaire – et ceux qui ne savent rien et sont donc prêts à tout dire… Je suis donc désireuse que l'Assemblée adopte cet amendement, mais en même temps continuons à être exigeants et vigilants sur la nature des informations échangées.
L'amendement n° 102 est adopté.
Je m'exprime presque plus pour féliciter M. le ministre que dans l'espoir qu'il accédera à notre demande d'anticiper le FATCA européen, que Pierre Moscovici avait déjà proposé dans la loi bancaire, avec le complément qu'apporte maintenant le Gouvernement, de la même façon que l'on avait anticipé pour la loi bancaire, ce qui avait été un levier important. Je sais que vous n'êtes pas favorables à cet amendement, mais je vous adresse en tout cas mes félicitations pour l'amendement précédent.
L'amendement n° 61 est retiré.
Je n'apprendrai à personne que les schémas d'optimisation fiscale sont susceptibles d'avoir des incidences graves sur la situation des salariés. Ils peuvent en effet constituer les préalables à des restructurations et délocalisations. De ce fait, il paraît légitime que les institutions représentatives du personnel, en clair les comités d'entreprise, puissent avoir un droit de regard sur la politique fiscale de l'entreprise ou du groupe auxquels ils appartiennent.
Nous estimons que les comités d'entreprise devraient être informés et consultés annuellement sur la politique fiscale de l'entreprise, voire, en cas de modification du statut juridique de l'entreprise, qui peut annoncer une restructuration à finalité fiscale, bénéficier de l'assistance d'un expert-comptable ou d'un fiscaliste. Sans aller jusque-là, notre amendement propose que la politique fiscale fasse partie des éléments d'information fournis chaque année aux comités d'entreprise.
Avis défavorable. D'abord, parce que ces amendements visent le code du travail ; ensuite parce qu'ils sont satisfaits par les dispositions prises dans le cadre de la loi bancaire que nous avons tous évoquées; enfin – et cela va vous faire de la peine, cher Nicolas Sansu – l'article 8 de la loi sur la sécurisation de l'emploi prévoit la mise en place d'une base de données économique et sociale, devant retracer les flux financiers à destination de l'entreprise, notamment les aides publiques et les crédits d'impôts, et elle prévoit par ailleurs un dispositif de suivi de l'utilisation du CICE. Votre amendement élèverait le seuil de l'entreprise imposant la communication de ce type d'informations à ses salariés, alors que l'article 8 de la loi sur la sécurisation de l'emploi avait prévu que toute entreprise dotée d'un comité d'entreprise soit obligée de communiquer ces informations au comité. Vous voyez que la loi de sécurisation de l'emploi était une vraie loi de progrès social.
Sourires.
Nous n'allons peut-être pas rouvrir ce débat ce soir…
La parole est à M. Nicolas Sansu.
Je ne vais pas polémiquer, mais je voudrais tout de même réagir d'un mot. Je ne pense pas que la politique fiscale d'une entreprise se réduise à l'utilisation du CICE.
La politique fiscale concerne aussi la question de l'optimisation fiscale, sur laquelle notre amendement porte également. Or il ne me semble pas que cela soit inscrit dans l'accord dit de sécurisation de l'emploi, qui ne constitue pas selon moi une bonne avancée.
L'amendement n° 62 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 39 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l'amendement n° 7 , qui est un amendement de suppression.
L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
Il s'agit d'un amendement qui reprend ce que nous disions dans la discussion générale. Nous sommes extrêmement réservés sur la création du procureur financier, qui selon vous pourra piloter, ici à Paris, les affaires les plus importantes sur l'ensemble du territoire national. Nous pensons qu'il est préférable d'étendre les compétences des JIRS et de réserver à la juridiction interrégionale spécialisée de Paris l'examen des dossiers qui relèvent de plusieurs juridictions spécialisées du territoire national. Je reviendrai dans un amendement subséquent sur les raisons de notre réserve sur le procureur financier. Cet amendement vise à permettre à la JIRS de Paris d'être saisie des affaires complexes qui s'étendent sur les ressorts de plusieurs JIRS sur l'ensemble du territoire national.
Votre amendement et ceux que vous allez présenter dans quelques instants témoignent d'un contre-projet. Ils visent en effet à refuser la logique du procureur de la République financier. Or je considère que la création de cette fonction est une bonne réponse à la nécessité de mieux lutter contre la délinquance économique et financière pour au moins quatre raisons.
Premièrement, la création d'un procureur autonome donnera une vraie visibilité à la politique de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Deuxièmement, l'existence de ce procureur autonome permettra de garantir l'autonomie des moyens consacrés à cette lutte – et nous avons vu combien il importe que des moyens puissent être mis en oeuvre dans un tel cadre. Troisièmement, le procureur de la République financier sera un interlocuteur privilégié pour les services d'enquête nationaux, y compris pour le futur office central spécialisé dont nous avons parlé et dont Mme la ministre a annoncé la création prochaine, ainsi que pour les autorités judiciaires étrangères, ce qui améliorera la mise en oeuvre de l'entraide pénale pour les affaires complexes. En outre, lorsque le procureur européen aura été créé, le procureur financier pourra constituer un interlocuteur adapté.
Quatrièmement, le procureur financier aura sa propre légitimité pour mettre en oeuvre les instructions générales décidées par Mme la garde des sceaux, en déterminant l'action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la corruption de grande complexité. Cette légitimité sera accrue d'autant par la réforme du statut du parquet et la suppression des instructions individuelles. C'est pourquoi la commission est défavorable à l'ensemble des amendements qui seront défendus dans le sens d'une modification voire d'une suppression du procureur de la République financier.
Le rapporteur vient d'avancer les deux arguments essentiels. Le premier, c'est que vous vous trouvez, monsieur Blanc, dans une certaine logique et une certaine cohérence : vous essayez de construire un contre-projet, puisque vous refusez la création d'un procureur financier à compétence nationale. Le deuxième, c'est que vous témoignez d'une confusion sur le rôle des JIRS. Or il serait bon que vous parveniez à distinguer – quand bien même vous ne consentiriez pas à la création de ce procureur financier – la compétence des JIRS sur la délinquance économique et financière de grande et de très grande complexité de celles de ce procureur financier, qui doit être spécialisé dans les atteintes à la probité et la fraude fiscale.
Vous ne pouvez donc pas remplacer ce procureur par une JIRS qui en rassemblerait d'autres. Le seul critère géographique n'est pas recevable. En outre, il existe une cohérence dans l'organisation de la prise en charge de ces procédures, selon leur degré de complexité. La compétence d'attribution du procureur national est une compétence concurrente : aussi n'exclut-elle pas les JIRS. Elle permet au contraire une bonne intelligence et, le cas échéant, une bonne complémentarité.
Enfin, vous vous demandez par quel miracle – pour forcer un peu votre formulation – le procureur de Paris se retrouverait nationalement compétent. Je vous rappelle que nous disposons à Paris d'une compétence nationale, celle contre le terrorisme, qui est très efficace et qui ne remet pas en cause les capacités des autres juridictions. Paris a une compétence concurrente, qui évite les annulations de procédures lorsque, par exemple, une procédure, prise en charge par une autre juridiction, se révèle dans un second temps relever du terrorisme, alors que cela n'était pas immédiatement flagrant.
Pour ces raisons, le Gouvernement reconnaît, à la suite du rapporteur, la cohérence de votre démarche et la pugnacité que vous mettez à la faire entendre, mais puisqu'il s'agit d'un contre-projet, nous allons émettre un avis défavorable sur les amendements qui visent à supprimer la création d'un procureur financier à compétence nationale.
Un dernier mot pour le clin d'oeil… L'intérêt de porter plusieurs textes est d'avoir une approche transversale sur ceux-ci. Je vous ai entendu tout à l'heure à la tribune dire que vous étiez inquiet de l'indépendance de ce procureur qui sera nommé comme tout autre procureur. Mais je vous invite précisément à voter la réforme du Conseil supérieur de la magistrature
Sourires
, dans laquelle j'aligne les conditions de nomination des magistrats du parquet, soit des procureurs, sur les conditions de nomination des magistrats du siège, c'est-à-dire le respect de l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature que nous nous proposons d'inscrire dans la constitution. Avis défavorable.
Je répondrai sur un amendement ultérieur qui concerne plus particulièrement le procureur financier.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à renforcer la lisibilité et l'efficacité des juridictions inter-régionales spécialisées. Pour procéder à ce renforcement, dans la logique que vous me reconnaissiez, madame la garde des sceaux, nous pensons qu'il serait utile d'adjoindre aux JIRS un procureur-adjoint spécialisé, qui serait désigné par le procureur général après avis du procureur de la République. Ce procureur-adjoint permettrait de renforcer les JIRS.
Je voudrais également profiter de cet amendement pour réagir à deux de vos apostrophes. Vous comparez la situation à venir à la juridiction antiterroriste de Paris. Or, comme je le disais dans mon propos liminaire, si vous aviez été parfaitement logique, vous auriez créé à Paris une juridiction spécialisée et non pas seulement un procureur financier : c'est ce qu'ont fait les Espagnols. Aujourd'hui, l'Espagne – et l'on connaît l'ampleur de ses problèmes en matière de corruption et de fraude fiscale – est l'un des pays d'Europe qui offrent la meilleure réponse, par son organisation judiciaire, et elle relève bien le défi de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale.
En second lieu, vous déclarez que le procureur financier va traiter des affaires. Et puis, « vous allez voir ce que vous allez voir », il se saisira d'affaires importantes. Or aujourd'hui ces affaires qui touchent à la concussion et à la probité sont déjà examinées par les JIRS. Vous allez donc enlever un certain nombre d'affaires à des JIRS pour les faire examiner par le procureur financier. Si l'un de nous n'est pas logique, c'est le Gouvernement qui n'accomplit qu'une petite partie du chemin, sans aller au bout de l'exercice et sans apporter de réponse adaptée aux problèmes qu'il entend traiter.
Je veux dire quelques mots pour corriger certains propos de M. Blanc. Je ne dis pas « on va voir ce qu'on va voir » parce que j'avance avec une très grande prudence et un niveau d'exigence extrêmement élevé face auquel je veille à mettre des moyens et des méthodes. Je dis seulement que nous créons ce procureur spécialisé pour les affaires de très grande complexité, les atteintes à la probité, la fraude fiscale et les délits boursiers : rien de plus clair. Il n'y a donc aucune confusion avec la responsabilité et la compétence des JIRS. Ce procureur aura des moyens qui seront supérieurs à ceux des JIRS, notamment en matière d'entraide internationale.
Nous avons une architecture cohérente et dont l'usage actuel nous permet de penser que nous pouvons supprimer les pôles économiques et financiers compétents pour la délinquance économique et financière de grande complexité. Nous avons les JIRS, au nombre de huit seulement, alors que nous avons trente-sept pôles économiques et financiers, pour les cas de très grande complexité : nous aurons désormais ce procureur de la République financier pour les atteintes à la probité, qui sont des matières délictueuses particulières, et pour la fraude fiscale, notamment la fraude fiscale complexe et celle en bande organisée.
Vous vous référez à l'Audiencia Nacional espagnole, mais nous ne sommes pas dans la même une architecture institutionnelle et judiciaire. D'ailleurs, laissez-moi vous dire que l'Espagne se montre très intéressée par notre organisation, puisque j'ai reçu ici mon homologue, en plus des rencontres que nous avons eues au Conseil européen. Nous avons échangé et il se révèle curieux et intéressé par l'organisation de notre ministère public, le « parquet à la française ». Si nous voulons adopter l'audience nationale, telle qu'elle existe en Espagne, nous changeons de système judiciaire, d'architecture judiciaire, d'organisation judiciaire. Je veux bien que l'herbe soit toujours plus verte ailleurs, mais si l'Espagne a sa logique, sa cohérence, son efficacité et sa performance, nous avons les nôtres qui ne leur sont en rien inférieures. Nous demeurerons dans cette architecture institutionnelle. Je ne voudrais pas prolonger les débats et nous imposer une veillée nocturne, mais il me paraissait nécessaire de corriger certains de vos propos.
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
L'article n° 13 est adopté.
Je suis saisie d'un amendement, n° 8 , tendant à supprimer l'article 14.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour le soutenir.
L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 14 est adopté.
Je suis saisie d'un amendement, n° 9 , tendant à supprimer l'article 15.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour le soutenir.
Cet article porte création du procureur de la République financier, auprès du tribunal de grande instance de Paris. Il fonctionnerait en parallèle avec le procureur de la République de Paris, l'ensemble du dispositif étant contrôlé par le procureur général. J'ai indiqué dans la discussion générale qu'il y a quatre inconvénients à l'instauration de ce procureur de la République financier.
Le premier grief, c'est le choix de l'approche globale. Il est possible d'avoir une telle approche au niveau des JIRS parce que dans la proximité, on a connaissance de la complexité d'une affaire. On sait que les affaires sont multiformes : parfois, on en découvre une grave à travers la révélation d'une foule de petits points particuliers ; ce peut être à l'occasion d'un contrôle dans une entreprise ou sur l'activité d'un cabinet-conseil que l'on peut découvrir des éléments susceptibles de constituer plus tard un ensemble. M. Houillon et moi-même avons pensé que le procureur de la République financier aurait une vision trop partielle des choses, qu'il serait démuni de cette vision globale que les JIRS ont parfaitement.
Le deuxième grief porte sur les compétences. Vous m'avez invité, madame la garde des sceaux, à voter la loi sur l'indépendance du parquet et la nomination des procureurs de la République sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, ajoutant que je n'étais à cet égard pas cohérent quand je parlais du procureur financier car votre nouveau projet de loi prévoirait qu'il soit totalement indépendant. Mais mon collègue et moi-même n'avons pas abordé la question sous cet angle : nous avons considéré qu'il aurait fallu préciser qui serait chargé d'un éventuel arbitrage sur un conflit de compétences. Ce n'est pas une question de conflits de personnes, mais de répartition de compétences. La chancellerie aura à donner son avis sur un certain nombre de points, et je suis de ceux qui pensent que c'est absolument normal : quand il y aura conflit entre le procureur et le procureur financier,…
Pourquoi y en aurait-il ?
…quand le procureur général sera parfois en difficulté pour trancher, vous serez amenée à intervenir. C'est en voyant les choses sous cet angle que nous pensons qu'il ne sera pas totalement indépendant. Des articles de presse ont expliqué que la création de ce procureur financier était destinée à faire contrepoids au procureur de la République actuel qui a été nommé par le précédent gouvernement… Je ne le suspecte pas, mais une telle analyse révèle bien une inquiétude et des interrogations restées sans réponse, madame la garde des sceaux. Vous reconnaîtrez que mon propos est extrêmement mesuré et qu'il ne se veut en rien suspicieux et encore moins blessant à votre égard.
Le troisième grief, c'est que ce procureur n'atteindra pas l'objectif affiché par le Gouvernement de renforcer l'indépendance de la justice, parce qu'il sera nommé selon les mêmes modalités que les autres procureurs de la République.
Quatrièmement, nous pensons que ce dispositif, en raison de sa complexité, conduira à faire trancher un certain nombre de conflits par la chancellerie.
Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à la mise en place de ce procureur financier qui, je le redis, ne répond pas à l'objectif que vous poursuivez et que vous affichez.
L'amendement n° 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement a pour objet d'étendre la compétence concurrente du procureur de la République de Paris, du juge d'instruction et du tribunal correctionnel de Paris à une série d'infractions économiques et financières complexes, dans les mêmes conditions que celles qui sont déjà prévues en matière de corruption d'agent public étranger. Le pôle financier de Paris dispose d'une expertise reconnue, sa compétence en la matière est avérée.
J'émets un avis défavorable, mais en saluant la ténacité de M. le député.
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
L'amendement n° 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 16 est adopté.
L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 17 est adopté.
L'article 18 est adopté.
L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 19 est adopté.
L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 20 est adopté.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l'amendement n° 63 rectifié .
Pour plus de fluidité entre les différentes institutions, en l'espèce entre l'Autorité des marchés financiers ou sa commission des sanctions et le procureur financier, cet amendement propose une meilleure coordination dans la lutte contre la fraude en renforçant le volet de coopération entre ces deux institutions. L'idée est de permettre à l'Autorité des marchés financiers de disposer à tout moment des pièces de la procédure, notamment dans le cadre de l'enquête préliminaire. Les documents communiqués par le procureur financier pourraient être des pièces d'enquête, des rapports liés aux investigations ou des procès-verbaux susceptibles d'aider le secrétaire général de l'AMF et ses services à apprécier la situation. Ainsi, il y aurait plus d'huile dans les rouages, plus de simultanéité dans l'action et moins de perte de temps.
J'aurai beaucoup patienté, mais j'éprouve enfin l'indicible plaisir de vous dire oui, monsieur le député.
Sourires.
C'est un amendement tout à fait utile qui permettra de mieux coordonner les interventions des autorités judiciaires et administratives. L'avis est donc favorable. Dois-je le répéter cinq fois pour me rattraper, monsieur Alauzet ?
Sourires.
L'amendement n° 63 rectifié est adopté et l'article 20 bis est ainsi rédigé.
L'article 21 est adopté.
Ce projet de loi affiche des objectifs louables de lutte contre la fraude fiscale, laquelle est évaluée entre 60 milliards et 80 milliards d'euros, mais il ne prévoit rien pour mesurer l'efficacité des dispositifs qui vont être mis en oeuvre, notamment le procureur financier. Notre amendement de rendez-vous propose donc de mettre en oeuvre un dispositif d'évaluation.
Et puis, mais vous n'y verrez aucune malice, madame la garde des sceaux, nous proposons surtout que ces nouveaux dispositifs puissent être comparés avec ce qu'ont fait les gouvernements précédents. Vous savez que les résultats qui avaient été obtenus par la cellule de dégrisement n'étaient pas neutres, non plus que ceux obtenus par des dispositifs plus anciens. Par conséquent, nous proposons la mise en oeuvre d'une procédure d'évaluation comparative avec les dispositifs antérieurs.
Avis défavorable. Monsieur Blanc, par la manière dont vous l'avez présenté, vous avez survendu votre amendement. En fait, vous proposez simplement de comparer deux choses tout à fait incomparables, de surcroît en termes de rendement budgétaire et pas du tout, par exemple, en fonction de critères d'architecture de la justice.
Je rappelle que le rapporteur d'application de cette loi, M. Warsmann, qui appartient à votre groupe, pourra évaluer les améliorations apportées par le texte. Votre amendement propose, je le répète, de comparer des choses absolument incomparables, des procédés radicalement différents. C'est presque un hommage du vice à la vertu que de proposer de comparer la cellule dite Woerth, un dispositif ponctuel de traitement au cas par cas, à la tête du client, sur la base de l'anonymat, avec un procédé transparent, républicain, qui propose l'égalité devant l'impôt, devant la sanction, la réparation et la transaction éventuelle – dont M. le ministre nous a précisé les modalités tout à l'heure.
De plus, au vu de la date proposée pour la remise du rapport, je m'étonne que Gilles Carrez ait associé son nom à cet amendement : c'est « avant le 30 juin 2014 »… Voilà une échéance assez amusante puisque, évidemment, on ne peut pas évaluer préventivement de nouvelles dispositions, c'est-à-dire avant même que le feu de la loi ne produise son effet. L'avis est donc très défavorable.
Je ne comprends pas vraiment le sens de cet amendement, et je vais vous dire pourquoi, monsieur le député.
Tout d'abord, vous avez passé une grande partie du débat à nous expliquer que ce que votre majorité avait fait était absolument louable et ne se réduisait pas à la cellule de régularisation mise en oeuvre par l'un de mes prédécesseurs. Vous aviez d'ailleurs raison sur ce dernier point : il est vrai que vous n'avez pas fait que la cellule de régularisation, d'autres dispositions ont été rappelées par le président de la commission des finances, concernant par exemple les prix de transferts. Par conséquent, vous seriez légitime à dire : « Voilà la totalité de ce que nous avons fait en termes de lutte contre la fraude fiscale ». Je note au passage qu'il serait intéressant de savoir ce que cela a rapporté car nous ne le savons pas très exactement aujourd'hui. Et puis vous pourriez proposer de mettre en place une mesure d'évaluation permettant d'apprécier globalement ce qui a été fait sous le précédent quinquennat dans ce domaine avec ce que nous proposons. J'aurais pu le comprendre.
Mais ce n'est pas ce que vous nous proposez.
Vous voulez prendre, d'une part, un des éléments de la politique du précédent quinquennat, la cellule de régularisation, et, d'autre part, tout ce que nous faisons ce soir et qui vise à créer un dispositif non pas destiné à récupérer 70 milliards, mais à favoriser les comportements vertueux, à mettre en place d'autres logiques au plan européen, à pousser au démantèlement de certaines structures au plan international.
Par ailleurs, en ce qui concerne le dispositif de mise en conformité au droit dont il a été question ce soir, j'ai indiqué quels étaient les barèmes et les modalités, et que le Parlement aura annuellement à connaître, à travers un rapport, du nombre de contribuables, des sommes collectées et des conditions dans lesquelles l'administration fait son travail. Vous avez donc toute garantie, compte tenu de ma précédente déclaration, d'avoir la possibilité d'obtenir des chiffres. Comme des chiffres ont été donnés concernant le fonctionnement de la cellule Woerth, nous pourrons comparer. Pour le reste, vous proposez une comparaison entre des choses qui n'ont rien à voir. Par conséquent, je propose que l'on ne retienne pas cet amendement dont je ne comprends pas la logique.
Cet amendement qui demande un rapport d'information a deux objectifs. Le premier est de vous rappeler – au passage, je remercie le service de la séance de l'avoir accroché en toute fin de texte – que l'objectif de rendement est légitime dans un pays qui a un déficit de 90 milliards d'euros, qui nous préoccupe les uns et les autres. En outre, lorsque nous avons rédigé cet amendement, monsieur le ministre, nous ne connaissions pas le dispositif que vous avez annoncé cet après-midi.
Je vous propose – mais vous venez de répondre – de faire en sorte que nous soyons en état, à l'horizon que vous jugerez souhaitable et qui pourrait être fin 2014, de comparer le rendement des deux dispositifs. Celui que vous allez mettre en oeuvre est tout à fait intéressant. Pour autant, madame Mazetier, il ne faut pas avoir des paroles trop dures à l'égard de celui de 2009 qui, je vous le rappelle, était une première. Nous avons vraiment innové et cherché une voie qui ne fût pas l'amnistie, contrairement à d'autres pays européens, tout en procurant un rendement. Celui-ci a d'ailleurs été au rendez-vous : nous avons recouvré environ un milliard d'euros de droits entre l'impôt sur le revenu et les impôts sur le patrimoine, et aussi une base taxable au titre de l'ISF qui représente un revenu récurrent de 150 à 200 millions d'euros. Ce n'est pas négligeable.
Cette nouvelle étape que vous avez présentée cet après-midi, cette nouvelle manière de procéder, il est intéressant que notre assemblée et la commission des finances puissent en connaître l'efficacité, à l'horizon que vous jugerez nécessaire. Considérez plutôt cette demande de rapport comme exprimant le souci de connaître avant tout le rendement que vont donner les dispositions que vous avez présentées cet après-midi et que, pour ma part, je ne conteste absolument pas, ni sur le fond ni dans le détail.
Je voudrais dire mon accord avec le président de la commission des finances. Il est tout à fait légitime qu'il y ait, dans cette assemblée, une volonté de comparer les dispositifs ou tout simplement d'avoir une information sur les rendements des mesures créées par le Gouvernement pour lutter contre la fraude fiscale.
Je me suis engagé à le faire, il y aura un rapport annuel au Parlement, et la commission des finances peut contribuer à la collecte de ces éléments dans le cadre des missions que vous avez vous-même constituées et des travaux effectués du rapporteur général. Je propose donc le retrait de cet amendement puisque nous avons la garantie d'atteindre le but.
Il faut maintenir cet amendement. Il est important car c'est le critère de rendement qui est essentiel en la matière. On ne peut évaluer ce rendement que par comparaison. Monsieur le ministre, il faudra bien que vous compariez la mécanique de la cellule de dégrisement avec le dispositif multiple que vous mettez en place dans ce texte. Les éléments de comparaison sont peut-être un peu compliqués, ce ne sera pas facile, mais nous tenons à ce que cette comparaison s'effectue pour bien connaître les rendements de ces dispositifs.
Un humoriste disait : quand je me regarde, je me satisfais et quand je me compare, je me lamente. Voyez dans notre amendement le souci que vous ne vous lamentiez pas jusqu'à la fin de cette législature. Acceptez la comparaison. Nous aimerions que vous puissiez vous comparer à vos prédécesseurs et que vous compariez les dispositifs.
L'amendement n° 29 n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 25 juin, après les questions au Gouvernement.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.
L'amendement n° 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
L'article 2 est adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi organique.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique auront lieu le mardi 25 juin, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, vendredi 21 juin à neuf heures trente :
Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
La séance est levée.
La séance est levée, le vendredi 21 juin 2013, à une heure cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron