Déposé le 23 mai 2014 par : M. Larrivé.
Supprimer cet article.
L'article 8 crée une nouvelle peine dite de contrainte pénale purgée en milieu ouvert.
Elle emportera pour le condamné l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières, justifiées par la personnalité du condamné, les circonstances de l'infraction, ou la nécessité de protéger les intérêts des victimes.Ces mesures, obligations et interdictions seront déterminées, après évaluation de la personnalité de la personne condamnée par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, par le juge de l'application des peines. Elles pourront être modifiées au cours de l'exécution de la peine au regard de l'évolution du condamné. Elle sera possible pour tout délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement.
Ce dispositif pose non seulement des questions d'applicabilité d'un point de vue pratique mais également d'un point de vue constitutionnel. En effet, la contrainte pénale est d'une extrême complexité et fait figure d'OVNI pénal.
Le mécanisme se décompose en plusieurs phases :
-La phase juridictionnelle avec déclaration de culpabilité et prononcé de la contrainte pénale
-La phase post-sentencielle de mise en œuvre de la peine de contrainte pénale, avec recommandation des SPIP et gestion par le JAP du suivi probatoire, lequel peut à tout moment modifier le prononcé du tribunal
-Une éventuelle nouvelle phase juridictionnelle qui sanctionne le non-respect des mesures probatoires par l'emprisonnement.
L'on voit ici qu'il ne saurait s'agir d'un simple SME amélioré, où le respect des mesures probatoires est une condition de non révocation du sursis, mais aucunement une peine en soi.
Ce qui pose la question fondamentale de la nature juridique exacte de la contrainte pénale. Y'a-t-il une peine principale de probation, tandis que l'emprisonnement serait une peine alternative subsidiaire, ou bien faut-il considérer l'emprisonnement éventuel comme faisant partie intégrante de la contrainte pénale ? La contrainte pénale est-elle en elle-même punitive ou seulement réparatrice ?
Dans un cas comme dans l'autre, on aboutit à une contradiction insoluble. Car soit la contrainte pénale aboutit à instaurer 2 peines distinctes –dont la seconde est une éventualité- pour la même infraction, ce qui contrevient au principe« non bis in idem ». Soit la contrainte pénale instaure une « double peine », où la seconde peine est déjà contenue, comme éventualité, dans la première, attendu que celui qui révoque la première ne rejuge pas de la culpabilité, et qu'il ne dispose comme sanction que de l'emprisonnement, et que le quantum de l'emprisonnement dépend de la première peine.
Au-delà de ce point, la contrainte pénale comporte une indétermination manifeste tout au long de son exécution, en contradiction directe avec la légalité des peines, au point qu'il n'est plus possible de savoir quelle peine est encourue pour un certain type d'infraction. Il y a en effet une incertitude complète sur la durée de la peine de contrainte pénale (de 6 mois à 5 ans), puisque cette durée ne dépend pas de la gravité de l'infraction, mais de l'appréciation subjective du tribunal quant à la personnalité de l'auteur de l'infraction. Mais aussi une incertitude sur le contenu de la peine : les obligations et interdictions dépendent entièrement du contexte : personnalité de l'auteur, infraction, victime… Le contenu de la peine est totalement incertain non seulement avant le prononcé de la peine, mais pendant l'exécution, puisqu'il appartient au JAP de procéder à toute modification qu'il jugerait utile. Quelle est d'ailleurs la légitimité juridique du JAP à substituer une peine à une autre ? Car à la différence du SME, il ne s'agit pas de redéfinir les modalités d'exécution d'une peine, mais de modifier la peine elle-même.
De plus, si les mesures de contrainte ne sont pas respectées, on retrouve le même degré d'incertitude au niveau de la peine d'emprisonnement. La loi prévoit simplement 2 plafonds (la moitié de durée de la contrainte pénale et la durée de la peine encourue pour l'infraction), rien de plus. Et comment comprendre que la durée de probation puisse servir de plafond à la peine d'emprisonnement, au mépris de la peine encourue par l'infraction elle-même ?
Le texte n'est pas plus disert sur un point d'importance : combien de peines de contrainte pénale un condamné peut-il cumuler ? Les durées successives de contrainte pourront-elles être supérieures à 5 ans ? Si plusieurs contraintes pénales sont prononcées, se cumuleront-elles ou se confondront-elles ? Dans le cas où plusieurs contraintes sont prononcées et font l'objet d'une demande de révocation simultanée, comment fixera-t-on la peine d'emprisonnement maximale ?
Enfin, dernier point majeur, le projet de loi n'établit aucun critère objectif a priori pour justifier que certains individus se verront appliquer la contrainte pénale, ou bien un SME, ou encore de la prison ferme, et ce pour la même infraction.
Notre dispositif pénal comportera 2 peines de nature probatoire et éducative : le SME (-TIG) et la contrainte pénale, dont les régimes pratiques sont proches mais qui sont très éloignés en droit, et dont la durée maximum (3 ans pour le SME) ne se confond pas.
La loi ne donnant aucune indication objective au juge, le citoyen sera abandonné à l'arbitraire, conduisant à une rupture manifeste d'égalité du citoyen devant la loi, et à une absence de proportionnalité des peines.
Au final, peu importe l'intention de la contrainte pénale, il n'est pas envisageable qu'elle puisse conduire à renoncer aux principes fondamentaux de notre droit. C'est la raison pour laquelle cet amendement en demande la suppression.
Ainsi, conformément à ce qu'a affirmé le rapporteur du projet de loi, Dominique Raimbourg, lors d'un entretien avec l'AEF le 28 avril 2014« l'objectif n'est pas de vider les prisons - cela sera l'une des conséquences ».
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