Déposé le 10 mars 2015 par : M. Door, M. Aboud, M. Tian, M. Cinieri, M. Foulon, M. Quentin, Mme Levy, M. Jacquat, M. Accoyer, M. Vitel, M. Marcangeli.
I. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 3511‑6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Les unités de conditionnement ainsi que tout emballage extérieur d’un produit du tabac à fumer portent, dans les conditions fixée par un arrêté du ministre chargé de la santé, des avertissements généraux et des avertissements sanitaires combinés qui recouvrent 65 % de la surface extérieure avant et arrière de l’unité de conditionnement et de tout emballage extérieur. ».
II. – Le I entre en vigueur le 20 mai 2016.
Le présent amendement vise à transposer dans le code de la Santé publique les articles 8 à 10 de la directive 2014/40/UE relative aux produits du tabac.
Les politiques de lutte contre le tabagisme mises en œuvre dans notre pays ont toujours été le fruit d’un subtil équilibre entre liberté individuelle et protection collective. La « loi Evin » de 1991, le premier Plan cancer de 2003, ou le décret du 15 novembre 2006 relatif à l’interdiction de fumer dans les lieux publics, qui visait à renforcer la protection de la population contre le tabagisme passif, ont indubitablement permis des progrès.
Le Baromètre santé 2014 récemment publié montre par ailleurs des résultats encourageants, puisque la prévalence tabagique est passée de de 29,1 % en 2010 à 28,2 % en 2014. Cependant, la France est toujours l’un des mauvais élèves en Europe et cette légère baisse ne doit pas maquer des chiffres toujours préoccupants. 17,8 % des femmes fument toujours au troisième trimestre de leur grossesse, 37,8 % des ouvriers fument chaque jour – contre 18,9 % des cadres.
La protection de la santé publique est un principe à valeur constitutionnelle ; la poursuite de cet objectif doit néanmoins obéir au principe de proportionnalité et, en cela, respecter un autre principe à valeur constitutionnelle également protégé par le traité fondateur de l’Union Européenne : le droit de propriété.
Si le statut quo ne suffit plus, la proposition d’instauration d’un paquet neutre, qui interdirait toute forme d’expression de la marque, apparaît excessive.
Outre le problème juridique lié à l’atteinte démesurée et disproportionnée aux droits des marques, brevets, modèles et dessins, l’instauration de ce paquet ne serait pas financièrement neutre pour l’Etat : la privation d’exercice du droit des marques obligerait d’abord à une indemnisation des cigarettiers, estimée à 20 milliards d’euros au moins. De plus, la France courrait le risque d’une condamnation par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Enfin et surtout, il y a fort à parier que des produits français subiraient des représailles par des pays tiers. L’Indonésie a par exemple menacé d’imposer un emballage neutre sur l’alcool australien après l’instauration du paquet neutre chez ses voisins.
Par ailleurs, le recul sur l’expérience menée depuis décembre 2012 par l’Australie est beaucoup trop faible pour que des conclusions définitives – et a fortiori positives - puissent en être tirées.
Notre politique de santé publique doit enfin tenir compte des réalités pratiques. Le tabac ne connaît pas les frontières. Les taux de fiscalité appliqués au tabac chez nos voisins créent un effet d’aubaine pour les frontaliers qui vont abondamment s’approvisionner en Belgique, au Luxembourg, en Espagne ou en Andorre. La contrebande ainsi que les achats transfrontaliers légaux ou illégaux, ont significativement augmenté ces dernières années, créant des problèmes annexes aux enjeux de santé publique. Les finances publiques et les revendeurs légaux que sont les buralistes pâtissent de ce marché parallèle.
Le présent amendement vise donc à proposer un compromis entre les exigences de santé publique et la protection des libertés fondamentales. Cette « troisième voie » présente en outre l’avantage de s’inscrire dans un cadre européen renouvelé par l’adoption le 29 avril 2014 d’une directive relative aux produits du tabac (TPD) qui devra être transposée dans les législations nationales avant le 20 mai 2016. L’arrêté du 27 février 2015 modifiant l’arrêté du 15 avril 2010 relatif aux modalités d’inscription des avertissements de caractère sanitaire sur les unités de conditionnement des produits du tabac et insérant un pictogramme destiné aux femmes enceintes participe d’ailleurs de cet objectif. En effet, il prévoit dans son article 2 que tous les paquets devront comprendre des avertissements sanitaires combinés (messages et photographies couleur) sur 65% des 2 faces, conformément aux articles 8 à 10 de la TPD susmentionnée. L’article 4 du même arrêté prévoit une mise en application le 20 mai 2016.
Ce paquet européen standardisé, pour autant qu’il ne règle pas les disparités fiscales entre pays de l’Union, harmonise extérieurement l’apparence des paquets. Avec des proportions d’avertissements qui recouvriront deux tiers des paquets, il constitue un progrès considérable pour notre pays et pour les pays tiers. La France doit s’inscrire dans cette étape collective de lutte contre le tabagisme, sans chercher à mettre en œuvre des mesures excessives qui pourraient s’avérer contre-productives.
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