Amendement N° CL387 (Tombe)

Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

Sous-amendements associés : CL677

Déposé le 23 mai 2016 par : M. Galut, M. Alauzet.

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Rédiger ainsi l'article 6 :

I. - 1° Est qualifiée de « lanceur d'alerte » toute personne physique qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a connaissance dans le contexte d'une relation de travail, rémunérée ou non, présente ou passée.

2° « L'alerte éthique » s'entend comme le signalement ou la révélation d'une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, acquise dans le contexte d'une relation de travail, rémunérée ou non, présente ou passée.

II. - Le signalement est préalablement effectué par voie interne ou auprès du service mentionné à l'article 1 du présent texte, ou auprès d'une autorité administrative ou judiciaire, ou d'un parlementaire. Et si ces voies se sont avérées vaines ou en cas de danger grave et imminent, une révélation, publique, est adressée à la société civile ou aux médias.

III. - Toute obligation de confidentialité, faisant obstacle au signalement ou à la révélation d'un crime, d'un délit, d'une menace ou d'un préjudice graves pour l'intérêt général, est nulle.

IV. - Si les informations détenues par le lanceur d'alerte sont couvertes par un secret pénalement protégé, celui-ci n'est délié de son obligation qu'en cas de signalement ou révélation à l'autorité judiciaire ou à l'Agence nationale de l'alerte.

V. - Les employeurs mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que les employeurs mentionnés au sens de l'article 1111‑1 du code du travail affichent les modalités de transmission d'une information au service mentionné l'article 1 du présent texte.

VI. - 1° Le lanceur d'alerte est protégé contre toutes mesures de rétorsion faisant suite à son signalement ou sa révélation.

2° Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionné, révoqué ou licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte ; notamment en matière de traitement, de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de notation, de discipline, de titularisation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir de bonne foi signalé ou révélé une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général.

3° En cas de litige relatif à l'application du précédent alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d d'un crime, d'un délit, d'une menace ou d'un préjudice graves pour l'intérêt général, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement ou à la révélation de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

4° Toute rupture de la relation de travail ou révocation, toute disposition ou tout acte contraire au 2° du présent article, qui ferait suite à un signalement ou une révélation est nul de plein droit. La nullité emporte la réintégration du salarié dans son emploi, ou sa réaffectation à un poste équivalent qui ne peut être inférieur ni en termes de rémunération ni en termes d'ancienneté ni en termes de droit à la retraite, ou le dédommagement intégral de sa perte de revenus.

5° En cas de rupture de la relation de travail résultant d'un signalement ou d'une révélation, le salarié peut saisir le conseil des prudhommes statuant en la forme des référés. Le conseil des prudhommes doit statuer dans les 21 jours suivant la saisine. Il peut ordonner le maintien du salarié dans l'entreprise, ou en cas de refus du salarié, peut ordonner le maintien du salaire jusqu'au prononcé du jugement.

6° L'agent public lanceur d'alerte peut demander au juge administratif d'intervenir en référé afin de préserver ses droits. Dans ce cas, le juge statue conformément aux articles L. 521‑1 du code de la justice administrative.

VII. - 1° Le fait d'entraver ou de sanctionner le signalement ou la révélation d'une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

2° Le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du code pénal, le signalement ou la révélation d'informations relatives à un crime, un délit, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

VIII. - Lorsqu'une alerte a été entravée par un agent public, le service mentionné à l'article 1 du présent texte peut saisir l'autorité investie du pouvoir d'engager les poursuites disciplinaires des faits dont elle a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.

Cette autorité informe le service des suites réservées à sa saisine et, si elle n'a pas engagé de procédure disciplinaire, des motifs de sa décision.

A défaut d'information dans le délai qu'elle a fixé ou si elle estime, au vu des informations reçues, que sa saisine n'a pas été suivie des mesures nécessaires, le service peut établir un rapport spécial qui est communiqué à l'autorité mentionnée au premier alinéa. Il peut rendre publics ce rapport et, le cas échéant, la réponse de cette autorité selon des modalités qu'elle détermine.

IX. - Lorsqu'il rend une décision de relaxe à l'issue d'une procédure pour diffamation, le tribunal peut, par décision motivée, s'il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, prononcer contre la partie civile une amende civile dont le montant ne peut excéder 15 000 euros

X. - Toute personne qui signale ou révèle une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude de l'information est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Exposé sommaire :

Les lanceurs d'alerte ont, au cours des cinquante dernières années, contribué à une meilleure information des institutions et des citoyens et à la sauvegarde de vies humaines, du patrimoine, des biens et ressources publiques, renforçant ainsi la responsabilité et la gouvernance citoyennes et démocratiques.

Alors que l'alerte éthique ne figure pas dans le droit français, de nombreux textes internationaux reconnaissent le lanceur d'alerte, qu'il s'agisse de conventions internationales ratifiées par la France, ou de droit souple dans les domaines des droits de l'Homme, du droit du travail, du droit pénal, de la lutte anti-corruption ou de la gouvernance.

Au niveau international, le rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté d'opinion et d'expression a rappelé en 2004 que les lanceurs d'alerte doivent être protégés contre toute sanction s'ils agissent de bonne foi. Le rapporteur spécial de l'ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression a, quant à lui, inscrit en 2015 dans ses recommandations pour la protection des lanceurs d'alerte  : « La législation de l'État doit protéger toute personne qui divulgue des informations qu'elle a des motifs raisonnables de considérer véridiques au moment de leur divulgation et qui portent sur des faits attentatoires à un intérêt public précis ou le menaçant, tels qu'une violation du droit national ou international, un abus d'autorité, un gaspillage, une fraude ou des atteintes à l'environnement, à la santé ou à la sécurité publiques. Après avoir pris connaissance des faits, les autorités doivent enquêter et remédier aux actes illicites allégués sans exception fondée sur les motifs présumés ou la « bonne foi » de la personne qui a divulgué l'information ».

Au niveau européen, faisant suite aux Résolution 1729 (2010) et Recommandation 1916 (2010) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, la Recommandation Rec(2014)7 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur la protection des lanceurs d'alerte, adoptée le 30 avril 2014 demande aux États « de disposer d'un cadre normatif, institutionnel et judiciaire pour protéger les personnes qui, dans le cadre de leurs relations de travail, font des signalements ou révèlent des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l'intérêt général ». Elle a été complétée par la Résolution 2060 et la Recommandation 2073 du 23 juin 2015, appelant à étendre la protection accordée aux services de sécurité nationale et de renseignement, et à adopter « un instrument juridique contraignant (convention) consacré à la protection des donneurs d'alerte sur la base de la Recommandation CM/Rec(2014)7 ».

La législation française a, quant à elle, accumulé les dispositions relatives aux lanceurs d'alerte dans des textes épars. L'essentiel de ces dispositions figure dans le code du travail. Hors ces dispositions partielles disséminées, cinq articles de cinq lois différentes de 2007 à 2013 protègent des signalements sectoriels.

Ces textes n'assurent pas une protection générale et effective des lanceurs d'alerte.

D'une part, ils n'assurent pas une égalité de traitement à l'ensemble des lanceurs d'alerte en accordant une protection inégale dans le cadre du contrat de travail, et sans prévoir de protection juridique pour les lanceurs d'alerte non liés par un contrat de travail. De plus, les dispositions actuelles divergent en ce qui concerne le détail de la liste des protections accordées, introduisant une première incertitude juridique.

D'autre part, les textes actuels divergent quant aux procédures comme aux destinataires du signalement.

Enfin ils n'opèrent aucune hiérarchisation des injonctions qui peuvent être contradictoires selon les statuts et les exigences déontologiques (obéissance et respect de la hiérarchie, devoir de réserve, discrétion et secret professionnel).

Le dispositif français très émietté se présente donc sous la forme d'un millefeuille, paradoxal, lacunaire, aux injonctions contradictoires, sans définition globale du lanceur d'alerte, sans autorité indépendante ni moyens dédiés, ni soutien aux victimes. Il n'offre pas de sécurité juridique et ne répond qu'imparfaitement à la nécessité d'une protection effective du lanceur l'alerte. De plus, celui-ci doit, quel que soit le texte protecteur, patienter le temps de la procédure pour faire valoir ses droits ; une réparation a posteriori, qui n'efface pas une moyenne de dix années de licenciement, de procédures et de déchéance sociale ne constitue pas une alternative au silence.

Une dizaine de pays dans le monde a adopté une loi unique dédiée à la protection des lanceurs d'alerte.

Cet amendement vise à assurer à notre pays un dispositif protecteur à la hauteur de cet enjeu.

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