Amendement N° 229 (Tombe)

Déposé le 21 avril 2016 par : M. Abad, M. Dassault, M. Berrios, Mme Boyer, M. Brochand, M. Censi, M. Chrétien, M. Christ, M. Cinieri, M. Ciotti, M. Couve, Mme Fort, M. Gandolfi-Scheit, M. Gest, Mme Guégot, M. Luca, M. Alain Marleix, M. Marty, M. Mancel, M. Menuel, M. Moreau, M. Nicolin, M. Quentin, M. Reiss, M. de Rocca Serra, M. Siré, M. Suguenot, M. Vitel, M. Voisin, M. Hetzel, Mme Louwagie, Mme Duby-Muller, Mme Genevard, M. Thévenot, M. Sturni, M. Fromion, M. Morel-A-L'Huissier, M. Solère, M. Bouchet, M. Straumann, M. Philippe Armand Martin, M. Teissier, M. Debré, M. Gérard, M. Decool, M. Accoyer, M. Courtial, M. Delatte.

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L’article L. 420‑2 du code de commerce est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « concurrence, », sont insérés les mots : « à court ou à moyen terme, » ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Une situation de dépendance économique est caractérisée, au sens de l’alinéa précédent, dès lors que :
« – d’une part, la rupture des relations commerciales entre le fournisseur et le distributeur risquerait de compromettre le maintien de son activité ;
« – d’autre part, le fournisseur ne dispose pas d’une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d’être mise en œuvre dans un délai raisonnable. »

Exposé sommaire :

Cet amendement soutient l’initiative Monsieur Bernard Accoyer qui a déposé visant à mieux définir l’abus de dépendance économique,

La France comptait 120 enseignes de grande distribution dans les années soixante-dix. Consécutivement à une pratique de concentration et d’alliances, elle n’en compte plus que 9 aujourd’hui. Ce phénomène touche toute l’Europe. Au Royaume-Uni, les «  big four  » monopolisent à eux seuls 72   % du marché. En Allemagne, les cinq entreprises leaders contrôlent 90  % du marché.

En France, les alliances passées par ces géants de la distribution en 2014 ont bouleversé les conditions de négociation avec les fournisseurs et les filières. Aujourd’hui, les 4 principales centrales d’achat françaises s’adjugent 90  % du marché.

Cette situation de concentration jamais observée jusqu’à présent joue un rôle majeur dans la détresse que connaissent de nombreux petits producteurs français. La puissance d’achat monumentale acquise par ces groupes leur donne un pouvoir de négociation considérable qu’ils utilisent pour tirer les prix toujours plus bas.

La guerre des prix qui fait rage entre les distributeurs prend notamment les exploitants agricoles en étau face à leurs coûts de production. Si l’objectif de faire jouer la concurrence pour faire augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs est louable, cela ne doit pas se faire au détriment des fournisseurs et des producteurs, qui se voient même contraints à vendre à perte.

Ces derniers ne peuvent pas négocier sur un pied d’égalité face à des géants qui détiennent des parts très importantes de leur chiffre d’affaires. Comment en effet discuter face à des distributeurs dont la décision négative pourrait remettre en question toute une exploitation ? Ils se voient contraints de baisser leurs prix tandis que les marges des supermarchés restent élevées.

Cet amendement reprend une recommandation de l’Autorité de la concurrence visant à mieux définir la notion d’«   abus de dépendance économique   ».

En effet, l’article 420‑2 du code de commerce interdit, dès lors que cela est «  susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence   », qu’une entreprise abuse «   de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou un fournisseur  ».

Mais cette «  dépendance économique   » n’est jamais définie. Seuls quatre exemples d’abus sont mentionnés par l’article 420‑2 : «  refus de vente   », «   ventes liées   », «   pratiques discriminatoires visées au I de l’article L. 442‑6   » et «  accords de gamme   ».

En avril 2015, Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, faisait le constat suivant devant la commission des affaires économiques du Sénat : «   Cette notion existe depuis 1986 mais est peu utilisée car ses conditions de reconnaissance sont trop contraignantes !   ».

Selon lui, même les producteurs qui écoulent 50   % de leur production dans une seule enseigne peuvent ne pas être reconnus en état de dépendance économique. Ainsi, préconisait-il d’en assouplir la définition pour que les fournisseurs soient protégés en cas de perte soudaine d’un client.

Cette recommandation avait été reprise par le Sénat en 2015, dans le cadre de la loi dite «  Macron  », mais écartée à l’Assemblée nationale par la majorité, à la demande du Gouvernement. Il s’agirait pourtant d’une avancée considérable pour la protection des fournisseurs face aux situations d’abus qui restent largement impunies.

Les dispositions proposées permettent d’élargir en premier lieu l’horizon de la prise en compte des effets à moyen terme : les perturbations du fonctionnement concurrentiel du marché à court terme ne seraient plus les seules à constituer un abus de dépendance économique, le juge pourrait se saisir également des cas où cette perturbation se prolonge sur le moyen terme. Ce serait une protection supplémentaire pour les fournisseurs.

En second lieu, ces dispositions fourniraient une définition circonstanciée et plus souple des critères de qualification d’une situation de dépendance économique, permettant au juge de s’appuyer enfin sur une notion fiable pour réprimer ces abus qui menacent notre équilibre économique.

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