Amendement N° 1042A (Adopté)

Loi de finances pour 2014

(1 amendement identique : 775A )

Sous-amendements associés : 1107A

Déposé le 14 octobre 2013 par : M. Pupponi.

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I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après l'article 641 bis, il est inséré un article 641 ter ainsi rédigé :

«  Art. 641 ter. – I. – Les délais prévus à l'article 641 sont portés à vingt-quatre mois pour les déclarations de succession comportant des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse.
«  II. – Ces dispositions sont applicables aux successions ouvertes entre la date de publication de la loi n° 2002‑92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse et le 31 décembre 2022. » ;

2° À la fin du premier alinéa du 2 de l'article 1728, les références : « aux articles 641 et 641 bis » sont remplacées par les références : « d'une part à l'article 641 et d'autre part aux articles 641 bis et 641 ter » ;

3° À la première phrase de l'article 750 bis A et à la première phrase du premier alinéa de l'article 1135, l'année : « 2014 » est remplacée par l'année : « 2022 » ;

4° Le I de l'article 1135 bis est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

«  I. – Pour les successions ouvertes entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, l'exonération mentionnée au premier alinéa est applicable à concurrence des quatre-vingt-cinq centièmes de la valeur des immeubles et droits immobiliers situés en Corse.
«  Pour les successions ouvertes entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, l'exonération mentionnée au premier alinéa est applicable à concurrence des soixante-dix centièmes de la valeur des immeubles et droits immobiliers situés en Corse.
«  Pour les successions ouvertes entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022, l'exonération mentionnée au premier alinéa est applicable à concurrence de la moitié de la valeur des immeubles et droits immobiliers situés en Corse. » ;

b) Au dernier alinéa, l'année : « 2018 » est remplacée par l'année : « 2023 ».

II. – L'article 63 de la loi n° 91‑428 du 13 mai 1991 portant statut de la Collectivité territoriale de Corse est ainsi rédigé :

«  Art  63. – Une commission mixte de douze membres composée par moitié de représentants de la collectivité territoriale de Corse et de représentants de l'État est chargée de suivre la mise en œuvre et d'étudier les possibilités d'amélioration de l'ensemble des dispositions fiscales spécifiques applicables en Corse et notamment de celles destinées à faciliter la reconstitution des titres de propriété et la sortie de l'indivision. Elle se réunit chaque année avant la fin du second trimestre, des personnalités extérieures pouvant être associées à ses travaux. ».

III. – La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Exposé sommaire :

Cet amendement a pour objet d'adapter le régime fiscal dérogatoire et temporaire applicable aux successions comportant des biens et droits immobiliers situés en Corse aux conditions de mise en œuvre des actions engagées pour remédier à la situation de désordre foncier dont l'île pâtit gravement notamment depuis l'effondrement de l'économie et de la société insulaires dans la première moitié du XXe siècle, et dont, en 2002, le législateur ne pouvait mesurer l'ampleur, en l'absence d'éléments de diagnostic probants.

Cette situation est désormais bien identifiée par le groupe de travail technique mis en place par le Gouvernement et dont le rapport vient d'être rendu public. Près de 16 % de la surface cadastrée de la Corse est couverte de biens non délimités, soit vingt deux fois plus que dans d'autres départements similaires. Les deux-tiers des 400 000 hectares détenus par des personnes physiques appartiennent à des personnes présumées décédées dont la succession n'a donc pas été réglée, et se trouvent donc dans une situation d' « indivision de fait », alors que de tels désordres sont marginaux dans les départements métropolitains. Quant au taux de publication au fichier immobilier, il ne dépasse pas 50 % pour la période allant de 1956 à 2003. Les conséquences sont catastrophiques pour les citoyens et les collectivités territoriales comme pour l'économie et l'aménagement du territoire.

Une telle situation est unique en France, et, de par l'ampleur des problèmes qu'elle génère, nécessite une réponse adaptée des pouvoirs publics qui soit nécessairement dérogatoire du droit commun. L'intérêt général est de faire en sorte que la Corse se retrouve dans une situation comparable à celle des autres régions. En cela réside le motif légitime justifiant que l'on puisse déroger au principe constitutionnel d'égalité.

Les dispositions déjà prises par les pouvoirs publics pour faciliter la reconstitution des titres de propriété sont d'ordre civil et d'ordre fiscal. Mises en œuvre de manière combinée, elles commencent à porter leurs fruits, ainsi qu'en atteste la progression du volume des formalités déposées auprès des services de la publicité foncière des deux départements de la Corse.

Au plan civil, il s'agit des procédures particulières engagées par le notariat depuis 1986 – qui, toutefois, demeurent juridiquement fragiles au regard des dispositions du Code civil – et des travaux menés par le groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse (GIRTEC), lequel n'a pu commencer véritablement à fonctionner qu'à partir du début de l'année 2010, ne dispose que depuis deux ans de toutes les bases de données cadastrales et fiscales informatisées, et a atteint sa vitesse de croisière en 2012.

Au plan fiscal, il s'agit des mesures incitatives mises en place dans le cadre de la loi du 22 janvier 2002, qui notamment subordonnent à la reconstitution des titres de propriété le bénéfice d'une exonération totale puis partielle de droits de mutation par décès.

Cependant, comme le démontre le rapport du groupe de travail précité, le volume de titres restant à reconstituer demeure considérable et leur traitement prendra plus de temps que prévu. A cet égard, l'activité du GIRTEC devrait être poursuivie jusqu'en 2027.

Les dispositions prises en 2002 et leur calendrier de mise en œuvre doivent donc, pour avoir un plein effet, faire l'objet d'une adaptation tenant compte de l'évolution de la remise en ordre de la situation du patrimoine immobilier. Le présent amendement y vise.

En premier lieu, il rétablit au 1er janvier 2013 jusqu'à la fin de l'année 2022 – qui est celle prévue pour la fin du dispositif transitoire – la mesure portant à vingt-quatre mois, au lieu de six mois, le délai de déclaration pour toutes les successions comportant des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse. Le gouvernement avait d'ailleurs déjà reconnu que l'application du droit commun rendait la formalité impossible, compte tenu de la très forte proportion de biens non régulièrement titrés, ce qui l'a amené à publier une instruction fiscale aménageant le délai de déclaration.

En second lieu, la loi prévoit que l'exonération de divers droits et taxes au profit du Trésor, exigibles lors de partages de succession et de l'établissement d'actes notariés dans le cadre du règlement d'une indivision successorale, ne s'appliquera plus à compter du 1er janvier 2014. Le présent amendement proroge jusqu'à la fin de l'année 2022 cette disposition destinée, dès l'origine, à inciter à la reconstitution des titres et la sortie de l'indivision de fait.

En troisième lieu, le présent amendement réaménage les mesures relatives à l'exonération partielle de droits de mutation, portant sur la part immobilière des successions, étant précisé qu'il ne modifie pas la disposition de la loi du 22 janvier 2002 excluant du régime dérogatoire les immeubles et droits immobiliers acquis à titre onéreux à compter du 23 janvier 2002.

La suppression de l'exonération totale après le 31 décembre 2012 n'est pas remise cause. Après cette date, le taux d'exonération est fixé à 85 %. Ainsi est respectée la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 quand à l'absence de motif légitime et à la nature contraire au principe d'égalité dont souffrait, à ses yeux, la prorogation pure et simple d'un régime fiscal conduisant à une exonération totale de droits sur la part immobilière des successions. Aussi bien, cette mesure tient compte des premiers résultats obtenus pour la reconstitution des titres de propriété immobilière. Enfin, son effet rétroactif, pour l'année 2013, permet la mise en cohérence de l'ensemble du dispositif proposé, puisque l'article 1135 bis prévoit à ce jour que, depuis le 1er janvier 2013, l'exonération est applicable à concurrence de la moitié de la valeur des biens.

La réduction progressive, en trois étapes triennales, du taux de l'exonération, est justifiée par la prise en compte progressive des résultats de l'entreprise de reconstitution des titres. Le dispositif proposé répond en outre à la critique qui a pu être faite des dispositions de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse ayant prévu le passage d'une exonération totale à une exonération réduite de moitié, puis à une exonération nulle, alors qu'un tel dispositif, surtout lorsqu'il revêt un caractère trop brutal, met en cause le principe d'égalité, comme l'a fait valoir le Conseil d'État dans ses avis.

Il est indispensable que l'ensemble de ces mesures soit applicable à toutes les successions comportant des immeubles et droits immobiliers situés en Corse, ainsi que l'avait indiqué le rapporteur de la loi du 22 janvier 2002 à l'Assemblée nationale.

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