Amendement N° 367 (Rejeté)

Création architecture et patrimoine

(1 amendement identique : 260 )

Déposé le 25 septembre 2015 par : M. François-Michel Lambert, M. Alauzet, M. Cavard, Mme Massonneau, Mme Pompili.

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Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

«  Chapitre VI
«  Dispositions applicables à la recherche et au référencement des œuvres d'art plastiques, graphiques et photographiques
«  Art. L. 135‑8. – I. – La publication d'une œuvre d'art plastique, graphique ou photographique par un service de communication en ligne emporte cession du droit de reproduction et du droit de représentation de cette œuvre par des services de moteur de recherche et de référencement, au profit d'une ou plusieurs sociétés régies par le titre II du livre III de la présente partie et agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture.
«  II. – Les sociétés agréées sont seules habilitées à conclure toute convention avec les éditeurs des services de moteur de recherche et de référencement aux fins d'autoriser leur reproduction et leur représentation par ces services et de percevoir les rémunérations correspondantes fixées selon les modalités prévues à l'article L. 135‑10. Les conventions conclues avec ces éditeurs prévoient les modalités selon lesquelles ils s'acquittent de leurs obligations de fournir aux sociétés agréées le relevé des exploitations des œuvres et toutes informations nécessaires à la répartition des sommes perçues aux auteurs ou leurs ayants droit.
«  Art. L. 135‑9. – L'agrément prévu au I de l'article L. 135‑8 est délivré en considération :
«  – de la diversité des associés ;
«  – de la qualification professionnelle des dirigeants ;
«  – des moyens humains et matériels qu'ils proposent de mettre en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des œuvres d'art plastiques, graphiques et photographiques par des services de moteur de recherche et de référencement.
«  Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de la délivrance et du retrait de cet agrément.
«  Art. L. 135‑10. – I. – La rémunération due au titre de la reproduction et de la représentation des œuvres d'art plastiques, graphiques et photographiques par des services de moteur de recherche et de référencement est assise sur les recettes de l'exploitation ou à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l'article L. 131‑4.
«  Le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont fixés par voie de convention entre les sociétés agréées pour la gestion des droits des œuvres d'art plastiques, graphiques et photographiques par des services de moteur de recherche et de référencement et les organisations représentant les éditeurs de ces services.
«  La durée de ces conventions est limitée à cinq ans.
«  II. – À défaut d'accord conclu avant l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi n° du relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, ou si aucun accord n'est intervenu à la date d'expiration d'un précédent accord, le barème de la rémunération et ses modalités de versement sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l'État et composée, en nombre égal, d'une part, de représentants des sociétés agréées conformément à l'article L. 135‑9 et d'autre part, des représentants des éditeurs de services de moteur de recherche et de référencement.
«  Les organisations amenées à désigner les représentants membres de la commission, ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner, sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.
«  La commission se détermine à la majorité des membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.
«  Les décisions de la commission sont publiées auJournal officiel. »

Exposé sommaire :

Les arts visuels (photographies, dessins et illustrations, graphismes, peintures, …) sont indispensables pour illustrer la presse, les livres, l'Internet, la publicité et la mode.

La photographie est notamment un mode d'expression essentiel pour rendre compte de l'actualité. Les images des photojournalistes témoignent au quotidien de l'état du monde, des zones de conflits et des dérèglements climatiques, bien souvent avec plus de force et d'émotion que les mots. Leurs regards libres et sans concession sont des garants du pluralisme de l'information.

Pendant tout le XXème siècle, la France a été la place forte du photojournalisme mondial, accueillant les plus grands photographes et les plus célèbres agences de photographies de presse (ainsi par exemple Gamma, Sygma et Sipa Press). Il connait depuis une quinzaine d'années une grave crise qui a conduit à une précarisation des photographes et à la disparition de nombreuses agences photographiques.

Au-delà de leur valeur artistique ou documentaire, les images fixes créent aussi de la valeur économique, notamment dans l'univers numérique.

Cependant, cette valeur économique créée par la diffusion de l'image fixe sur les réseaux numériques ne bénéficie que très peu à leurs créateurs. En effet, de nombreuses utilisations échappent à toute rémunération. Au contraire, la valeur créée par les images est principalement captée par les opérateurs de l'Internet qui génèrent du flux sur leurs services en utilisant les images.

Ainsi, aujourd'hui, les moteurs de recherche, dont le principal d'entre eux Google, reproduisent, sans autorisation, les images présentes sur Internet et les mettent à disposition du public. Ils deviennent par leurs activités les plus importantes banques d'images au monde, en permettant la copie et la réutilisation des images, sans pour autant rémunérer leurs créateurs.

Les services de moteurs de recherche et de référencement obèrent ainsi les rémunérations que les auteurs peuvent percevoir des banques d'images qui offrent un service payant aux utilisateurs, particuliers ou professionnels. Cette activité, grâce au trafic généré et à la vente d'espaces publicitaires qui en découle, leur permet de générer des chiffres d'affaires colossaux.

La précarisation actuelle des auteurs des arts visuels tient pour une large part à cette situation. C'est pourquoi le développement considérable de ces services, sans la mise en œuvre d'une redistribution de la valeur économique captée par leurs activités, devient préoccupant pour l'avenir de la création, son renouvellement, et le pluralisme de l'information.

Le droit doit prendre en compte l'évolution des usages sur Internet et assurer une juste rémunération des auteurs qui leur permettent de vivre de leur métier tous en favorisant le renouvellement d'une création libre et diversifiée.

Notre amendement vise justement à créer un nouveau système de gestion collective obligatoire de droits par des sociétés d'auteurs agréés par le ministre chargé de la culture, qui permettrait d'assurer une rémunération équitable au bénéfice de tous les auteurs concernés.

Le dispositif proposé s'inspire directement des dispositifs existant en matière de reprographie (article L. 122‑10 du code de la propriété intellectuelle) et de la rémunération équitable des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes (articles L. 214‑1 et suivants du même code).

Il se propose d'insérer dans le code de la propriété intellectuelle, dans le titre III « Exploitation des droits », un chapitre spécifique consacré à la recherche et au référencement des œuvres d'art plastiques graphiques et photographiques.

Les sociétés agréées seraient chargées de conclure des conventions avec les éditeurs des services de moteur de recherche et de référencement aux fins d'autoriser la reproduction et la représentation par ces services des œuvres d'art graphiques et plastiques et de percevoir les rémunérations correspondantes.

Précisons que l'internaute ne serait pas visé par ce dispositif. Au contraire, les internautes pourraient, grâce à ce nouveau système où la rémunération est supportée par les seuls moteurs de recherche, conserver la gratuité et le libre accès aux images.

Il convient d'observer que le dispositif ainsi proposé est conforme au droit européen et notamment aux articles 2 (droit de reproduction) et 3 (droit de communication au public des œuvres) de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.

Il est également tout à fait compatible avec la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) et notamment à son arrêt du 13 février 2014, (n° C‑466/12, Svensson c/ Retriever Sverige). En effet, notre amendement ne s'oppose pas à la liberté de créer des « liens hypertextes cliquables » sur Internet reconnue par cet arrêt mais vise à assurer la juste rémunération des auteurs ou de leurs ayants droit au titre de la reproduction et de la communication au public autonomes de leurs œuvres que réalisent les éditeurs des services de moteur de recherche et de référencement.

Le débat sur le partage de la valeur créée sur Internet avec les contenus protégés est bien-sûr un débat européen, en cours devant la Commission et le Parlement européen. Ce qui n'empêche pas des initiatives nationales comme celles en cours dans le secteur du référencement de la presse, dans des pays comme l'Allemagne et l'Espagne. Il est essentiel que la France soit à la pointe de ce combat en donnant l'exemple par l'adoption d'une solution législative nationale compatible avec le droit européen.

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