Déposé le 25 mars 2013 par : M. Gosselin, M. Aubert, M. Tian, M. Goasguen, M. Dhuicq, Mme Fort, M. Goujon, M. Cinieri, Mme Genevard, M. Moreau, M. Lett, M. Marty, M. Martin-Lalande, M. de Courson, M. Huet, M. Quentin, Mme Dion, M. Decool.
Supprimer cet article.
Lever le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon, en inscrivant un principe d'autorisation dans la loi française constitue un changement de paradigme inédit au terme duquel le principe fondateur de la protection de l'être humain deviendra une exception à la règle de sa non protection. Il s'agit là d'un bouleversement juridique et éthique sans fondement scientifique privé de débat citoyen.
La proposition de loi contrevient gravement au principe de protection de l'être humain garantie par notre ordre juridique. Si le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon, a été préservé à deux reprises (loi bioéthique de 2004, puis de 2011) à la suite de débats publics d'envergure, c'est qu'il découle directement de l'article 16 du code civil qui garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. Ce principe d'ordre public est appuyé par le Conseil Constitutionnel qui rappelle que les embryons mêmein vitro doivent faire l'objet d'une protection adéquate (décision 94‑343‑344 DC du 27 juillet 1994). Enfin, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a confirmé que l'embryon humain devait bénéficier d'une protection au nom du principe de la dignité humaine (décision Warf c/ Thomson 25 novembre 2008).
L'embryon humain bénéficie donc d'une protection du fait même de son appartenance à l'espèce humaine. Il ne s'agit là ni d'une opinion, ni d'une conviction, mais d'un constat scientifique incontesté. L'intégration d'un principe d'autorisation viendrait nier cette protection, et poserait de graves contradictions dans notre droit français, et européen.
En outre, autoriser la recherche sur l'embryon n'a jamais été aussi inutile au regard des progrès de la science.
D'une part, il faut constater qu'aujourd'hui, les cellules souches adultes et de sang de cordon sont les seules à être utilisées en thérapie cellulaire. Pour certains types de pathologies les greffes de cellules souches non-embryonnaires soignent déjà des patients.
D'autre part, les cellules souches reprogrammées (IPS) du Pr Yamanaka (prix Nobel de médecine 2012), offrent des perspectives plus prometteuses en matière de thérapie cellulaire que les cellules embryonnaires. La rapidité du lancement du premier essai clinique sur la DMLA, et les investissements massifs qui se portent – à l'étranger – sur les iPS marquent l'importance du potentiel de cette recherche.
Enfin, le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon humain ne limite pas les travaux sur l'embryogénèse qui se développent grâce à la recherche sur l'embryon animal. Les travaux de Mme Le Douarin, notamment, en sont un exemple éloquent.
Il faut ajouter que cela fait plus de vingt ans que la Grande Bretagne recherche sur l'embryon sans aucun résultat concluant. Emprunter la voie de la recherche embryonnaire, quand nos voisins américains et japonais ont compris que l'avenir de la recherche se trouve dans les cellules IPS, sera très préjudiciable à la France. Une telle autorisation contribuera à creuser notre retard dans la recherche sur les IPS.
On ne peut enfin pas raisonnablement soutenir l'idée que le régime actuel d'interdiction assorti de dérogations « gêne » les chercheurs qui veulent utiliser des embryons humains pour leur recherche aujourd'hui. En effet, les protocoles de recherche sur l'embryon sont déjà délivrés largement par l'Agence de biomédecine : depuis 2004, l'ABM a délivré 173 autorisations relatives à la recherche sur l'embryon, pour seulement neuf refus. 71 concernent des protocoles de recherche, 24 la conservation de cellules souches embryonnaires et 46 l'importation de lignées de cellules souches embryonnaires. Malgré le principe d'interdiction, les dérogations actuelles sont largement interprétées, voir même non respectées (décision de la CAA Paris 10 mai 2010). Qu'en sera-t-il avec un principe d'autorisation ? Même avec un encadrement digne de ce nom tout protocole de recherche sera présumé recevable, ce qui contribuera à libéraliser considérablement la recherche sur l'embryon.
Enfin, le minimum démocratique aurait été de débattre d'un tel bouleversement juridique par le biais d'États généraux de la bioéthique, comme l'article L. 1412‑1‑1 du code de la santé publique le prévoit. Soutenir que la présente proposition de loi ne correspond pas à un « projet de réforme » qui nécessite la tenue d'états généraux, et la qualifier d'un simple « toilettage » destiné aux seuls scientifiques, est une affirmation grave et erronée. Passer d'un principe d'interdiction à un principe d'autorisation constitue non seulement un changement de l'esprit de la loi de 2011, mais aussi un bouleversement inédit de notre droit français qui concerne autant les citoyens que les experts.
En conséquence, rien ne justifie l'adoption d'un régime d'autorisation de la recherche sur l'embryon, encore moins s'il est privé d'un débat public. Celle-ci est inutilement contraire à l'éthique, et fondée sur des considérations idéologiques et économiques.
C'est la raison pour laquelle il est demandé par le présent amendement de supprimer l'intégralité de l'article unique de cette proposition de loi.
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