Interventions sur "principe de précaution"

66 interventions trouvées.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Assaf :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes invités à débattre de la place du principe de précaution dans le droit français et au sein de notre Constitution. Depuis l’alternance de 2012, il s’agit de la quatrième fois. Vous me permettrez de trouver une telle récurrence étrange lorsque, régulièrement, ceux qui veulent défaire ce principe nous reprochent de nous attarder sur des réformes ou des textes qui feraient prendre du retard à la France quand celle-ci se bat face à la crise.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Assaf :

Quelle image la France donne-t-elle à l’Europe et au monde elle qui, l’année prochaine, accueillera la conférence Climat ? Si je pose cette question, c’est que le principe de précaution n’est pas une création ex nihilo du droit français ou un carcan que nous serions le seul pays à nous imposer. Il résulte en effet d’un long processus accompli parallèlement à l’importance croissante que nous accordons à l’environnement. Apparu dans le droit allemand à la fin des années soixante, cela a été dit, ce principe est un paradigme inspiré du droit international qui l’a consacré dès 1972...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Assaf :

Aujourd’hui dans l’opposition, il est pour le moins cocasse qu’elle en propose la suppression. En 1995, c’est la loi portée par Michel Barnier qui a consacré ce principe de précaution et l’a introduit dans le code de l’environnement. En 2004, le choix a été fait de le mentionner dans la Charte de l’environnement et de lui donner une valeur constitutionnelle – la Charte définit d’ailleurs tant le principe de précaution que ses modalités d’application. Elle précise même, dans son article 6, la nécessaire conciliation à opérer entre la protection et la mise en valeur de l’envir...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Assaf :

...s perceptions de l’opinion publique, tout comme il est difficilement envisageable que cette substitution de mots fasse évoluer la jurisprudence. En effet, les juges judiciaires, administratifs et constitutionnels demeureront des interprètes de la Charte de l’environnement, de la conciliation entre les définitions qu’elle comporte et les principes de portée constitutionnelle. Et si l’idée que le principe de précaution s’opposerait au développement économique de la France est présente en filigrane dans le rapport, rien n’en démontre la véracité. Il est alors évident que ce principe n’obère en rien l’innovation et le développement économique. Au contraire, il en est une composante, d’autant plus qu’il s’adresse aux personnes publiques et qu’il s’applique en absence de certitude sans inviter à l’inaction et sans...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

...ment, et tous ceux qui se trouvent à la tête d’une collectivité locale savent qu’aucun projet, aujourd’hui, ne peut voir le jour s’il n’est pas jugé « écologiquement correct » par une préfecture, une Direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, une DIRECCTE, ou par une direction départementale du territoire, une DDT. Oui, nous avons mis le principe de précaution, avec la Charte de l’environnement, dans le préambule de la Constitution en 2004. Mais l’esprit de cette démarche était clair : il s’agissait d’expérimenter avec précaution ! Cet esprit, depuis lors, a été dévoyé. Son principe a été inversé et, à l’usage, il a fini par signifier que s’il y a risque, précaution vaut interdiction d’expérimenter, interdiction d’entreprendre. Et c’est parce que nous ...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

Je me souviens, monsieur le secrétaire d’État, d’un dîner à l’Hôtel de Lassay, auquel un certain nombre de députés avaient été invités par le président Accoyer pour rencontrer des scientifiques, parmi lesquels le prix Nobel de médecine. Je me trouvais à côté de Mme Fioraso, alors députée de l’opposition. Elle prit la parole pour s’opposer au principe de précaution, faisant valoir que son inscription dans la Constitution conduisait l’État à renoncer à sa recherche scientifique et à s’engager dans la voie de la décadence et de la décroissance économique.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

En fait, le principe de précaution vous permet d’avancer masqués : vous n’aimez pas l’entreprise, les entrepreneurs, et le travail…

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

…qui créent pourtant la richesse nécessaire à nos solidarités sociales nationales. Si toutefois vous votez contre cette proposition de loi constitutionnelle et si vous maintenez le principe de précaution, alors, mes chers collègues socialistes, appliquez le principe de précaution jusqu’au bout. Et empressez-vous de voter une proposition de résolution pour demander au Président de la République d’arrêter de faire mal à la France.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSuzanne Tallard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais souligner l’étrangeté de la démarche de nos collègues de l’UMP. En 2004, c’est sous le gouvernement Raffarin que l’UMP a inscrit, dans l’article 5 de la Charte de l’environnement, le principe de précaution, qui existe dans le droit international depuis plusieurs décennies, cela a été rappelé. La Convention de Rio de 1992 propose la généralisation de son application ; le traité de Maastricht mentionne explicitement ce principe et le fait figurer aux côtés des principes de prévention, de pollueur-payeur et de participation ; la loi Barnier de 1995, enfin, l’introduit dans le droit français. Il faut ...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 28 février 2005, le Parlement, réuni en Congrès, adoptait la Charte de l’environnement et inscrivait dans la Constitution le principe de précaution. Un texte que j’ai eu l’honneur de défendre devant cette assemblée lorsque j’étais rapporteure du projet de loi constitutionnelle. Un texte que j’ai défendu parce que je le croyais utile et juste, et je n’ai pas changé d’avis.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Alors que la présente proposition de loi constitutionnelle vise à substituer la notion d’innovation responsable à celle de principe de précaution, vous ne serez pas donc étonnés que je ne la soutienne pas.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Le principe de précaution n’est pas la négation de celui d’innovation responsable. Ils sont liés, forcément liés, intimement liés, car le doute, qu’il soit méthodique ou hyperbolique, mais aussi l’éthique, font partie intégrante de la démarche scientifique. Nos sociétés, mes chers collègues, ont une relation complexe avec la science, c’est une évidence. Cette relation est faite de fascination, mais aussi parfois de défia...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Le divorce entre la société et la science devrait tous nous mobiliser, tant il représente une menace pour notre prospérité, et pour notre vision collective de l’avenir. Mes chers collègues c’est une raison forte, c’est une raison supplémentaire, pour que nous ne nous perdions pas dans de vaines luttes. Car s’opposer au principe de précaution au profit de la notion d’innovation responsable, et vouloir ainsi les opposer, c’est se tromper de combat.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

C’est une erreur que de penser que le principe de précaution est responsable de la défiance à l’encontre de la science et qu’il serait un frein à la recherche et à l’innovation. C’est confondre l’oeuf et la poule. Oui, les mots « principe de précaution » sont souvent utilisés n’importe comment – certains de nos collègues l’ont dit. Ils sont parfois utilisés pour justifier des attitudes de défiance à l’égard de la science, c’est vrai. Oui, le principe de ...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Prat :

...t être maîtrisé. Mais il ne faut pas se tromper de combat, mes chers collègues. Le problème français, actuellement, n’est pas un problème d’innovation ; c’est un problème de valorisation économique de la recherche, cette fameuse « vallée de la Mort », pour reprendre les termes des chercheurs. Alors on nous propose aujourd’hui, de manière un peu abrupte, de remplacer purement et simplement notre principe de précaution par un principe d’innovation responsable. J’entends les reproches adressés au principe de précaution : les excès de la réglementation, la simplicité du concept, les freins qu’il mettrait à l’investissement. Ces reproches peuvent être en partie justifiés. Mais on remarquera d’abord qu’il est pour le moins étonnant et paradoxal de voir la droite défaire aujourd’hui ce qu’elle a construit hier, lor...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Prat :

On agite ainsi aujourd’hui l’épouvantail du principe de précaution à des fins politiciennes. Ce débat, utile, mérite mieux que ce mauvais coup porté au principe de précaution ! On reprochera ensuite deux défauts majeurs à cette proposition de loi. Le premier est que, simpliste dans sa forme et ses objectifs, cette proposition dénature totalement ce qui fait la force du principe de précaution. Celui-ci a, il est vrai, été dévoyé au fil du temps dans le langage...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la cinquième fois en deux ans, certains parlementaires ont déposé une proposition de loi tendant à supprimer la référence au principe de précaution de notre Constitution. Je rappelle que nous avons voté la charte constitutionnelle de l’environnement à l’initiative d’une majorité de droite.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard :

...pes fondamentaux, un droit de l’homme à l’environnement, de même que j’étais éclairée sur les fondements, les enjeux et les réels effets d’une telle reconnaissance. Aujourd’hui, sous la pression de lobbies, la droite présente une proposition de loi constitutionnelle qui a pour but de vider de sa substance le seul principe à valeur directement constitutionnelle de la charte de l’environnement, le principe de précaution. Gardez-le à l’esprit tout au long de notre débat : l’objectif poursuivi par les auteurs est d’ôter de la force à ce qui est désormais ni plus ni moins que l’un des droits de l’homme garantis par notre Constitution ! Je suis effrayée en le disant. Et le plus impensable, mes chers collègues, c’est que ce qui motiverait cette proposition, c’est le progrès ! Comment un progrès, qu’il soit scientifi...

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard :

Que pèserait, en face, le principe d’innovation responsable, à peine sorti du moule de la contestation ? La responsabilité, en droit, a aussi un contenu précis. Celui qui est responsable juridiquement est celui qui agit en connaissance de cause, avec toutes ses facultés, après avoir évalué, pesé en conscience le pour et le contre. Or précisément, dans l’hypothèse de l’application du principe de précaution on ne sait pas l’ampleur, ni les contours exacts du contre, du négatif, des risques potentiellement encourus.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard :

On ne voit pas en quoi la proposition de substituer au principe de précaution celui d’innovation responsable pourrait permettre de mieux affronter la notion d’incertitude scientifique. Ce principe flou n’apporte aucune solution pratique. Il se pourrait alors que l’inspiration qui le sous-tende soit toute autre que celle visant à améliorer l’application d’une éthique décisionnelle, mais qu’elle vise, en fait, à libéraliser le process industriel et technique de toute consid...