Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur – cher Laurent Grandguillaume –, mes chers collègues, la proposition de loi consacrée au transport public particulier de personnes que nous examinons aujourd’hui à l’initiative de notre collègue Laurent Grandguillaume, dont je salue ici la qualité du travail, pourrait nourrir de longs développements philosophiques sur le sens de la réforme et du réformisme dans le monde qui est le nôtre.
D’ailleurs, les incessants soubresauts qu’ont connus depuis plus de dix ans le secteur des taxis et, plus généralement, celui du transport public de particuliers ont déjà laissé à la postérité un néologisme, l’« ubérisation », qui est très vite devenu la marque d’une époque bousculée sans ménagements par la formidable créativité de ce que l’on appelle la révolution numérique. Si l’ubérisation désigne très précisément l’émergence planétaire extraordinairement rapide d’une application numérique qui a bouleversé le transport de particuliers, en même temps qu’elle a menacé de disparition le modèle économique traditionnel des taxis en déréglant du jour au lendemain, l’accès à la profession de chauffeur, elle renvoie aussi à un déclassement extraordinairement rapide et difficilement contrôlable de règles du jeu et de modes opératoires familiers et établis de longue date. L’ubérisation désigne désormais par extension, bien au-delà du secteur du transport, le déferlement des technologies numériques dans tous les registres et tous les secteurs non seulement de l’économie, mais aussi de la vie sociale, voire, nous en savons nous-mêmes quelque chose avec les réseaux sociaux, de la vie politique.
Mais c’est probablement le secteur des taxis, bousculé à une
vitesse fulgurante par le déploiement mondial des applications « Uber », d’abord avec UberX – véhicules de transport avec chauffeurs –, puis de façon beaucoup plus contestable avec UberPop, sorte de vrai-faux covoiturage urbain à usage de taxi low-cost, qui restera la référence la plus édifiante du choc des technologies numériques dans nos économies du XXe siècle. Cet exemple nous enseigne, même si on le savait déjà depuis Gutenberg et même si Joseph Schumpeter, l’économiste autrichien, en a fourni la théorisation la plus complète et la plus prémonitoire, que l’on ne résiste pas au déploiement d’un progrès technologique majeur, et qu’il convient donc de s’y adapter et de s’efforcer d’en prévenir ou d’en compenser les conséquences sociales, et, si possible, d’en tirer le meilleur parti pour le bien-être collectif.
Le secteur des taxis peut ainsi nous inspirer une réflexion et un discours de la réforme. Face à une société en mouvements, exposée à des progrès techniques majeurs comme le déploiement mondial des technologies numériques, trois réactions sont possibles.
D’abord le conservatisme, qui consiste à refuser toute évolution au nom d’illusoires acquis d’une époque révolue. C’est précisément l’attitude adoptée par les taxis parisiens, depuis le début des années 2000.