À l’inverse, les difficultés de mise en oeuvre se sont très vite révélées dans le contrôle du monopole de la maraude et du principe de retour à la base des VTC. Surtout, est apparu sur le marché en même temps qu’UberPop était laborieusement interdit, un nouveau type de chauffeur low-cost, revêtu de la tenue de camouflage de la loi LOTI, c’est-à-dire n’ayant pas la moindre formation et ne présentant d’autre garantie que son permis de conduire alors qu’il transporte en réalité une seule personne, donc qu’il fait un travail de taxi.
C’est dans ces turbulences et ces tensions persistantes que Laurent Grandguillaume a été chargé par le Premier ministre d’une mission de médiation, dont les effets apaisants se font sentir dès aujourd’hui mais supposent les ajustements législatifs qu’il nous propose.
J’en citerai ici les mesures essentielles.
L’article premier vise à réguler la profession, jusque-là insaisissable, de « centrale de réservation » ou encore d’« application numérique », en la soumettant aux droits et obligations des organisateurs de services de transport tels que codifiés dans le code des transports, et en généralisant les obligations déclaratives des VTC aux autres véhicules légers de transports de particuliers : motos-taxis, « LOTI », covoiturage.
L’article 2 crée enfin un observatoire très complet de l’ensemble du transport particulier de personnes, alors que l’introduction des applications numériques et la diversification de l’offre ont apporté ces dernières années plus de confusion que de transparence.
L’article 4 vise à restreindre l’usage et prévenir les détournements du statut de chauffeur LOTI, notamment en soumettant les organisateurs de transport LOTI – capacitaires – à l’obligation de s’enregistrer comme VTC dans les périmètres des autorités organisatrices de mobilité couvertes par un plan de déplacements urbains, donc dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants, c’est-à-dire d’une taille substantielle.
L’article 5 répond, ou plutôt voulait répondre, à la revendication formulée notamment par les taxis, en instaurant un tronc commun de formation entre taxis, VTC et motos-taxis. La disposition sera de nouveau soumise à notre délibération via un amendement du Gouvernement. Je pense pour ma part que cet amendement est nécessaire. Comme il fait consensus, je ne vois pas pourquoi nous nous en priverions.
L’article 6 confie aux chambres des métiers et de l’artisanat l’organisation des examens de chauffeurs de taxi et de VTC, ce qui ne représente pas une bien grande rupture. Comme M. Tardy l’indiquait lui-même, il n’y a que six mois que l’on procède autrement : ce n’est donc pas révolutionnaire mais, du fait du caractère très décentralisé des chambres des métiers, cela peut permettre une bonne régulation tout en étant un bon moyen de faire passer les examens.
Je voudrais insister pour finir sur deux dispositions, à commencer par celle de l’article 3, qui affranchit les chauffeurs de taxi, de VTC, de LOTI et de motos-pros de toute exclusivité à l’égard de telle ou telle centrale de réservation. J’en comprends bien le sens économique, c’est-à-dire d’assainissement des conditions de concurrence, mais aussi social, en ce qu’elle tend à libérer les chauffeurs de la tutelle souvent écrasante ou insidieuse des centrales de réservation ; mais je me permets de souhaiter que l’on en fasse une évaluation rigoureuse après quelques mois de fonctionnement. En laissant le chauffeur décider seul de sa course, on s’expose au risque que certaines courses soient particulièrement honorées et que d’autres soient délaissées. On a déjà connu ce phénomène malheureux à une époque, pas si lointaine, où les chauffeurs investissaient massivement les aéroports au détriment des stations et de la maraude en centre-ville. Par ailleurs, une centrale de rattachement peut reposer sur une culture et des exigences d’entreprise en matière de comportement, de tenue, de qualité de service, de rapport au client, qui ne sauraient être laissées sans risque à l’appréciation et à la liberté de chaque chauffeur. Je pense donc qu’il s’agit d’une mesure intéressante, mais qu’il faudra évaluer.
Enfin, le secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies, a lancé un appel à concertation et à propositions pour l’éventuelle mise en place d’un mécanisme financier de défaisance des licences à titre onéreux. J’estime personnellement que ce type de libéralité, qui constitue un droit d’usage de la voirie consenti par la puissance publique à des fins professionnelles, n’aurait jamais dû faire l’objet d’un marché. La loi « Thévenoud » a d’ailleurs introduit les licences gratuites et incessibles, qui reviendront à la puissance publique pour réaffectation au lieu de faire l’objet d’une vente à titre onéreux sur un marché informel. Là encore, il me semble que l’immobilisme et le conservatisme, dès lors que les nouvelles licences sont gratuites et incessibles, seraient préjudiciables aux chauffeurs de taxi, et que ceux-ci doivent prendre conscience qu’ils seraient les premières victimes d’un trop long attentisme.