Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 12 octobre 2016 à 15h00
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici donc parvenus à cette dernière lecture, cette lecture définitive, qui sera le dernier mot de l’Assemblée nationale sur un projet de loi dont le moins qu’on puisse dire est que son examen fut plutôt chaotique.

Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d’appeler votre attention sur un point de droit et de procédure parlementaire qu’il me semble important de vous rappeler. Si je ne me trompe, en effet, la convocation par le Gouvernement d’une commission mixte paritaire a pour vocation de permettre à des représentants des deux assemblées, en nombre égal, de tenter de se mettre d’accord sur des dispositions du texte à propos desquelles leurs interprétations diffèrent. Or, pour ce texte, le Sénat, saisi en première lecture, n’a pas eu l’occasion, puisque vous aviez décidé de recourir à la procédure accélérée – c’est désormais la règle ! –, de porter un jugement sur certaines dispositions que vous avez introduites massivement par voie d’amendements à l’Assemblée nationale. Vous avez donc convoqué une commission mixte paritaire dans des conditions qui me semblent absolument contraires à l’esprit de nos institutions.

Il faut d’autant plus le redire que le président de la commission des lois, interrogé par moi-même et par d’autres à ce propos lors de sa prise de fonctions, a très clairement indiqué que, dorénavant, compte tenu du peu de temps qu’il restait, la procédure accélérée serait systématiquement utilisée. Il y a là un détournement de procédure et un mépris du Parlement que j’observe avec grand regret car le garde des sceaux, lorsqu’il était parlementaire, en particulier lorsqu’il présidait notre commission des lois, était tout à fait respectueux de l’équilibre entre le Gouvernement et le Parlement et, au sein du Parlement, entre les deux assemblées, et très exigeant à cet égard envers le Gouvernement.

Il n’est donc pas surprenant que cette commission mixte paritaire ait échoué. Elle a tout de même eu lieu, bien que l’échec fût évident pour tous, car son président, président de la commission des lois du Sénat, souhaitait que les points faisant l’objet de différences d’appréciation fussent évoqués malgré tout, afin de tenter d’adresser des messages aux rapporteurs de l’Assemblée nationale, lesquels se sont bien gardés, sinon d’en prendre note, du moins de prendre des engagements – ce dont ils avaient parfaitement le droit.

Le résultat est le retour au texte que souhaitait le Gouvernement et que la majorité de notre assemblée a servilement décidé de considérer comme un texte d’avenir, le texte de la justice du XXIe siècle.

Nous sommes en désaccord avec un grand nombre de dispositions de ce texte et ne souscrivons, monsieur le ministre, qu’à un seul point : votre déclaration, que vous avez reprise aujourd’hui, selon laquelle ce texte est finalement bien modeste. Pourquoi, alors, lui donner un nom aussi ronflant, aussi pompeux, alors qu’il ne s’agit que d’un ensemble de plus en plus disparate au fil des amendements que vous avez présentés, qui aborde tous les aspects de notre justice – pénale ou civile – qu’il vous semblait utile de combler par petites touches.

Les points sur lesquels nous restons en profond désaccord sont nombreux. Il s’agit d’abord de la justice des mineurs, à propos de laquelle je ne répéterai pas le discours que nous avons déjà tenu, mais sur laquelle notre désaccord est aussi, je l’assume, idéologique.

Permettez-moi de faire observer – sans malice, mais parce que c’est conforme à la vérité – que la proposition de créer des tribunaux correctionnels pour mineurs est le fruit de travaux de la commission Varinard, où nous étions deux représentants de l’Assemblée à siéger – tous deux encore parlementaires aujourd’hui : l’un à la tribune, l’autre au banc de la commission – et qui a décidé, à l’unanimité de ses membres, de soutenir cette proposition, laquelle est ensuite devenue texte de loi. Il me semblait important de le rappeler.

Un autre point de désaccord est le divorce sans juge, sur lequel je partage les remarques et les interrogations formulées par d’autres avant moi. Ce divorce peut en effet créer de véritables inégalités. Surtout, il induit un risque pour les enfants et j’espère que vous serez sensibles – même si j’ai quelque intuition que ce ne sera pas le cas – à notre amendement tendant à réduire la portée de cette disposition aux couples sans enfants mineurs.

J’espère, enfin, que vous avez pris conscience des chiffres de la délinquance routière et de la mortalité, qui ont augmenté de 30,4 % en septembre, ce qui ne vous dissuade pas de créer une disposition nouvelle qui aura pour effet d’appliquer à la délinquance routière une amende forfaitaire inférieure à celle que nous avons votée le 15 juin dernier pour les nuisances de certains engins motorisés.

J’évoquerai pour conclure le transfert du PACS et de divers dispositifs aux collectivités locales. Vous ne nous avez aucunement convaincus quant aux conditions du dédommagement que recevront ces collectivités pour la charge que représente ce transfert. Je me souviens que, pour notre rapporteur, M. Le Bouillonnec, il s’agissait en au contraire d’une chance pour les collectivités.

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