Enfin, ce budget fait peser la responsabilité sur la majorité qui sera élue l’année prochaine. Jamais un projet de loi de finances n’a comporté autant de mesures ayant un impact sur le quinquennat suivant : n’en déplaise à M. Giacobbi, qui vient de soutenir l’inverse, elles s’élèvent déjà à plus de 10 milliards d’euros et les annonces électoralistes non financées continuent de s’accumuler.
Commençons par examiner le contexte macroéconomique.
Le Gouvernement maintient la prévision de croissance d’avril, à savoir 1,5 %. Selon le Haut conseil des finances publiques, celle-ci est loin d’être acquise et « supérieure à la plupart des prévisions publiées récemment ». Et le Haut conseil d’ajouter : « À la différence des projets de loi de finances 2015 et 2016, le scénario de croissance retenu par le Gouvernement, qui cumule un certain nombre d’hypothèses favorables, tend à s’écarter du principe de prudence qui permet d’assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publiques. » Ce n’est pas moi, c’est M. Migaud qui le précise.
Je constate que la plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont pour leur part ramené leurs prévisions à 1,2 ou 1,3 %. Certes, comme l’indiquait Mme la rapporteure générale, on n’est peut-être pas à 0,2 ou 0,3 point près, mais, dans la perspective d’une échéance électorale et dans celle du passage du déficit public sous les 3 % de PIB, il aurait été intéressant que, cette année, l’exercice soit le plus juste possible.
Ensuite, des facteurs baissiers susceptibles d’infléchir la croissance potentielle se sont matérialisés ces derniers mois : atonie persistante du commerce mondial, Brexit, climat politique dans l’Union européenne et dans le monde, attentats, tous ces éléments risquent de peser sur la perspective de croissance.
Autre paramètre macroéconomique, le niveau des prélèvements. Je me propose de me livrer à un examen de l’ensemble de ses composantes.
Pour les entreprises, les prélèvements fiscaux et sociaux nets de subventions par rapport à la valeur ajoutée s’élèvent : à 13,8 % Allemagne, 10,4 % en cotisations sociales et 3,4 % en impôts nets de subventions ; à 16,4 % aux Pays-Bas, 12,6 % en cotisations sociales et 3,8 % en impôts nets de subventions ; à 19,3 % en Belgique, 16,2 % en cotisations sociales et 3,0 % en impôts nets de subventions ; en France enfin, malgré le CICE et toutes les autres mesures que vous avez prises, à 24,9 %. En comparaison internationale, la différence est donc colossale : le niveau des prélèvements est très défavorable à notre économie.
S’agissant des familles, je suis ravie de pouvoir vous rappeler, monsieur Giacobbi, et à vous aussi, monsieur Baert, qui venez d’avancer un chiffre contrastant, selon vous, avec les prétendus errements du passé, qu’entre 2012 et 2016, votre majorité et votre gouvernement ont augmenté de 12,9 milliards d’euros le produit de l’impôt sur le revenu – j’aurais pu arrondir à 13 milliards mais je voulais rester précise.
Conscient de cette réalité et de ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps le « ras-le-bol fiscal », le Gouvernement propose pour la quatrième fois consécutive une mesure ponctuelle de réduction d’impôt. En augmentant le nombre de contribuables non imposables, vous cherchez à limiter les effets de votre politique fiscale sur les bas revenus et vous prétendez désormais soulager les classes moyennes, monsieur le ministre. Or l’allégement en direction des classes moyennes est en réalité très faible dans ce projet de loi de finances : 194 euros en moyenne annuelle pour un ménage avec deux enfants ou pour un célibataire sans enfants, selon le revenu ; on ne peut pas dire que ce soit considérable. Songez que la défiscalisation des heures supplémentaires, elle, représentait en moyenne 400 euros d’allégement ! En termes de pouvoir d’achat, on va du simple au double, c’est une réalité.