Intervention de Harlem Désir

Séance en hémicycle du 24 octobre 2016 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Article 27 et débat sur le prélèvement européen

Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, le débat relatif au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est important si l’on considère les montants en jeu, puisqu’il concerne l’un des plus élevés en discussion dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Mais il est aussi important parce qu’il est l’occasion d’effectuer un examen approfondi des politiques communes de l’Union européenne.

L’évaluation de l’utilisation des fonds européens dans notre pays, l’analyse des relations financières entre la France et l’Union européenne, et de l’efficacité des politiques européennes sont chaque année au coeur du budget et du débat parlementaire.

Cette année, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’établit dans le projet de loi de finances pour 2017 à 19,1 milliards d’euros. Ce chiffre est très inférieur aux 20,2 milliards d’euros de prélèvement sur recettes prévus dans la loi de finances initiale pour 2016. La baisse importante de notre contribution au financement du budget de l’Union européenne – une baisse de 1,1 milliard d’euros – tient à l’entrée en vigueur, fin 2016, de la décision sur le système des ressources propres, qui détermine les modalités de contribution des États membres au budget de l’Union européenne.

À la fin de cette année, nous devrons donc nous acquitter, de manière rétroactive, des corrections et rabais forfaitaires accordés à différents États membres, ce qui induisait nécessairement un ressaut de notre contribution pour 2016. Ce phénomène disparaît en 2017, ce qui explique la baisse importante de notre participation au financement du budget de l’Union européenne.

Comment nous situons-nous par rapport aux autres États membres ? En 2015 – je cite les derniers chiffres disponibles pour le calcul de notre solde net –, la France se place au troisième rang des contributeurs nets en volume au budget de l’Union européenne, après l’Allemagne et le Royaume-Uni, avec une contribution de 20,6 milliards d’euros.

La France est redevenue le premier bénéficiaire en volume des dépenses de l’Union européenne, devant l’Espagne et la Pologne. Les retours pour notre pays s’établissent à 14,5 milliards d’euros en 2015, dont 62 % au titre de la PAC.

Cependant, la lecture comptable des flux entre le budget de l’Union européenne et celui des États membres n’est ni suffisante ni satisfaisante. Les bénéfices de notre appartenance à l’Union ne se calculent pas uniquement en fonction de cette balance. Le budget de l’Union européenne est un instrument qui permet de mettre en oeuvre les politiques européennes qui bénéficient à notre pays : la politique agricole commune, essentielle pour la France ; la politique régionale et les fonds structurels et d’investissement européens, qui soutiennent les projets de nos régions ; l’espace européen de la recherche, auquel participent nos universités et nos laboratoires.

Ce budget finance aussi de grandes infrastructures transfrontalières ou régionales – j’y reviendrai –, la politique spatiale européenne, le plan Juncker pour les investissements stratégiques dans les domaines d’avenir ou encore la garantie pour la jeunesse.

Le budget européen traduit donc la volonté d’agir ensemble et la conviction que cette action, dans de nombreux domaines, compte tenu des synergies qui peuvent se créer à l’échelle du continent et de nos grands objectifs communs, est plus efficace lorsque nous unissons nos forces. Parler du budget, je l’ai dit, c’est parler du projet pour l’Europe et de nos ambitions pour l’avenir.

Au total, le budget de l’Union est d’un montant important – environ 150 milliards d’euros en 2017 – et il permet d’agir dans de nombreux domaines, mais, je tiens à le souligner, rapporté au revenu national brut de l’Union dans son ensemble, il ne représente que 1 % de la richesse produite dans les vingt-huit États membres.

Le projet de budget présenté par la Commission européenne pour 2017 s’élève précisément, pour l’ensemble de l’Union, à 157,9 milliards d’euros en crédits d’engagement et 134,8 milliards d’euros en crédits de paiement, en prenant en compte la lettre rectificative que la Commission européenne a adoptée le 18 octobre dernier.

Tout d’abord, ce budget pour 2017 doit permettre la mise en oeuvre des grandes priorités stratégiques de l’Europe, ce qui se traduit notamment par une forte hausse des crédits en faveur de l’investissement, de l’innovation et de la croissance.

Cette augmentation est liée à la montée en charge des nouveaux programmes tels qu’Erasmus + et le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ainsi que du Fonds européen pour les investissements stratégiques, mis en place en 2016 dans le cadre du plan Juncker. Le budget pour 2017 comprend aussi une hausse du programme Horizon 2020 pour la recherche et du programme COSME, qui soutient les petites et moyennes entreprises.

Dans toutes ces politiques, l’enjeu pour la France est de veiller à ce que nos projets puissent bien bénéficier des financements européens. Il faut se réjouir à cet égard de l’augmentation de nos retours, qui atteignent un point haut en 2015, dernière année de référence connue.

Je souligne en particulier les bons résultats obtenus dans le cadre du plan Juncker, grâce à une forte mobilisation pour identifier et accompagner les projets éligibles. La France est ainsi le premier bénéficiaire des projets du volet infrastructures et innovation de ce plan. Le déploiement du plan Juncker en France a conduit à trente-sept décisions permettant de financer des investissements à hauteur de 14,5 milliards d’euros dans des secteurs d’avenir, porteurs de croissance et de création d’emplois – principalement la transition énergétique et le numérique.

À l’échelle de l’Union prise dans son ensemble, la mise en oeuvre du plan Juncker est également une réussite. Elle est très avancée : 324 décisions ont été prises, permettant de mobiliser 127,2 milliards d’euros d’investissements dans vingt-sept pays, soit environ 40 % de l’objectif de 315 milliards d’euros visé pour l’ensemble du plan, indépendamment de son prolongement, dont je dirai un mot.

Plusieurs projets français ont également été retenus par le comité de coordination du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, en particulier le canal Seine-Escaut et la ligne ferroviaire Lyon-Turin, projets pour lesquels, vous le savez, le Gouvernement s’est particulièrement mobilisé. Le projet du Lyon-Turin a notamment reçu une subvention de 813,8 millions d’euros au titre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, pour la période 2014-2019.

Dans le même temps, les grandes politiques de l’Union européenne, en particulier la politique de cohésion, avec le Fonds européen de développement régional – le FEDER – et le Fonds social européen – le FSE –, continuent de favoriser la croissance et l’emploi dans nos régions.

La réforme des territoires menée par la France a permis de transformer notre architecture territoriale pour la rendre plus lisible et efficace. Parallèlement, la gestion directe des fonds structurels a été confiée aux conseils régionaux. Fortes de ce nouveau découpage et de leurs nouvelles prérogatives, les régions françaises disposent des outils nécessaires afin de mieux utiliser les fonds européens pour leurs projets et de devenir des régions puissantes, plus compétitives à l’échelle européenne et mondiale.

Enfin, la politique agricole commune a été fortement sollicitée depuis le déclenchement de la crise qui, à partir du printemps 2015, a touché plus particulièrement les secteurs laitier et porcin. Trois paquets de mesures successifs ont été adoptés au niveau européen. Le plan d’aide de juillet 2016, d’un montant de 500 millions d’euros, prévoit notamment une incitation à la réduction de la production, ainsi que des aides directes conditionnées au plafonnement ou à la réduction de la production. Tel est le premier point sur lequel je voulais insister.

Le deuxième est que le budget pour 2017 doit répondre aux défis qui se présentent à l’Union européenne, tout en respectant les équilibres du cadre financier global 2014-2020.

Le projet de budget européen pour 2017, que le prélèvement sur recettes contribuera à financer, vise aussi à répondre aux urgences et aux crises. Il prévoit notamment une augmentation des crédits destinés tant au Fonds de sécurité intérieure, qui permet notamment d’agir pour l’accueil des réfugiés, qu’à la mise en oeuvre de nos engagements à l’égard de pays tiers comme la Turquie, la Jordanie et le Liban, dans le cadre de la gestion de la crise des réfugiés.

Je souligne à cet égard qu’après six mois de mise en oeuvre, plus de 2,2 milliards d’euros ont été engagés sur un total de 3 milliards au titre de la facilité Union européenne-Turquie, dont 467 millions d’euros déjà déboursés aux bénéficiaires finaux, c’est-à-dire à des projets d’accueil des réfugiés syriens en Turquie.

Troisièmement, au-delà du budget annuel de l’Union européenne, la question de l’adaptation du budget européen pour répondre aux nouveaux défis dans les domaines migratoires et sécuritaires se pose également dans le contexte de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Même si vous n’avez pas à vous prononcer aujourd’hui sur ce point, il doit en effet être pris en compte dans notre débat.

Au mois de septembre, la Commission a présenté ses propositions pour un réexamen du cadre financier qui tente de résoudre une équation difficile : comment prendre en compte le nouveau contexte géopolitique sans remettre en cause la structure du budget de l’Union européenne ?

Il s’agit en effet de formuler une réponse européenne au phénomène migratoire et à l’exigence de sécurité, tout en maintenant la priorité, dans nos choix budgétaires, accordée à la croissance et à l’emploi. En outre, cette réponse doit être élaborée dans le respect des plafonds du cadre financier global et sur la base d’un budget marqué par certaines rigidités – car nous n’allons pas renégocier à mi-parcours l’ensemble du cadre financier pluriannuel.

Pour cela, la Commission propose de donner davantage de flexibilité au budget européen, notamment avec le doublement de la capacité de l’instrument de flexibilité et de la réserve pour aide d’urgence, ainsi que la création d’une réserve de crise. Dans le même temps, elle propose différentes mesures de simplification pour faciliter l’accès aux fonds pour les bénéficiaires.

La Commission a également avancé un paquet de nouvelles mesures, à hauteur de 13 milliards d’euros, destinées à répondre à la crise migratoire et à renforcer les programmes en faveur de la croissance et de l’emploi. Une enveloppe de 1,8 milliard d’euros est ainsi envisagée pour renforcer l’effort budgétaire et répondre à la crise migratoire. L’ampleur de ce dernier défi implique en effet une prise en compte budgétaire : l’accueil des réfugiés, la gestion de nos frontières extérieures, avec notamment la mise en place du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, ou encore l’élargissement du mandat de l’opération Sophia pour renforcer la lutte contre les passeurs et les trafics en Méditerranée ont des incidences budgétaires.

Parallèlement, la Commission propose à la suite de notre demande, puisque la France a été en pointe sur le sujet, un financement accru du plan Juncker et un prolongement du financement de l’initiative pour l’emploi des jeunes, même si les volumes financiers qui y sont consacrés – 2 milliards pour la période 2017-2020 – sont en-deçà de ce que nous souhaitons.

Dans l’ensemble, ces orientations correspondent bien aux priorités françaises et à la nécessité de donner une nouvelle impulsion au projet européen sur la base de la feuille de route adoptée au sommet de Bratislava le 16 septembre dernier.

Améliorer l’efficacité des dépenses européennes, simplifier les règles de mise en oeuvre des politiques communes, donner davantage de flexibilité au budget de l’Union, tout cela va dans le bon sens. Il est cependant nécessaire de respecter les équilibres financiers décidés lors de l’établissement du cadre financier pluriannuel – c’est le deuxième point que j’évoquais.

Dans le contexte économique actuel, notre objectif est de respecter les plafonds globaux du cadre financier pluriannuel, qui ne doivent être ni dépassés ni contournés. Les grandes politiques de l’Union telles que la politique agricole commune ne doivent pas non plus être fragilisées.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, contribuer au budget européen, c’est se donner les moyens de notre ambition européenne, dans les grands domaines d’avenir comme face aux urgences et aux crises. C’est refuser aussi la logique du repli. C’est mettre des capacités en face des priorités que nous souhaitons pour l’Europe.

En examinant le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, l’Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur les forces et les choix de l’Europe, et sur la contribution et la place de la France auprès de ses partenaires dans la relance européenne. C’est pourquoi le Gouvernement appelle la représentation nationale à donner son approbation au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour 2017.

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