Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, la négociation sur la proposition de budget de l’Union européenne pour 2017 est engagée et est d’ores et déjà inscrite dans un cadre pluriannuel serré.
Confrontée à des défis sans précédent, l’Union européenne doit s’affirmer comme un espace de croissance, un lieu d’accueil et un continent sûr. Ce triptyque constitue les trois axes majeurs du projet de budget pour 2017. Tel que proposé par la Commission, et en prenant en compte les instruments spéciaux, ce projet s’élève à près de 160 milliards – 157,9 milliards précisément – en crédits d’engagement et à 134,8 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 1,7 % des crédits d’engagement par rapport au budget voté pour 2016, et une baisse de 6,2 % des crédits de paiement. Les crédits d’engagement, hors instruments spéciaux, s’élèvent à 154,82 milliards. La marge sous plafond s’établit donc à 815 millions d’euros. La Commission propose de fixer les instruments spéciaux, y compris l’instrument de flexibilité, à hauteur de 1,6 milliard.
La proposition du Conseil est, comme d’habitude, en retrait par rapport à celle de la Commission. Pour garantir la soutenabilité du cadre financier pluriannuel, le Conseil a décidé de réduire les montants proposés de 1 280 millions d’euros pour les crédits d’engagement et de 1 109 millions d’euros pour les crédits de paiement. Nous le savons tous, le compromis final sera déterminé entre les deux branches de l’autorité budgétaire lors de la période de conciliation, entre le 28 octobre et le 17 novembre.
Ce budget doit financer les trois priorités que l’Union européenne s’est assignées pour 2017 : la compétitivité et la croissance, la sécurité, et la crise migratoire.
En ce qui concerne l’investissement en faveur de la croissance, dans le projet de budget pour 2017 présenté par la Commission, les crédits d’engagement s’élèvent à 21,1 milliards d’euros, soit une hausse de 2,1 milliards par rapport à 2016. Certes, avec 11 % de hausse, c’est le poste de dépenses le plus dynamique mais, en valeur absolue, il n’est pas le premier. Par ailleurs, si les dépenses du Fonds européen pour les investissements stratégiques s’élèvent à 2,66 milliards d’euros, on peut s’interroger sur l’effet de levier attendu – près d’un à quinze, dit-on, ce qui semble peu réaliste. Regrettons, en outre, que les crédits de l’initiative pour l’emploi des jeunes stagnent en 2017.
Les autres priorités sont la crise migratoire et la sécurité. Dans un contexte durablement marqué, nous le savons, par la crise migratoire, le projet de budget présenté par la Commission au titre de la rubrique « Sécurité et citoyenneté » est en hausse de 5,4 % en crédits d’engagement et de 25,1 % en crédits de paiement par rapport à 2016. Ces hausses doivent couvrir les décisions relatives à la gestion de la crise migratoire, ainsi que les mesures de sécurité intérieure liées à la lutte contre le terrorisme. On note ainsi une augmentation significative – de 14 % – du Fonds de sécurité intérieure. Mais si nous devons faire face à des dépenses imprévues, nous savons déjà que cela ne suffira pas. Il ne subsiste quasiment aucune marge de manoeuvre au sein de cette rubrique, et il sera nécessaire de mobiliser en 2017 à la fois l’instrument de flexibilité, à son maximum disponible, et la marge pour imprévus.
Autre point problématique, les crédits de la rubrique « Europe dans le monde » qui, avec 9,4 milliards d’euros en engagements, augmentent de seulement 2,9 %. Or cette faible hausse doit permettre d’honorer les engagements pris à l’égard des pays voisins – vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État – tels que la Turquie, la Jordanie et le Liban, dans le cadre de la gestion de la crise migratoire. Comme vous l’avez également rappelé, elle doit aussi permettre la poursuite des opérations en cours, au Sahel, dans la Corne de l’Afrique, en Libye, en République démocratique du Congo et en Ukraine. Par ailleurs, vous n’ignorez pas que l’Europe a l’ambition d’étendre encore sa politique de voisinage.
En outre, le manque de mutualisation des dépenses de défense en Europe fait peser principalement sur la France le poids de la sécurité du continent et l’effort financier qui l’accompagne. Dans la mesure où la prise en charge des dépenses de défense par le budget européen est bloquée, il me paraît nécessaire de considérer sérieusement la proposition de création d’un fonds européen de défense commune.
En sus des trois priorités fixées par le Conseil et la Commission, l’année 2017 sera une année décisive pour le budget de l’Union européenne, car c’est celle de la révision à mi-parcours du cadre pluriannuel. La France doit y jouer un rôle de premier plan, notamment parce que l’enjeu financier est énorme pour notre pays, qui est un grand bénéficiaire et compte parmi les premiers contributeurs au budget européen. Cette année, cette place se traduit par un impact budgétaire significatif pour la France : pas moins de 19 milliards d’euros, soit, cela a été dit, plus de 6 % du total des dépenses de l’État, hors charge de la dette et pensions.
Quelles sont les questions à poser à l’occasion de la révision du cadre pluriannuel ? La première porte sur les conséquences du Brexit, bien sûr, auxquelles on ne peut pas ne pas penser. De nombreux chiffres circulent sur le sujet : le Financial Times évalue à 20 milliards d’euros le coût pour le Royaume-Uni. L’institut allemand de recherche en économie IFO a calculé que l’Allemagne pourrait avoir à verser 2,5 milliards d’euros supplémentaires par an au budget européen. Il est difficile d’en évaluer les conséquences financières pour la France, car elles dépendront de multiples facteurs, tels que le montant de la participation britannique au paiement du reste à liquider et de divers autres engagements. Il est évident que le facteur financier sera déterminant dans la négociation avec le Royaume-Uni. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que la représentation nationale soit, le moment venu, pleinement informée sur cette question.
Il faut aussi réfléchir au rôle et aux priorités du budget européen. Si les États membres ont fait le choix de se soumettre à une discipline budgétaire rigoureuse, alors l’Union doit pouvoir financer les investissements nécessaires à l’amélioration de notre croissance potentielle, à la modernisation de nos infrastructures, ou encore à la formation des travailleurs. Nous devrions aussi avancer dans la mise en oeuvre d’un budget de la zone euro. S’il faut réduire la voilure du budget à la suite du Brexit, quelles seront les dépenses sacrifiées ? La France ne renoncera pas aux crédits de la PAC, cela a été dit tout à l’heure, et les nouveaux États ne renonceront pas quant à eux aux dépenses de cohésion. Il restera par conséquent une faible marge de manoeuvre. Toutes ces questions ne seront pas tranchées tant que le mode de financement du budget européen restera inchangé.
J’en viens au dernier point : la réforme des ressources propres de l’Union européenne. Cette réforme a avorté en 2014, puisque la dernière décision adoptée par le Conseil n’a rien changé aux règles en vigueur. Le budget européen ne peut pourtant pas continuer à être l’agrégation des contributions des différents États membres, car dans ces conditions ressurgira chaque année le clivage entre les pays bénéficiant de la cohésion et les contributeurs nets, lesquels, bien sûr, souhaitent limiter leur contribution. Ainsi, l’élaboration du budget de l’Union européenne est aujourd’hui un débat entre vingt-huit experts-comptables nationaux qui se disputent pour savoir qui paiera combien.
Dans le cadre des travaux sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, un groupe de travail de haut niveau a été constitué le 25 février 2014, sous la présidence de Mario Monti. Il doit rendre ses conclusions au mois de décembre. Nous souhaitons que la France et l’Allemagne, autre grand contributeur net au budget de l’Union, soient force de proposition.
Il serait utile de passer en revue l’ensemble des dépenses et de déterminer lesquelles ont vocation à être mutualisées au niveau européen, en insistant sur la notion de valeur ajoutée du budget européen. Pour les dépenses mutualisées, l’Union doit se doter de véritables ressources propres, ce qui n’est pas incompatible avec le respect de la souveraineté fiscale des États membres. Pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où en est la réflexion de la France sur ce point, en particulier s’agissant de la création d’une taxe sur les transactions financières au sein de l’Union européenne ?
Il faudra également discuter d’un autre point : l’utilisation des instruments de flexibilité pour faire face aux urgences et aux dépenses imprévues. L’expérience de la crise migratoire a montré que ces instruments devaient être utilisés à plein.
Enfin, je crois qu’il faut s’interroger sur les institutions : le Parlement européen ne joue qu’un rôle consultatif pour les recettes et la règle de l’unanimité s’applique aux décisions relatives aux ressources propres. Il est donc peu probable – ou très difficile – que l’on trouve une solution à vingt-huit. C’est donc peut-être à l’échelle de la zone euro, laquelle devrait être dotée d’un budget propre, qu’il faut agir.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères est favorable à l’adoption de l’article 27 du projet de loi de finances pour 2017.