Intervention de François Asensi

Séance en hémicycle du 24 octobre 2016 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Article 27 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, aujourd’hui plus que jamais l’Union européenne est secouée par une multitude de crises sociales, économiques et morales. Le projet européen est au plus mal, et nous savons tous que le budget proposé par le cadre financier pluriannuel ne suffira pas à résoudre les problèmes que nous rencontrons.

Les députés communistes et du Front de gauche sont attachés au rêve européen, celui d’une union des peuples dans la coopération et la solidarité. Mais cet idéal n’existe plus : il faut avoir le courage de le dire. Face à une Europe minée par les inégalités et la puissance de la finance, il faut proposer une véritable rupture avec cette construction européenne, une rupture qui permettrait de faire sauter les verrous fixés par les différents traités, comme le pacte de stabilité, véritable camisole de force pour la France.

Avant toute chose, je souhaiterais dire quelques mots du sort des citoyens européens, qui restent les grands oubliés. Une étude publiée la semaine dernière indique que près d’un quart d’entre eux se trouve dans une situation de pauvreté. Même si ce chiffre est en constante baisse – heureusement – depuis 2012, le taux de personnes menacées de pauvreté a seulement retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008.

Les citoyens européens paient l’absence d’harmonisation sociale entre les États de l’Union. Pour les ex-pays de l’Est notamment, le rattrapage n’a pas eu lieu : les salaires y restent très bas et nous en payons le prix avec les travailleurs détachés. Mais si l’Union européenne risque d’échouer dans son ambition de faire diminuer la pauvreté d’ici à 2020, c’est aussi à cause de la hausse de la pauvreté et de la précarisation dans les pays les plus riches. Or nous ne voulons pas d’une Europe des mini-jobs et des emplois à 1 euro.

Ce modèle européen ne fait pas rêver notre peuple. Plus grave : les politiques d’austérité mettent la jeunesse à rude épreuve. Beaucoup de jeunes européens fuient leur pays et sa précarité pour trouver un travail à la hauteur de leurs compétences.

Je le répète, cette Europe-là est dépassée. Je comprends le profond désarroi des citoyens européens, qui aspirent aujourd’hui à un modèle équitable. Je refuse les solutions économiques dépassées de Bruxelles et de la troïka, qui sont au service exclusif de la mondialisation financière.

Pour en venir à l’examen proprement dit du budget européen et de la contribution française, je note que la Commission européenne et les États membres ont affiché leur priorité à la croissance, à la compétitivité, à la sécurité et à la gestion de la crise migratoire. Qu’en est-il réellement ?

Comme chaque année, le Conseil a réduit la proposition de budget et par là même les ambitions de la Commission européenne et du Parlement. Le rapporteur a parfaitement souligné l’insuffisance de ce budget qui stagne autour de 1 % du revenu national brut européen depuis trop d’années.

Si je me félicite de la hausse des crédits consacrés à la croissance économique par rapport au budget pour 2016, cette tendance masque des disparités dans la répartition des sommes allouées. Les crédits sont majoritairement fléchés vers la compétitivité pour la croissance et l’emploi, alors que la cohésion économique, sociale et territoriale est en panne. Pourtant, nous avons plus que jamais besoin d’assurer cette cohésion, notamment envers les territoires ruraux et les pays de l’Europe orientale, où le ressentiment anti-européen promeut des dérives identitaires nationalistes voire fascisantes, en rupture totale avec notre idéal universaliste.

Comme le souligne le rapporteur, le plan en faveur de l’investissement en Europe est encore largement insuffisant au regard des besoins au sein de l’Union. Il doit faire l’objet d’un véritable financement ambitieux. On ne peut plus se contenter d’un redéploiement de programmes déjà financés, comme Horizon 2020 ou le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe.

Je note également qu’une nouvelle fois l’initiative pour l’emploi des jeunes ne bénéficie d’aucun nouveau crédit, malgré les efforts de la France dans ce domaine.

Quant au volet solidarité du budget 2017, la hausse des crédits ne doit pas masquer la priorité accordée par l’Union européenne aux réponses à court terme, au détriment d’une diplomatie ambitieuse. Compte tenu des difficultés de financement du budget européen, la gestion de la crise migratoire nécessite des redéploiements budgétaires. L’Europe a-t-elle vocation à devenir une forteresse ? Pour répondre au défi de la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne, des crédits ont pourtant été débloqués afin de renforcer les capacités d’intervention de l’agence FRONTEX.

En outre, le budget dédié à l’action extérieure de l’Europe a été augmenté pour atteindre 7 milliards d’euros. Cette augmentation de 74 % cache une plus triste réalité : l’essentiel des crédits finance l’accord migratoire passé avec la Turquie pour limiter l’arrivée de réfugiés syriens. Je dénonce une nouvelle fois cet accord.

Concernant le prélèvement proprement dit, nous ne pouvons que nous inquiéter de la hausse continue de la contribution nette de la France. Le montant de la contribution française a été multiplié par six entre 1982 et 2016, pour atteindre aujourd’hui 19 milliards d’euros. Cela pose d’autant plus de problème qu’elle grève nos marges de manoeuvre dans le cadre de l’orthodoxie budgétaire aveugle de Bruxelles.

Tout le monde s’accorde à dénoncer l’absurdité de ce système où les États membres négocient des rabais. Mais nous sommes, hélas, bien seuls lorsque nous proposons de réviser de fond en comble les traités européens pour les mettre au service d’une rupture avec l’Europe telle qu’elle s’est construite aujourd’hui.

L’Union européenne pourrait se doter d’un budget au service de cette ambition en instaurant une politique rigoureuse de lutte contre l’évasion fiscale. Comme le soulignent les parlementaires Éric Bocquet et Alain Bocquet, chaque année, 1 000 milliards d’euros sortent des circuits européens – entre 60 et 80 milliards en ce qui concerne la France.

Il n’est pas acceptable qu’une entreprise comme Apple ne paie que des poussières d’impôts,…

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