Cette dette sociale, j’y reviendrai, a déjà coûté au pays, chacun doit s’en souvenir, plus de 50 milliards d’euros d’intérêts financiers. Une extrapolation permet de penser que même si nous tenons l’objectif de l’extinction de la dette en 2024, les intérêts auront au total représenté près de 70 milliards en vingt-cinq ans.
Oui, depuis 2012, le solde général, mais aussi le solde de chacune des branches du régime général qui explique à lui seul l’essentiel de la réduction des déficits, s’est amélioré chaque année, les dépenses progressant moins vite que les recettes.
Le déficit de la branche maladie, probablement celle pour laquelle l’équilibre est le plus compliqué à trouver au regard de la dynamique des dépenses, a été réduit de 3 milliards d’euros, pour s’établir en 2017 à 2,7 milliards. En 2016, le déficit cumulé des régimes obligatoires de base depuis 2012 est à un niveau inférieur à celui d’avant-crise. La maîtrise de l’ONDAM y est pour beaucoup, son évolution moyenne s’élevant à 2,1 % sur cette législature contre 2,9 % sous le précédent quinquennat, alors même que le taux de prise en charge a progressé.
La branche vieillesse est désormais, hors FSV, en excédent : + 1,6 milliard d’euros en 2017 contre un déficit de 4,8 milliards en 2012. C’est le résultat de réformes entreprises de longue date, et c’est un des rédacteurs du Livre blanc sur les retraites de Michel Rocard en 1991 qui vous le dit. La réforme que nous avons votée en 2014, qui a équitablement réparti les efforts entre actifs, entreprises et retraités, a assuré un équilibre durable à moyen terme de nos systèmes de retraite, là encore avec des droits nouveaux et reconnus, en l’espèce pour les carrières longues, ce qui n’est que justice.
Et nous atteindrons l’équilibre global du système des retraites, régime de base et FSV inclus, en 2020. Il est vrai que le FSV porte à lui seul le poids du chômage dans le système de retraite, soit plus de 11 milliards d’euros, et on sait très bien que la solution du problème de son déséquilibre structurel passe évidemment par une amélioration de l’emploi – à ce propos, je me félicite de la bonne nouvelle que nous avons apprise aujourd’hui.
Cela dit, le reclassement proposé dans le PLFSS des dépenses contributives et de solidarité est à la fois cohérent dans son principe et justifié sur le plan de la prudence financière. Le secrétaire d’État a rappelé qu’en 2011, pour réduire le déficit de la CNAV, on avait transféré des dépenses en réalité contributives – je pense au minimum contributif – sur le FSV. Nous allons faire l’inverse. C’est une bonne chose parce que, de manière générale, avant de penser à dépenser davantage, il faut dépenser mieux et surtout réduire l’intégralité des déficits et éteindre la dette sociale.
La branche famille, que nous avions trouvée structurellement déficitaire, à hauteur de 2,5 milliards en 2012, sera à l’équilibre en 2017. Au-delà des modifications de périmètre de la branche résultant des choix effectués pour compenser les pertes de ressources de la protection sociale, conséquence des mesures de baisse du coût du travail, en l’espèce le transfert à l’État de l’ensemble des aides au logement, nous assumons nos choix en matière de redistribution qui ont permis de sauver la branche famille et d’améliorer les droits des plus démunis de nos concitoyens.
Finalement, cette dynamique vertueuse que nous avons engagée, par une progression moindre des charges que des recettes sur une tendance longue – respectivement +13,3 % et +16,9 % depuis 2012 – démontre que l’équilibre structurel tend à s’imposer au sein des branches du régime général. J’y vois pour ma part le signe d’une maturité et d’un état d’esprit de responsabilité de l’ensemble des acteurs : administrations, partenaires sociaux, acteurs du système de santé et aussi bien entendu Gouvernement et majorité.
Cette situation est aussi le résultat, vous l’avez noté, monsieur le secrétaire d’État, d’un assainissement des relations financières entre l’État et la Sécurité sociale. La dette résiduelle permanente de l’État vis-à-vis des régimes de protection sociale a ainsi été résorbée et les pertes de recettes liées aux exonérations compensées. En 2017, les allégements généraux représenteront près de 80 % de l’ensemble des exonérations de cotisations et les mesures non compensées seront désormais quasi exclusivement les mesures d’exemption d’assiette. Les exonérations compensées s’élèveront à 36 milliards, soit tout de même la moitié du déficit prévisionnel de l’État pour la même année.
Mais je m’interroge sur l’avenir de ces relations financières dès lors que le déficit des comptes de la sécurité sociale est en passe d’être résorbé et que la dette restant à apurer est amenée à disparaître à l’échéance 2024 – ce n’est pas demain matin, nous avons le temps d’y réfléchir. Dans la perspective où les régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale seront en équilibre, voire en mesure de dégager des excédents structurels, et la dette sociale éteinte, la question de la soutenabilité et de la légitimité d’un tel volume de compensations ne pourra manquer d’être posée. Cette réflexion apparaît d’autant plus justifiée dans un contexte où les comptes de l’État restent, pour leur part, encore amplement déficitaires.
Se posera également en 2024 la question de l’affectation, ou au contraire de l’extinction, des ressources aujourd’hui affectées à la CADES pour rembourser la dette, dont le montant s’élève à près de 17 milliards cette année. L’enjeu portera sur le produit de la CRDS mais aussi sur la part de CSG affectée à la CADES, soit tout de même presque 1,1 point de masse salariale. On pourra procéder à une restitution au bénéfice du contribuable ou financer les priorités de la protection sociale. Je ne sais pas qui sera en 2024 dans cet hémicycle, mais c’est aussi la question de l’ensemble des équilibres des comptes sociaux qui devra alors être posée. Je le dis pour mémoire et par souci de responsabilité pour l’avenir, car si la question ne se pose pas encore aujourd’hui, je tiens à rappeler que l’équilibre des comptes de la protection sociale n’est pas spontané et qu’il suppose des efforts constants, notamment pour la branche maladie. Mais la prise de conscience est générale et c’est là l’essentiel.