Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Conseil constitutionnel a annulé le 4 mai 2012 l'infraction de harcèlement sexuel, sur la saisine de la Cour de cassation qui lui transmettait une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil a considéré que les éléments constitutifs de l'infraction étaient insuffisamment définis et a déclaré l'article 222-33 du code pénal contraire à la Constitution. Il a précisé que cette censure était d'effet immédiat et s'appliquait donc à toutes les affaires non définitivement jugées.

Cette infraction, qui figurait dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, réprimait d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle. Entrée dans le code pénal en 1992 à l'occasion de la réforme de ce même code, promulguée en 1994, elle était issue d'un amendement d'Yvette Roudy et de Gérard Gouzes déposé en 1991, créant un article additionnel dans le chapitre consacré aux discriminations. Au cours de la navette parlementaire, il était apparu que ce n'était pas sa place et qu'il fallait l'inclure parmi les infractions sexuelles.

Les éléments caractéristiques de cette infraction étaient l'abus d'autorité et des ordres, menaces ou contraintes ayant pour but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle. Elle était à l'époque punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. En 1998, à l'occasion du débat sur la prévention et la répression des infractions sexuelles, est apparu un nouvel élément caractéristique : les pressions graves.

Il faut noter que le législateur avait prévu de retenir l'acte unique dès 1992. Cela apparaît très clairement dans les débats, aussi bien dans la bouche du ministre délégué à la justice de l'époque, Michel Sapin, que du rapporteur. Malheureusement, le texte lui-même ne définissant pas l'acte unique comme fait de harcèlement sexuel, la justice n'a pu tenir compte de l'intention explicite du législateur et les actes uniques n'ont donc pas été punis.

Lors de la discussion de la loi de modernisation sociale, en 2002, il n'avait dans un premier temps pas été question du harcèlement sexuel, mais seulement moral. Il s'agissait de modifier le code du travail pour supprimer l'abus d'autorité des éléments caractéristiques et constitutifs du harcèlement moral. C'est un amendement parlementaire qui a proposé de faire de même pour le harcèlement sexuel, et qui a en fait abouti à cette définition censurée le 4 mai par le Conseil constitutionnel.

Pour que des faits d'une telle gravité ne restent pas sans réponse pénale, le Gouvernement a décidé d'agir avec célérité, et le Parlement a accepté la procédure accélérée. Quelques semaines après la décision du Conseil constitutionnel, sept propositions de loi ont été déposées au Sénat, lequel a également mis en place un groupe de travail. Ce dernier a procédé à une cinquantaine d'auditions.

Dès qu'elle a été renouvelée, l'Assemblée nationale s'est emparée du sujet. Je veux particulièrement remercier le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, ainsi que les rapporteures Pascale Crozon, de la commission des lois saisie au fond,…

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