Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, il n'est pas nécessaire pour moi de présenter le contenu du projet de loi, tous les orateurs qui m'ont précédé l'ont fait et d'autres le referont, je voudrais donc d'abord revenir sur la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai dernier, à l'origine de ce texte. Au-delà de l'émotion et de l'incompréhension qui ont, c'était assez naturel, saisi de nombreuses femmes et de nombreux observateurs, cette décision a eu, finalement, une double vertu.

Tout d'abord, elle nous a interpellés, nous, législateurs, sur l'attention que nous devons porter à la rédaction des textes que nous discutons et que nous adoptons. Il est parfois difficile de mesurer toutes les conséquences de certains mots ou formules que nous retenons. Cette question de la définition du harcèlement sexuel démontre que, en droit en général et en matière pénale en particulier, le mieux est parfois l'ennemi du bien. Je ne mets pas en doute la pureté des intentions poursuivies par nos prédécesseurs qui ont été à l'origine des modifications successives de la définition du harcèlement sexuel, mais force est de reconnaître qu'en voulant améliorer la définition de ce délit, l'article 222-33 du code pénal est devenu très largement tautologique : le harcèlement, c'est le fait de harceler ! Jusque-là, nous sommes tous d'accord.

Notre ancien collègue Michel Pezet, qui fut l'un des artisans de l'introduction du harcèlement sexuel dans le code pénal en 1992, a écrit dans Le Monde qu'« en supprimant les précisions portant sur la qualité de l'auteur et sur les comportements incriminés, de manière à alléger la charge de la preuve qui incombait à la victime et à élargir le champ d'application de cette infraction », la modification intervenue en 2002 aboutissait au fait que « plus rien ne permettait de dire ce qui était interdit et ce qui ne l'était pas ». C'est cette imprécision, contraire au principe, fondamental pour un État de droit comme le nôtre, de la légalité des délits et des peines, que le Conseil constitutionnel a sanctionnée.

Certes, ce qui choque, c'est que cette décision résulte d'une question prioritaire de constitutionnalité déposée par une personne condamnée pour harcèlement sexuel en première instance et en appel. Comme le soulignait en commission notre collègue de l'UMP Bérengère Poletti, c'est d'autant plus choquant que cette personne est un élu, qui a siégé sur ces bancs. Cependant, on n'a pas suffisamment prêté attention au fait que s'était jointe à la QPC une association féministe luttant contre les violences faites aux femmes. Elle s'inquiétait, pour des raisons diamétralement opposées bien sûr, de l'imprécision de la définition du harcèlement sexuel, imprécision qui aboutissait à ce que des faits d'agressions sexuelles, voire de viol, étaient poursuivis sous la qualification de harcèlement sexuel. C'est évidemment inacceptable.

La décision du Conseil constitutionnel est donc un message clair adressé aux législateurs que nous sommes. Si nous devions en tirer la conclusion qu'il faut en finir avec ces lois bâclées, adoptées sous le coup de l'émotion, à la suite souvent d'un fait divers – depuis cinq ans, nous n'en avons pas été épargnés ! –, nous aurions accompli un grand progrès collectif. Ce serait le premier résultat positif de la décision du Conseil.

Mais celle-ci a une seconde vertu.

Depuis le 4 mai dernier, la question du harcèlement sexuel et, parce qu'elles sont très liées, celle du harcèlement moral, notamment dans le cadre du travail, sont à nouveau abordées au grand jour. Cet intérêt médiatique est d'autant plus important qu'il existe un chiffre noir du harcèlement sexuel parce que des victimes n'osent pas porter plainte ou voient, en raison de la difficulté de la preuve, leurs plaintes classées sans suite. Comment croire que le phénomène du harcèlement sexuel dans un pays de 63 millions d'habitants se limite aux quelque 80 condamnations prononcées en moyenne chaque année ?

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