Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

Comment croire que la gravité des comportements sanctionnés est correctement appréhendée eu égard au caractère exceptionnel des condamnations à des peines de prison fermes ? Comme dans bien d'autres domaines, les quelques affaires qui viennent devant les tribunaux ne sont, à l'évidence, que la partie émergée d'un ensemble de faits, hélas, plus nombreux et peut-être plus graves.

À cet instant, je pense à toutes ces femmes qui, courageusement, dénoncent les faits dont elles sont victimes et qui, bien souvent, rencontrent l'incompréhension ou pire, le silence complice de leur hiérarchie ou de leurs collègues de travail ; le moment est grave, il faut mesurer le courage nécessaire pour s'engager dans ce qui sera une longue bataille pour faire prévaloir le simple droit de travailler dans un environnement où il ne soit pas porté atteinte à sa dignité et qui ne crée pas une « situation intimidante, hostile ou offensante » – pour reprendre les termes du projet de loi. Il faut du courage pour s'engager dans un combat où l'on met en péril sa carrière, voire son emploi lui-même : on le sait pour la mère qui élève seule ses enfants, pour la salariée en situation de précarité – temps partiel subi, CDD à répétition –, pour la jeune stagiaire à la recherche d'un emploi – je pense aussi aux stagiaires de troisième, qui ont souvent quinze ans déjà, obligées d'aller passer une semaine dans une entreprise… N'ont-elles pas déjà subi, elles aussi, ce type de harcèlement ? Je suis incapable de vous le dire aujourd'hui. Pour toutes ces situations qui, hélas, se développent, l'enjeu de ce combat est tel qu'il peut conduire au renoncement et au silence.

Pourtant, il ne fait aucun doute que les esprits ont progressé depuis une vingtaine d'années. Le climat d'unanimité qui a prévalu au Sénat et qui, je l'espère, prévaudra aujourd'hui dans cet hémicycle en témoigne. Nous sommes, en effet, loin de la remarque de l'un de nos prédécesseurs qui déclarait ici même que voter l'amendement créant le délit de harcèlement sexuel, ce n'était pas faire du droit mais, je le cite : « suivre la mode » ! Il a été ministre de la culture… Vous trouverez bien qui c'est.

Bien sûr, de beaux esprits continuent d'ironiser quand on évoque le phénomène. Les avocats continuent de plaider que leur client est peut-être un piètre séducteur, mais sûrement pas un délinquant, et que leur victime avait peut-être eu auparavant un comportement ambigu. C'est toujours la même chose s'agissant des délits à dimension sexuelle : la victime ne le serait pas tout à fait ! N'avait-elle pas un décolleté indécent ? N'était-elle pas habillée avec une robe un peu particulière – pour faire référence à ce qui s'est passé la semaine dernière ?

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