Intervention de Gilles Bourdouleix

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Bourdouleix :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'abrogation par le Conseil constitutionnel de l'article du code pénal relatif au harcèlement sexuel a provoqué – fait rare dans notre histoire juridique – la disparition pure et simple d'une infraction pourtant génératrice d'une souffrance bien réelle.

Cette décision a légitimement suscité l'incompréhension de bon nombre de nos concitoyens : incompréhension de celles et ceux qui ont vu, par le seul effet de la décision des juges constitutionnels, des mois, voire des années de procédure réduites à néant ; incompréhension des victimes qui, se voyant ainsi privées de tout recours, ont ressenti un terrible sentiment d'injustice. C'est ainsi qu'à la souffrance née du harcèlement sexuel, à l'anxiété, au sentiment de culpabilité et de honte, s'est ajoutée pour les victimes la souffrance judiciaire.

Les médecins s'accordent à dire que le harcèlement sexuel déstructure durablement ses victimes, qu'il altère l'image de soi et qu'il s'agit bien là d'une « pathologie médicale ». Pour autant, en dépit de sa gravité, cette réalité n'est pas toujours reconnue par le corps social.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous devons saisir l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de repenser la définition du harcèlement sexuel, de réprimer ce délit de façon efficace et adaptée, de manière à protéger les victimes, à dissuader les harceleurs potentiels de passer à l'acte et d'encourager ainsi l'ensemble de la société à prendre enfin la mesure de la réalité de ce phénomène.

Au-delà de l'urgence et de la nécessité qui justifient l'adoption de ce texte, notre rôle de législateur doit être guidé par plusieurs exigences.

En premier lieu, si nous sommes tenus de définir le harcèlement sexuel de manière suffisamment précise pour ne pas risquer de nous exposer à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, nous devons également veiller à adopter une définition suffisamment large pour couvrir l'ensemble des situations. Nous avons tendance à oublier que le harcèlement sexuel ne se produit pas uniquement dans le cadre des relations de travail. Il peut survenir dans diverses situations : dans l'enseignement supérieur, à l'occasion de la recherche d'un logement ou encore dans les milieux sportifs. Il peut également toucher une grande diversité de personnes, tous âges et toutes catégories sociales confondus.

Les mineurs de plus de quinze ans sont susceptibles d'être exposés au harcèlement sexuel dans de multiples circonstances : lorsqu'ils sont stagiaires dans les entreprises, apprentis, en colonie de vacances ou lors de sorties, par exemple. Il convient de les protéger d'agissements qu'ils ont d'autant plus de mal à dénoncer qu'ils sont jeunes et inexpérimentés. C'est le sens de l'amendement du groupe UDI, qui vise à étendre la circonstance aggravante de minorité à tous les jeunes de moins de dix-huit ans, c'est-à-dire à tous les mineurs.

C'est également dans un souci de protection de la victime que le groupe UDI propose de reporter le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles aggravées et du harcèlement sexuel dans le cadre des relations de travail, à compter du jour où la victime n'est plus en relation avec son agresseur ou son harceleur.

En deuxième lieu, nous devons mettre en place une répression adaptée et cohérente du délit de harcèlement sexuel.

Sur la question des peines applicables à ce délit, les discussions ont déjà été nombreuses. Pour notre part, nous pensons que le harcèlement sexuel doit être plus sévèrement réprimé. Il n'est pas acceptable que les atteintes aux biens soient plus réprimées que les atteintes aux personnes.

Il en va de la dignité des victimes, qui peuvent légitimement s'étonner que l'on oppose à leur souffrance le respect d'une supposée cohérence du dispositif du code pénal, sachant que cette cohérence n'existe pas en réalité. Aussi, dans l'attente d'un toilettage général et nécessaire, doit-on se montrer juste dans la recherche d'une hiérarchie des peines.

Enfin, notre appréhension du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles a trait, plus généralement, à la place que notre société accorde aux femmes, les plus touchées par ces délits. Pour cette raison, la lutte contre le harcèlement sexuel ne peut se limiter à son volet répressif. Il est nécessaire, comme l'ont rappelé les orateurs précédents, qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une politique globale intégrant un effort de sensibilisation et de prévention.

Mes chers collègues, c'est guidé par ces exigences – laissons de côté les quelques imperfections du texte – que le groupe UDI soutiendra l'adoption de ce texte qui, nous l'espérons, répondra aux attentes des victimes et permettra de lutter efficacement contre ce qui constitue à ce jour une véritable plaie sociale et sociétale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur quelques bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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