Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collèges, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui vise à combler le vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai dernier.
Inattendue, cette censure n'était toutefois pas surprenante, tant il est vrai que l'article 222-33 du code pénal était particulièrement laconique, se contentant de désigner le délit sans le définir.
Je veux dire d'abord un mot des conséquences de cette décision qui a eu pour effet de mettre immédiatement un terme à l'ensemble des procédures judiciaires en cours. De telles conséquences radicales ne s'imposaient pourtant pas, puisque le Conseil constitutionnel avait la possibilité de reporter dans le temps la prise d'effet de l'abrogation de la loi. Pour notre part, nous regrettons ce choix d'une abrogation immédiate, alors qu'une abrogation différée aurait laissé le temps au législateur de remplacer les dispositions visées et d'avoir une approche globale du harcèlement. Une abrogation différée aurait aussi permis de continuer à sanctionner les faits à propos desquels il n'existait aucune ambiguïté. Cela aurait été plus protecteur des victimes, lesquelles ont, à juste titre, douloureusement vécu cette situation.
J'en viens maintenant au texte lui-même pour me féliciter de la réponse qu'il apporte et du progrès qu'il représente.
Il instaure, en effet, une définition de l'incrimination de harcèlement sexuel plus précise qui comporte deux niveaux : le harcèlement par répétition constitué par des propos ou des agissements à connotation sexuelle, et le harcèlement par acte unique constitué par toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle.
Autre point très positif : le texte ouvre dans le code pénal, comme dans le code du travail, la possibilité de sanctionner les discriminations qui peuvent résulter de ces faits de harcèlement, tant à l'encontre des victimes directes des faits que des témoins de ceux-ci.
La commission des lois de notre Assemblée a d'ailleurs apporté quelques améliorations significatives au texte, que nous saluons, et en particulier la suppression des termes « ordres », « menaces » ou « contraintes » au paragraphe II de l'article 1er, faisant ainsi disparaître le risque de confusion entre le délit de harcèlement sexuel et ceux d'agression sexuelle ou de viol.
Pour autant, il convient de noter que la question des requalifications des infractions, en particulier des infractions sexuelles demeure. En matière de viol, par exemple, il est fréquent que l'autorité judiciaire requalifie un viol en agression sexuelle en passant sous silence certains des éléments constitutifs de l'infraction, ce qui permet de juger les auteurs plus rapidement devant une juridiction correctionnelle plutôt que devant une cour d'assises. Il convient donc d'être attentif à ne pas banaliser les infractions sexuelles et de les sanctionner systématiquement par la peine prévue dans le code pénal.
De même, nous sommes favorables à l'extension du délit de discrimination résultant du harcèlement sexuel aux personnes ayant témoigné sur de tels agissements. Nous considérons également qu'il est nécessaire de faire bénéficier toute personne en formation ou en stage de cette même protection contre les discriminations résultant d'un harcèlement moral et sexuel.
En conclusion, ce projet de loi constitue indéniablement une amélioration de la réponse pénale; Le texte est plus précis et donc plus juste. Il permettra une lutte plus efficace contre le harcèlement sexuel. Pour autant, cette lutte ne peut se limiter à son volet répressif et doit également faire l'objet d'une politique d'information et de prévention. Sur ce point, nous avons pris note, avec satisfaction et intérêt, des engagements du Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)