Troisième leçon à tirer de cette bévue normative : la prudence. Montesquieu, en son temps, et plus récemment, Jean Foyer, adjuraient les auteurs de la loi de ne légiférer que d'une main tremblante ! Les effets potentiels de chaque disposition législative, de chaque amendement devront toujours par nous être soigneusement pesés. Le souvenir est encore vif d'un amendement adopté à la va-vite et qui aura eu pour conséquence d'empêcher la dissolution de la secte de scientologie.
C'est bien de notre manière de légiférer qu'il s'agit. Parce que la question prioritaire de constitutionnalité nous rappelle que, si elle constitue un droit nouveau pour tous les justiciables, c'est un devoir pour nous que d'élaborer des textes précis, clairs, intelligibles et prévisibles.
Et l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui en modifiant, ou plutôt en précisant la définition du harcèlement sexuel, est un exercice délicat.
Nous devons veiller au respect d'un subtil équilibre entre la victime et le mis en cause.
N'oublions pas que dans le procès pénal, ce n'est pas la victime qui doit être l'acteur principal, même si c'est elle qui a toute notre attention, mais c'est bien l'État qui doit rester cet acteur principal.
Et il nous faut toujours protéger les victimes en respectant la présomption d'innocence, qui est la marque d'un droit moderne. C'est ainsi.
Nous allons donc faire naître des espoirs, que nous allons peut-être décevoir, en raison de ce subtil équilibre. Mais nous devons éviter qu'un texte mal rédigé fasse d'autres victimes.
Nous ne sommes pas ici pour ériger un ordre moral, mais pour dénoncer et sanctionner les dérives de notre société, qui voit le harcèlement sexuel sournoisement s'exercer, dans de nombreux domaines, dans une quotidienneté devenue dangereuse par risque de banalisation.
Le texte qui nous est proposé entend répondre à toutes ces dérives, en respectant l'équilibre que j'évoquais à l'instant entre victime et mis en cause.
Il constitue plus qu'une réponse à l'urgence. C'est notre devoir que de légiférer maintenant pour toutes les victimes silencieuses de ce fléau social, que toute absence de prévention et de sanction continuerait à faire souffrir.
Le Gouvernement a su répondre dans l'urgence et le texte s'est enrichi de toutes les attentions portées par nos différentes commissions, ainsi que par la délégation aux droits des femmes, et sur tous nos bancs.
Restent encore quelques interrogations ou insuffisances, que nos débats devraient permettre de lever. Nous devrons aussi ouvrir un chantier plus vaste, celui du harcèlement, chantier auquel nos travaux sont une première et indispensable contribution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)