Le titre de ce projet de loi, axé sur la ratification de l’ordonnance du 15 juillet 2016 relative à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, commence à ne plus être vraiment adapté à son contenu, si bien que l’urgence se justifie de moins en moins. À moins, madame la secrétaire d’État, que vous ne vous contentiez d’à-peu-près, sur un sujet aussi technique…
L’article 1er, de l’avis de notre rapporteur, que mon groupe soutient sur ce point, ne pose pas de problème et répond au champ d’autorisation à légiférer par ordonnances. Simplifier et alléger la charge de travail administratif de l’ANSM en supprimant des procédures obsolètes, voilà qui ne peut que nous rassembler, d’autant plus que nous sommes à l’heure de la rationalisation des moyens des opérateurs de l’État, notamment des agences sanitaires – nous venons d’ailleurs de voter des crédits de la mission « Santé » en forte baisse.
L’ANSM, dont les missions, la gouvernance et le financement ont été profondément rénovés dans le cadre de la loi Bertrand de 2011, à la suite du scandale du Mediator, est un acteur essentiel de la politique du médicament de notre pays. Elle doit, plus que jamais, avoir les moyens de remplir ses missions correctement. Nous sommes d’ailleurs très inquiets de la crise qu’elle traverse depuis quelques mois et nous souhaitons, madame la secrétaire d’État, qu’elle puisse en sortir rapidement.
Pour ce qui concerne l’article 3, nous ne pouvons que regretter que la mesure qu’il contient arrive aussi tardivement, comme la présidente de la commission l’a fait observer. Comme toujours ou en tout cas très souvent, cette transposition de directive intervient dans l’urgence, alors que la menace de pénalité se rapproche. Dès lors, il est étonnant que le Gouvernement n’ait pas pu s’empêcher de profiter de ce véhicule législatif pour intégrer un dispositif mal préparé, sur lequel tous les débats de la commission se sont concentrés. C’est se montrer assez peu respectueux des droits du Parlement.
Venons-en donc à l’article 2, dont l’objet est de travailler à démêler les éventuelles – j’insiste sur l’adjectif – responsabilités des grossistes-répartiteurs dans les ruptures d’approvisionnement de certains médicaments, en les obligeant, de manière expérimentale, pendant trois ans, à déclarer leurs exportations à un tiers de confiance.
Sur le fond, cela ne semble pas poser de problème. Dans le cadre de la loi Bertrand de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, l’Assemblée nationale, donc la majorité précédente, avait déjà adopté un amendement à peu près similaire d’Yves Bur et Arnaud Robinet, qui prévoyait une obligation, pour les distributeurs recourant à des exportations parallèles, de déclarer leur activité. Les conditions d’application en étaient toutefois différentes : elles devaient être prévues dans le cadre d’une convention tripartite qui n’a jamais vu le jour.
Le sujet est délicat. Les exportations parallèles sont en effet légales et protégées par le droit de la concurrence tant national qu’européen. Les grossistes-répartiteurs sont propriétaires de leurs stocks et peuvent donc en disposer librement dès lors qu’ils ont rempli leurs obligations de service public. Si le fait de disposer des données liées aux exportations des grossistes-répartiteurs permettrait d’éclairer de manière rationnelle l’éternel débat concernant leurs responsabilités dans les ruptures de stock de certains médicaments, la question des conditions d’application de cet article est loin d’être mineure.
On aurait attendu du Gouvernement qu’il lance une concertation avec les grossistes ; malheureusement, cela n’a pas été le cas, l’énorme flottement auquel on a assisté en commission le montre bien. Nous attendons donc que la secrétaire d’État nous apporte des précisions sur ce sujet. Qui sera le tiers de confiance ? Les informations données par les grossistes-répartiteurs resteront-elles bien confidentielles ?
Enfin, ce texte patchwork aborde la question de la politique de vaccination, mais par le petit bout de la lorgnette, en transférant des compétences à la Haute autorité de santé. La ministre ayant lancé une concertation citoyenne sur ce sujet majeur, il est regrettable qu’elle n’en attende pas les résultats avant de faire bouger les lignes, d’autant que, me semble-t-il, elle nous les a annoncés pour la fin du mois.
Je comprends bien qu’en fin de législature, on essaie de caser comme on peut des dispositions certes techniques dans un texte fourre-tout, passé en procédure accélérée sous couvert de transposition urgente de directive ; ce n’est pas pour autant du bon travail. Mon groupe est donc très dubitatif au sujet de ce texte. Nous ne voulons pas nous opposer à la transposition de la directive car la France risquerait d’être sanctionnée, mais, avant de nous prononcer sur le projet de loi, nous attendons les réponses que n’a pas su nous apporter le rapporteur en commission.