La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance no 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé (nos 4178, 4222).
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, nous sommes réunis ce soir, à quelques-uns, pour examiner un projet de loi qui, au-delà de ses aspects très techniques, a surtout pour objectif de moderniser nos procédures de sécurité sanitaire, de compléter notre arsenal de lutte contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments et de renforcer la gouvernance de la politique vaccinale.
L’objet premier du texte est la ratification de l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM. Depuis sa création, celle-ci est un lieu de référence pour l’évaluation, l’expertise et les prises de décision relatives aux médicaments et aux produits de santé. Parce qu’elle est devenue, en quelques années seulement, une agence reconnue en France mais aussi au niveau international, il nous faut encourager son développement et renforcer ses missions pour améliorer encore la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé. Tel est l’objet de l’ordonnance du 15 juillet 2016, qui vise à supprimer toutes les tâches de nature administrative, ne contribuant pas à la mission principale de l’agence, à savoir la sécurité sanitaire des produits de santé. Il s’agit donc de simplifier son fonctionnement en supprimant certaines procédures, devenues obsolètes ou revêtant un caractère administratif.
L’article 3 du projet de loi vient renforcer le champ d’action de l’ANSM en matière de contrôle des importations de tissus et de cellules en provenance des pays extérieurs à l’Union européenne. En transposant la directive UE2015566, relative aux procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés, les États membres ont choisi d’encadrer les conditions de l’importation, pour répondre à un objectif de sécurité sanitaire. Ces dispositions viseront principalement les dentistes et les chirurgiens orthopédistes, qui ont besoin d’importer des tissus osseux ou de la poudre d’os, souvent utilisée en chirurgie dentaire. Ils devront désormais recevoir l’autorisation de l’ANSM pour effectuer ces importations.
Après avoir évoqué l’article 3, j’en viens, en toute logique, à l’article 2,
Sourires
qui appelle davantage de commentaires. Cet article vise en effet à expérimenter, pour les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques, la déclaration des quantités de médicaments et de produits acquis, non consommés au sein du système de santé français et exportés. Cette expérimentation, annoncée par le Premier ministre lors du lancement du 7e Conseil stratégique des industries de santé – CSIS –, le 11 avril 2016, aurait lieu sur trois ans. Certains sénateurs ont objecté qu’elle serait insuffisante pour lutter contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments ; mais, je veux le rappeler, elle viendra compléter d’autres mesures, adoptées par votre assemblée lors de l’examen de la loi de modernisation de notre système de santé, et pour lesquelles tous les textes d’application ont déjà été publiés.
Je tiens aussi à rappeler que cette disposition ne vise nullement à désigner les grossistes-répartiteurs comme responsables des ruptures d’approvisionnement constatées, pour certains produits, depuis plusieurs années.
Car ces ruptures de stocks ont en réalité des causes multiples : elles peuvent tenir à des problèmes de fabrication ou de disponibilité du principe actif, ou encore résulter de logiques d’exportation.
Je veux insister sur le fait que les grossistes-répartiteurs constituent un maillon indispensable de la chaîne de distribution du médicament en France, soumis à une obligation de service public en matière d’approvisionnement des officines. Quelques chiffres illustrent l’importance de leurs missions : ils approvisionnent en moyenne deux fois par jour – ce n’est pas rien – environ 22 000 officines, sur tout le territoire français ;…
…ils ont aussi l’obligation de détenir 90 % des références des médicaments existants, de disposer d’un stock d’au moins deux semaines et de livrer en 24 heures toute pharmacie de leur secteur.
La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, entend les revendications exprimées par les grossistes-répartiteurs quant à leur rémunération. Plus globalement, une réflexion sur leur modèle économique nous semble aujourd’hui indispensable. Marisol Touraine a saisi l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, qui pilotera un groupe de travail réunissant les acteurs de la distribution et les directions d’administration centrale, de façon à engager cette réflexion et à proposer des scénarios d’évolution du modèle économique de la distribution en gros des produits de santé.
Par ailleurs, le Gouvernement a été attentif aux nombreux débats qui ont eu lieu lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales. Comme je l’ai dit, la mesure dont nous parlons ne cherche en rien à désigner des acteurs comme responsables des tensions d’approvisionnement. Au contraire, elle vise à renforcer la transparence et à donner aux pouvoirs publics une meilleure visibilité sur les niveaux et les contenus des stocks, afin de fluidifier les approvisionnements et d’anticiper les besoins. Ce qui compte, au final, c’est que les pharmacies soient approvisionnées pour que les patients reçoivent leur traitement en temps voulu.
Des interrogations ont également été soulevées à propos du tiers de confiance, qui sera chargé de recueillir les données. Un amendement de votre rapporteur a apporté des précisions utiles pour garantir la confidentialité des données déclarées. Néanmoins, je sais que des doutes persistent quant à la nature de l’organisme qui assumerait cette responsabilité de tiers de confiance. Nous examinerons des amendements sur ce point, et le Gouvernement s’attachera, au cours de la discussion, à vous apporter des garanties supplémentaires.
D’autre part, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement de sa présidente visant à étendre l’obligation de déclaration aux titulaires d’une autorisation de mise sur le marché, aux entreprises pharmaceutiques et aux distributeurs en gros à l’exportation. Le Gouvernement salue cette initiative, qui renforce la portée du dispositif et améliore l’information des pouvoirs publics sur l’ensemble de la chaîne de distribution.
Enfin, lors de l’examen en première lecture, le Sénat a enrichi le texte de deux articles additionnels.
Un amendement du Gouvernement relatif à la vaccination a ainsi été adopté : le Comité technique des vaccinations ne sera plus rattaché au Haut conseil de la santé publique mais à la Haute autorité de santé. Cette mesure, annoncée par la ministre des affaires sociales et de la santé dès le 12 janvier dernier, à l’occasion de la remise du rapport de votre ancienne collègue Sandrine Hurel, permettra d’unifier les instances d’expertise et d’assurer une meilleure gouvernance de la politique vaccinale en France. L’objectif est de regrouper, au sein d’une même instance, l’expertise sur les recommandations vaccinales et celle sur l’évaluation du service médical rendu par les médicaments et les vaccins ainsi que sur l’amélioration de ce service médical rendu. La Haute autorité de santé figurera donc désormais parmi les institutions intervenant dans la conception et l’évaluation des politiques et stratégies de prévention.
Le Sénat a également accepté un amendement du Gouvernement visant à prolonger le délai d’habilitation à légiférer par ordonnances – ce qui ne va pas toujours de soi pour la Haute assemblée –, prévu par l’article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé, afin d’assurer la cohérence des codes au regard du nouveau texte. Cette ordonnance, dite « de toilettage », ne pourra se faire qu’à droit constant et ne devra emporter aucune modification des textes sur le fond. Elle permettra de corriger les erreurs de référence ou de renvoi d’article, lesquelles, vous le savez mieux que personne en tant que législateur, se produisent souvent lors des modifications apportées par voie d’amendement – et ce fut le cas, en l’espèce, surtout dans le code de la santé publique, suite à l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé.
Mesdames, messieurs les députés, l’ANSM est un acteur central et indispensable de la surveillance des produits de santé et, plus généralement, de la sécurité sanitaire dans notre pays, et je sais que vous y êtes tous particulièrement attachés. C’est aussi un maillon essentiel de la politique de santé menée par Marisol Touraine. Ce projet de loi, de prime abord très technique, comporte en réalité diverses dispositions qui permettront d’accompagner l’évolution de l’ANSM tout en garantissant à nos concitoyens le niveau de sécurité et de confiance qu’ils attendent s’agissant des produits de santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la commission des affaires sociales s’est prononcée sur le projet de loi visant à ratifier l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’ANSM et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.
Ce texte, qui nous est soumis après engagement de la procédure accélérée, ne comportait initialement que trois articles. Complété par deux dispositions nouvelles, introduites par le Gouvernement lors de l’examen au Sénat, il se structure désormais en cinq articles, qui touchent à des domaines variés.
L’article 3 transpose une directive européenne. La commission des affaires sociales, parfaitement consciente des impératifs inhérents à une telle transposition, a néanmoins jugé déraisonnable d’adopter sans correction un texte souffrant de plusieurs faiblesses. C’est pourquoi elle n’a pas souhaité une adoption conforme au texte du Sénat, et elle a décidé d’apporter des corrections de forme et de fond, j’y reviendrai.
Mais je commencerai par l’analyse des cinq articles.
L’article 1er tend à ratifier l’ordonnance no 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre de l’habilitation prévue par l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé, entrée en vigueur le 26 janvier dernier ; elle vise à simplifier les procédures administratives au sein de l’agence et à supprimer celles qui sont devenues obsolètes.
L’article 2 participe à la lutte contre les ruptures d’approvisionnement de certains médicaments, dont la liste devra être définie par voie réglementaire. Il s’agit d’expérimenter, pendant une durée de trois ans, un dispositif par lequel les grossistes-répartiteurs, mais aussi les autres acteurs de la production et de la mise à disposition de certains médicaments, devront tous déclarer à un tiers de confiance les produits et quantités acquis et non consommés en France. Leur droit à l’exportation et au maintien de leur modèle économique doit, bien entendu, être préservé, mais les risques sanitaires afférents nécessitent une meilleure information des pouvoirs publics.
La commission des affaires sociales est revenue sur l’inscription de cette expérimentation dans le code de la santé publique, afin de préserver la possibilité de statuer aisément lorsqu’elle sera arrivée à son terme.
De plus, elle a estimé que les obligations déclaratives devaient respecter des exigences de confidentialité explicites, afin d’éviter toute entorse aux relations de confiance qui doivent structurer l’expérimentation.
Ainsi que je l’ai déjà mentionné, le dispositif amendé s’étend désormais aux entreprises pharmaceutiques, aux titulaires d’une autorisation de mise sur le marché ainsi qu’aux distributeurs en gros à l’exportation. La communication d’informations par tous les acteurs de la chaîne du médicament doit désormais permettre de comprendre l’origine des ruptures d’approvisionnement et d’atteindre l’objectif de service public qu’est la fourniture adéquate de produits de santé sur tout le territoire.
L’article 3, adopté avec des amendements de forme, est le véhicule de transposition de la directive UE2015566 du 8 avril 2015, cette dernière portant application d’une directive de 2004 qui assure la sécurité comme la qualité au sein de la chaîne de transmission des tissus et cellules humains sur le territoire de l’Union européenne. Il s’agit ici de s’assurer que ces exigences sont également appliquées pour les importations en provenance de pays tiers à l’Union européenne.
Cet article permet notamment de renforcer les exigences sanitaires, puisque toute importation sera soumise à une autorisation spécifique de l’ANSM.
De la même manière, la fourniture et la demande de produits de santé auprès d’autres États membres de l’Union européenne demeurent soumises – c’est une modification introduite par voie d’amendement au Sénat – au contrôle par les banques de tissus, mieux à même d’estimer la qualité des produits fournis.
Le projet de loi prévoit enfin d’autres dispositions, d’ordre technique. À la suite du rapport sur la politique vaccinale remis par Mme Sandrine Hurel, l’article 4 procède au transfert de la compétence vaccinale : le Comité technique des vaccinations ne sera plus rattaché au Haut conseil de la santé publique mais à la Haute autorité de santé. Cet article a été adopté avec, là encore, quelques amendements de forme et de coordination.
Enfin, l’article 5, qui n’a pas été modifié par la commission des affaires sociales, proroge d’un an – cela a déjà été dit – le délai, prévu à l’article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé, pendant lequel le Gouvernement est habilité à prendre des mesures par ordonnances. Cet article est donc purement technique et de coordination.
En conclusion, j’aimerais revenir, comme je l’ai déjà fait en commission, sur les conditions relativement peu satisfaisantes dans lesquelles ce projet de loi est examiné.
La nécessité de transposer dans les temps les textes européens est un objectif largement partagé sur ces bancs. Mais un examen en urgence, qui prive les députés de temps pour tenir des auditions, ne permet pas de garantir un travail législatif de qualité. Il peut même en résulter des confusions ou des risques d’incertitude juridique, qui ne pourront être corrigés qu’à l’occasion de l’examen d’un prochain texte portant sur les mêmes matières.
Le présent projet de loi comporte néanmoins des dispositions particulièrement utiles et constitue l’un des derniers vecteurs du quinquennat pour leur donner force de loi. C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi vise à ratifier une ordonnance du 15 juillet 2016. Je ne m’attarderai pas sur l’article 1er du projet de loi, pas plus que sur son article 3, car ils ont déjà fait l’objet d’explications.
L’article 4 me donne l’occasion de féliciter Mme la ministre des affaires sociales et de la santé pour sa politique vaccinale, qui a été mise en oeuvre dès l’arrivée de la gauche au pouvoir. Je me félicite notamment de l’interdiction faite aux laboratoires de diffuser des publicités pour des vaccins. On a notamment vu, en 2011, une publicité très choquante en faveur du vaccin contre les papillomavirus, mettant en scène une jeune fille qui disait : « J’ai quatorze ans, j’aime mon utérus. » Cette publicité avait scandalisé la commission des affaires sociales. Je félicite le Gouvernement d’avoir pris la mesure des dégâts potentiels et d’avoir limité la possibilité, pour les laboratoires, d’initier ce type de campagnes.
S’agissant tout d’abord de la méthode, je rejoins le rapporteur : demander aux députés de transposer une directive en adoptant conforme le projet de loi, après y avoir ajouté un article qui n’a rien à voir avec son objet, vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, que cela ne les réjouisse pas. Il ne faut pas s’étonner, ensuite, que des textes ne soient pas adoptés conformes et qu’ils débouchent sur des commissions mixtes paritaires où, sur les dispositions restant en discussion, le consensus s’avère difficile à trouver.
J’ai donc exprimé notre mécontentement et, en commission, nous avons joué notre rôle de parlementaires en apportant des modifications au texte adopté par le Sénat, notamment sur l’article 2, qui s’est avéré être un point épineux du débat.
À l’origine, cet article proposait d’expérimenter, pour une durée de trois ans, une obligation déclarative concernant les quantités de médicaments exportées par les grossistes-répartiteurs. En effet, leur modèle économique est très spécifique : une fois le marché intérieur servi, ils ont besoin des exportations pour tenir la route économiquement. Je me félicite qu’un groupe de travail mené par l’IGAS se penche enfin sur le sujet, avec l’objectif de faire respirer toute la chaîne du médicament, en particulier les grossistes-répartiteurs.
L’article 2 visait donc à réguler le flux des produits exportés pour éviter d’éventuelles ruptures d’approvisionnement. Or ces ruptures ne sont plus vraiment d’actualité, au regard des mécanismes mis en oeuvre s’agissant des médicaments dits « d’intérêt thérapeutique majeur ». Je n’en dresserai pas la liste, qui figure à l’article 151 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, car elle est fort longue ; elle comprend par exemple les médicaments contre l’ulcère peptique, les antihémorragiques, les insulines, les antiépileptiques.
Le décret du 20 juillet 2016 a précisé le mécanisme destiné à lutter contre les ruptures d’approvisionnement : les titulaires d’autorisation de mise sur le marché et les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments élaborent les plans de gestion des pénuries et mettent en oeuvre les mesures prévues par ceux-ci, dans un délai de six mois à compter de la publication du décret correspondant. Je rappelle que les officines, dont le maillage territorial reste correct, font aussi remonter ce type d’informations, dès lors que les industriels ne les ont pas averties de ces ruptures ou qu’elles n’en ont pas été averties par un autre moyen ; elles ont en effet obligation de déclarer les marchés en tension.
La commission des affaires sociales a adopté, à l’article 2, un sous-amendement qui inclut dans le dispositif d’expérimentation les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché, les exploitants ainsi que les distributeurs en gros à l’exportation. Cela me semble important pour savoir, le cas échéant, de qui vient la faute. Je n’ai là rien inventé de très nouveau, puisque cette recommandation avait déjà été faite, en octobre 2009, par le Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS.
Dans son dossier de presse, il concluait, s’agissant de la déclaration des ventes à l’exportation : la réglementation nationale « sera complétée par un engagement des industriels et des grossistes à prendre toutes les mesures pour garantir l’approvisionnement du marché français et l’identification des échanges transfrontaliers ». Dès lors que les grossistes-répartiteurs sont intégrés au processus, il était évident que, pour répondre à cette demande du CSIS remontant à 2009, il fallait également y inclure les exploitants et les distributeurs en gros.
Par ailleurs, j’ai porté plusieurs amendements, portant notamment sur la confidentialité des données communiquées par les exportateurs de médicaments, quelle que soit leur nature. Il faut préciser que leur exploitation doit être réservée à l’ANSM et à elle seule, car il s’agit d’un problème de santé publique.
Un autre amendement concerne le tiers de confiance. L’étude d’impact évoquait à cet égard la Chambre de commerce et d’industrie de Paris ou la Caisse des dépôts et consignations. Très sincèrement, on s’éloigne là beaucoup de la santé publique. Même si vous l’avez déjà plus ou moins fait, madame la secrétaire d’État – nous aurons l’occasion d’en reparler –, je souhaiterais que vous me rassuriez s’agissant de l’organisme chargé de ces données, lequel devrait à mon sens appartenir au secteur de la santé publique.
Entre l’examen du projet de loi en commission des affaires sociales et en séance publique, le Gouvernement a évolué dans le bon sens ou, en tout cas, a été à l’écoute, et je l’en remercie. Quoi qu’il en soit, je ne manquerai pas de rappeler tous ces éléments en défendant mes amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame le présidente de la commission, monsieur le rapporteur, vous êtes, mes chers collègues, venus assez nombreux ce soir car le sujet est important.
Après la première lecture au Sénat, où il a été enrichi de deux nouveaux articles, ce projet de loi vient donc en débat dans notre assemblée, après l’engagement justifié de la procédure accélérée.
L’article 1er procède, comme cela a été dit, à la ratification de l’ordonnance no 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mise en oeuvre par l’ANSM. Cette ratification concerne des dispositions techniques sur lesquelles, je crois, il n’est pas utile de revenir.
J’évoquerai bien sûr, tout à l’heure, l’article 2. Mais, comme l’a fait Mme la secrétaire d’État, je commencerai par traiter de l’article 3, qui vise à transposer la directive de l’Union européenne relative aux procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés.
Il s’agit de décisions très importantes puisque, comme cela a été dit, elles concernent par exemple le remplacement des prothèses dentaires ou de tissus comme la cornée, les cellules osseuses, la peau ou encore les cellules hématopoïétiques, indispensables à la survie. S’assurer de la parfaite qualité de tels produits est, me semble-t-il, un devoir moral pour chacune et chacun d’entre nous. Les médicaments et les produits de santé utilisés dans notre pays font parfois l’objet de circuits très longs, s’étendant au-delà de nos frontières hexagonales et même des frontières européennes.
Force est aussi de constater le problème majeur que pose l’existence de cliniques désormais parfaitement illégales au Japon, aux États-Unis, en Israël, en Suisse et sans doute ailleurs, qui n’apportent aucune garantie fiable de sécurité des produits. À l’heure d’internet, de telles pratiques peuvent avoir, pour nos compatriotes, des conséquences incalculables en matière de sécurité sanitaire.
Les articles 4 et 5 sont issus des débats de nos collègues sénatrices et sénateurs.
L’article 4 propose de transférer la compétence vaccinale à la Haute autorité de santé. Assurer la couverture vaccinale à l’extérieur de nos frontières, par exemple en faveur des enfants africains, est à l’évidence absolument indispensable. Pour autant, cet objectif suppose une parfaite connaissance de nos stocks disponibles ainsi que des capacités de production de notre industrie pharmaceutique, tant il est vrai que la fabrication d’un nombre considérable de lots nécessite de longs mois – nous l’avons vu il y a quelques années. Il est à noter, à ce sujet, que les laboratoires peuvent exporter librement leurs vaccins, ce qui n’est pas le cas des grossistes-répartiteurs. La Haute autorité de santé pourra ainsi se saisir également de situations d’urgence, ce qui nous semble important.
Je pense, pour ma part, qu’un vrai débat scientifique, associant les usagers et les associations de notre pays et des pays comparables, mérite d’être ouvert afin de revisiter la politique de vaccination. Aujourd’hui, quels vaccins rendre obligatoires ou conseiller ? Les évolutions considérables observées depuis soixante-dix ans en matière de prévalence de certaines pathologies anciennes et, parallèlement, la montée en puissance d’autres pathologies infectieuses, laissent à penser que les changements s’amplifieront, pour des raisons multiples, notamment en raison de la multiplication des voyages, mais aussi de la résistance, devenue inquiétante, à certains médicaments, et pas seulement aux antibiotiques.
L’article 5 prolonge d’un an le délai de l’habilitation accordée au Gouvernement pour prendre des mesures par ordonnances, conformément à l’article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé, voulue à juste titre par le Gouvernement et votée par le Parlement. Il convient également d’abroger, comme cela a été dit par Mme la secrétaire d’État, des dispositions devenues inutiles.
Revenons maintenant à l’article 2. La commission des affaires sociales s’est en effet longuement intéressée à son contenu, madame Le Morton. Il s’inscrit, lui aussi, dans la continuité de la loi de modernisation de notre système de santé. Il a pour objet de lutter contre les très regrettables ruptures de stock de médicaments dans les officines – qui assurent presque toujours de façon remarquable, à la campagne comme en zone urbaine, les soins de proximité dispensés à la population – mais aussi dans les structures hospitalières privées et publiques.
Exporter des médicaments à des prix plus élevés peut paraître compréhensible compte tenu des longues années nécessaires à l’élaboration de beaucoup d’entre eux. Pour autant, il ne faut pas oublier que le système libéral répond à un service public. Il est donc tout à fait normal que nous, parlementaires de toutes opinions, ayons pour préoccupation d’empêcher les ruptures de stock pour les Françaises et les Français.
En vertu de cette philosophie, l’article 2 vise à contraindre non seulement les grossistes-répartiteurs – dont le travail, on l’a dit, est exemplaire sur tout le territoire – mais aussi les laboratoires pharmaceutiques, à déclarer les quantités de médicaments exportées afin de gérer au mieux les stocks en amont. Il prévoit une expérimentation sur une liste précise de produits. Catherine Lemorton vient d’en citer quelques-uns : il s’agit de médicaments très importants pour la santé des Français au quotidien. Leur exportation sera quantifiée dans une déclaration à un tiers de confiance.
La commission des affaires sociales considère qu’il sera indispensable d’évaluer régulièrement ce dispositif. Bien évidemment, ce tiers de confiance ne saurait en aucun cas être une instance sans lien avec les questions de santé. Il ne peut pas s’agir non plus d’une structure privée, comme l’ont indiqué notre rapporteur et notre présidente.
De la même manière, il est hors de question que les grossistes-répartiteurs, dont la voix a été parfaitement entendue, voient leurs déclarations communiquées aux laboratoires, ce qui créerait une distorsion insupportable et, au bout du compte, préjudiciable. Le caractère confidentiel des données recueillies, qui est fondamental, me semble parfaitement assuré par le projet de loi tel qu’il est adopté.
Sourires.
La confidentialité sera garantie par un décret en Conseil d’État, avec des sanctions lourdes en cas de défaillance.
C’est également par la voie réglementaire que le tiers de confiance sera désigné. Il s’agira évidemment d’une autorité sanitaire, légitime pour traiter ces données au regard de ses missions et placée sous l’autorité du ministre chargé de la santé. Il me semble préférable que le texte ne précise pas nommément quelle agence s’occupera de cette question. Ainsi, en cas de défaillance – toujours possible, quoique peu probable –, le ministère de la santé pourra immédiatement désigner, dans le même état d’esprit, un autre tiers de confiance.
Je terminerai en rappelant que le texte qui nous est soumis revêt un caractère d’urgence – plusieurs membres de la commission ont évoqué cette difficulté –, à deux égards. D’abord, il s’agit d’un sujet fondamental qui ne peut pas attendre : garantir à nos concitoyens la sécurité de leurs médicaments et, plus généralement, des produits de santé. Ensuite – mais c’est malgré tout secondaire –, tout retard de nos travaux serait sanctionné par des pénalités de l’Union européenne dès le mois de décembre 2016, durant lequel le texte doit donc être promulgué.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je propose, en qualité de porte-parole de mon groupe, que notre assemblée vote favorablement, unanimement et avec conviction, en l’état, ce texte de santé publique, tant il est important pour nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que je consommerai les dix minutes qui me sont imparties.
Sourires.
Le titre de ce projet de loi, axé sur la ratification de l’ordonnance du 15 juillet 2016 relative à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, commence à ne plus être vraiment adapté à son contenu, si bien que l’urgence se justifie de moins en moins. À moins, madame la secrétaire d’État, que vous ne vous contentiez d’à-peu-près, sur un sujet aussi technique…
L’article 1er, de l’avis de notre rapporteur, que mon groupe soutient sur ce point, ne pose pas de problème et répond au champ d’autorisation à légiférer par ordonnances. Simplifier et alléger la charge de travail administratif de l’ANSM en supprimant des procédures obsolètes, voilà qui ne peut que nous rassembler, d’autant plus que nous sommes à l’heure de la rationalisation des moyens des opérateurs de l’État, notamment des agences sanitaires – nous venons d’ailleurs de voter des crédits de la mission « Santé » en forte baisse.
L’ANSM, dont les missions, la gouvernance et le financement ont été profondément rénovés dans le cadre de la loi Bertrand de 2011, à la suite du scandale du Mediator, est un acteur essentiel de la politique du médicament de notre pays. Elle doit, plus que jamais, avoir les moyens de remplir ses missions correctement. Nous sommes d’ailleurs très inquiets de la crise qu’elle traverse depuis quelques mois et nous souhaitons, madame la secrétaire d’État, qu’elle puisse en sortir rapidement.
Pour ce qui concerne l’article 3, nous ne pouvons que regretter que la mesure qu’il contient arrive aussi tardivement, comme la présidente de la commission l’a fait observer. Comme toujours ou en tout cas très souvent, cette transposition de directive intervient dans l’urgence, alors que la menace de pénalité se rapproche. Dès lors, il est étonnant que le Gouvernement n’ait pas pu s’empêcher de profiter de ce véhicule législatif pour intégrer un dispositif mal préparé, sur lequel tous les débats de la commission se sont concentrés. C’est se montrer assez peu respectueux des droits du Parlement.
Venons-en donc à l’article 2, dont l’objet est de travailler à démêler les éventuelles – j’insiste sur l’adjectif – responsabilités des grossistes-répartiteurs dans les ruptures d’approvisionnement de certains médicaments, en les obligeant, de manière expérimentale, pendant trois ans, à déclarer leurs exportations à un tiers de confiance.
Sur le fond, cela ne semble pas poser de problème. Dans le cadre de la loi Bertrand de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, l’Assemblée nationale, donc la majorité précédente, avait déjà adopté un amendement à peu près similaire d’Yves Bur et Arnaud Robinet, qui prévoyait une obligation, pour les distributeurs recourant à des exportations parallèles, de déclarer leur activité. Les conditions d’application en étaient toutefois différentes : elles devaient être prévues dans le cadre d’une convention tripartite qui n’a jamais vu le jour.
Le sujet est délicat. Les exportations parallèles sont en effet légales et protégées par le droit de la concurrence tant national qu’européen. Les grossistes-répartiteurs sont propriétaires de leurs stocks et peuvent donc en disposer librement dès lors qu’ils ont rempli leurs obligations de service public. Si le fait de disposer des données liées aux exportations des grossistes-répartiteurs permettrait d’éclairer de manière rationnelle l’éternel débat concernant leurs responsabilités dans les ruptures de stock de certains médicaments, la question des conditions d’application de cet article est loin d’être mineure.
On aurait attendu du Gouvernement qu’il lance une concertation avec les grossistes ; malheureusement, cela n’a pas été le cas, l’énorme flottement auquel on a assisté en commission le montre bien. Nous attendons donc que la secrétaire d’État nous apporte des précisions sur ce sujet. Qui sera le tiers de confiance ? Les informations données par les grossistes-répartiteurs resteront-elles bien confidentielles ?
Enfin, ce texte patchwork aborde la question de la politique de vaccination, mais par le petit bout de la lorgnette, en transférant des compétences à la Haute autorité de santé. La ministre ayant lancé une concertation citoyenne sur ce sujet majeur, il est regrettable qu’elle n’en attende pas les résultats avant de faire bouger les lignes, d’autant que, me semble-t-il, elle nous les a annoncés pour la fin du mois.
Je comprends bien qu’en fin de législature, on essaie de caser comme on peut des dispositions certes techniques dans un texte fourre-tout, passé en procédure accélérée sous couvert de transposition urgente de directive ; ce n’est pas pour autant du bon travail. Mon groupe est donc très dubitatif au sujet de ce texte. Nous ne voulons pas nous opposer à la transposition de la directive car la France risquerait d’être sanctionnée, mais, avant de nous prononcer sur le projet de loi, nous attendons les réponses que n’a pas su nous apporter le rapporteur en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, selon les mots mêmes du rapporteur ou de notre collègue Arnaud Viala, le projet de loi que nous examinons ce soir est un texte bric-à-brac, un « patchwork », un « fourre-tout ». Mais, puisqu’il s’agit sans doute du dernier véhicule législatif consacré aux sujets sanitaires avant la fin de la législature, on peut vous pardonner, madame la secrétaire d’État.
Trop aimable !
Cette remarque préliminaire étant faite, venons-en au détail du texte.
Au sujet de l’article 1er, nous avons peu de remarques à formuler. Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre de l’habilitation prévue par l’article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Bien que nous fussions globalement opposés à cette loi, nous estimons que l’ordonnance en question comporte diverses dispositions bienvenues, dans la mesure où elle tend à clarifier l’exercice des missions de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
L’ANSM est une agence reconnue en France et, par-delà les océans, mon cher collègue Joël Giraud, à l’échelon international. L’inspection, le contrôle en laboratoire, l’évaluation, la surveillance, les compétences dans les domaines juridique et réglementaire, font de cette agence plus qu’une simple structure technico-réglementaire. Du fait de l’importance de ses missions, les députés du groupe UDI sont attachés à son bon fonctionnement.
C’est donc avec inquiétude, madame la secrétaire d’État, que nous avons accueilli, en juin 2016, les informations faisant état d’une crise majeure en son sein. Secouée par le scandale du Mediator puis, plus récemment, par l’affaire des essais thérapeutiques conduits par le laboratoire Biotrial, l’agence a traversé une crise de gouvernance qui est maintenant, nous l’espérons, derrière elle. Avant l’été, de nombreux postes y étaient vacants, laissant craindre une absence de visibilité de la politique du médicament en France, tant en termes de sécurité que de contrôle des produits disponibles.
Le présent projet de loi a pour ambition de simplifier le fonctionnement de l’ANSM en supprimant certaines procédures devenues obsolètes. Ainsi, certaines publications seront désormais directement renvoyées à la décision du directeur de l’agence et non plus à un arrêté ministériel. En réalité, l’ordonnance ratifiée par l’article 1er consacre un état de fait en matière de processus décisionnel, puisque les ministres prennent rarement des positions différentes de celles contenues dans les propositions ou avis de l’ANSM, s’agissant de questions techniques relatives aux produits de santé.
Pour autant, au regard des enjeux de sécurité sanitaire, il conviendra de se montrer particulièrement vigilant quant au degré de responsabilité qui pèsera sur le directeur général de l’ANSM, celui-ci ne tenant sa légitimité que de sa nomination par le Gouvernement.
Vous vous doutez bien, madame la secrétaire d’État, que nous sommes beaucoup plus réservés à propos de l’article 2, qui s’inscrit dans le prolongement des mesures de lutte contre les ruptures d’approvisionnement en médicaments mais aussi d’une philosophie qui consiste à transformer l’industrie du médicament en vache à lait du Gouvernement.
Depuis plusieurs années, les ruptures d’approvisionnement de médicaments ont pris de l’ampleur : chaque jour, près de 5 % des médicaments manquent dans les officines ; depuis 2008, le nombre de médicaments manquants a été multiplié par dix en France. Le phénomène a de nombreuses causes. Il est notamment lié à la consolidation et à la délocalisation de la production. Certains principes actifs, comme l’aspirine, ne sont en effet plus fabriqués que sur un seul site, souvent en Asie, même lorsqu’ils sont utilisés par plusieurs laboratoires concurrents.
Sourires.
Il n’empêche, cher Joël Giraud, que les consommateurs des pays émergents accèdent de plus en plus aux traitements sans que les volumes de production puissent suivre. La pénurie de vaccins DTP – diphtérie, tétanos, poliomyélite – pour les nourrissons est ainsi liée à une recrudescence des cas de coqueluche dans le monde, qui a incité les États-Unis, l’Inde et une quinzaine d’autres pays à inscrire le vaccin contre cette maladie au calendrier vaccinal des femmes enceintes, tandis que d’autres États programmaient des rappels.
Mes chers collègues, soyez assurés que nous sommes très attentifs à ces questions et que nous souhaitons, comme chacun d’entre vous sur ces bancs, la disparition des déficiences de notre système d’approvisionnement pharmaceutique. Pour autant, la solution proposée initialement par le Gouvernement pour lutter contre les ruptures ne nous satisfait pas. Elle entendait imposer aux grossistes-répartiteurs, à titre expérimental, de déclarer auprès d’un tiers de confiance leurs volumes d’exportation de médicaments. Les travaux en commission ont permis d’étendre le champ de l’expérimentation aux titulaires d’une autorisation de mise sur le marché, aux entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments et aux distributeurs en gros à l’exportation.
Nous reconnaissons que ces exportations, légales et protégées par le droit de la concurrence, font l’objet de critiques. Néanmoins, comme j’ai eu l’occasion de le souligner, l’exportation n’est pas la seule responsable de ces ruptures, qui peuvent également venir d’autres acteurs de la chaîne du médicament, de la production jusqu’à la distribution.
Si nous soutenons l’objectif d’améliorer le suivi des ventes de médicaments à l’exportation pour remédier aux difficultés d’approvisionnement, nous estimons que le législateur n’a pas à jouer l’arbitre des élégances entre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs.
Son rôle est plutôt de garantir la transparence entre la production, la distribution et la répartition.
Les articles suivants, malgré le caractère patchwork du texte, nous posent moins de difficultés.
Le dispositif prévu à l’article 3 devrait permettre de renforcer la législation portant sur le contrôle des importations de tissus et cellules d’origine humaine depuis des pays tiers à l’Union européenne et non parties à l’accord sur l’Espace économique européen.
Nous sommes favorables à la disposition prévue à l’article 4, dans la mesure où elle fait suite à plusieurs rapports parlementaires et permet de regrouper au sein d’une même instance la structure d’expertise chargée d’émettre des recommandations vaccinales et la structure qui évalue le service médical rendu et l’amélioration du service médical rendu des médicaments et des vaccins. Alors que la politique vaccinale est mise à mal en France, il est important de procéder à cette réforme.
Mes chers collègues, avant de débuter l’examen de ce texte en séance, dans les conditions que la présidente de la commission et le rapporteur ont fort bien évoquées, je tiens à saluer, en toute honnêteté, la volonté, de part et d’autre de cet hémicycle, de trouver un compromis sur l’article 2, même si la solution proposée à ce stade ne nous satisfait pas. Nous estimons en effet qu’il conviendrait de désigner comme tiers de confiance l’ANSM plutôt qu’une instance dont les missions, comme l’a dit Mme la présidente de la commission, ne sont pas du ressort des politiques de santé.
Notre groupe n’est donc pas opposé à ce projet de loi, mais nous attendrons les débats sur l’article 2 pour déterminer notre vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons ce soir le projet de loi relatif à la ratification de l’ordonnance 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification des procédures mises en oeuvre par l’ANSM et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.
L’article 1er du texte vise à ratifier l’ordonnance portant simplification des procédures de l’ANSM. Notre groupe n’y voit aucune objection.
L’article 2, avant son passage en commission, imposait, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, aux grossistes-répartiteurs de déclarer auprès d’un tiers de confiance les volumes de médicaments exportés. Cette expérimentation avait été pour partie annoncée par la ministre des affaires sociales et de la santé, le 11 avril 2016, lors de l’ouverture du 7e Conseil stratégique des industries de santé.
La commission des affaires sociales a modifié le texte en adoptant un amendement du rapporteur afin qu’à titre expérimental, les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques, les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché, les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments ou encore les distributeurs en gros à l’exportation déclarent à un organisme désigné par décret en Conseil d’État, agissant en qualité de tiers de confiance, les quantités de médicaments et produits qui figureront sur une liste fixée par arrêté. Cette nouvelle rédaction propose donc une expérimentation ad hoc et non codifiée, ce qui n’était pas le cas dans le texte voté au Sénat. De plus, la commission, en adoptant un sous-amendement de Mme la présidente Catherine Lemorton, a estimé que cette obligation de déclaration devait également s’appliquer aux laboratoires pharmaceutiques, afin d’avoir une traçabilité complète des médicaments présents sur le marché français, dans le cadre de la lutte contre les ruptures d’approvisionnement des médicaments.
L’article 3, modifié en commission par divers amendements rédactionnels du rapporteur, a pour objet de transposer la directive UE2015566 de la Commission européenne du 8 avril 2015 relative à la mise en oeuvre de la directive 200423CE en ce qui concerne les procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et des cellules importés de pays tiers. Il nous semble important que ces dispositions soient adoptées, puisqu’elles renforcent les exigences de qualité, de sécurité mais également d’éthique concernant ces produits.
L’article 4 est issu d’un amendement du Gouvernement, adopté en commission au Sénat. Il vise à regrouper le Comité technique des vaccinations, qui formule les recommandations vaccinales, et la Commission de la transparence, qui évalue le service médical rendu. L’article confie à la Haute autorité de santé une nouvelle compétence en matière vaccinale. Il l’ajoute à la liste des institutions intervenant dans la conception et l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire. Enfin, il procède à un toilettage du code sur ce sujet. Là non plus, nous n’avons pas d’objection particulière.
L’article 5 est, lui aussi, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par nos collègues sénateurs. Il porte à vingt-quatre mois la durée d’habilitation prévue à l’article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé. Pour rappel, cet article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi afin d’assurer la cohérence des textes au regard de la loi de modernisation de notre système de santé et à abroger les dispositions devenues sans objet.
Le Gouvernement a activé la procédure accélérée concernant ce projet de loi. En effet, l’article 3 a pour principal objet de transposer une directive européenne, relative à la qualité et à la sécurité des tissus et cellules importés en provenance des pays tiers à l’Union européenne, dont le délai de mise en place était fixé au 29 octobre 2016. Force est de constater que ce délai est arrivé à son terme avant que notre assemblée n’ait eu l’occasion d’examiner le présent texte. Aussi, comme cela a été rappelé en commission, la France encourt désormais des sanctions financières pour défaut de transposition au-delà du délai supplémentaire accordé par l’Europe, lequel court jusqu’au 11 décembre 2016.
Le groupe RRDP déplore que ce projet de loi ne concerne pas uniquement la ratification d’une ordonnance mais contienne également des dispositions sur un sujet très important, les normes de sécurité et de qualité relatives à la circulation et à l’utilisation de tissus et de cellules, qui mériterait une plus grande attention et un temps suffisamment long pour permettre à notre chambre de réfléchir et de travailler autrement que dans l’urgence. Si nous comprenons la nécessité de respecter le délai fixé par l’Union européenne, nous déplorons qu’une procédure accélérée ait été engagée sur ce projet de loi. Le fait qu’il ne se limite pas à la ratification d’une ordonnance nous oblige à travailler dans des conditions peu propices au débat parlementaire, ce que nous regrettons.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l’évidence, un large consensus s’est dégagé sur ce projet de loi ratifiant l’ordonnance no 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Ce titre est d’ailleurs limitatif, puisque le texte traite d’autres sujets, notamment la transposition de la directive relative aux procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés, ajout bienvenu, dans la mesure où ces importations de produits d’origine humaine provenant de pays tiers à l’Union européenne sont parfois le fait d’activités proprement criminelles.
L’insertion, au Sénat, de nouvelles dispositions concernant la compétence vaccinale et la réunion de l’expertise et de l’évaluation de la vaccination au sein de la HAS, la Haute autorité de santé, est aussi bienvenue. Elle fait suite au rapport de notre ancienne collègue Sandrine Hurel.
Enfin, l’article 5 prolonge la durée de l’habilitation accordée au Gouvernement pour légiférer par voie d’ordonnances sur des questions purement techniques.
En commission, les débats sur l’article 2 ont été particulièrement nourris, qu’il s’agisse du rapporteur ou de la présidente, de la majorité ou de l’opposition. Il est vrai que les ruptures d’approvisionnement de médicaments inquiètent et parfois même alarment les prescripteurs et les patients. Vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, ces ruptures de stock ont de causes diverses : elles peuvent s’expliquer par un problème de production, entraîné par des incidents techniques sur une des chaîne de production, parfois en situation quasi monopolistique dans le monde, ou encore faire suite à la décision d’une autorité sanitaire d’interrompre la production pour des raisons de qualité ou de sécurité ; mais, ce qui est choquant, c’est qu’elles sont parfois motivées, de façon moins avouable, par des considérations purement commerciales.
Pourquoi cibler uniquement, dans cet article, les grossistes-répartiteurs, alors que les exportations de produits de santé ne concernent qu’une toute petite partie de leur chiffre d’affaires ? Les avancées obtenues en commission d’une part, les contacts entre le Gouvernement et le rapporteur d’autre part, nous permettront très certainement de déboucher sur des propositions susceptibles de recueillir l’unanimité.
Le tiers de confiance doit effectivement être public. Mais pourquoi confier cette mission supplémentaire à l’ANSM, alors que, pour diverses raisons, elle ploie déjà sous la diversité et la lourdeur de celles dont elle est déjà chargée, dont certaines sont nouvelles et pas toujours accompagnées des moyens budgétaires et humains nécessaires ? Par conséquent, pour ma part, je pense qu’il vaudrait mieux confier cette mission au CEPS, le Comité économique des produits de santé, qui possède déjà une large expérience en ce qui concerne la confidentialité et le traitement des données de la production pharmaceutique, puisque cela ressortit au secret industriel et commercial.
J’ajoute que l’ANSM a succédé à l’AFSSAPS – l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé –, dont on reparle actuellement beaucoup, à propos d’un certain nombre de drames sanitaires concernant beaucoup de familles françaises : Mediator, mais encore médicaments contenant de l’acide valproïque, prothèses PIP, pilules de troisième et de quatrième générations. Bien qu’elle ne porte pas de responsabilité sur ces affaires, l’ANSM doit les traiter, parfois dans un contexte de crise, et cela nécessite davantage de moyens, de réactivité et de transparence dans sa relation avec son public, c’est-à-dire les prescripteurs, les autres acteurs du monde de la santé et tout simplement les patients, la communauté nationale.
À cet égard, il y aurait sans doute mieux à faire que de recruter des directeurs de la communication qui n’ont aucune expérience de la santé publique, de ce milieu culturellement particulier, qui nécessite des relations de confiance entre les autorités sanitaires et les citoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce soir le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, une agence reconnue aussi bien au niveau national qu’international pour ses missions d’inspection, de contrôle en laboratoire, d’évaluation et de surveillance des médicaments et produits de santé, mais également pour l’objectivité de ses avis, toujours très argumentés scientifiquement.
Le Gouvernement insiste sur l’urgence à adopter ce projet, dont l’article 3 vise à transposer une directive européenne relative à la qualité et à la sécurité des tissus et cellules humains importés de pays tiers à l’Union européenne. Cette transposition aurait dû être effectuée avant le 29 octobre 2016 et nous avons maintenant dépassé ce délai. C’est pourquoi, une fois de plus, le Gouvernement nous demande de légiférer dans l’urgence. Et une fois de plus, comme toujours quand nous légiférons dans l’urgence, nous légiférons mal.
D’un côté, les grossistes-répartiteurs ont le droit d’exporter des médicaments à condition qu’ils aient rempli leur mission de service public, c’est-à-dire qu’ils aient répondu à toutes leurs obligations vis-à-vis des fournisseurs nationaux de médicaments, de façon à éviter une rupture d’approvisionnement sur le territoire. De l’autre côté, les industries pharmaceutiques ont le droit d’exporter sans aucune restriction.
S’il s’agit uniquement de clarifier les procédures entre les deux parties, nous aurions pu nous satisfaire du texte tel qu’il a été présenté dans sa version initiale, au Sénat, le 27 octobre 2016. Néanmoins, dans ces conditions, pourquoi avoir ajouté l’article 2, pour le moins controversé ? Celui-ci pose de telles difficultés que nous avons dû le modifier en commission des affaires sociales. Je souhaite que nous adoptions tout à l’heure ce texte, intégrant les modifications apportées par la commission, même si le délai du parcours législatif s’en trouvera allongé, je ne l’ignore pas. Devrions-nous mal légiférer parce que le Gouvernement n’a pas su prendre ses responsabilités et nous met sous la pression de l’urgence ?
L’article 1er ratifie l’ordonnance du 15 juillet 2016 et renforce la qualité décisionnelle du directeur de l’ANSM. Désormais, certaines publications seront directement renvoyées à sa décision et non plus à un arrêté du ministre chargé de la santé. Il est vrai que, dans la quasi-totalité des situations qui lui sont soumises, le ministre suit en général les positions adoptées par l’agence.
Je ne vois vraiment pas, madame la secrétaire d’État, ce qui vous obligeait à introduire cet article 2 dans le présent texte, extrêmement technique. Il aurait très bien pu faire l’objet d’un autre projet de loi, voire d’une proposition de loi, d’initiative parlementaire, ce qui nous aurait permis de mieux travailler le sujet.
Cet article soulève le problème des ruptures d’approvisionnement sur notre territoire avec, comme cible, les grossistes-répartiteurs, qui seraient, selon le Gouvernement, entièrement responsables d’une telle situation. J’emploie le conditionnel car nous manquons vraiment de visibilité sur leur part de responsabilité. Je l’ai dit, les grossistes-répartiteurs ont le droit d’exporter des médicaments une fois leur mission de service public exécutée. En revanche, les industries pharmaceutiques peuvent exporter des médicaments sans pratiquement aucune condition. Dès lors, nous pouvons nous demander pourquoi elles aussi ne pourraient pas être tenues pour responsables des ruptures d’approvisionnement, sans quoi il y aurait, de mon point de vue, une forme d’iniquité.
Bien sûr, il n’est pas question de remettre en cause ces droits d’exportation, mais l’expérimentation, proposée à l’article 2, de l’obligation de déclaration par les grossistes-répartiteurs à un tiers de confiance du détail de leurs exportations, laisse entendre que les ruptures d’approvisionnement seraient uniquement de leur responsabilité. C’est pourquoi j’approuve la réécriture proposée en commission des affaires sociales par M. le rapporteur, visant à ce que le tiers de confiance respecte le principe de confidentialité. Nous savons tous que les industriels du médicament s’intéressent de près à la part des exportations afin de mieux contingenter leurs livraisons auprès des entreprises. Afin d’éviter cela, le principe de confidentialité est indispensable.
Mais il faut aller plus loin : je demande que les industries pharmaceutiques soient incluses parmi les déclarants à un tiers de confiance, comme l’a proposé Mme la présidente de la commission des affaires sociales ; il n’y a aucune raison de maintenir une telle différence entre les deux. Connaître le détail de leurs exportations respectives permettra d’avancer plus concrètement dans la lutte contre les ruptures d’approvisionnement.
À l’article 3, nous trouvons la véritable motivation de ce projet de loi, c’est-à-dire la transposition de la directive européenne relative à la qualité et à la sécurité des tissus et cellules issus de pays tiers à l’Union européenne. La sécurisation de l’importation de tissus et cellules d’origine humaine est effectivement indispensable. Notre pays doit se protéger de ces cliniques illégales, qui se multiplient dans le monde, exportant de la peau, de la cornée, des os ou encore du sang, sans réaliser tous les contrôles de sécurité sanitaire.
Je conclus en vous informant que je défendrai deux amendements visant à améliorer encore l’article 2. Sous cette réserve et à condition que ne soient pas modifiées les avancées obtenues en commission des affaires sociales le mercredi 16 novembre, j’approuverai ce texte.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous ne pouvons évidemment pas discuter des dispositions de ce texte sans nous souvenir des paroles de l’ancien ministre socialiste Jérôme Cahuzac à propos du financement de l’ensemble des partis politiques par les laboratoires pharmaceutiques.
Je suis d’ailleurs favorable à l’interdiction, pour d’anciens lobbyistes ou hauts dirigeants du monde pharmaceutique, d’occuper des fonctions ministérielles ou para-administratives sur ces sujets ; c’est une question d’éthique, me semble-t-il.
Chacun peut admettre qu’après les révélations sur le scandale de la Dépakine, la représentation nationale soit en droit de se montrer pour le moins circonspecte à propos du fonctionnement des agences. Ce médicament n’était pas produit par un petit laboratoire, un acteur mineur du marché, mais par Sanofi.
Il est énormément question d’éthique dans ce texte, notamment à son article 3, relatif au code de la santé publique, dans lequel il est proposé de codifier les possibilités d’échanges de cellules et de tissus pour certains organismes.
Le 18 novembre dernier, en Suisse, un scandale éclatait au sujet du laboratoire LITC, qui transplante des cellules du pancréas à des diabétiques. Dans ce processus, un surplus de cellules subsiste, et, au lieu de les neutraliser, le LITC les utilise à des fins de recherche, ce qui pose la question de la disponibilité du corps humain et de son intégrité. Jean-Marie Le Méné a brillamment décrit la marchandisation du corps humain en cours aux États-Unis, à travers des procédés parfois similaires.
Par ailleurs, l’action menée par le Gouvernement afin d’interdire l’émergence d’une vraie clause de conscience chez les pharmaciens pour ne pas vendre certains médicaments, empêche tout accord sur ce texte. Le Gouvernement légitime en effet les échanges commerciaux de médicaments dont la production ou les conséquences heurtent l’âme et la conscience de certains pharmaciens. Je mène actuellement une série d’auditions sur cette question, et ce que les services du ministère imposent à ces gens, qui ont pourtant prêté le serment de Galien, me laisse profondément amer.
Vous comprendrez que, devant l’hystérie démiurgique qui gagne certains dirigeants de nos sociétés, l’inquiétude soit de mise. En jouant avec la vie et ses composantes, le marché s’arroge une puissance qui faisait déjà frissonner Herbert George Wells et George Orwell. Nous en sommes arrivés à l’ère de la vivisection morale. De quoi s’agit-il ? C’est la tentative coalisée de l’État et du marché de s’introduire dans des domaines qu’ils devraient sanctuariser. Ainsi, quand on lit le titre de ce projet de loi, qui définit des parties du corps humain comme des « produits de santé », la plus vive inquiétude ne manque pas de naître. Des apprentis sorciers testent la douleur ressentie par les familles et la société devant toutes ces insultes faites à l’homme, son intégrité et sa dignité.
Alors évidemment, au départ, il s’agissait simplement d’une validation d’ordonnance, mais les articles supplémentaires posent des questions infinies. Pourquoi ne pas élever des barrières infranchissables qui préviendraient les trafics à craindre sur les manipulations embryonnaires ? Pourquoi ne pas durcir les peines contre ceux qui méprisent les réglementations en vigueur ? Pourquoi ne pas faire de la France un pays exemplaire, au moins sur ces questions ? Vous auriez ainsi lutté contre la grande marche vers la barbarie, qui ne sera pas excusée par quelque directive européenne que ce soit. Visiblement, le Gouvernement a décidé de se placer en tête de cette marche plutôt que de la ralentir.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est bien difficile de prendre la parole à cette heure tardive, parmi les derniers orateurs ; beaucoup ayant déjà été dit, je serai brève.
Comme l’a très bien souligné le rapporteur, notre collègue Jean-Louis Touraine, la semaine passée, en commission, le texte que nous examinons ce soir est l’un des derniers de cette législature à concerner des dispositions d’ordre sanitaire. S’il est essentiellement technique, il vient utilement prolonger les débats que nous avons eus l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Composé initialement de trois articles, il a été complété au Sénat. L’examen en commission, la semaine dernière, a été aussi court qu’intense, et j’imagine qu’il en sera de même ce soir.
Je me contenterai de rappeler l’urgence de ce débat, puisque nous avons déjà dépassé le délai de transposition. Ce texte doit donc être définitivement adopté au plus vite. Cela représente certes une difficulté mais nous avons tous la volonté d’avancer et de répondre à l’attente de la Commission européenne, il convient de le souligner.
Quoi qu’il en soit, certains sujets ont fait la une des médias et interpellé nos concitoyens. Nous pouvons ainsi nous réjouir de la mise en place, à titre expérimental, pour une durée de trois ans, de l’obligation, pour les grossistes-répartiteurs, de déclarer les quantités de médicaments acquis au prix réglementé et non consommés au sein du système de santé français, qu’ils destinent à l’exportation sur des marchés étrangers. Comme cela a été expliqué, cette liste sera déposée auprès d’un organisme dit « tiers de confiance », dont la désignation est renvoyée à un décret en Conseil d’État, mais que l’on n’imagine pas être autre que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou le Comité économique des produits de santé – je partage d’ailleurs la préférence de M. Bapt pour ce dernier.
En commission, les débats relatifs à la politique de vaccination ont également été très riches. Ces dernières années, les polémiques qui se sont multipliées dans les médias et sur les réseaux sociaux ont fait naître une profonde méfiance de la population à l’encontre des vaccins. N’oublions pas que la France est l’un des pays européens où les citoyens ont le moins confiance dans leur système de vaccination.
Depuis sa mise en place, dans la loi de 2004 relative à la politique de santé publique, le Haut conseil de la santé publique abritait le Comité technique des vaccinations, le CTV. En suivant les recommandations du rapport de notre ancienne collègue Sandrine Hurel, l’article 4 du présent projet de loi procède au repositionnement du CTV au sein de la Haute autorité de santé, la HAS. Celle-ci sera ainsi fondée à émettre un avis global sur la politique de vaccination, les recommandations vaccinales et le calendrier de vaccination élaborés par le ministre de la santé. Elle sera de plus consultée sur les dispositions réglementaires relatives à toutes les questions d’ordre vaccinal. Ce passage de la compétence vaccinale à la HAS permettra indubitablement de mieux définir la stratégie d’ensemble et d’améliorer la coordination entre les acteurs de santé.
Enfin, notons que l’article 1er du projet de loi autorise la ratification de l’ordonnance du 15 juillet dernier : ce faisant, il simplifiera le fonctionnement de l’ANSM et clarifiera la gouvernance, en diminuant la lourdeur de certaines règles administratives. Je m’en réjouis parce que, dès 2012, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Santé », j’avais eu l’occasion d’examiner la question de la gouvernance de l’ANSM et j’avais souligné un certain nombre de lourdeurs à corriger.
Pour ce qui me concerne, je salue ces avancées, en souhaitant, grâce aux amendements qui suivront, améliorer si possible encore l’article 2. Je crois qu’il serait bon, sur un tel texte, de recueillir un très large consensus.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi vise à ratifier l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Ces mesures de simplification nous semblent nécessaires.
Je ne reviendrai pas en détail sur le contenu des cinq articles du projet de loi, qui ont déjà été très bien exposés. Néanmoins, je souhaite revenir sur deux articles, qui représentent à mes yeux des enjeux considérables : les articles 3 et 4.
L’article 3 concerne la transmission de cellules, tissus et dérivés d’origine humaine du donneur au receveur. Il s’agit donc de produits particulièrement sensibles, qui interviennent dans des opérations de plus en plus nombreuses, comme le remplacement de tissus. Or plusieurs pays européens connaissent une pénurie de cellules et de tissus, notamment de moelle osseuse.
La directive européenne que ce texte a pour objet de transposer vise donc à renforcer les exigences liées à l’importation de tissus et cellules d’origine humaine des pays tiers. Ces importations doivent être le moyen de pallier des pénuries éventuelles au sein de l’Union européenne ; au vu des enjeux humains, on comprend qu’elles doivent être strictement encadrées.
C’est pourquoi la directive européenne prévoit un statut étendu d’établissements importateurs, devant tous respecter les exigences établies par la directive et, en France, être accrédités par l’ANSM. En outre, la directive précise les obligations qui incombent aux établissements importateurs : ils subissent notamment l’interdiction d’apporter une modification substantielle à leurs activités d’importation sans autorisation écrite préalable de la ou des autorités compétentes.
Le scandale tout récent de trafic de tissus humains distribués à l’étranger contre rémunération, qui éclabousse actuellement un hôpital universitaire de Genève, montre à quel point cette question est délicate et mérite notre attention. La France doit donc se protéger contre ce risque.
Le deuxième article sur lequel je souhaiterais revenir est l’article 4, qui prévoit le transfert des compétences du Comité technique des vaccinations à la Haute autorité de santé. Jusqu’à présent, cette compétence relevait du Haut conseil de la santé publique. En toute logique, l’ordonnance du 15 juillet 2016 est fidèle aux préconisations du rapport de notre ancienne collègue Sandrine Hurel sur la politique vaccinale.
Tout d’abord, il me semble important de rappeler en quelques mots le cadre actuel de la politique vaccinale en France. Aujourd’hui, elle est élaborée par le ministre chargé de la santé, qui fixe les conditions d’immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations, après avis du Haut conseil de la santé publique. Cet avis est délivré par le Comité technique des vaccinations, le CTV. La loi de 2004 relative à la politique de santé publique rattachait ce dernier à la Commission spécialisée maladies transmissibles du Haut conseil de la santé publique. Or le rapport de Sandrine Hurel ainsi que les avis rendus par l’inspection générale des affaires sociales et la Cour des comptes montrent que le Comité technique des vaccinations n’est pas suffisamment armé pour réaliser des études médico-économiques dont la complexité va croissante. C’est pourquoi il est aujourd’hui nécessaire de réorganiser cette compétence.
Compte tenu des enjeux, notamment humains, la Haute autorité de santé apparaît comme l’instance la plus indiquée pour reprendre cette compétence. En effet, elle est déjà représentée de droit au sein du CTV et sa commission de transparence tient compte des avis de celui-ci pour déterminer le service médical rendu. Le rapport préconise donc l’intégration du CTV au sein de la Haute autorité de santé. Cette intégration permettrait de mieux coordonner les approches des différentes instances. La HAS sera compétente dans tout le champ de la santé, de la production de connaissances à la gestion des crises sanitaires, en passant par la prévention, notamment du tabagisme et de la mauvaise nutrition. Elle a déjà émis des recommandations de stratégies vaccinales alternatives pour faire face aux ruptures d’approvisionnement des vaccins BCG et des vaccins contre l’hépatite A. Elle pourra également être saisie en urgence par le ministère de la santé pour émettre des recommandations. Il lui appartiendra donc désormais de s’organiser pour répondre à ces situations d’urgence. Les deux institutions pourront ainsi partager leurs travaux et consolider leur coopération.
En conclusion, je rappelle que les sujets sanitaires sur lesquels porte l’ordonnance sont majeurs et que celle-ci s’inscrit dans le prolongement des mesures de la loi de modernisation de notre système de santé. Il y a donc une cohérence à la ratifier. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, à la suite de son examen en commission des affaires sociales, à adopter ce projet de loi de ratification.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
L’article 1er est adopté.
Deux orateurs sont inscrits sur l’article 2.
La parole est à M. Élie Aboud.
Cette précipitation est regrettable, M. le rapporteur l’a lui-même écrit dans son rapport et expliqué aujourd’hui.
Le débat en commission a toutefois permis de préciser deux points : l’expérimentation ne sera pas inscrite dans le code de la santé publique ; la notion de confidentialité des données, évoquée à l’article 2, quoique de façon superficielle, est renvoyée à un décret en Conseil d’État.
Quels est l’objectif de l’article 2, en vérité ?
Première possibilité, il s’agit de mettre fin à toute forme de concurrence sur le marché de l’export, objectif qui va à l’encontre du droit européen, dans la mesure où il constitue une entrave au principe de la libre circulation des biens. Il est donc juridiquement un peu fragile, madame le secrétaire d’État.
Deuxième possibilité, il s’agit de mieux réguler le flux des produits exportés pour éviter d’éventuelles ruptures d’approvisionnement. Dans ce cas, je crois, le dispositif est largement redondant avec les obligations de service public déjà imposées aux grossistes-répartiteurs.
J’aurai donc l’occasion, par la suite, de demander la suppression de cet article, mais j’attends de connaître la position de la présidente de la commission des affaires sociales, qui, j’en suis sûr, partage totalement mon avis.
Je dirai quelques mots sur ce sujet important des ruptures de stock de médicaments, qui pose un vrai problème de santé publique.
Je vois dans cet article 2 la conséquence dramatique de la politique de santé que vous menez depuis quatre ans. Avec 4 milliards d’euros d’économies sur le médicament en quatre ans, le prix du médicament en France est devenu inférieur au prix du médicament en Europe.
De ce fait, très logiquement, les laboratoires et les grossistes, entreprises devant produire une marge commerciale pour payer leur personnel, les taxes, la recherche et le développement, se voient contraintes d’exporter – les laboratoires pour maintenir l’emploi, les grossistes pour remplir leur mission de service public, que vous avez louée tout à l’heure, madame la secrétaire d’État. Une fois de plus, votre méconnaissance de ce secteur va vous conduire à prendre une mesure coercitive, limitant la production et entraînant des conséquences incontrôlées.
Le modèle déclaratif que vous souhaitez imposer aux laboratoires et aux grossistes conduira très certainement à faire des arbitrages en faveur des uns ou des autres. Sinon à quoi bon voter un texte de ce type ? Une fois de plus, vous interviendrez en manipulant des leviers, ce qui aura des conséquences sur l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament. Il est d’ailleurs quelque peu surprenant que l’article en cause nous soit présenté ce soir sans qu’aucun de ces acteurs n’ait été consulté au préalable.
Nous sommes d’autant plus inquiets que vous annoncez ce soir, madame la secrétaire d’État, une négociation sur la rémunération des grossistes-répartiteurs, alors même que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 n’a pas encore été adopté en deuxième lecture. Cette annonce aurait dû intervenir au moment de la discussion du PLFSS, parce que la chaîne du médicament, dont tout le monde parle, est dépendante de tous ses acteurs : à chaque fois que vous agissez sur l’un d’entre eux, les autres paient la facture ; les choses se passent ainsi depuis des années. L’annonce, que vous avez faite ce soir, à la hâte, d’une renégociation de la rémunération des grossistes répartiteurs, m’inquiète beaucoup.
Et ce texte suscite aussi des craintes sur un autre point : à qui seront confiées les données ? Vous le comprendrez, il faut cesser de déstabiliser la chaîne du médicament, déjà bien perturbée dans notre pays.
L’amendement du rapporteur réécrivant l’article a confirmé l’impréparation du texte, les conditions insatisfaisantes dans lesquelles il a été examiné, la présidente et le rapporteur l’ont reconnu.
Pour autant, reconnaissons que cet amendement a permis deux avancées : l’expérimentation n’est désormais plus écrite dans le code de la santé publique ; la notion de confidentialité des données est intégrée dans l’article et renvoyée à un décret en Conseil d’État.
Nous soutenons également l’extension de l’expérimentation à l’ensemble des acteurs exportant des médicaments, décidée à l’initiative de la présidente de la commission des affaires sociales.
Pour autant, l’examen du projet de loi en commission des affaires sociales, épisode qui fut très intéressant à observer, n’a pas permis d’apporter les réponses nécessaires aux interrogations soulevées sur tous nos bancs par la nouvelle rédaction de cet article 2, arrivée en cours de débat : le tiers de confiance n’a toujours pas été défini ; la notion de confidentialité des données reste très floue – et « quand c’est flou, il y a un loup » – ; l’exploitation de ces données n’est pas non plus précisée.
Ainsi, monsieur Bapt, dans l’attente d’une véritable concertation avec l’ensemble des parties prenantes, évoquée à l’instant, il nous semble nécessaire, par le biais d’un amendement d’appel également déposé par d’autres collègues, de supprimer l’article 2. Seule une concertation devrait permettre de mieux réguler le flux des produits exportés, pour éviter d’éventuelles ruptures d’approvisionnement.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement identique no 7 .
Je présente en effet un amendement de suppression mais je me demande si je ne vais pas le retirer, au regard des assurances qui m’ont été apportées.
Je vais vous répondre, monsieur Barbier. Les ruptures d’approvisionnement ne sont pas survenues depuis 2012, sous l’actuel gouvernement. Si le 4e Conseil stratégique des industries de santé, en 2009, évoquait déjà la nécessité de prendre des mesures, c’est bien qu’il existait déjà des ruptures d’approvisionnement.
Vous parlez de la politique de ce gouvernement, qui serait responsable de la baisse des prix et des ruptures d’approvisionnement. La baisse des prix existe dans notre pays, du fait de l’énormité des volumes consommés et du rapport volumes-prix – c’est l’un des enjeux des discussions au CEPS. Si les prix des médicaments en France étaient inférieurs à la moyenne européenne, c’est parce que les Français consommaient beaucoup plus de médicaments que les autres Européens. Voilà l’historique, monsieur Barbier.
Quant aux problèmes d’approvisionnement, ce n’est pas pour fuir le territoire français que les laboratoires exportent. Ils se heurtent à des problèmes d’approvisionnement en matières premières – Mme la secrétaire d’État l’a très bien expliqué dans sa présentation du texte – et à la saturation des chaînes de fabrication…
Madame la présidente de la commission, il vous reste quarante secondes pour présenter votre amendement.
Je vais conclure, monsieur le président…
Vous m’avez coupé la parole et je ne sais plus où j’en suis,…
Sourires.
Je vais terminer mon propos car c’est important. Vous véhiculez une idée fausse, monsieur Barbier : non, si les laboratoires exportent, ce n’est pas du tout à cause des prix…
…ou d’une quelconque pénurie, mais pour d’autres raisons. L’une d’entre elles, dont chacun peut se féliciter – en particulier vous, qui êtes un professionnel de santé –, c’est que les populations des pays émergents commencent à se vacciner et à accroître leur consommation de biens de santé, ce qui entraîne la saturation de certaines chaînes industrielles.
Je demandais donc la suppression de l’article 2, mais je vais attendre la réponse de Mme la secrétaire d’État.
La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement identique no 13 .
Je n’ai pas compris, madame la présidente de la commission des affaires sociales, quel type de garantie vous avez obtenue…
Nous attendrons donc.
Madame la secrétaire d’État, j’ai parlé du Conseil d’État. Je voudrais juste préciser que la transmission aux laboratoires des informations relatives aux volumes exportés par les entreprises de vente en gros les conduit mécaniquement à exercer à l’encontre de celles-ci, pour limiter leur concurrence, des contingentements excessifs. Or ceux-ci sont prohibés par le droit de l’Union européenne, en particulier par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Que pouvez-vous répondre à cela ?
Ces amendements, qui tendent à supprimer l’article 2, arrivent un peu à contretemps, et je demanderai à chacun de leurs auteurs de bien vouloir les retirer.
En effet, autant l’on pouvait entendre une proposition de suppression en première analyse, en commission, parce que la rédaction initiale issue du Sénat générait un certain nombre d’insatisfactions, autant l’on comprend difficilement, après l’intégration dans le texte de toutes les remarques qui ont été formulées, quelle est la vraie raison de cette suppression.
L’article apportera tout de même une avancée significative. D’abord, il crée pendant trois ans, à titre expérimental, une obligation de déclaration à un tiers de confiance. Après ce délai, on vérifiera si la mesure a réduit, voire supprimé les ruptures d’approvisionnement, c’est-à-dire si elle a permis d’assurer la bonne mise à disposition de tous les médicaments figurant sur une liste. En cas de succès, le dispositif pourra être pérennisé ; dans le cas inverse, d’autres mesures pourront être adoptées ultérieurement. En tout état de cause, toutes vos demandes concernant la confidentialité des informations ou la prise en compte de l’ensemble de la chaîne du médicament ont été satisfaites. Je ne vois donc aucune raison de demander la suppression de l’article, dont je souligne l’utilité.
Enfin, monsieur Barbier, je trouve tout de même étrange que vous nous reprochiez le fait que les médicaments ne soient pas assez chers en France.
Comme vous, je lis la presse : tus les cancérologues français, tous les praticiens qui traitent l’hépatite C, en un mot tous les professionnels se plaignent du prix trop élevé de certains médicaments. On sait que certains sont moins chers dans tel ou tel pays ; c’est le cas en Égypte, par exemple, pour le traitement de l’hépatite C. Dans d’autres États, au contraire, leur prix est plus élevé, ce qui peut inciter les professionnels à les y vendre, pour dégager un bénéfice plus élevé, conformément à la logique des firmes internationales.
Cela dit, il est normal que la France se dote des moyens nécessaires pour servir le marché intérieur en priorité, sans rupture d’approvisionnement. Tel est le but de l’article 2.
Chacune, chacun, dans cet hémicycle, partage la même préoccupation : il faut que les officines soient approvisionnées en médicaments pour fournir les patients quand ils en ont besoin. Or des ruptures de stock risquent de survenir, en particulier en milieu rural.
C’est la réalité : les patients risquent de rencontrer des difficultés quand une seule pharmacie est accessible, et elles sont particulièrement aiguës quand ils doivent absolument prendre un médicament tous les jours, faute de quoi le traitement devient inefficace ; la situation est quand même moins compliquée en ville, où il y en a plusieurs.
La présidente de la commission l’a rappelé en se fondant sur des éléments objectifs : cette situation existait bien avant 2012. Pour ma part, je citerai ma propre expérience. Avant cette année-là, avant que je sois élue députée, donc, quand j’exerçais en tant que praticienne hospitalière, j’ai été confrontée, dans ma spécialité, à des ruptures de stocks de médicaments très coûteux, utilisés pour les traitements antirétroviraux, et qui cessent d’être efficaces en cas de rupture de prise.
Je n’essaierai pas de vous convaincre qu’il s’agit d’un véritable problème de santé publique, car je sais que vous en êtes tous convaincus. De deux choses l’une : soit on ne fait rien, soit on essaie d’éclaircir la situation, donc de comprendre ce qui provoque les ruptures de stock. Mais il ne s’agit en aucun cas de pointer tel ou tel acteur de la chaîne du médicament.
Il faut seulement essayer de comprendre. C’est pourquoi nous vous proposons une simple expérimentation, consistant à demander aux différents acteurs de la chaîne – et je remercie la commission des affaires sociales d’avoir introduit, dans l’article, tous les acteurs de la chaîne de fabrication et de distribution – de déclarer aux pouvoirs publics la quantité qu’ils exportent réellement, car il ne s’agit que d’une déclaration.
Je tiens à rassurer ceux d’entre vous dont je comprends l’inquiétude.
Premièrement, il ne semble évidemment pas opportun que le tiers de confiance soit un organisme étranger à la santé publique. Il me semble absolument indispensable, au contraire, qu’il soit un organisme de santé publique.
Deuxièmement, pour savoir s’il doit s’agir de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou du Comité économique des produits de santé, il faut se concerter avec les acteurs concernés. En tout état de cause, le Gouvernement s’engage à ce que ces données restent confidentielles : seul le Gouvernement, le tiers de confiance et, si elle ne devient pas le tiers de confiance, l’ANSM – ce point fait l’objet d’un amendement – pourront y accéder.
Je répète en outre que les données ne serviront pas à infliger des sanctions. L’objectif de l’expérimentation est d’y voir plus clair dans la chaîne du médicament et d’essayer de comprendre pourquoi et à quel moment certains patients sont confrontés, quand ils se rendent dans leur officine, à des ruptures d’approvisionnement.
Forts de ces éléments, que je compléterai si j’ai oublié des arguments, je vous invite à retirer vos amendements de suppression, afin que nous puissions poursuivre la discussion sur l’article.
Monsieur Richard, je vous donne la parole, puisque vous la demandez, mais je vous rappelle qu’il est tard et que nous devons ensuite discuter d’un autre texte. M. Barbier, qui l’avait également demandée, a sagement accepté de renoncer à intervenir. Tous les députés ne peuvent pas intervenir trois fois lors de la discussion de leurs amendements.
Compte tenu de la qualité de la réponse de la secrétaire d’État, et de ce qu’elle a dit entre les lignes, je retire mon amendement, pour lui montrer ma bonne volonté.
L’amendement no 5 est retiré.
Retirez-vous l’amendement no 7 , madame la présidente de la commission ?
L’amendement no 7 est retiré.
L’amendement no 13 est retiré.
Il s’agit d’un amendement de repli visant à qualifier le tiers de confiance.
La secrétaire d’État nous a donné certaines informations. Cependant, compte tenu des éléments contenus dans l’étude d’impact, nous considérons qu’il faut qualifier celui qui jouera demain le rôle du tiers de confiance. Et, quoi qu’aient pu en dire M. Bapt ou Mme Laclais, l’ANSM est l’opérateur le plus approprié.
Je partageais l’avis de M. Richard. Toutefois, en réfléchissant – cela m’arrive –, je me dis que ce texte vise à simplifier le fonctionnement de l’ANSM et à la rendre plus transparente, ce qui peut paraître antinomique avec l’idée de désigner le tiers de confiance qui interviendra dans cette poche de confidentialité. Mais cela reste une interrogation.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement identique no 8 .
D’autre part – mais, là encore, cela n’engage que moi –, j’ai constaté dans la presse, plus particulièrement dans la presse satirique, que certaines informations fuitaient de l’ANSM. Dès lors, très sincèrement, je doute que cette instance puisse être le lieu idéal pour la confidentialité.
Ces considérations m’amènent à retirer mon amendement.
L’amendement no 8 est retiré.
M. Richard a excellemment défendu son amendement identique et la présidente de la commission des affaires sociales a retiré le sien. Ce débat montre la complexité d’un projet de loi que l’on nous présente avec une rapidité hallucinante, alors qu’il aurait fallu travailler beaucoup plus longtemps.
La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement identique no 14 .
Il me semble plus sage de laisser au domaine réglementaire le soin de désigner l’agence publique – ANSM ou CEPS – qui agira en qualité de tiers de confiance, car une concertation avec ces deux organismes est indispensable.
Par ailleurs, certains l’ont rappelé, on demande généralement à l’ANSM de travailler dans la transparence. Il peut donc paraître antinomique de lui demander de traiter des informations extrêmement confidentielles.
En attendant de mener une réflexion pour savoir laquelle de ces agences possède des moyens appropriés à cette mission, je suggère à nos collègues de retirer leurs amendements.
En revanche, dans un instant, j’émettrai un avis favorable sur les amendements nos 3 , 9 , 11 et 15 , qui visent à préciser que l’ANSM analysera et exploitera les données, sans qu’il soit nécessaire de lui confier la tâche de les recueillir, car cette solution ne serait sans doute pas la plus opportune. Attendons et laissons le décret du Conseil d’État statuer sur ce point ! Si nos collègues retirent leurs amendements, je m’engage à soutenir les suivants, qui tendent à qualifier l’analyse des données à la seule fin de lutter contre les ruptures d’approvisionnement.
Je redis très clairement que, pour ce qui est du recueil des informations, le Gouvernement souhaite à présent écarter les organismes évoqués dans l’étude d’impact – la Chambre de commerce et d’industrie de Paris et la Caisse des dépôts et consignations.
Ce rôle sera confié à l’un de ces deux organismes publics de santé que sont l’ANSM et le CEPS.
Toutefois, le Gouvernement ne souhaite pas émettre un avis favorable sur vos amendements car il n’y a pas eu de concertation avec l’ANSM et le CEPS. Il souhaite qu’elle ait lieu, pour définir la meilleure façon d’opérer.
Je pense que ces informations sont de nature à convaincre leurs auteurs de retirer ces amendements.
Comme le rapporteur, j’émettrai un avis favorable à ceux qui seront appelés dans un instant.
Je souhaite que ne s’exprime plus maintenant qu’un seul orateur sur ces amendements.
La parole est à M. Arnaud Richard.
Si mes collègues m’y autorisent, je tenterai d’être fidèle à leur pensée.
Dans cette affaire, madame le secrétaire d’État, la concertation a bon dos !
Et j’entends que vous vous démarquez de l’étude d’impact – dont vous pouvez constater que nous l’avons lue. Je vous en remercie de cette précision.
Par ailleurs, le rapporteur souhaite laisser au pouvoir réglementaire le soin de confier le recueil des informations à l’ANSM ou au CEPS. Mais le Parlement est souverain pour effectuer ce genre de choix.
Enfin, si une instance recueille des informations et qu’une autre les juge, leur transit réduira le niveau de confidentialité. J’ai entendu la crainte de la présidente de la commission : peut-être voulons-nous donner trop de pouvoir à l’ANSM. Néanmoins, le fait que des données confidentielles naviguent de l’ANSM au CEPS nous éloigne de l’objectif de l’article 3.
Il s’agit d’un autre amendement de repli – mais celui-ci devrait être approuvé par le rapporteur et la secrétaire d’État –, visant à compléter l’alinéa relatif à la confidentialité des données communiquées par les exportateurs de médicaments.
Je ne reviens pas sur l’étude d’impact, qui a prévu ce que l’on sait. Si nous saluons l’ajout, par le rapporteur, de la notion de « confidentialité », pour répondre à la crainte émise par le Conseil d’État, nous souhaiterions toutefois que l’exploitation des données collectées soit exclusivement réservée aux fins de la lutte contre les ruptures d’approvisionnement. In fine, les données déclarées ne devront pas être utilisées par les acteurs de la chaîne du médicament, car cela risquerait d’avantager certains acteurs par rapport à d’autres.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement no 9 .
Comme l’a dit M. Richard, le rapporteur a introduit la notion de « confidentialité » des données déclarées, mais se pose également le problème de leur exploitation. Je veux obtenir l’assurance que, si le tiers de confiance est le CEPS, au sein duquel, par définition, les industries pharmaceutiques sont amenées à siéger – ce qui n’est pas le cas des grossistes-répartiteurs –, ce comité soit le garant de la confidentialité.
Je veux également obtenir la confirmation que les données en question seront exclusivement utilisées à des fins de santé publique et qu’elles ne pourront être exploitées par les industriels à des fins concurrentielles, pour contingenter les médicaments fournis par les grossistes-répartiteurs, qui sont ensuite distribués auprès des officines. Je veux être certaine que, si le CEPS est le tiers de confiance désigné, il ne communiquera pas les informations aux industriels de santé, ce qui pourrait avantager ces derniers dans les négociations qu’ils mènent régulièrement avec tous les acteurs, au sein du comité.
Avis favorable. Comme je l’ai proposé tout à l’heure, quel que soit le tiers de confiance, il est important que l’on puisse confier à l’ANSM – dont c’est l’une des missions – l’exploitation des données, à la seule fin, comme l’a dit Mme la présidente de la commission, de lutter contre les ruptures d’approvisionnement. Il conviendra que le décret en Conseil d’État spécifie de manière encore plus claire, sans aucune ambiguïté, que la finalité de cette exploitation ne peut être que la lutte contre les ruptures d’approvisionnement, à l’exclusion d’autres finalités, qui pourraient être beaucoup plus dangereuses, telles l’action sur la concurrence entre les acteurs de la chaîne du médicament et les questions commerciales les intéressant.
Je voudrais rassurer la présidente de la commission des affaires sociales et l’ensemble des députés sur ce point. Faisons l’hypothèse que le CEPS devienne, in fine, le tiers de confiance. Cet organisme est d’ores et déjà garant de la confidentialité d’un certain nombre de données, dans le cadre des négociations dans lesquelles il est engagé au quotidien. Que ce soit le CEPS ou l’ANSM, le tiers de confiance devra évidemment respecter le caractère confidentiel des données qui seront portées à sa connaissance. Seul le tiers de confiance connaîtra l’identité des déclarants, car les données seront ensuite anonymisées.
Le Gouvernement disposera des données relatives aux grandes masses, mais n’aura pas connaissance de l’identité des déclarants. De fait, la confidentialité, dans ce domaine, est extrêmement importante. J’espère que vous êtes rassurés sur ce point.
S’agissant de la concertation, que vous avez balayée d’un revers de main, tout à l’heure, monsieur Richard, peut-être me suis-je mal exprimée. J’ai omis de vous dire qu’elle concerne les déclarants. À l’heure actuelle, en vertu d’un décret, une concertation est prévue avec les personnes – entreprises, grossistes – qui doivent déclarer les données. Si l’on avait tranché la question dans la loi, on aurait perdu la possibilité de mener la concertation prévue initialement. Voilà pourquoi j’avais émis un avis défavorable sur votre amendement. En tout état de cause, s’agissant de ces amendements identiques, l’avis du Gouvernement est favorable.
L’article 2, amendé, est adopté.
L’article 3 est adopté.
Oui, monsieur le président, il a simplement pour objet d’indiquer que nous voulons que soient traités les avantages et les risques de la vaccination, comme de l’absence de vaccination : ce qui importe, c’est le rapport bénéfices-risques.
Comme pour toute thérapeutique, il faut en effet comparer les bénéfices et les inconvénients de deux comportements : ne rien faire ou engager le traitement – en l’occurrence, procéder à la vaccination. C’est un sujet qui fait l’objet de beaucoup de polémiques dans certains lieux. Il est donc important de ne pas considérer les cas – exceptionnels – d’effets adverses de tel ou tel vaccin sans mettre en regard le nombre considérable de personnes que l’on a protégées de maladies graves. Il importe donc de pouvoir comparer les effets de la vaccination à ceux de l’absence de vaccination.
Avis favorable.
Monsieur Richard, vous demandez la parole sur un amendement de précision ?
Je crois que nous devons faire preuve d’un minimum de cohérence : si nous voulons des débats clairs et ne pas passer notre temps à regretter, dans les médias, que la procédure parlementaire soit trop lourde, donnons l’exemple !
Je veux simplement vous dire que j’approuve l’amendement du rapporteur, mais qu’il ne s’agit en aucun cas d’un amendement de précision : il met en jeu des sujets extrêmement lourds.
L’amendement no 6 est adopté.
L’article 4, amendé, est adopté.
L’article 5 est adopté.
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (nos 4141, 4191 rectifié).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 12 ter.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement no 658 .
La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, pour donner l’avis du Gouvernement.
Pour la quatrième fois sur le même sujet, défavorable.
L’amendement no 658 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement no 483 .
Cet amendement répond à une volonté de clarification. Il vise à substituer au mot « complémentaires » le mot « différentes », afin d’éviter toute confusion entre un emploi ou un stage et les missions accomplies au titre du service civique.
Nous avons eu ce débat à de nombreuses reprises. Votre amendement est satisfait. En effet, aux termes de l’article L. 120-1 du code du service national, dans la rédaction issue de l’article 12 ter, les missions d’intérêt général susceptibles d’être accomplies dans le cadre d’un service civique « sont complémentaires des activités confiées aux salariés ou aux agents publics et ne peuvent se substituer ni à un emploi ni à un stage ». Elles sont donc nécessairement différentes. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.
L’amendement no 483 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement no 674 .
L’amendement no 674 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement no 675 .
L’amendement no 675 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement no 677 .
L’amendement no 677 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement no 678 .
L’amendement no 678 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 12 ter est adopté.
Article 12
Cet amendement vise à rétablir la rédaction précédemment adoptée par votre assemblée afin de développer les épreuves de mise en situation professionnelle comme option alternative aux épreuves académiques de concours.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé au Sénat lors de leur suppression, ces dispositions ne sont pas d’ordre réglementaire. L’article 19 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, auquel le présent article fait référence, précise déjà la nature de certaines épreuves des concours. Dès lors, l’absence de mention dans la loi constituerait un véritable frein à l’organisation de ces épreuves. Le Gouvernement souhaite donc résolument le rétablissement de ces mesures.
L’amendement no 768 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 12 quinquies, amendé, est adopté.
Article 12
L’article 12 sexies est adopté.
Article 12
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 12 septies.
L’article 12 nonies A est adopté.
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 12 nonies.
La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, pour soutenir l’amendement no 653 , tendant à le rétablir dans une nouvelle rédaction.
Je rappelle qu’en première lecture, cette assemblée avait voté l’expérimentation d’un service civique universel. Cette disposition a malheureusement été supprimée. C’est pourquoi je souhaite aujourd’hui vous proposer de rétablir l’article 12 nonies dans une version allégée.
L’expérimentation porterait en effet sur un service civique obligatoire d’une durée non plus de neuf mais de trois mois. Il s’articulerait en deux temps. Premièrement, entre 16 et 18 ans, un mois d’enseignement porterait sur les fondamentaux de la République – son histoire, ses valeurs, ses institutions – et reprendrait de manière approfondie les modules présentés au cours de la journée défense et citoyenneté, à laquelle il se substituerait, le format de celle-ci étant très insuffisant. Cette « classe républicaine » serait l’occasion pour des jeunes de tous milieux sociaux et culturels de se connaître, d’échanger, de prendre conscience de leur héritage commun. Elle pourrait être l’occasion de faire intervenir tant des enseignants que des professionnels civils, des personnels militaires et des représentants d’associations.
Deuxièmement, entre 18 et 21 ans, un temps serait dédié à la découverte concrète de l’engagement citoyen, pour les autres, pour le bien commun, sous la forme soit d’une mission de service civique de deux mois, soit d’une préparation militaire d’initiation.
Mes chers collègues, je suis convaincu que ce dispositif serait utile pour donner à l’ensemble des jeunes, sans exception, toutes les clés pour se lancer dans la vie adulte, toutes les connaissances indispensables à l’exercice de la citoyenneté, et surtout l’envie d’en faire usage.
Nous sommes nombreux à penser, sur tous les bancs de cet hémicycle et à l’extérieur de celui-ci, que le principe du volontariat entrave la réalisation de l’objectif recherché par le service civique, à savoir développer la culture de l’engagement à nos valeurs, à notre république, alors même qu’elle est l’une des clés d’une bonne insertion sociale et professionnelle.
J’ai terminé, monsieur le président.
C’est pourquoi le Premier ministre lui-même s’est déclaré plusieurs fois favorable au service civique obligatoire. Je vous propose donc ce soir de voter cet amendement pour affirmer notre volonté politique.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que cet article a été adopté en première lecture à l’Assemblée, mais vous oubliez de préciser que ce fut contre l’avis des rapporteurs et du Gouvernement.
Les modifications que vous avez apportées au texte adopté en première lecture ne changent toutefois rien au fond : vous proposez de réduire la durée du service civique, mais ce qui pose problème, c’est l’objectif que vous poursuivez. Je peux comprendre l’idée, la nécessité, même, de proposer aux jeunes générations la possibilité de s’engager pour l’État et de réfléchir à l’allongement de la journée défense et citoyenneté, obligatoire. Le service civique repose cependant sur l’engagement volontaire ; c’est son principe même.
Votre proposition contredit donc la définition même du service civique.
C’est la raison pour laquelle j’avais donné à cette proposition un avis défavorable en première lecture, avis que la commission reprend à nouveau à son compte aujourd’hui.
Il s’agit d’un sujet récurrent. Permettez-moi tout d’abord de rappeler quelques chiffres. Nous avons doublé le nombre de jeunes en service civique entre 2015 et 2016. Nous allons l’augmenter de 50 % dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, qui a été adopté tout à l’heure par votre assemblée. Nous allons donc vers l’universalisation souhaitée par le Président de la République et par le Premier ministre.
Je souhaite d’ailleurs que vous n’interprétiez pas ses propos de façon erronée, monsieur le député : si le Premier ministre s’est interrogé sur l’opportunité de l’expérimentation d’un service civique obligatoire, il n’est jamais allé jusqu’à formuler une proposition concrète sur le sujet.
Le Gouvernement, et je vous livre ici la position officielle, est opposé à la mise en place d’un service civique obligatoire. Cet engagement doit rester fondé sur le volontariat. Aux yeux des jeunes en mission que j’ai rencontrés ou des représentants du secteur associatif, qui portent le service civique, le caractère volontaire est absolument essentiel. En rendant obligatoire l’engagement de la jeunesse, nous le priverions de ce qui fait sa force : une volonté libre et consentie.
Si je comprends la philosophie de votre amendement, monsieur le député, je ne peux passer sous silence toutes les pétitions qui ont circulé cet été à la suite du vote par l’Assemblée nationale de l’amendement de M. Potier visant à mettre en oeuvre une telle expérimentation.
Par ailleurs, le Gouvernement ne méconnaît pas la nécessité d’une réflexion sur l’entrée des jeunes dans la citoyenneté. Nous avons demandé au haut-commissaire à l’engagement civique, M. le préfet Yannick Blanc, de réfléchir à une réforme de la journée défense et citoyenneté ; Mme la rapporteure l’a évoquée voilà quelques instants. Nous voulons universaliser le service civique sur la base du volontariat et lui accorder des moyens, ce que nous faisons dans le cadre du budget, puisque 90 millions d’euros de plus que l’année dernière sont dédiés à ce poste. Ces 390 millions d’euros au total nous permettront d’aller dans un sens qui satisfera les jeunes.
Je tiens à saluer le secteur associatif, l’ensemble des pouvoirs publics qui se sont mobilisés, et les missions locales. Continuons d’avancer dans la direction imprimée par la loi de 2010, dont la portée a été amplifiée par les mesures prises par le gouvernement actuel, qui recueillent une large adhésion. Cet environnement mérite d’être préservé. Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement vous demande donc de retirer votre amendement, monsieur le député.
Monsieur le ministre, vous le savez, notre société est cloisonnée. L’école, l’habitat, le milieu associatif et sportif, la culture se développent de façon différenciée. Les exemples ne manquent pas qui prouvent que nous avons laissé se dresser des barrières qui paraissent aujourd’hui infranchissables. Il est urgent de rappeler aux jeunes ce que sont leurs droits et leurs devoirs, ce que signifie le principe de laïcité et ce que sont nos institutions.
Notre réflexion autour de l’engagement citoyen que nous devons susciter doit avant tout nous conduire à poser la question du vivre ensemble qu’il nous faut retrouver. Le partage de projets, de moments communs de joie et de peine, voilà ce que nous devons absolument favoriser. C’est cette mixité que nous souhaitons promouvoir.
Tel est l’enjeu de cet amendement, que je soutiens notamment du fait de l’équilibre et de la cohérence entre les deux phases qu’il distingue et propose. C’est pourquoi je vous invite à l’adopter.
Je ne donnerai la parole qu’à un orateur pour et un orateur contre, monsieur Blein.
Sourires.
Je souhaite précisément exposer un avis contre, monsieur le président. Cet amendement déséquilibrerait totalement la logique de construction du service civique telle qu’elle se développe actuellement. Je ne dis pas que le débat n’a pas lieu d’être sur le fond. Il me paraît cependant plus cohérent de laisser se développer un service qui fonctionne aujourd’hui sur la base du volontariat, étant entendu que le nombre de missions est inférieur au nombre de jeunes souhaitant s’engager.
Créer un service obligatoire aujourd’hui reviendrait à créer une obligation d’accueil de 800 000 jeunes par an ; il est pourtant déjà difficile à l’heure actuelle de proposer 100 000, 120 000, 150 000 lieux d’accueil, même si le dispositif monte en puissance. Il y a donc, indépendamment du débat de fond, une impossibilité matérielle de mettre en oeuvre une telle obligation. Cette proposition, qui mériterait sur le fond d’être débattue, est ici proposée au détour d’un texte alors qu’elle mériterait une préparation et une étude de faisabilité ; elle n’est donc pas réaliste. C’est pourquoi je ne soutiens pas cet amendement.
J’aimerais ajouter un argument à ceux que j’ai présentés voilà quelques instants, monsieur le président. Cet amendement propose un service civique de trois mois, alors qu’une mission dure aujourd’hui huit mois en moyenne. Cette proposition revient donc à brader la qualité du service civique. Que voulez-vous faire de manière utile et sérieuse en trois mois, alors que tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’il faut sept ou huit mois au minimum pour qu’un jeune soit vraiment intégré à l’action associative ou à la collectivité publique d’accueil ?
Monsieur Villaumé, monsieur Bricout, je souhaite que vous vous rangiez aux arguments du Gouvernement et que vous retiriez cet amendement.
Il est étonnant que nous ayons un tel débat à une heure aussi avancée, alors que nous avons déjà discuté longuement de ce texte. Vouloir, à vingt-trois heures quarante-cinq, établir le service civique obligatoire me paraît inconcevable. Pour les jeunes Français, ce qui pourrait être un jour envisageable serait un service militaire obligatoire : ils comprendraient l’obligation d’aller défendre le pays. Un service civique obligatoire, en revanche, aucun jeune ne pourrait l’admettre ou le comprendre. Sur les bancs de notre groupe, nous ne nous associerons pas à cette proposition. Les jeunes ont le droit de choisir, c’est la nature même du service civique. Le caractère obligatoire remettrait complètement en cause le texte de loi.
La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur général de la commission spéciale.
Voilà moins de soixante-douze heures s’est produit un événement démocratique dont je salue l’importance qui a permis à 4 millions de personnes de choisir le candidat de l’opposition pour la prochaine présidentielle.
Du moins les deux finalistes. Le Président de la République, François Hollande, dans la conférence de presse du 11 janvier, à la suite des événements du 13 novembre, a appelé à ce que les propositions et les solutions offertes par la République aux citoyennes et citoyens au regard de ces terribles événements soient fondées sur leur participation à la décision publique.
Valérie Corre et moi-même avons rencontré l’ensemble des organisations de jeunesse qui aujourd’hui défendent le service civique, le font exister et le nourrissent. Je m’adresse en particulier à M. Bricout, que je respecte en tant que parlementaire, et dont je salue le travail, en particulier celui qu’il a réalisé l’année dernière dans le cadre de la loi de finances, car il est à l’écoute de ses concitoyennes et de ses concitoyens. Je lui demande de faire preuve de la même écoute vis-à-vis des plus jeunes d’entre eux. Or aucune des organisations de jeunesse, quelle que soit sa sensibilité, et il en existe de nombreuses – ouvriéristes, rurales, urbaines, paysannes, universitaires, plus ou moins jeunes, scoutes, avec parfois des sensibilités politiques…
Mon intervention ne s’adresse pas seulement aux auteurs de l’amendement ; elle est également tournée vers mes aînés, c’est-à-dire ceux qui sont un peu plus âgés que moi et qui sont aujourd’hui candidats à des élections, primaire ou présidentielle. Je sais que, dans le débat public, une telle mesure peut être perçue comme le signal d’un retour de l’autorité : l’idée serait de gérer la jeunesse, de lui donner un cadre.
Ce n’est pas ce que veut la jeunesse qui s’engage dans le service civique volontaire. Au demeurant, il y a plus de candidats que de places offertes. L’objectif de ce texte est précisément d’en offrir davantage et non de rendre obligatoire le service civique.
L’amendement no 653 n’est pas adopté.
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 13 bis.
Je suis saisi d’un amendement, no 738 , tendant à supprimer l’article 14.
La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le soutenir.
Deux arguments, tous deux fondés sur la notion d’équité, justifient cette demande de suppression. Si l’on souhaite favoriser l’engagement, il faut que cela concerne tous les types d’engagement. Or la conversion d’une activité en crédits ECTS – European Credits Tansfer Scale – ne concerne que les jeunes issus de l’université, excluant de fait tous ceux qui n’y sont pas et sont souvent éloignés des études, pénalisant ainsi ces derniers.
Par ailleurs, le système des crédits ECTS est européen. Il convient donc de s’assurer que nos partenaires au sein de l’Union européenne reconnaîtront la possibilité de valider ainsi des crédits.
Cet amendement est donc fondé sur un souci d’équité entre les jeunes et d’égalité entre pays européens. Il importe en effet de s’assurer que le mode de validation des expériences d’engagement et de salariat ait des équivalents dans les autres pays européens, lesquels doivent, en retour, reconnaître notre façon de construire les ECTS.
La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, chère collègue, comme en première lecture. Nous souhaitons harmoniser les pratiques pour tous les étudiants de notre pays. En l’espèce, le dispositif visé existe déjà dans les grandes écoles et dans certaines universités ; nous souhaitons l’étendre. En outre, dans le cadre de notre réflexion sur l’éducation, il nous semble important de favoriser non pas uniquement les disciplines traditionnelles dans le cursus de nos enfants, de l’école élémentaire à l’université, mais aussi l’engagement. L’article 14 n’est que le prolongement de cette réflexion.
Je comprends votre préoccupation, madame la députée, mais il ne faut pas essayer d’établir des catégories de jeunes ou de se concentrer sur une seule catégorie.
L’article 14 valorise en effet l’engagement des étudiants et ne doit pas être appréhendé hors contexte. Je voudrais vous rassurer sur plusieurs des points qui motivent votre rejet de cet article, voire tâcher de vous convaincre de son bien-fondé.
Dans le cadre du processus de Bologne, la reconnaissance des crédits ECTS est de droit dans quarante-huit pays. Cet article vise justement à la reconnaissance des compétences extra-académiques, ce qui est une révolution pour le monde universitaire. Un autre motif d’inquiétude réside dans les critères de validation des compétences acquises dans le cadre d’une activité salariée. Je vous propose, madame Doucet, de travailler avec vous sur le décret avant saisine du CNESER – le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le texte devra s’appuyer sur des référentiels de compétences, tels que ceux qui ont déjà été élaborés par les grands réseaux associatifs en vue de valoriser l’engagement des jeunes.
Au bénéfice de ces explications, dont j’espère qu’elles sont convaincantes, je vous propose de retirer votre amendement.
Je suis d’accord avec Sandrine Doucet, mais davantage sur le fond qu’avec son amendement. Le titre Ier vise à favoriser l’engagement citoyen des jeunes et à donner de la cohérence au parcours citoyen, lequel suppose de la continuité. Il importe de ne pas considérer les étapes les unes après les autres, même si je suis favorable à l’expérimentation – par exemple en matière de service civique sur lequel Jean-Michel Villaumé vient d’intervenir. Il faut, me semble-t-il, considérer la continuité. Ce qui nous intéresse, c’est de favoriser l’engagement associatif et les expériences dès l’école élémentaire. Nous mettrons en place l’an prochain le livret citoyen, qui sera remis en même temps que le diplôme du brevet lors de cérémonies qui se tiendront dans les collèges.
Mentionnons aussi le recensement, la journée défense et citoyenneté qu’il faut rénover et le service civique qui constitue une étape très importante, mais une étape parmi d’autres à laquelle il faut la durée et la montée en puissance. Puis vient la valorisation des expériences, dans l’enseignement supérieur mais pas uniquement : le compte d’engagement citoyen permettra aux autres jeunes de valoriser aussi leur engagement associatif, en particulier leur engagement bénévole grâce au compte personnel de formation. Le parcours citoyen présente donc une continuité. Il ne faut pas s’arrêter à quelques étapes ou quelques détails mais considérer la continuité. De ce point de vue, le projet de loi est intéressant car il donne une cohérence et une continuité au parcours citoyen, qui commence dès le plus jeune âge.
Je retire mon amendement, attentive aux arguments de M. le ministre et à cette présentation globale du parcours citoyen, également défendue par le Conseil supérieur des programmes.
L’amendement no 738 est retiré.
Je ferai d’abord observer que l’on ne peut pas dire que l’opposition fasse de l’obstruction,…
…car les débats sont surtout internes à la majorité, qui prend tout son temps pour débattre – c’est d’ailleurs un plaisir de les entendre !
Afin d’assurer une meilleure reconnaissance de l’engagement étudiant, l’article 14 a pour objet de permettre la validation, dans toutes les formations d’enseignement supérieur débouchant sur la délivrance d’un diplôme d’État, des compétences, des connaissances et des aptitudes acquises par un étudiant au titre de son engagement.
S’il convient d’accompagner au mieux les étudiants exerçant une activité professionnelle en parallèle de leurs études, il ne semble pas opportun que cette activité fasse l’objet d’une validation inscrite dans leur cursus au même titre qu’une action bénévole ou militaire ou qu’un engagement de sapeur-pompier. Nous sommes bien conscients qu’il peut exister une corrélation entre les résultats scolaires et le temps disponible pour réviser, donc à terme la réussite des étudiants. Aussi, il importe de faciliter l’organisation des emplois du temps, comme le prévoit d’ailleurs l’article 15 quinquies.
La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, cher collègue. La validation porte sur des activités contribuant à l’intégration dans la vie professionnelle et valorise les étudiants qui travaillent. Comme vous le savez, certains travaillent par nécessité financière ; l’objectif est donc aussi d’accompagner ceux qui ont le plus besoin d’être aidés en ouvrant la possibilité de reconnaître les compétences acquises au cours de cette expérience professionnelle. L’article a vraiment pour objectif de valider les compétences extra-universitaires obtenues par l’engagement, le travail ou tout autre moyen que les disciplines enseignées à l’université. C’est même par souci de cohérence que nous avons introduit dans cet article la reconnaissance de l’engagement professionnel.
Le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur le député, car il va à l’encontre des engagements du plan national de vie étudiante présenté par le Président de la République le 1er octobre 2015. L’élargissement du principe législatif de validation des compétences, des connaissances et de l’aptitude aux activités salariées et entrepreneuriales contribue à la reconnaissance d’activités grâce auxquelles les étudiants se préparent à leur future insertion professionnelle. D’ailleurs, il n’y a pas d’opposition absolue entre la démarche individuelle, par exemple celle d’un futur entrepreneur, et la démarche collective, par exemple celle d’un bénévole au sein d’une association. Enfin, en matière d’activité salariée, le Gouvernement travaille déjà en vue d’inciter les employeurs à systématiser la formalisation des compétences acquises par les étudiants dans le cadre de référentiels de compétences adaptés partagés avec les équipes pédagogiques des universités et des établissements d’enseignement supérieur en général. Votre amendement, monsieur le député, ne va pas dans le sens souhaité par le monde étudiant.
Je retire mon amendement, car M. le ministre m’a convaincu. De fait, il a raison !
Merci, monsieur Richard !
Sourires.
L’amendement no 497 est retiré.
L’article 14 est adopté.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 504 rectifié .
Cet article est le fruit d’un amendement du groupe UDI adopté par cette assemblée. Je me permettrai donc de l’évoquer un peu plus longuement. Nous sommes satisfaits que cet article ait été non seulement maintenu par le Sénat mais enrichi par le Gouvernement lors de la navette. La situation de nombreux jeunes Européens est alarmante : 5 millions d’entre eux sont à la recherche d’un emploi, soit un jeune actif sur quatre. Dans certains pays, la proportion s’élève même à un jeune actif sur deux. Le drame d’une génération sacrifiée se dessine, nous en sommes tous bien conscients.
Cet amendement vise à favoriser la mobilité européenne et internationale des apprentis. À cette fin, nous souhaitons compléter le dispositif adopté par le Sénat en prévoyant d’obliger les OPCA – les organismes paritaires collecteurs agréés – à prendre en charge la formation des apprentis, pendant trois mois au plus, si leur contrat de travail est suspendu. Actuellement, cette faculté est réservée aux seuls contrats longs de douze mois et plus. Dans la rédaction initiale, seuls les apprentis dont la branche et l’OPCA mènent une politique active en matière de mobilité pouvaient en bénéficier, ce qui selon nous entraînerait une rupture d’égalité entre les apprentis. J’espère que le Gouvernement sera sensible à notre argumentation.
La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, cher collègue. Vous proposez de faire de la faculté de financer la mobilité des apprentis ouverte aux OPCA une obligation, ce qui modifie fondamentalement leur fonctionnement, ainsi que le financement même de la formation professionnelle.
Je peux comprendre que vous visiez cet objectif, mais tel n’est pas l’objet du projet de loi dont nous discutons ni même de l’amendement initialement voté par notre assemblée.
À question précise, réponse gouvernementale précise – du moins, je l’espère. Les apprentis dans leur ensemble bénéficient du compte personnel de formation, mais ils ne sont pas les seuls : celui-ci permet à toute personne salariée ou demandeur d’emploi de suivre, à son initiative, une action de formation. Aussi, la mesure que vous proposez, monsieur le député, ne vise pas les seuls apprentis ni les seules formations utiles à leurs démarches de mobilité à l’étranger mais concerne également les coûts pédagogiques et les frais annexes de la formation dans le cadre de la préparation opérationnelle à l’emploi et des périodes de formation professionnalisante. On ne saurait donc imposer aux OPCA de concourir à la prise en charge de l’ensemble de ces formations. D’ailleurs, l’incidence financière d’une telle disposition n’est pas chiffrée et ne serait manifestement pas sans conséquence. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.
J’abonde dans ce sens, d’autant plus qu’il s’agit d’un financement assez complexe. Vous proposez, cher collègue, de soumettre les OPCA à l’obligation de rémunérer les frais annexes des apprentis effectuant une mobilité internationale. On ne peut leur imposer une telle obligation. Leur demander de participer facultativement à ce financement n’est déjà pas évident. Le financement de l’apprentissage lui-même est très complexe, car les OPCA n’y participent pas et il n’est pas simple de les y associer. Il existe une solution pratique, car les OPCA et les OCTA – organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage – sont en cours de rapprochement. À terme, leur pilotage sera plus ou moins assuré par les mêmes équipes, même s’ils feront toujours l’objet de deux financements différents. Sans doute formuleront-ils alors des propositions d’organisation.
En outre, votre amendement présente une maladresse de rédaction. Vous avez dû remplacer « doivent » par « peuvent » trop tôt dans l’article, ce qui fait porter l’obligation aussi sur le compte personnel de formation. Cette rédaction du texte laisse à penser que les OPCA doivent financer l’ensemble des comptes personnels de formation, ce qui n’est pas le cas, car ceux des demandeurs d’emploi le sont par le FPSPP – le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Pour cette raison, il me semble que vous devriez retirer votre amendement, cher collègue.
Je remercie encore le Gouvernement et la majorité d’avoir conservé cet article au cours de la navette.
J’entends les arguments du ministre comme de Jean-Patrick Gille. Ils conviennent que c’est une bonne idée. Je conviens qu’il est peut-être délicat de contraindre les OPCA à le faire. Je me permets cependant de vous rappeler qu’il y aura une rupture d’égalité entre les apprentis, entre ceux qui sont dans une branche où l’OPCA est actif en termes de mobilité et ceux pour qui ce n’est pas le cas. J’espère que nos propos seront utiles au moment du rapprochement dont parlait M. Gille pour qu’il puisse y avoir une politique volontariste de mobilité des apprentis dans tous les OPCA et toutes les branches.
Je retire mon amendement.
L’amendement no 504 rectifié est retiré.
L’article 14 bis A est adopté.
Avec l’article 14 bis, nous en arrivons à l’enseignement dispensé aux enfants instruits dans la famille, sujet qui a déjà fait l’objet de longs débats en première lecture.
Je m’interroge pour ma part sur les risques présentés par cet article.
Le Sénat a compris que, dans sa première version, l’article risquait d’entraver la liberté d’enseigner au sein de la famille et il a adopté un amendement de l’une des deux rapporteures réaffirmant le principe du contrôle sur le lieu où l’instruction est dispensée. Malheureusement, la commission spéciale de l’Assemblée nationale est revenue à sa première version.
Il s’agit pourtant souvent d’un choix des parents pour mieux s’adapter aux besoins individuels de chaque enfant, respecter ses rythmes de vie et d’apprentissage et ses centres d’intérêt. Ils font ce choix en raison d’une situation particulière de leur enfant, souvent incompatible avec une instruction normale en milieu scolaire. Je pense que nous devons accepter et respecter ce choix.
Il nous faut aussi admettre que l’enseignement n’est pas uniforme et qu’il est par nature progressif. Or, avec cet article, vous prenez le risque de l’uniformiser, voire, par voie de conséquence, de l’immobiliser.
J’ai rencontré dans ma circonscription des parents qui ont fait le choix d’assurer la scolarisation de leur enfant à domicile. Ils m’en ont expliqué les raisons, souvent une régression de leur enfant dans un milieu scolaire normal. Ils ne mettent nullement en cause le milieu scolaire, mais constatent simplement les difficultés de leur enfant à s’adapter à cet enseignement de groupe. Je regrette que la commission spéciale n’ait une nouvelle fois pas suffisamment pris en compte cette liberté.
J’entends bien que, dans certaines situations, les contrôles peuvent être compliqués. Il peut y avoir des situations difficiles ne permettant pas aux inspecteurs de l’éducation nationale d’effectuer leur métier, mais ce n’est pas une raison pour pénaliser toutes les personnes qui pratiquent un tel enseignement et je défendrai donc un amendement de suppression de l’article.
Gilles Lurton a très bien résumé la situation. Patrick Hetzel, qui avait lui aussi déposé un amendement, qui fut recteur et sait donc de quoi il parle, m’a dit de beaucoup insister sur l’enseignement à domicile, liberté fondamentale donnée aux familles. On peut pratiquer l’enseignement à son domicile.
L’article 14 bis reviendrait sur cette liberté puisque le lieu du contrôle serait fixé par l’académie. Il y a de grandes chances que les inspecteurs cessent de se déplacer au domicile des parents qui pratiquent cet enseignement, ce qui n’est pas normal. L’enseignement se faisant à domicile, il est normal que les inspecteurs, les personnes chargées des contrôles aillent au domicile vérifier les conditions d’enseignement et qu’il n’y ait pas de convocations à l’académie.
C’est une liberté individuelle à laquelle nous tenons beaucoup. L’éducation nationale peut parfaitement effectuer des contrôles, elle en a même l’obligation et on ne voit pas pourquoi vous voulez revenir dessus. S’il y a un problème, le juge des enfants peut être saisi et les contrôles peuvent être effectués.
Nous n’arrivons pas à comprendre cette obstination. Le débat avait eu lieu en première lecture. Le Sénat a corrigé la version que nous avions adoptée. Je ne vois pas pourquoi on revient une nouvelle fois sur cette liberté d’enseignement. Les parents ont été nombreux à nous saisir. Nous sommes aujourd’hui leurs porte-parole et nous partageons totalement leurs inquiétudes.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 99 .
Cet article remet clairement en cause la liberté d’instruction et notre amendement vise à le supprimer.
Il n’y a aucune donnée chiffrée pour étayer la nécessité de modifier la loi actuelle. En dépit d’une augmentation de 30 %, les enfants hors école ne représentent que 0,3 %, dont moins de 0,09 % instruits en famille.
Il y a une très nette progression de l’effectivité des contrôles. Aucun chiffre n’est donné sur les raisons pour lesquelles des contrôles ne sont pas effectués. Ce n’est pas un problème législatif ; l’expérience prouve que la cause doit être cherchée du côté de l’organisation interne de certaines inspections académiques.
En 1998, les législateurs avaient voulu que le contrôle se déroule là où a lieu l’enseignement de l’enfant. Si cet article est adopté, il contraindra les familles, sans tenir compte de leurs motifs légitimes. Ils ont à domicile le matériel pédagogique, qui n’est pas déplaçable. Si le contrôle est effectué sur place, l’enfant sera évalué dans le contexte habituel de l’instruction. Ne parlons pas des difficultés et des coûts du déplacement.
Les personnels chargés du contrôle risquent d’interpréter cet article comme une autorisation à imposer systématiquement des évaluations scolaires. Depuis 1998, les gouvernements ont garanti que les procédures d’évaluation n’étaient pas applicables aux enfants instruits en famille et que l’autorité compétente en matière d’éducation devait contrôler la progression de l’enfant en fonction des choix éducatifs.
S’il s’agit de radicalisation, en cas de suspicion, la législation permet déjà à l’administration de faire protéger les enfants et, s’il s’agit de maltraitance, là encore, en cas de suspicion, l’éducation nationale dispose de tous les moyens nécessaires pour permettre à l’État de porter assistance aux enfants.
Nous avons également dans notre arsenal législatif trois moyens d’action: l’information préoccupante, le signalement au procureur de la République et les poursuites pénales.
C’est la raison pour laquelle, à travers cet amendement, nous vous demandons de supprimer l’article 14 bis.
Nous en arrivons à l’amendement no 139 .
Monsieur Lurton, vous vous êtes déjà exprimé sur le sujet et cet amendement est identique aux précédents. Puis-je considérer qu’il est défendu ?
M. Tian et Isabelle Le Callennec ont parfaitement défendu cet amendement, mais je voulais ajouter un élément.
Les parents détenteurs de l’autorité parentale ont pour obligation de déclarer l’instruction en famille de leur enfant. La vérification de l’instruction par les services de l’éducation nationale est prévue par l’article L. 131-10 du code de l’éducation. Un parent qui se soustrait à ses obligations légales concernant l’éducation de son enfant peut faire l’objet de deux types d’intervention judiciaire. Le juge des enfants peut se saisir au motif de l’article 375 du code civil et ouvrir un dossier d’assistance éducative au motif que les conditions de son éducation peuvent être gravement compromises.
Tout est donc prévu pour contrôler dans de bonnes conditions les parents qui décident de procéder à un enseignement en famille.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame Le Callennec, vous avez mené ce combat en première lecture et, de façon cohérente, vous défendez la même position en nouvelle lecture. Je salue cette cohérence.
Aujourd’hui, dans l’hémicycle, que nous soyons de gauche ou de droite, nous avons quelquefois ce défaut qui consiste à considérer qu’il suffit de dire « y a qu’à, faut qu’on ». Sur le terrain, les agents de l’éducation nationale…
C’est bien de le reconnaître !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il est plus de minuit, on peut se respecter et s’écouter, surtout sur un sujet aussi important.
Ce n’est pas parce qu’il est minuit qu’on a le droit de dire n’importe quoi !
Monsieur Tian, je ne prends pas souvent la parole et, quand je la prends, c’est sur des sujets que je considère importants. Je crois n’avoir pas dit n’importe quoi depuis une minute quarante-sept. Je n’ai dit jusqu’à présent que la vérité en donnant des éléments factuels.
Concrètement, pour nous, parlementaires de la République, c’est quelquefois « ya qu’à, faut qu’on ». On considère que des centaines de milliers de fonctionnaires de l’éducation nationale pourraient se balader toute la journée dans les rues de nos villages et de nos villes…
…qui ne s’est pas déclarée puisque, tant qu’on n’a pas changé la loi, la déclaration se fait a posteriori, la laïcité est respectée, s’il n’y a pas de problème de secte,…
…notamment pour l’instruction en famille. Les agents de l’éducation nationale ont parfois toutes les difficultés du monde pour entrer dans le domicile, pour convoquer sur un lieu de contrôle.
C’est une réalité, ce n’est pas de gauche ou de droite.
Dans des villes dont je pourrais donner le nom, il arrive que l’opposition, parfois de gauche, parfois de droite, accuse le maire en s’étonnant qu’il ne soit pas au courant et en lui demandant comment il est possible que cela se passe de telle façon dans telle famille.
Nous avons décidé de modifier la loi pour répondre à ce genre de situation.
Vous pénalisez tout le monde, alors que tous les instruments nécessaires existent déjà !
Ce gouvernement prend ses responsabilités, et nous avons pris les nôtres tout à l’heure en ce qui concerne le financement des lieux cultuels et associatifs, avec la transparence des financements.
En première lecture, je me rappelle, vous aviez voulu expliquer que ce n’était pas tout le monde qui posait problème,…
…que c’était tel ou tel ou telle religion. Pour la religion, nous ne faisons pas de distinction. La nation est une et indivisible et la loi s’applique à tout le monde.
Je vais essayer de vous répondre sans passion et surtout avec efficacité et pragmatisme.
Aujourd’hui, 80 % des contrôles ont lieu à domicile, et ce sera toujours le cas. Il n’y a aucune raison qu’il y ait moins de contrôles en tant que tels.
Ce que nous voulons, c’est aller plus loin.
Le principe d’obligation scolaire a été posé en 1882. Il exige que tous les enfants âgés de six à seize ans présents sur le territoire national bénéficient d’une instruction. Certaines familles ont décidé de ne pas inscrire leurs enfants dans des établissements mais de les instruire à domicile, voire à distance.
L’enseignement à distance est reconnu dans le code de l’éducation nationale. À aucun moment, le Gouvernement ne remet en cause ce choix.
Ce dont il est question ici, c’est de s’assurer que les enseignements ne sont pas contraires aux valeurs de la République,…
…et je crois que nous serons tous d’accord sur le sujet. Il s’agit pour l’enfant d’acquérir le socle commun des connaissances, des compétences, et il faut le protéger, en tant que mineur, face à des influences que chacun peut imaginer et qui peuvent être néfastes, notamment en cette période. Le socle n’est rien d’autre que la référence commune, ce qui concrétise le droit à l’éducation de tous les enfants.
La législation aujourd’hui est imprécise. Elle permet à des familles de refuser un contrôle,…
…pour des raisons que nous ne considérons pas légitimes. Nous voulons donc clarifier la rédaction de l’article L. 131-10 du code de l’éducation sur le lieu du contrôle, qui sera déterminé par l’éducation nationale,…
…sans que les familles puissent s’y opposer.
Ce que nous voulons, c’est vérifier que l’enfant fasse l’objet d’une éducation dont nous partageons, je l’espère, les principes dans cet hémicycle, sans que les familles puissent s’y opposer, et ce dans l’intérêt de l’enfant.
Est également sanctionné le refus réitéré d’inspection sans motif légitime, ce que ne prévoit pas le code actuel.
Pour préserver l’intérêt de l’enfant et ne pas permettre à des familles de le mettre en cause, parce que vous savez que cela existe et il ne faut pas cacher les choses, je suis extrêmement défavorable à l’ensemble des amendements de suppression.
Nous avons vérifié auprès des familles parce que nous ne sommes pas des inconscients. Les services de l’éducation nationale nous ont expliqué de manière très simple que, pour être efficace, le contrôle devait obligatoirement avoir lieu sur le lieu de l’enseignement, pour vérifier notamment les conditions d’habitation des enfants. Il ne faut évidemment pas convoquer les parents et l’enfant au siège de l’administration, il faut aller au domicile pour savoir comment cela se passe. C’est la règle pour les contrôles.
La plupart d’entre eux se passent très bien.
Ne vous inquiétez pas : il restera assez de monde au ministère pour procéder aux contrôles !
De plus, vous voulez convoquer tout le monde. Vous voulez quasiment stopper ou, tout du moins, rendre facultative la visite à domicile, et ce pour de mauvaises raisons. Si vous refusez les contrôles à domicile, c’est parce que vous ne voulez pas vous en donner les moyens humains et que vous ne souhaitez pas réellement les faire. C’est autre chose. Mais ne dites pas que les parents s’y opposent ! Ou signalez-nous ces cas et saisissez le juge, comme la loi vous y autorise. Vous êtes en train de faire une erreur gravissime : le contrôle doit se faire sur le lieu de l’enseignement.
Monsieur Lurton, puis-je considérer qu’il en va de même pour l’amendement no 140 ?
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous avons quand même le droit de présenter nos amendements ! Ce n’est pas parce qu’il est minuit quinze, que nous devons y renoncer. C’est incroyable ! Il faut adopter les textes à la va-vite… Dans ce cas, il n’y a qu’à ne pas faire travailler l’Assemblée nationale la nuit. Nous sommes présents, comme nous l’étions en première lecture, et c’est pour travailler.
Présentez votre amendement, monsieur Lurton. Vous êtes en train de perdre du temps.
Eh bien, tant pis ! Ce système devient parfaitement insupportable.
Je vous ai fait part de mes réserves sur cet article en son entier. Je suis donc tout aussi réservé sur le changement de méthode des contrôles qu’il va imposer. L’état des lieux des contrôles pédagogiques que l’éducation nationale avait réalisé en 2010 et en 2011 avait mis en lumière que 90 % des familles n’étaient pas satisfaites de la façon dont se déroulent les contrôles.
De même, la circulaire du 26 décembre 2011 qui fait état de la nécessité d’un dialogue constructif avec les personnes responsables du contrôle pédagogique devrait rendre ce dialogue effectif, ce qui n’est pas le cas. Les alinéas 2 à 5 de cet article sont en rupture complète avec une telle nécessité. C’est pourquoi je vous propose de les supprimer.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 100 .
Nous proposons de substituer aux alinéas 3 et 4 les deux alinéas suivants : « a) La première phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « L’autorité compétente de l’État détermine les modalités du contrôle. Le contrôle est effectué sur le lieu où est dispensée l’instruction, sauf décision motivée de l’autorité compétente de l’État. » ; » Il y a consensus sur le premier point. Quant au contrôle au domicile, il doit rester la règle : tout le matériel pédagogique s’y trouve et le contrôleur peut jauger l’environnement dans lequel l’instruction est dispensée à l’enfant. En cas de doute, il faut une décision motivée de l’autorité compétente de l’État. Nous espérons que cet amendement de repli trouvera grâce à vos yeux.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 141 . Je n’ose pas vous demander s’il est défendu…
Sourires.
Monsieur le député, vous proposez d’introduire des dispositions selon lesquelles le contrôle opéré par l’administration prend en compte les besoins éducatifs particuliers de l’enfant scolarisé à domicile.
Le code de l’éducation vient d’être complété par le décret du 28 octobre dernier. Il est désormais prévu au nouvel article D. 131-12 du code de l’éducation que la progression retenue dans le cadre de l’acquisition des connaissances et compétences doit être compatible avec l’âge de l’enfant et son état de santé, tandis que le contrôle effectué par l’administration de cette progression est réalisé en tenant compte des aménagements justifiés par les choix éducatifs effectués par les parents des enfants instruits dans la famille.
La modification que vous proposez, monsieur Blein, est déjà prise en compte dans le code de l’éducation. Je vous suggère donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.
L’amendement no 166 est retiré.
Il s’agit encore des modalités de contrôle. Quand on connaît l’administration, il n’est pas difficile de supposer que les contrôles à domicile seront quasiment supprimés : il sera beaucoup plus simple de convoquer les parents que de se rendre sur place, alors que c’est le contraire qu’il faut faire. Un gouvernement comme le vôtre devrait préserver des contrôles de ce type.
On peut certes s’interroger sur les raisons qui ont motivé des parents à enseigner au domicile à leurs enfants, alors que notre éducation nationale est si formidable, se demander pourquoi ces gens se donnent la peine de dispenser ce type d’éducation, mais dans ce cas il faut aller sur place afin de mener une enquête. Désormais, nous allons faire exactement le contraire. C’est un recul incontestable. On va convoquer les gens quasi systématiquement, dans des conditions bien évidemment pénibles pour les parents, coercitives, avant de se livrer à une évaluation très sommaire. Nous sommes trois à vous le rappeler depuis tout à l’heure, comme nous l’avions fait en première lecture : voir le lieu où est dispensé l’enseignement dans la famille paraît extrêmement important, afin de vérifier que cette situation ne cache pas quelque chose. Quand les parents ont fait un tel choix, ne doit-on pas en priorité vérifier les lieux d’habitation ? On ne peut pas comprendre votre décision !
S’il existe, dans certains cas, une suspicion et que les gens sont violents, ce qui interdit le contrôle au domicile, c’est déjà très grave et il faut saisir tout de suite le juge des enfants. Quand on ne peut pas pénétrer dans le lieu de l’enseignement, il faut se donner les moyens de savoir ce qu’il s’y passe, et non pas dire aux gens de venir vers les services de l’éducation nationale pour les renseigner partiellement.
Cela signifie que l’administration se prive d’une liberté extraordinaire de vérification, de manière absolument incompréhensible. Vous allez être poursuivis pour mise en danger des enfants.
Certaines situations vont empirer, parce que votre système est mauvais. Vous demanderez à des parents de venir ; ils ne viendront pas ; vous les rappellerez ; ils ne viendront pas plus ; et des situations dramatiques se développeront. Il n’est pas possible de comprendre ce que vous voulez faire. L’administration se prive d’un moyen extrêmement efficace. Si un enfant est en danger, allons le vérifier au domicile le plus vite possible !
Nous ne cessons de vous le dire depuis le début de ce débat : nous avons un cadre juridique qui garantit l’instruction en famille, qui est très clair et qui a très bien fonctionné jusqu’ici. Aucun des dysfonctionnements que vous nous signalez ne justifie que nous cherchions à le modifier, en contraignant les familles. Pourtant, c’est ce que l’alinéa 8 de cet article nous propose de faire. Écrire que les parents qui ont refusé deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel est une expression biaisée, car elle laisse supposer que ce sont aujourd’hui les familles qui refusent les contrôles. Or, ce n’est pas le cas, et vous le savez très bien.
Sur la base des chiffres communiqués par la direction générale de l’enseignement scolaire, les deux tiers des enfants instruits en famille ont été contrôlés. Pour le tiers restant, les absences de contrôle sont très majoritairement le fait de l’administration,…
…qui programme tardivement les contrôles ou ne les programme pas du tout, faute de moyens. Aussi, nommer cela un refus de contrôle est un renversement de responsabilité, qui ne correspond pas à la réalité des faits.
En cohérence, la commission a émis un avis défavorable. Toutefois, pour que les choses soient claires pour tout le monde, je voudrais rappeler que la liberté de l’enseignement n’est pas remise en cause…
…et que c’est nous qui protégeons les enfants, en donnant les moyens à l’administration de contrôler quand ils sont susceptibles d’être en danger. Il ne faut pas inverser la situation. C’est la rédaction que nous proposons qui le permet, au contraire de ce qui est actuellement possible.
Je voudrais rappeler aux députés de l’opposition la proposition de loi de M. Ciotti qui visait à soumettre à autorisation préalable l’instruction à domicile. J’espère que M. Ciotti ne deviendra pas un jour ministre de l’éducation nationale :…
…que diriez-vous alors ?
Plus sérieusement, il arrive que des parents refusent de présenter leur enfant au contrôle prévu par la loi.
Il a été montré dans une décision récente du Conseil d’État, madame la députée, que l’autorité académique est démunie face à une telle situation,…
…faute d’avoir prévu, dans le code de l’éducation, les conséquences d’un tel refus. Aujourd’hui, ce code prévoit que le directeur académique des services de l’éducation nationale – le DASEN – puisse saisir le procureur de la République.
Reconnaissez que cette solution n’est pas satisfaisante. Le temps que le procureur de la République ouvre une enquête, que, le cas échéant, des poursuites soient diligentées et qu’une condamnation intervienne, l’intérêt de l’enfant risque d’être fortement mis en cause.
Nous voulons faire en sorte que le contrôle se déroule dans de bonnes conditions, de manière rapide et efficace. Il faut donc prévoir de sanctionner le refus réitéré d’inspection sans motif légitime.
C’est l’objet des alinéas que vous avez voulu supprimer dans vos amendements, lesquels sont vraiment contraires à la défense des intérêts de l’enfant.
Je m’étonne, intellectuellement et politiquement, devant votre acharnement.
Nous protégeons la liberté d’enseignement et nous lui donnons du sens, en protégeant les enfants. Avis défavorable.
L’article 14 bis est adopté.
Article 14
L’article 14 ter est adopté.
Article 14
L’enseignement moral et civique a été créé par la loi, bien connue par nos collègues, du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Son ambition est forte, puisqu’il s’agit de transmettre un socle de valeurs communes : la dignité, la liberté, l’égalité, la solidarité, la laïcité, l’esprit de justice, le respect de la personne, l’égalité entre les hommes et les femmes, la tolérance et l’absence de toute forme de discrimination. Il doit développer le sens moral et l’esprit critique et permettre à l’élève d’apprendre à adopter un comportement réfléchi. Il prépare à l’exercice de la citoyenneté et sensibilise à la responsabilité individuelle et collective.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 14 quater prévoit que, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, « les collégiens et les lycéens sont incités à participer à un projet citoyen au sein d’une association ». Nous estimons que cette disposition, qui ne manque pas d’intérêt, est dépourvue, comme d’autres dans ce projet de loi, de caractère normatif et relève plutôt du domaine réglementaire. C’est pourquoi nous demandons de supprimer cet article.
La commission a émis un avis défavorable. Je me félicite cependant que vous indiquiez vous-même que la loi pour la refondation de l’école est une belle et importante loi. Je vous l’accorde !
Je l’ai en tout cas entendu, sans doute aussi parce que j’y suis attachée.
Plus sérieusement, j’entends votre argument selon lequel cet article ne serait guère normatif. Cela dit, il est important de préciser que les élèves peuvent participer à des projets au sein d’associations. La commission a donc émis un avis défavorable.
Monsieur Richard, faites valoir le bon côté de la force en vous, comme l’a suggéré Mme la rapporteure thématique… Le Gouvernement soutient la promotion des actions que les élèves pourront valoriser dans leur parcours citoyen. C’est un encouragement à cette éducation inclusive qui passe par le développement de la culture de l’engagement. Nous sommes donc défavorables à la suppression de cet article.
L’amendement no 502 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 321 .
Cet article, en l’état, exprime une bonne intention. En voici les termes : « Dans le cadre de l’enseignement moral et civique, les collégiens et lycéens sont incités à participer à un projet citoyen au sein d’une association d’intérêt général. » Il résulte d’un amendement d’origine parlementaire. Son intention, disais-je, est louable, mais de deux choses l’une : soit c’est une simple incitation, qui relève plutôt de la circulaire,…
…soit on considère qu’il s’agit d’un élément important de l’enseignement moral et civique, instauré par la loi pour la refondation de l’école. Dans ce cas, il faut modifier la rédaction de l’article en retirant la dimension incitative pour indiquer tout simplement que les collégiens et lycéens participent à un projet citoyen au sein d’une association d’intérêt général. La volonté du législateur trouvera alors un réel point d’appui pour développer cet engagement civique. Je pense, monsieur le ministre, qu’il faut pousser cette volonté plus loin que ce qu’on fait en l’état.
Défavorable. Il s’agit bien d’inciter et non d’obliger ; c’est un débat que nous avons déjà eu.
Même avis. Nous voulons inciter les jeunes à s’engager, mais c’est aussi un moyen de tester ce type d’engagement, nouveau pour les lycéens. Je ne doute pas qu’à un moment donné, si les résultats sont positifs, nous pourrons aller dans votre sens. Mais il faut travailler par étapes, et l’incitation me semble aujourd’hui adaptée aux besoins et à la capacité de l’éducation nationale de mettre en oeuvre de telles ambitions politiques.
Mon soutien à cette proposition peut paraître paradoxal puisque j’avais présenté un amendement de suppression, mais celui-ci était motivé par les mêmes raisons. En l’état, on est au milieu du gué ; quitte à faire les choses, autant les faire pleinement. Qui devra inciter les jeunes à s’engager ? Les équipes pédagogiques ? Ce n’est pas clair. Autant donc y aller franchement et inscrire la mesure dans le marbre de la loi.
L’amendement no 321 n’est pas adopté.
L’article 14 quater est adopté.
Les articles 14 quinquies, 14 septies et 14 nonies sont successivement adoptés.
Il s’agit, une fois encore, d’une liberté constitutionnelle qui est menacée par ce texte.
Exclamations sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Tout ce qui est en dehors de l’éducation nationale publique vous déplaît. En l’occurrence, le présent article vise à instaurer un système d’autorisation pour les établissements privés.
Je vous rappelle que la liberté d’ouvrir un établissement scolaire est de valeur constitutionnelle et que, dès lors, l’article que nous examinons sera probablement frappé de nullité par le Conseil constitutionnel. Substituer au régime de déclaration préalable un régime d’autorisation porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’enseignement, indissociable de la liberté d’association. C’est donc contraire à notre Constitution, et à la liberté de l’éducation et de l’enseignement. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Monsieur le président, permettez-moi d’apporter quelques éléments de réponse qui vaudront pour tous les amendements à cet article qui suivront. Il y a un consensus sur la nécessité de revoir les régimes actuels, trop disparates, qui fixent des délais beaucoup trop brefs pour garantir que les établissements qui s’ouvrent soient toujours respectueux des principales ambitions de l’éducation et des principes de la République. Les régimes actuels placent beaucoup trop souvent les collectivités locales et les autorités administratives devant le fait accompli. C’est pourquoi nous avons décidé de passer à un régime d’autorisation préalable et d’unifier les procédures de création et les motifs justifiant un refus. Comme ces procédures sont assez compliquées, nous avons autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnance. Le Sénat n’a pas souhaité conserver cet article, mais nous l’avons rétabli en commission spéciale il y a une dizaine de jours. En début d’après-midi, la commission a donné un avis défavorable à vos amendements de suppression.
S’agissant des ouvertures d’écoles hors contrat, nous sommes dans une véritable course contre la montre, et il faut que nous ayons les moyens…
Pourquoi la ministre de l’éducation n’a-t-elle jamais répondu à nos questions ?
Sachez écouter, madame la députée ! L’art de la pédagogie, c’est la répétition ; j’essaierai d’être le plus pédagogue possible à votre égard. Aujourd’hui, il est très facile d’ouvrir une école privée.
Je ne suis pas sûr que vous en soyez tout à fait convaincu, surtout à Marseille, monsieur Tian ! Pour ouvrir une école sur simple déclaration, il suffit d’avoir plus de dix-huit ans, d’être titulaire du baccalauréat, d’avoir la nationalité française et de ne pas avoir été condamné par la justice. J’ai déjà développé cet argument ici même, il y a quelques mois.
Si, c’est ainsi que cela se passe.
Le droit n’offre qu’un régime d’opposition inopérant, avec un délai de huit jours pour le maire et d’un mois pour l’État. Le régime de déclaration est donc inadapté à la situation que connaît notre pays aujourd’hui.
Ce n’est pas anodin car la scolarisation hors contrat concerne, d’après les derniers chiffres de l’éducation nationale, 56 000 jeunes – et non un, dix ou cent. Il y a environ 1 000 établissements scolaires hors contrat, dont plus de 300 confessionnels, et le rythme d’ouverture est de quelques dizaines par an, avec une concentration dans le premier degré, où les enfants présentent une fragilité particulière. Nous sommes saisis de signalements de plus en plus nombreux : à Troyes, à Tourcoing – des villes qui ne sont pas de sensibilité de gauche… Cela concerne des enseignements dont l’indigence est attentatoire au droit à l’éducation des enfants, avec des embrigadements idéologiques ou confessionnels manifestes, hostiles aux valeurs républicaines.
Nous voulons agir rapidement et efficacement en instaurant un régime d’autorisation préalable. Nous voulons vérifier que le projet pédagogique est compatible avec la qualité de l’enseignement que l’on attend dans un pays tel que la France. Je tiens également à préciser, comme ce projet sera réalisé par ordonnance, que le Gouvernement a pris soin, fin octobre, de réunir les différents acteurs qui seront touchés par cette réforme pour leur présenter le calendrier, la méthode et l’architecture de l’ordonnance.
J’espère que le temps de la concertation permettra de lever le doute. Laissez-moi vous réaffirmer avec force qu’il ne s’agit pas de toucher à la liberté de l’enseignement, mais bien de se doter d’outils permettant de réagir en temps utile si l’ouverture d’une école ne paraît pas obéir aux règles communes du code de l’éducation nationale. Voilà l’état d’esprit qui est le nôtre : il s’agit toujours de protéger l’enfant…
…et d’éviter que des prédateurs mettent la main sur des proies potentielles.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Juste une précision, monsieur le ministre : qui sont les différents acteurs que vous venez d’évoquer, et par qui ont-ils été réunis ? Y a-t-il des comptes rendus de ces audiences ?
La Conférence des évêques de France, les syndicats… Nous travaillons, et le contenu de l’ordonnance vous sera soumis. Nous avançons dans une transparence totale.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 102 .
La substitution d’un régime d’autorisation préalable à un régime de déclaration porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’enseignement qui est, pour nous, indissociable de la liberté d’association. Cet amendement vise donc – voilà une de nos propositions ! – à revenir à la rédaction du Sénat qui supprime l’habilitation demandée par le Gouvernement pour réécrire les conditions d’ouverture des établissements privés.
Nous partageons bien évidemment votre souci de protéger les enfants. Nous proposons d’harmoniser les procédures relatives aux trois régimes existants – premier degré, seconds degrés technique et général –, d’allonger les délais d’opposition du maire et de l’État à deux et trois mois, et de créer de nouveaux motifs d’opposition. Ainsi, le maire peut s’opposer à l’ouverture pour des motifs liés à la sécurité des locaux ou à leur état ; les services de l’État peuvent s’opposer en cas de non-respect des conditions de titres et de moralité des chefs d’établissement et des enseignants – votre souci et le nôtre. Enfin, nous proposons d’affirmer le principe d’un contrôle annuel de chaque classe hors contrat. Cela permettrait de ne pas remettre en cause la liberté d’installation des établissements d’enseignement hors contrat, tout en verrouillant des éléments qui nous préoccupent tous.
Nous en arrivons à l’amendement no 144 .
Monsieur Lurton, il vient en quelque sorte d’être défendu par Mme Le Callennec, n’est-ce pas ?
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 101 .
Cet amendement vise, tout en maintenant cette fois le recours à l’ordonnance – puisque vous semblez attachés à cette manière de légiférer –, à préciser que le maintien du régime de déclaration est obligatoire et à redéfinir les modalités de l’accompagnement de l’État, que ce soit au moment de l’ouverture ou après, sous la forme de contrôles réguliers et effectifs.
L’amendement no 101 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Dans ce débat, nous devons fixer les limites séparant ce que l’État a le droit de faire de ce qu’il n’a pas le droit de faire. En l’occurrence, je vous signale qu’il s’agit de la liberté de l’enseignement en France : ce n’est pas rien !
Si nos collègues du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et nous-mêmes, membres du groupe Les Républicains, nous donnons autant de mal pour porter la contradiction ce soir,…
…c’est parce que nous avons été saisis par un certain nombre d’enseignants et de directeurs d’école, qui s’inquiètent de la menace pesant sur cette liberté fondamentale et constitutionnelle. Les écoles hors contrat représentent un espace de liberté dans notre système éducatif ; c’est tout l’intérêt des écoles indépendantes que de pouvoir choisir librement leur démarche pédagogique, et donc les programmes qui leur sont propres.
L’État peut s’occuper d’un certain nombre de choses, mais pas de tout. En l’occurrence, monsieur le ministre, il faut accepter qu’il existe d’autres méthodes pédagogiques, qui ne plaisent pas forcément à l’éducation nationale. Celles-ci peuvent être proposées aux parents pour le bien de leurs enfants. C’est d’une liberté que nous parlons.
Vous mélangez tout, monsieur le ministre. L’autre jour, vous citiez Marseille, comme si dans cette ville, des écoles coraniques ou je ne sais quoi étaient en train de se créer dans tous les quartiers.
Pas forcément des écoles coraniques, mais des écoles catholiques intégristes, oui !
Mais, monsieur le ministre, c’est précisément la responsabilité du Gouvernement d’intervenir s’il y endoctrinement, s’il y a déviance, c’est dans ce cas que les pouvoirs publics doivent s’en mêler. Nous parlons ce soir d’autre chose : de la liberté d’installation, sur l’ensemble du territoire, des établissements d’enseignement – notamment ceux qui appliquent des méthodes pédagogiques combattues par l’éducation nationale simplement parce qu’elles sont originales, bien qu’elles soient efficaces et satisfassent à la fois les parents et les élèves.
C’est cela que nous voulons préserver : la liberté d’enseignement.
Je ne dirai qu’un mot, monsieur Tian, pour insister sur un fait incontestable : le Gouvernement ne s’oppose pas aux écoles hors contrat.
Il ne s’agit pas de supprimer celles qui existent. Ce que nous voulons, simplement, avec ce changement de paradigme, c’est éviter que s’ouvrent, sur le territoire national, des écoles qui seraient contraires aux principes de la République – ces valeurs que vous défendez autant que moi. Il y a, aujourd’hui, environ 1 000 écoles hors contrat ; nous ne voulons pas que de nouvelles écoles hors contrat puissent ouvrir dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. Il faut donc considérer cette mesure comme une mesure de sûreté, de prévention, dans le contexte que vous connaissez comme moi car il se constate aussi à Marseille.
Je voudrais simplement poser deux questions à M. le ministre.
Que le Gouvernement cherche à créer des outils pour assurer la protection et la sécurité des enfants, personne n’en doute dans cet hémicycle. Mais alors, monsieur le ministre, pourquoi parlez-vous uniquement des écoles hors contrat, alors que cet article porte sur toutes les écoles privées ?
Deuxièmement, je voudrais vous demander – j’allais dire : vous demander les yeux dans les yeux –…
…si vous pensez réellement que cet article respecte la jurisprudence constitutionnelle ?
Monsieur Richard, si le Conseil constitutionnel est saisi, il vous répondra lui-même.
Je n’en doute pas un seul instant !
Monsieur le député, une école qui ouvre est toujours hors contrat.
Elle peut, ensuite, demander à passer sous contrat à partir de cinq années de fonctionnement. Par construction, toute nouvelle école fonctionne d’abord hors contrat. Pour être très clair, dans ma région, dans ma ville, le lycée Averroès a dû fonctionner cinq ans avant de demander un contrat – demande qui a été acceptée, avec toutes les sécurités offertes en la matière par l’éducation nationale.
Je le répète : par construction, toute école qui ouvre, ouvre hors contrat. En passant d’un régime de déclaration simple à un régime d’autorisation nous pourrons vérifier, à l’avenir, si le projet pédagogique de ces écoles est bien conforme aux valeurs de la République.
Très bien, monsieur le ministre : vous avez cité le nom d’un établissement privé qui obtient de bons résultats ; en outre, son nom indique qu’il a une affiliation catholique militante.
Sourires.
Nous répétons une nouvelle fois que la mesure que vous proposez ne nous semble absolument pas constitutionnelle. Nous ne savons pas quel est l’avis du Conseil d’État : nous savons qu’il a éclairé le Gouvernement, nous aurions aimé qu’il nous éclairât également. Cela nous paraît, à nous, totalement inconstitutionnel.
Mme la ministre de l’éducation n’a jamais mis les pieds dans cet hémicycle pour parler de ce texte, ni en première lecture ni lors de cette nouvelle lecture. Certes, nous reconnaissons la très grande qualité de M. Kanner – qui aime beaucoup venir à Marseille, comme il ressort de nos débats, quoique ce ne soit pas forcément pour visiter des écoles.
En l’occurrence, le passage d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation nous semble contraire à la Constitution. Nous pensons que l’État ne devrait pas avoir le droit d’autoriser au préalable l’ouverture de nouvelles écoles : cela doit rester une liberté. En confiant à l’État la compétence d’autoriser, au préalable, l’ouverture d’un établissement privé d’enseignement, on supprime une liberté de valeur constitutionnelle : la liberté d’enseignement.
Dans le passé, de très grandes manifestations ont permis de sauver l’enseignement privé en France. Les directeurs d’établissement sont très attachés à cette liberté, comme les Français ; les taux de réussite dans ces établissements sont d’ailleurs exceptionnellement bons, et vous le savez.
Vous avez cité quelques exemples de dysfonctionnements, sans les chiffrer, sans nous donner d’indications précises. On ne peut donc tirer de ces cas particuliers une généralité, et porter atteinte à une liberté constitutionnelle au nom de cette fausse généralité.
Défavorable.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse à la question que je vous ai posée tout à l’heure à propos du caractère non constitutionnel de ce dispositif. Vous avez essayé d’expliquer qu’il ne s’agissait que d’établissements n’ayant pas encore ouvert.
J’ai pourtant lu l’article jusqu’au bout – j’espère que tous mes collègues ont fait de même – avant de venir vous écouter. Il vise à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances également pour « fixer les dispositions régissant l’exercice des fonctions de direction et d’enseignement dans ces établissements et de renforcer la liberté d’enseignement dont bénéficient ces établissements une fois qu’ils sont ouverts ».
Vous avez laissé entendre qu’il n’est question ici que des établissements hors contrat. Non, ce n’est pas vrai : il est question de l’ensemble de l’enseignement privé en France.
L’article 14 decies est adopté.
L’article 15 est adopté.
C’est un sujet important que nous abordons à cette heure tardive. Il a été débattu plusieurs fois dans les deux chambres du Parlement. Il s’agit de la pratique du parrainage civil, qui tend à se développer pour des motifs divers. Il est temps, à notre avis, que le législateur accompagne ce mouvement en définissant un cadre juridique approprié.
Nous ne sommes pas, par principe, opposés au parrainage républicain. Il faut cependant, pour que celui-ci ait un maximum de sens, que l’enfant soit capable de discernement, qu’il puisse se rendre compte de la portée de cette célébration.
Sourires.
Le baptême civil ou républicain est destiné à faire entrer l’enfant dans la communauté républicaine, et à le faire adhérer de manière symbolique aux valeurs républicaines. C’est une démarche qui s’inscrit dans la continuité des actions mises en place par les pouvoirs publics pour renforcer la citoyenneté des jeunes générations.
Nous estimons qu’il serait préférable que l’enfant soit suffisamment âgé pour que cette cérémonie ait tout son sens. Sauf erreur de ma part, la loi ne précise rien à ce sujet à l’heure actuelle. Cet amendement vise ainsi à inscrire dans la loi une condition d’âge minimal.
La commission a donné un avis défavorable à votre amendement, monsieur le député. Il vaut mieux laisser le libre choix aux parents. D’ailleurs, tel qu’il est pratiqué actuellement, le baptême républicain concerne des enfants plus jeunes que ce que vous indiquez. Nous cherchons à encourager cette pratique : il serait contradictoire de la limiter.
Avis défavorable. La réflexion que vous avez développée, monsieur Richard, pourrait très bien s’appliquer au baptême religieux.
Cela n’a rien à voir ! Le baptême religieux et le baptême républicain n’ont pas la même essence.
Si l’on vous suivait pour l’âge de sept ans, peut-être certains refuseraient-ils le baptême religieux.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Plus sérieusement, le parrainage républicain sert aussi, en cas de pépin, à trouver des parrains qui assureront l’éducation des enfants.
Si un accident de voiture rend un enfant de deux ans orphelin, pourquoi empêcherions-nous des personnes de se substituer aux parents décédés dans des circonstances dramatiques ? Je ne vois donc pas l’intérêt de votre amendement, monsieur Richard.
D’ailleurs, pourquoi fixer l’âge minimal de l’enfant à sept ans, et pas six ou huit ? Cela causerait de graves difficultés. Je ne vois pas en quoi cela améliorerait le principe même de ce parrainage républicain.
L’amendement no 498 n’est pas adopté.
Par cet article 15 bis A, nous allons inscrire dans la loi la pratique du parrainage civil. Cela ne sera pas sans effet pour les communes. Or il ne s’agit pas d’un acte d’état civil. Il faudrait donc que l’État les accompagne, qu’il comble les charges occasionnées pour elles, par un prélèvement opéré sur ses recettes, qui pourrait compenser la baisse des dotations.
Monsieur le député, je vous sens d’humeur taquine malgré l’heure tardive. La commission a donné un avis défavorable à votre amendement. Le fait d’inscrire cette possibilité dans la loi ne multipliera pas le nombre de parrainages civils. Cette pratique est courante dans un certain nombre de communes.
Il est tard, mais je suis moi aussi d’humeur taquine : en tant que ministre des sports, je pourrais proposer à La Française des jeux de faire une taxe pour financer le parrainage républicain ! Plus sérieusement, je crois qu’il s’agit d’une mission de service public, comme les cérémonies de mariage. Je l’ai pratiquée en tant qu’adjoint au maire de Lille pendant de nombreuses années, et je n’ai jamais eu le sentiment de perdre mon temps, bien au contraire. C’est une bonne chose pour le lien social que favorise la République.
Avis défavorable.
Le Béarnais que je suis, habitant loin de Paris, n’arrivera jamais à comprendre que l’on fasse un grand développement pour ensuite retirer son amendement.
Sourires.
J’ai du mal à admettre ce genre de choses ; il est vrai que Paris nous réserve toujours des surprises.
L’amendement no 525 est retiré.
L’article 15 bis A est adopté.
La commission a maintenu la suppression, par le Sénat, de l’article 15 bis. Je suis saisi d’un amendement, no 505 , visant à le rétablir.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement vise à rétablir l’article 15 bis, qui avait été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Il avait auparavant été introduit en commission par amendement.
Il vise à compléter l’article L. 114-3 du code du service national en faisant bénéficier les participants de la journée de défense et de citoyenneté d’une présentation des droits et des aides sociales ouverts aux personnes âgées de plus de dix-huit ans. On constate en effet que beaucoup de jeunes ne connaissent pas suffisamment leurs droits. Il faudrait donc profiter du fait qu’ils sont réunis, avec les différents services de l’État, pour qu’ils puissent bénéficier d’une présentation globale.
Nous en avons déjà débattu en commission spéciale, monsieur le député : votre amendement est satisfait par la formule mise en place cette année qui permet aux jeunes d’être informés de leurs droits.
L’amendement no 505 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Article 15
L’article 15 ter est adopté.
Article 15
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 779 rectifié .
Le Gouvernement a repris l’amendement déposé par M. Marsac et par M. Blein qui avait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Nous sommes très favorables à la réutilisation des biens et immeubles confisqués à des fins d’intérêt général. Cette proposition de nouvelle rédaction fait suite à la réalisation d’une expertise de tous les services concernés afin de rendre la disposition opérante et bien calibrée pour ne pas induire de charges inattendues. Pour éviter des situations complexes tenant à la gestion des immeubles au regard d’un éventuel usufruit, il était nécessaire qu’une convention soit prévue permettant de déterminer les responsabilités de chacun en la matière.
Cette proposition me paraît équilibrée et ouvre une possibilité intéressante, depuis longtemps attendue.
La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’y suis favorable et j’invite tous mes collègues à l’adopter avec enthousiasme.
Sourires.
L’amendement no 779 rectifié est adopté.
L’article 15 quinquies, amendé, est adopté.
Article 15
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 769 deuxième rectification.
Le présent article vise à ratifier l’ordonnance du 23 juillet 2015, qui apporte de nombreuses simplifications favorables à la vie associative, qu’il s’agisse des procédures création, de déclaration, de transformation ou d’agrément, ou encore des règles relatives au financement des associations et des fondations. Il y a aussi la rénovation de la déclaration d’appel à la générosité du public, un vecteur important d’engagement de tous en faveur de l’intérêt général. C’est d’ailleurs pour cette raison que les fonds ainsi récoltés doivent faire l’objet de mesures de contrôle exigeantes pour s’assurer qu’ils soient bien employés. Chaque citoyen peut ainsi apporter sa contribution aux causes qu’il souhaite défendre.
Cet amendement vise notamment à préciser les conditions de la mise en place d’un nouveau régime de déclaration, plus lisible pour les organismes faisant appel aux dons, en définissant un seuil légal maximum de fonds collectés au-dessus duquel la déclaration est obligatoire.
In fine, cette ordonnance va représenter 30 millions d’euros d’économies pour les associations et 2 millions d’euros pour les pouvoirs publics. Mais cette simplification ne signifie pas que l’État opérera moins de contrôles, bien au contraire puisqu’elle permettra de contrôler davantage d’associations.
Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement dont nous avons déjà largement débattu. Le Sénat nous a alertés sur un certain nombre de points et la nouvelle rédaction que vous proposez apporte une réponse qui me semble relativement satisfaisante.
Sourires.
Rires.
Je suis tout de même, monsieur le ministre, assez dubitatif quant au montant du seuil maximal fixé à 75 000 euros. Il est relativement élevé. Cela permettra à certaines associations de ne pas être contrôlées et, surtout, il n’empêchera pas la possibilité de tronçonner les appels aux dons et donc de passer à travers les mailles du filet. Ma crainte, même si j’ai entendu vos arguments, est que l’on empêche les contrôles réels de ce type d’appels aux dons quant à l’utilisation des fonds et aux modalités de déclaration. Mis à part ces quelques réserves, la commission a émis un avis favorable.
L’amendement no 769 deuxième rectification est adopté.
L’article 15 sexies, amendé, est adopté.
L’article 15 septies A est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Examen, selon la procédure d’examen simplifiée, de trois projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux ;
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 23 novembre 2016, à une heure cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly