Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 22 novembre 2016 à 21h30
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce soir le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, une agence reconnue aussi bien au niveau national qu’international pour ses missions d’inspection, de contrôle en laboratoire, d’évaluation et de surveillance des médicaments et produits de santé, mais également pour l’objectivité de ses avis, toujours très argumentés scientifiquement.

Le Gouvernement insiste sur l’urgence à adopter ce projet, dont l’article 3 vise à transposer une directive européenne relative à la qualité et à la sécurité des tissus et cellules humains importés de pays tiers à l’Union européenne. Cette transposition aurait dû être effectuée avant le 29 octobre 2016 et nous avons maintenant dépassé ce délai. C’est pourquoi, une fois de plus, le Gouvernement nous demande de légiférer dans l’urgence. Et une fois de plus, comme toujours quand nous légiférons dans l’urgence, nous légiférons mal.

D’un côté, les grossistes-répartiteurs ont le droit d’exporter des médicaments à condition qu’ils aient rempli leur mission de service public, c’est-à-dire qu’ils aient répondu à toutes leurs obligations vis-à-vis des fournisseurs nationaux de médicaments, de façon à éviter une rupture d’approvisionnement sur le territoire. De l’autre côté, les industries pharmaceutiques ont le droit d’exporter sans aucune restriction.

S’il s’agit uniquement de clarifier les procédures entre les deux parties, nous aurions pu nous satisfaire du texte tel qu’il a été présenté dans sa version initiale, au Sénat, le 27 octobre 2016. Néanmoins, dans ces conditions, pourquoi avoir ajouté l’article 2, pour le moins controversé ? Celui-ci pose de telles difficultés que nous avons dû le modifier en commission des affaires sociales. Je souhaite que nous adoptions tout à l’heure ce texte, intégrant les modifications apportées par la commission, même si le délai du parcours législatif s’en trouvera allongé, je ne l’ignore pas. Devrions-nous mal légiférer parce que le Gouvernement n’a pas su prendre ses responsabilités et nous met sous la pression de l’urgence ?

L’article 1er ratifie l’ordonnance du 15 juillet 2016 et renforce la qualité décisionnelle du directeur de l’ANSM. Désormais, certaines publications seront directement renvoyées à sa décision et non plus à un arrêté du ministre chargé de la santé. Il est vrai que, dans la quasi-totalité des situations qui lui sont soumises, le ministre suit en général les positions adoptées par l’agence.

Je ne vois vraiment pas, madame la secrétaire d’État, ce qui vous obligeait à introduire cet article 2 dans le présent texte, extrêmement technique. Il aurait très bien pu faire l’objet d’un autre projet de loi, voire d’une proposition de loi, d’initiative parlementaire, ce qui nous aurait permis de mieux travailler le sujet.

Cet article soulève le problème des ruptures d’approvisionnement sur notre territoire avec, comme cible, les grossistes-répartiteurs, qui seraient, selon le Gouvernement, entièrement responsables d’une telle situation. J’emploie le conditionnel car nous manquons vraiment de visibilité sur leur part de responsabilité. Je l’ai dit, les grossistes-répartiteurs ont le droit d’exporter des médicaments une fois leur mission de service public exécutée. En revanche, les industries pharmaceutiques peuvent exporter des médicaments sans pratiquement aucune condition. Dès lors, nous pouvons nous demander pourquoi elles aussi ne pourraient pas être tenues pour responsables des ruptures d’approvisionnement, sans quoi il y aurait, de mon point de vue, une forme d’iniquité.

Bien sûr, il n’est pas question de remettre en cause ces droits d’exportation, mais l’expérimentation, proposée à l’article 2, de l’obligation de déclaration par les grossistes-répartiteurs à un tiers de confiance du détail de leurs exportations, laisse entendre que les ruptures d’approvisionnement seraient uniquement de leur responsabilité. C’est pourquoi j’approuve la réécriture proposée en commission des affaires sociales par M. le rapporteur, visant à ce que le tiers de confiance respecte le principe de confidentialité. Nous savons tous que les industriels du médicament s’intéressent de près à la part des exportations afin de mieux contingenter leurs livraisons auprès des entreprises. Afin d’éviter cela, le principe de confidentialité est indispensable.

Mais il faut aller plus loin : je demande que les industries pharmaceutiques soient incluses parmi les déclarants à un tiers de confiance, comme l’a proposé Mme la présidente de la commission des affaires sociales ; il n’y a aucune raison de maintenir une telle différence entre les deux. Connaître le détail de leurs exportations respectives permettra d’avancer plus concrètement dans la lutte contre les ruptures d’approvisionnement.

À l’article 3, nous trouvons la véritable motivation de ce projet de loi, c’est-à-dire la transposition de la directive européenne relative à la qualité et à la sécurité des tissus et cellules issus de pays tiers à l’Union européenne. La sécurisation de l’importation de tissus et cellules d’origine humaine est effectivement indispensable. Notre pays doit se protéger de ces cliniques illégales, qui se multiplient dans le monde, exportant de la peau, de la cornée, des os ou encore du sang, sans réaliser tous les contrôles de sécurité sanitaire.

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