Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 22 novembre 2016 à 21h30
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Je suis d’ailleurs favorable à l’interdiction, pour d’anciens lobbyistes ou hauts dirigeants du monde pharmaceutique, d’occuper des fonctions ministérielles ou para-administratives sur ces sujets ; c’est une question d’éthique, me semble-t-il.

Chacun peut admettre qu’après les révélations sur le scandale de la Dépakine, la représentation nationale soit en droit de se montrer pour le moins circonspecte à propos du fonctionnement des agences. Ce médicament n’était pas produit par un petit laboratoire, un acteur mineur du marché, mais par Sanofi.

Il est énormément question d’éthique dans ce texte, notamment à son article 3, relatif au code de la santé publique, dans lequel il est proposé de codifier les possibilités d’échanges de cellules et de tissus pour certains organismes.

Le 18 novembre dernier, en Suisse, un scandale éclatait au sujet du laboratoire LITC, qui transplante des cellules du pancréas à des diabétiques. Dans ce processus, un surplus de cellules subsiste, et, au lieu de les neutraliser, le LITC les utilise à des fins de recherche, ce qui pose la question de la disponibilité du corps humain et de son intégrité. Jean-Marie Le Méné a brillamment décrit la marchandisation du corps humain en cours aux États-Unis, à travers des procédés parfois similaires.

Par ailleurs, l’action menée par le Gouvernement afin d’interdire l’émergence d’une vraie clause de conscience chez les pharmaciens pour ne pas vendre certains médicaments, empêche tout accord sur ce texte. Le Gouvernement légitime en effet les échanges commerciaux de médicaments dont la production ou les conséquences heurtent l’âme et la conscience de certains pharmaciens. Je mène actuellement une série d’auditions sur cette question, et ce que les services du ministère imposent à ces gens, qui ont pourtant prêté le serment de Galien, me laisse profondément amer.

Vous comprendrez que, devant l’hystérie démiurgique qui gagne certains dirigeants de nos sociétés, l’inquiétude soit de mise. En jouant avec la vie et ses composantes, le marché s’arroge une puissance qui faisait déjà frissonner Herbert George Wells et George Orwell. Nous en sommes arrivés à l’ère de la vivisection morale. De quoi s’agit-il ? C’est la tentative coalisée de l’État et du marché de s’introduire dans des domaines qu’ils devraient sanctuariser. Ainsi, quand on lit le titre de ce projet de loi, qui définit des parties du corps humain comme des « produits de santé », la plus vive inquiétude ne manque pas de naître. Des apprentis sorciers testent la douleur ressentie par les familles et la société devant toutes ces insultes faites à l’homme, son intégrité et sa dignité.

Alors évidemment, au départ, il s’agissait simplement d’une validation d’ordonnance, mais les articles supplémentaires posent des questions infinies. Pourquoi ne pas élever des barrières infranchissables qui préviendraient les trafics à craindre sur les manipulations embryonnaires ? Pourquoi ne pas durcir les peines contre ceux qui méprisent les réglementations en vigueur ? Pourquoi ne pas faire de la France un pays exemplaire, au moins sur ces questions ? Vous auriez ainsi lutté contre la grande marche vers la barbarie, qui ne sera pas excusée par quelque directive européenne que ce soit. Visiblement, le Gouvernement a décidé de se placer en tête de cette marche plutôt que de la ralentir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion