Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous voici donc réunis, en ce 24 juillet, pour l'examen d'un texte important. Et le fait que nous l'examinions aujourd'hui est le signe de l'urgence qu'il y avait à le faire.
Le groupe UMP, que je représente à cette tribune, n'a aucune remarque péjorative à formuler sur le choix, somme toute assez raisonné, qu'a fait le Gouvernement d'engager la procédure accélérée, afin que le Parlement adopte le texte avant la fin de la session extraordinaire.
La décision du Conseil constitutionnel du 4 mai dernier est une décision que nous avons le droit, et peut-être le devoir, d'analyser, mais nous n'avons pas de jugement particulier à porter sur une décision qui est incontestable : elle a été prise par une autorité qui était tout à fait dans son rôle en analysant la loi dont elle était saisie à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionalité. C'est, je crois, en son âme et conscience que le Conseil a fait ce qu'il avait à faire, et qu'il aurait de toute façon probablement été amené à faire un jour ou l'autre.
Et finalement, le présent projet de loi est une manière d'avancer vers une meilleure prise en compte, par la société tout entière, de ce fléau qu'est le harcèlement en général, et le harcèlement sexuel en particulier, puisque c'est le sujet dont nous débattons aujourd'hui. Ce texte s'inscrit sous un chapeau auquel nous sommes, nous, à l'Assemblée nationale, depuis de nombreuses années, très attachés, celui de la lutte globale, déterminée, cohérente, contre toutes les formes de violence, en particulier celles faites aux femmes, que ce soit dans le cadre privé, intime, de la vie du couple, ou en dehors de ce cadre, notamment au travail.
Ce texte, donc, est bienvenu. Et je voudrais dire, de façon tout à fait dépassionnée et sereine, qu'il est plutôt bien travaillé. Le Gouvernement s'est acquitté de sa tâche de manière très honorable. Nos collègues sénateurs ont, quant à eux, fait un travail d'analyse, contribuant à améliorer le texte dans le cadre d'un dialogue avec le Gouvernement. Ce travail a été tout à fait pertinent, opportun, et plutôt de bon aloi. Et je voudrais dire à nos collègues de la commission des lois, de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes que leurs travaux, conduits dans un délai assez court mais malgré tout suffisant pour que chacun puisse s'exprimer, ont été de bonne qualité. Ils sont tout à l'honneur de notre Parlement, et en particulier de notre assemblée.
Aussi bien ce texte, surtout après les améliorations apportées par le Sénat et par notre commission des lois, doit-il être considéré comme un texte positif, qui nous permet d'aller plus loin.
Le premier de ses mérites, et non le moindre, est de combler le manque vraiment inopportun dont souffre notre arsenal pénal depuis l'abrogation, le 4 mai dernier, de la loi antérieure. Il fallait que nous nous en préoccupions. Et en à peine trois mois – trois mois de trop, diront certains –, nous aurons fait, les uns et les autres, assez rapidement, ce que nous avions à faire. Encore fallait-il le faire d'une manière qui soit sécurisée sur le plan juridique. C'est ce à quoi parvient l'article 1er, même s'il ne permet pas d'atteindre la certitude absolue d'une sécurité juridique définitive. Je crois que nous avons, tous ensemble, écouté le Conseil constitutionnel. Il est vrai que les définitions de 1992 et de 2002 étaient fragiles, et donc susceptibles d'être, à un moment ou à un autre, remises en cause. Elles l'ont été. Il fallait donc parvenir à une définition du harcèlement sexuel qui ne puisse plus l'être. C'est ce qu'a fait le Gouvernement dans le projet de loi initial. Le Sénat a amélioré celui-ci, et notre commission a consolidé cette amélioration. Et je crois que c'est une bonne nouvelle.
Est une bonne nouvelle également le fait d'avoir donné un véritable statut au fait unique. On a tendance à considérer, d'une manière un peu rapide, que le harcèlement est, par définition, une répétition, une réitération d'actes qui vont tous dans le même sens, qui ont tous la même connotation, sans qu'aucun d'entre eux, pris isolément, soit plus grave que cela. Or il était nécessaire de sanctionner un agissement, un comportement à connotation sexuelle qui peut n'avoir été commis qu'une seule fois. Cette loi permet de le faire, et c'est la deuxième bonne nouvelle.
La troisième bonne nouvelle est que nous sommes parvenus à élargir, sans sortir du cadre qui devait rester le nôtre, le délit de discrimination à partir de la dimension, nouvellement exprimée dans la loi, de harcèlement sexuel. Je dirai tout à l'heure le problème qui se pose autour des notions d' « identité sexuelle » et d' « identité de genre ». C'est un sujet important. La troisième bonne nouvelle reste néanmoins que nous parlons des discriminations de manière beaucoup plus cohérente que nous ne le faisions auparavant, même si nous avons encore à travailler sur le sujet.
La quatrième bonne nouvelle est que, sans entrer dans des détails qui mériteront peut-être d'être approfondis, nous essayons, ce qui n'est jamais inutile, de procéder, sur ce sujet sensible, à une écriture unique du droit, qui s'étende aussi bien au code pénal qu'au code du travail ou au statut général de la fonction publique. Il faudra peut-être aller plus loin, mais le chemin est tracé. S'être arrêté à l'endroit où nous nous sommes arrêtés n'est pas un péril.
Face à ces quatre bonnes nouvelles, le groupe UMP, comme vous l'avez constaté, mesdames les ministres, mes chers collègues, a abordé ce débat dans un esprit constructif, ouvert, libre, et avec le souci, qui est naturel, de voir se poursuivre le travail déjà engagé sous les législatures précédentes sur tous ces problèmes relatifs aux violences de genre. Il était important que cette oeuvre soit poursuivie dans le même esprit, avec la même puissance, et sans être affadie. Car il ne faut pas que le consensus qui émerge de nos débats soit un consensus mou, tiède, faible. Il doit rester un consensus fort. Et c'est la cinquième bonne nouvelle : je crois que, grâce à la volonté des uns et des autres, il le restera.
Je formulerai une interrogation et un regret.
Mon interrogation porte justement sur des sujets qui sont restés ouverts sans que l'on sache véritablement s'ils doivent prochainement recevoir une concrétisation complémentaire ou si nous ne risquons pas d'avoir ouvert une sorte de boîte de Pandore. Je veux parler de la question que j'évoquais tout à l'heure, et sur laquelle on a bien vu que les interventions des uns et des autres n'étaient pas sur la même ligne : la notion d'identité.
Je crois qu'il était important de parler d' « identité sexuelle », mais de ne pas, surtout pas, aller au-delà. La question de l'« identité de genre » est un vrai sujet, sur lequel un certain nombre de mes collègues du groupe UMP exprimeront leur position. C'est une question dont il faudra que nous débattions, mais probablement d'une manière beaucoup plus approfondie.
Mon regret est d'ordre plus général. Les amendements proposés par le groupe UMP, qui n'avaient pas pour but d'abîmer le texte, mais de le faire mieux comprendre et de le rendre peut-être plus efficace, n'ont pas pu être retenus. C'est je crois, l'une des premières fois que, sur un texte consensuel, aucun des amendements de l'opposition n'a eu l'heur de recevoir l'accord de la majorité. C'est un peu dommage.