Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, au moment d'examiner ce texte, je veux tout d'abord souligner la mobilisation et l'apport sur ce dossier des associations féministes, sources de tant d'avancées pour les droits des femmes.

Je souhaite également féliciter le Gouvernement, à travers votre engagement, mesdames les ministres, d'avoir déposé en urgence un projet de loi sur le harcèlement sexuel. L'urgence était en effet du côté des victimes qui voyaient leurs souffrances niées après la décision du Conseil constitutionnel de rayer de la carte la loi existante, à la demande d'un citoyen.

Au-delà du texte lui-même, je veux insister sur le signe que son adoption doit donner à l'opinion sur la République dont nous avons besoin. On sait que l'état des droits des femmes est un critère des reculs ou des avancées de la société. Si l'on prend ce critère, on peut constater que la République est aujourd'hui malmenée : malmenée par un certain nombre d'épisodes impliquant des personnalités publiques et accompagnés d'un lot de propos sexistes pour les excuser ; malmenée par le temps partiel imposé, par la précarité, la fermeture des centres IVG ou par l'inégalité salariale ; malmenée par le non-partage des tâches domestiques et des pouvoirs encore trop conjugués au masculin.

Tous ces faits ont un rapport étroit avec la loi en débat et touchent au même sujet : celui de la place des femmes dans notre société. La vie des femmes ne peut pas se découper en tranches, et ce qui ne relève en apparence que de l'intimité ou du domaine privé fait en réalité partie de ce tout, qu'il faut nommer le système patriarcal. Le défi, pour notre assemblée, c'est de travailler, dans la durée, à éradiquer ce système pour permettre aux femmes de conquérir l'égalité dans tous les domaines.

En effet, le harcèlement sexuel n'est pas seulement une question de morale, mais aussi un rapport de domination. C'est cette domination que nous condamnons, et non la volonté de séduire ; ce que nous souhaitons, ce n'est pas un enfermement des rapports sexuels dans des normes préétablies, mais le droit, pour les femmes, et donc pour tous les individus, de disposer librement de leur corps et de leur sexualité.

Cette loi peut apparaître comme un simple correctif, mais elle peut aussi marquer le début d'une nouvelle étape du combat féministe à l'Assemblée nationale : un combat qui se mène en lien étroit avec les organisations et les associations qui agissent pour les droits des femmes, un combat qui se mène sur tous les terrains.

Ainsi le Président de la République a confié à l'ancien Premier ministre Lionel Jospin une mission sur la moralisation et la rénovation de la vie politique. Dans ce projet de rénovation, quelle place sera faite aux femmes ? Les réponses peuvent être multiples : la proportionnelle, la parité, un nouveau statut de l'élu ; mais un vrai travail sur les mentalités s'impose également. Dans cette entreprise de moralisation, va-t-on enfin signifier que le sexisme est contraire aux valeurs de la République ? C'est dans ce but que j'ai déposé une proposition de loi visant à rendre inéligibles les personnes détentrices de mandats électifs, condamnées de manière définitive pour viol, agression sexuelle ou harcèlement sexuel.

S'agissant du texte lui-même, je reconnais qu'il contient de nombreuses avancées, mais je suis préoccupée par les problèmes d'interprétation que posent les alinéas deux et trois du premier article, même si celui-ci a été amélioré en commission. Si le fait non répété recouvre bien une réalité, la mention de la non répétition ne risque-t-elle pas d'ouvrir la voie à une déqualification des faits d'agression sexuelle ? Malheureusement, comme des affaires récentes l'ont encore montré, dans les cas de violences faites aux femmes, les délinquants cherchent souvent à utiliser l'arme de la déqualification contre leurs victimes. Madame la garde des sceaux est longuement revenue sur ce point, à ma grande satisfaction, et notre débat devrait permettre de le clarifier tout à fait. Cette loi introduit une nouvelle arme dans l'arsenal de la lutte contre les violences faites aux femmes et le vote de notre assemblée devrait ouvrir une nouvelle avancée pour les droits des femmes.

Car l'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas une question virtuelle, mais une réalité vécue, à laquelle les femmes aspirent. L'image des femmes dans les représentations mentales s'appuie sur des inégalités de traitement dans la vie concrète, et vice versa : que l'on songe seulement à l'idée du salaire d'appoint. Inversement, quand on fait avancer les mentalités à l'aide de la loi, on aide aussi à faire reculer les inégalités. Adopter une loi contre le harcèlement sexuel n'est donc pas un événement anodin, ni sans conséquences : le fait que le Parlement français doive légiférer pour la deuxième fois sur le sujet en témoigne.

Permettez-moi, pour finir, d'insister sur l'impérieuse nécessité d'informer, aussi bien au sujet de l'existence que du contenu de cette loi. En effet, je constate au quotidien dans mes permanences que notre loi du 9 juillet 2010 contre toutes les violences faites aux femmes est encore inconnue de beaucoup de femmes victimes, ce qui les empêche de bénéficier d'une protection à laquelle la loi leur donne droit. Pour que cette nouvelle loi ne connaisse pas le même sort – vous en avez dit un mot, madame la ministre –, il faudra lancer une grande campagne d'information, relayée par toutes les associations, par l'administration, mais également par les élus, qui peuvent jouer un rôle essentiel dans la diffusion de l'information.

Je souhaite enfin, et je pense que ce sera le cas, que cette loi sur le harcèlement sexuel soit adoptée à l'unanimité des membres de notre assemblée : cela lui donnera demain plus de force et plus de puissance pour nous aider à faire société ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

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