Intervention de Édouard Fritch

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉdouard Fritch :

Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, avant d'en venir au fond de mon propos, je tenais à remercier Jean Louis Borloo, président de notre groupe UDI, pour l'attention qu'il porte à l'Outre-mer en accordant ce temps de parole à ma collègue Sonia Lagarde ainsi qu'à moi-même

Comme nous tous ici, je suis heureux que ce texte puisse enfin être adopté, car il vient combler un vide et surtout réparer une injustice vis-à-vis des victimes du harcèlement sexuel et moral. Parmi ces victimes, il y a essentiellement des femmes et des jeunes filles. Protéger la dignité des personnes et plus particulièrement celle des femmes, c'est évidemment un devoir de la puissance publique et de toutes les autorités morales.

Cette loi permettra de moraliser les relations entre les hommes et les femmes. Je suis convaincu qu'elle aura un double effet bénéfique : répressif et préventif. Le premier bénéfice, le plus apparent, sera de sanctionner durement les auteurs de harcèlement. Cette répression n'est que justice. Le second bénéfice sera préventif. Tout citoyen normal saura dès demain que le harcèlement est bien un délit, qu'il est une violence.

Madame la ministre des droits des femmes, une bonne campagne de communication, à l'exemple de celle réalisée sur les violences conjugales, sera de nature à faire prendre conscience de nos actes ou de nos comportements déviants et agressifs.

Cependant, en tant qu'élu d'outre-mer et en particulier de la Polynésie française, je voudrais vous faire part d'une insatisfaction, voire d'une inquiétude, qui pourra, je l'espère, être dissipée à l'avenir.

En effet, madame la Garde des Sceaux, ce texte n'a pas fait l'objet d'une consultation préalable de l'assemblée représentative de notre collectivité. Elle aurait permis d'établir utilement une concertation auprès des associations de femmes qui oeuvrent activement et bénévolement dans notre territoire ; tout comme en métropole les nombreuses associations de femmes ont été consultées, et à juste raison. La loi qui nous est présentée est le fruit de ce dialogue établi avec les acteurs de la société civile.

La raison de cette situation réside dans le fait que l'article 9 du statut de 2004 organisant l'institution de la Polynésie française ne fait obligation au Gouvernement de consulter notre assemblée locale que « sur les projets de loi et propositions de loi et les projets d'ordonnance qui introduisent, modifient ou suppriment des dispositions particulières à la Polynésie française ». Ce n'est assurément pas le cas pour le sujet que nous évoquons aujourd'hui, d'une évidente portée nationale, mais dont l'impact sur la société polynésienne sera important.

Aujourd'hui, à l'épreuve des événements, nous mesurons combien cette restriction peut se retourner en défaveur de la Polynésie.

À cet égard, et avec humilité, je demande à madame la Garde des Sceaux d'engager une procédure législative pour établir le droit de notre assemblée locale d'être systématiquement consultée sur l'ensemble des projets et des propositions de textes législatifs ayant vocation à s'appliquer en Polynésie française. Vous comprendrez aisément que cette demande n'est pas un luxe ou un caprice. Elle repose sur le bon sens démocratique et sur le simple fait qu'une loi n'est efficace dans son application que si elle reçoit une adhésion de nos concitoyens.

La consultation de nos élus est d'autant plus nécessaire et utile lorsqu'il s'agit de lois qui touchent à des problèmes de société dans lesquels la morale ou la sociologie locales ont une place importante. Je crois que madame la Garde des Sceaux le sait, la société polynésienne, même si elle fait partie de l'ensemble français, est une société humaine qui a une culture, des valeurs et des rapports sociaux qui peuvent être différents de ceux de la métropole. Le christianisme, en particulier, est devenu une valeur de la société polynésienne. La laïcité n'y a pas la même prépondérance que dans l'hexagone. La conception et le rôle de la famille ne sont pas ceux couramment observés en métropole. En d'autres termes, la société polynésienne ne vit pas et n'évolue pas sur les mêmes enjeux sociaux et culturels. Ceci se comprend, puisque nous vivons à vingt mille kilomètres d'ici, en situation d'insularité, sur de petits espaces où tout le monde se connaît ou presque.

Je voterai néanmoins en faveur de cette loi car le harcèlement est clairement une agression.

En revanche, lorsque le Gouvernement présentera son projet de loi sur le mariage homosexuel, et s'il envisageait de l'étendre à la Polynésie française sans que nous soyons consultés au préalable, alors je deviendrais un activiste farouchement défavorable à ce projet. C'est typiquement le genre de sujet et de loi qui aura un impact social, psychosocial et sociétal important sur la famille polynésienne.

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