Comme l’a indiqué Philippe Folliot dans son rapport, le fait que Clipperton soit la seule terre émergée éloignée de l’influence du continent américain en fait un « emplacement fixe de très grande qualité pour les relevés et les mesures tant océanographiques, atmosphériques, biologiques que lithosphériques ».
Sur le plan climatologique, par exemple, l’île présenterait un intérêt scientifique particulier, notamment pour l’étude du régime des vents, de la qualité de l’air ou de l’évolution de la ceinture corallienne, trop souvent dégradée. Sur le plan océanographique, elle permettrait de vérifier le niveau des océans et de prévenir les crues, inondations et tsunamis. Il n’est pas une année, en effet, qui ne connaisse des phénomènes de cet ordre et, en 2015, plus de 65 millions de personnes ont dû quitter leur territoire du fait de tels désordres climatologiques.
Elle est, en outre, l’une des zones les plus riches au monde en thonidés et ses fonds marins sont tapissés de nodules polymétalliques, source potentielle de ressources minérales stratégiques. Cette île possède donc de très nombreuses ressources et revêt ainsi un intérêt scientifique confirmé.
Clipperton suscite des convoitises étrangères face auxquelles il nous faut être vigilants, notamment de la part du Mexique. Mes chers collègues, le Pacifique Nord se dessine comme l’un des enjeux géostratégiques majeurs du XXIe siècle. Pourtant, telle que l’a décrite tout à l’heure notre rapporteur, l’île donne l’impression d’un quasi-abandon face aux menaces qui pèsent sur ses espaces, ses espèces et ses richesses environnementales qu’il faut préserver. Nous veillons, sur le territoire métropolitain, à préserver la biodiversité : comment ferions-nous l’impasse sur 2 kilomètres carrés possédant de tels atouts ?
L’écosystème de l’île est en effet menacé par la multiplication des déchets et la croissance exponentielle et non maîtrisée des oiseaux marins. Alors que nous nous efforçons de mettre en place, sur le territoire métropolitain, des plans de gestion durable des espèces, l’absence de gestion durable de l’atoll, notamment en matière de pêche, est également responsable de cette situation.
Par ailleurs, parce qu’elle ne dispose pas d’un statut propre – et c’est là que réside la véritable difficulté –, l’île se trouve aujourd’hui dans un état de précarité administrative. Son régime juridique a été clarifié en 2007 : elle bénéficie d’un statut distinct de celui des Terres australes et antarctiques françaises, qui la place sous l’autorité directe du Gouvernement. Or, faute de dispositions spécifiques, s’appliquent directement à Clipperton, en matière environnementale et de protection du littoral, les règles applicables en métropole. Il faut donc réaffirmer la souveraineté nationale sur cet atoll et valoriser et protéger le milieu naturel en le dotant d’un statut administratif spécifique.
L’article 2 définit ce nouveau régime qui, si j’ai bien entendu vos propos, madame la secrétaire d’État, vous a convaincue. Clipperton serait ainsi dotée d’une personnalité morale et posséderait l’autonomie administrative et financière.
Cette solution permettrait d’une part de conserver l’identité propre de Clipperton, d’autre part, d’autoriser l’affectation de recettes extrabudgétaires à la gestion et au fonctionnement de l’atoll. Cette collectivité serait soumise au principe de spécialité législative. Hormis quelques domaines comme la nationalité et le droit pénal ou civil, les lois et les règlements n’y seraient applicables que sur mention expresse du texte. L’île serait placée sous l’autorité d’un administrateur supérieur, assisté d’un conseil consultatif, qui devrait notamment veiller au maintien de l’ordre public, à l’exercice des libertés et au respect des droits.
J’ai bien entendu, madame la secrétaire d’État, vos réserves face au problème constitutionnel que pourrait soulever l’attribution à ce territoire du nom d’Île de La Passion-Clipperton. Après des expressions telles qu’« expédition Passion » ou « rencontre Passion », nous devrions néanmoins parvenir à une solution intelligente pour trouver à cet atoll une belle dénomination.
La proposition de loi, en prévoyant un encadrement des activités sur l’île pour ce qui est du mouillage dans les eaux territoriales et intérieures, du débarquement, de l’atterrissage, du séjour ou de toute autre activité, permettrait de mieux en protéger la faune et la flore. Un tel encadrement est indispensable à la préservation de l’écosystème et des ressources de l’île qui, je le répète, sont aujourd’hui menacés. Vous aurez compris que nous approuvons sans réserve la très belle initiative de notre collègue Philippe Folliot.
La modernisation du régime institutionnel et administratif de l’île n’est qu’une première étape sur le chemin de la revalorisation de cet atoll. Les réflexions doivent se poursuivre pour envisager l’installation d’une station scientifique à caractère international, autour de laquelle je ne doute pas que nous pourrions nouer des partenariats avec les pays de la région. Une telle installation est souhaitée par nombre de scientifiques et serait de toute évidence la meilleure façon de réaffirmer la souveraineté française dans le Pacifique Nord, de valoriser l’atoll et de protéger ses ressources environnementales et halieutiques.
Dans l’attente de ces prochaines évolutions, le groupe UDI soutiendra et votera bien évidemment cette proposition de loi.