Intervention de Conchita Lacuey

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 21h30
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConchita Lacuey :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est aussi urgent qu'essentiel. Le harcèlement sexuel est un problème de société dont les femmes sont les principales victimes. Il relève d'un comportement d'abus de pouvoir et d'une vision sexiste des femmes. C'est une relation qui traduit avant tout l'expression d'un rapport de domination.

C'est pourquoi mes premiers mots vont à toutes ces femmes qui ont engagé courageusement des actions en justice contre leurs agresseurs et que le Conseil constitutionnel a brusquement interrompues. Cette situation sans recours est injuste et doit guider le législateur, l'objectif étant de définir cet acte, afin de mieux l'appréhender et le réprimer.

Ce ne sera pas suffisant, il faudra aussi faire évoluer les mentalités et les pratiques. Nous devons passer de l'indignation individuelle à la réprobation collective, opérer une véritable révolution culturelle imposant une autre image des rapports entre les hommes et les femmes, basée sur le respect mutuel, et ce, dès le plus jeune âge.

Ce texte est important, car il concerne toutes les catégories sociales, les femmes exposées ayant des profils divers : étudiantes, employées, cadres, professions libérales. On retrouve la même diversité sociologique chez les agresseurs.

Nous devons prêter particulièrement attention aux femmes qui sont dans une situation de vulnérabilité économique, sociale et familiale qui les fragilise davantage. Le harcèlement sexuel peut conduire à des démissions, des mutations contraintes, des ruptures de carrière, et ses conséquences psychologiques peuvent être très graves : dépression, maladie et parfois suicide. C'est pourquoi il nous faut insister, au-delà de la répression, sur l'accompagnement des victimes et sur le rôle primordial des associations d'aide aux victimes.

L'urgence est de réaffirmer la nécessité de combattre et de sanctionner le harcèlement sexuel et de combler le vide juridique qui résulte de la décision du Conseil constitutionnel, en définissant comme il convient les éléments constitutifs de cette infraction. Cette définition du harcèlement sexuel doit être la plus protectrice possible pour les victimes tout en satisfaisant aux exigences constitutionnelles afin de ne pas encourir une nouvelle censure.

On mesure le désarroi et le sentiment d'injustice que ressentent toutes celles qui avaient eu le courage de prendre la décision, souvent difficile, de porter plainte pour harcèlement sexuel et qui s'étaient engagées dans un long et pénible parcours judiciaire, dans l'espoir que justice leur soit rendue.

Cette loi doit être claire, globale et efficace, mais elle ne suffira pas, à elle seule, à supprimer toutes les situations de souffrances inacceptables. La lutte contre le harcèlement sexuel, et plus largement contre les violences faites aux femmes, nécessite la mise en oeuvre d'une politique éducative globale. Les victimes doivent sortir d'un silence assourdissant qui les brise et qui, malheureusement, se transforme souvent en sentiment de honte, de culpabilité.

Donner un cadre législatif efficace est un signe fort pour la société dans son ensemble. La société doit condamner de tels comportements ; les harceleurs doivent être désapprouvés et dépréciés dans leur position sociale dominante.

Comme nous l'affirmons dans la recommandation n° 11 adoptée par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, « le lieu du travail, plus que tout autre, ne doit plus admettre le harcèlement sexuel comme une pratique tolérée ou faisant l'objet d'un déni général. »

Il est temps de mettre fin à de tels comportements, qui doivent être dénoncés et faire l'objet d'une désapprobation collective. C'est une question de dignité pour la société dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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