La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Conchita Lacuey.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est aussi urgent qu'essentiel. Le harcèlement sexuel est un problème de société dont les femmes sont les principales victimes. Il relève d'un comportement d'abus de pouvoir et d'une vision sexiste des femmes. C'est une relation qui traduit avant tout l'expression d'un rapport de domination.
C'est pourquoi mes premiers mots vont à toutes ces femmes qui ont engagé courageusement des actions en justice contre leurs agresseurs et que le Conseil constitutionnel a brusquement interrompues. Cette situation sans recours est injuste et doit guider le législateur, l'objectif étant de définir cet acte, afin de mieux l'appréhender et le réprimer.
Ce ne sera pas suffisant, il faudra aussi faire évoluer les mentalités et les pratiques. Nous devons passer de l'indignation individuelle à la réprobation collective, opérer une véritable révolution culturelle imposant une autre image des rapports entre les hommes et les femmes, basée sur le respect mutuel, et ce, dès le plus jeune âge.
Ce texte est important, car il concerne toutes les catégories sociales, les femmes exposées ayant des profils divers : étudiantes, employées, cadres, professions libérales. On retrouve la même diversité sociologique chez les agresseurs.
Nous devons prêter particulièrement attention aux femmes qui sont dans une situation de vulnérabilité économique, sociale et familiale qui les fragilise davantage. Le harcèlement sexuel peut conduire à des démissions, des mutations contraintes, des ruptures de carrière, et ses conséquences psychologiques peuvent être très graves : dépression, maladie et parfois suicide. C'est pourquoi il nous faut insister, au-delà de la répression, sur l'accompagnement des victimes et sur le rôle primordial des associations d'aide aux victimes.
L'urgence est de réaffirmer la nécessité de combattre et de sanctionner le harcèlement sexuel et de combler le vide juridique qui résulte de la décision du Conseil constitutionnel, en définissant comme il convient les éléments constitutifs de cette infraction. Cette définition du harcèlement sexuel doit être la plus protectrice possible pour les victimes tout en satisfaisant aux exigences constitutionnelles afin de ne pas encourir une nouvelle censure.
On mesure le désarroi et le sentiment d'injustice que ressentent toutes celles qui avaient eu le courage de prendre la décision, souvent difficile, de porter plainte pour harcèlement sexuel et qui s'étaient engagées dans un long et pénible parcours judiciaire, dans l'espoir que justice leur soit rendue.
Cette loi doit être claire, globale et efficace, mais elle ne suffira pas, à elle seule, à supprimer toutes les situations de souffrances inacceptables. La lutte contre le harcèlement sexuel, et plus largement contre les violences faites aux femmes, nécessite la mise en oeuvre d'une politique éducative globale. Les victimes doivent sortir d'un silence assourdissant qui les brise et qui, malheureusement, se transforme souvent en sentiment de honte, de culpabilité.
Donner un cadre législatif efficace est un signe fort pour la société dans son ensemble. La société doit condamner de tels comportements ; les harceleurs doivent être désapprouvés et dépréciés dans leur position sociale dominante.
Comme nous l'affirmons dans la recommandation n° 11 adoptée par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, « le lieu du travail, plus que tout autre, ne doit plus admettre le harcèlement sexuel comme une pratique tolérée ou faisant l'objet d'un déni général. »
Il est temps de mettre fin à de tels comportements, qui doivent être dénoncés et faire l'objet d'une désapprobation collective. C'est une question de dignité pour la société dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la garde des sceaux, madame la ministre, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, voilà un texte qui, au fil des débats, traduit une belle unanimité au sein de notre assemblée. Rien de plus normal à cela : il s'inscrit parfaitement dans la philosophie de notre droit personnaliste qui vise à protéger celles et ceux qui, confrontés, un jour, à une autorité, sont en situation de faiblesse parce qu'ils demandent à une administration ou à une entreprise, un contrat, un salaire ou une autorisation quelconque.
Notre droit est bâti et ancré sur le respect de la personne. Le texte que vous nous présentez, madame la garde des sceaux, remplit ce devoir d'équilibre entre l'autorité et la subordination, qu'il est souvent difficile d'apprécier et de comprendre.
Avant d'en venir au fond du texte, je voudrais m'exprimer sur la décision prise par le Conseil constitutionnel le 4 mai et qui révèle trois problèmes.
Premier problème : l'instabilité chronique de notre droit. Depuis le 22 juillet 1992, date du premier texte visé dans les considérants du Conseil constitutionnel, qui établit les éléments constitutifs de l'infraction – les ordres, les menaces ou les contraintes – et l'élément intentionnel ou le mobile – la faveur sexuelle –, toute une série d'évolutions législatives a vu le jour. Dans un texte du 17 juin 1998, qui ne fait pas seulement de la sémantique, on a supprimé les termes « donner », « proférer » et « imposer » pour les remplacer par le mot « user », beaucoup plus générique. En opérant ce choix, le législateur de l'époque a cherché à donner plus de marge d'appréciation et de latitude au magistrat. Enfin, la dernière réforme du 17 janvier 2002 pose un principe global sans viser précisément tel ou tel comportement.
Deuxièmement, la censure du Conseil constitutionnel pose un vrai problème à notre droit ; son incitation à toujours plus de précision recèle même un risque de dérive. Madame la garde des sceaux, vous qui êtes une fine juriste, vous savez qu'en étant trop précis, nous pouvons rencontrer deux problèmes. D'une part, on ouvre parfois des brèches, faute d'avoir pensé à tout dans une société qui change : le génie que l'on constate dans les tribunaux correctionnels n'a parfois pas été prévu par le législateur. D'autre part, nous enfermons le magistrat dans des concepts précis en supprimant sa marge de manoeuvre, l'empêchant souvent de condamner.
Troisième problème : l'article 62 de notre Constitution et les questions prioritaires de constitutionnalité. Le Conseil peut censurer une disposition qu'il estime ne pas être conforme à notre Constitution mais cet article 62 lui laisse la possibilité de reporter les effets de sa décision afin, justement, de ne pas créer un vide juridique. S'agissant d'affaires qui, dans notre société, sont considérées comme graves, pourquoi cette possibilité n'a-t-elle pas été utilisée ?
On peut même aller plus loin : une personne condamnée sur le fondement des anciens textes – ceux de 1998 ou de 2002 – pourrait saisir le tribunal qui l'a condamnée pour demander une dispense d'inscription à son casier judiciaire, considérant que le texte ayant été annulé, elle ne doit pas continuer à supporter l'opprobre d'une condamnation. C'est une question que je voulais vous soumettre aujourd'hui.
Enfin, je ferai une dernière observation concernant les termes que vous avez utilisés dans l'article 1er. Vous avez souhaité que nous votions sur un concept de « pression grave ». Faut-il la qualifier de « grave » ? Il est parfois des pressions simples s'exerçant sur des personnes particulièrement vulnérables et fragiles. Dans cette hypothèse, on peut imaginer un tribunal correctionnel qui prononcerait une relaxe, considérant que la pression n'est pas suffisamment grave, alors même que les conséquences sur la personne seraient particulièrement lourdes du fait de sa vulnérabilité. J'y vois une imprécision juridique dont je ne souhaite pas, madame la garde des sceaux, qu'elle vous expose à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel.
Pour le reste, sur le fond, ce texte doit être adopté par notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, le délit de harcèlement sexuel a été introduit dans notre droit par la loi du 2 novembre 1992 et a même connu une évolution substantielle avec la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, qui a élargi son champ d'application au-delà des relations de travail.
Cependant, ce délit a été rayé du code pénal par la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012, en raison de son libellé évasif contraire aux principes de la légalité des délits et des peines et de clarté de la loi. Il en est résulté un vide juridique justifiant une nouvelle législation de toute urgence.
Il nous appartient, aujourd'hui, de voter la définition de ce qui relève du harcèlement sexuel afin de ne pas le confondre avec une agression sexuelle, sanctionnée plus sévèrement, ou une simple attitude de séduction.
À ce sujet, j'ai tenu, la semaine dernière, dans ma circonscription de Saône-et-Loire, près de Chalon-sur-Saône, conformément à mes engagements de campagne, une réunion, un atelier législatif citoyen. Sur les projets ou propositions de loi particulièrement importants et sur lesquels je m'investis, il s'agit de rassembler le public, les citoyens ordinaires et des personnes particulièrement concernées, en raison de leur profession, de leur engagement associatif ou autre. En 1'occurrence, l'association L'Écluse, qui gère un centre d'hébergement et de réinsertion sociale pour les femmes avec enfants, victimes de violences, a participé à cet atelier.
De cet échange, il est ressorti des réflexions ou remarques que l'on a retrouvées dans nos travaux ou ceux du Sénat, à propos notamment des difficultés d'apporter la preuve des faits de harcèlement, de la solitude et des discriminations rarement combattues.
Au-delà de ces observations, deux points apparaissent clairement. D'abord, se manifeste un réel intérêt pour le projet et l'idée d'un renforcement de la répression du harcèlement sexuel. Les propos entendus – qui ne provenaient pas seulement d'intervenantes – montrent clairement que ces pratiques sont réellement perçues comme intolérables. Leur sanction correspond une tendance lourde de notre société qui ne s'accommode plus de ces comportements portant atteinte à la dignité des êtres humains, en particulier des femmes.
Deuxième point : l'attente est d'autant plus forte en ce qui concerne la vertu dissuasive de ladite loi que la procédure contentieuse est particulièrement incertaine, difficile au regard de la charge de la preuve, longue, douloureuse.
La définition claire apportée au délit de harcèlement sexuel y contribue déjà, en ce qu'elle permet à la victime comme à l'auteur de l'infraction d'identifier les faits et leur caractère punissable. Elle permet également, dans les entreprises, aux représentants du personnel de jouer pleinement leur rôle comme relais auprès de l'administration ou comme modérateurs susceptibles de mettre un terme au harcèlement avant 1'action en justice.
Pour donner au dispositif législatif toute sa force dissuasive, il nous semble donc utile de prévoir aussi une obligation d'affichage d'extraits significatifs de la loi sur le lieu de travail. Certes, ce n'est pas la panacée qui fera disparaître toutes les difficultés que la législation sur le harcèlement rencontre. Il s'agit d'une technique somme toute assez banale puisqu'elle est appliquée dans des cadres juridiques aussi divers que le code électoral, le code des débits de boisson, les parcs nationaux et les réserves naturelles.
On pourrait objecter aussi qu'à l'heure de la révolution des techniques de communication, le procédé classique de l'affichage paraît bien vieillot. Cependant, il ne manque pas de vertus. Sur le plan pédagogique, il rappelle à ceux qui seraient tentés d'enfreindre la loi que l'infraction de harcèlement existe et qu'elle est punissable. L'affichage présente aussi l'avantage de montrer d'une manière tangible, concrète, bref visible, l'existence de la loi.
Enfin, il n'exclut pas les campagnes de sensibilisation, inscrites nécessairement dans la durée, que prévoit le Gouvernement, ni aucune autre mesure telle que la mise en place d'un observatoire des violences.
Telles sont les observations recueillies sur le terrain dont je tenais à vous faire part. C'est sur cette base que nous aurons l'honneur de vous soumettre un amendement relatif à l'obligation d'affichage (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs et présidents de commission, mes chers collègues, ce débat porte sur un douloureux problème de société. Oui, le harcèlement sexuel est un fléau, qui fait beaucoup de victimes et dont les conséquences sont souvent dramatiques.
Le harcèlement sexuel est trop souvent banalisé. Pire, les victimes sont culpabilisées. Or le harcèlement est souffrance, meurtrissure, humiliation, torture morale. Certes, depuis trente ans, la lutte contre le harcèlement sexuel a accompli d'importants progrès. Aujourd'hui, il est unanimement condamné par le droit français, mais aussi européen et international. Cependant, malgré la gravité de ses conséquences, l'ampleur de ce phénomène demeure encore largement méconnue, et même cachée. C'est pourquoi j'encourage le Gouvernement à mettre en place un observatoire du harcèlement, ainsi qu'il l'a annoncé.
Le texte qui nous est soumis a été adopté le 12 juillet à l'unanimité par le Sénat. Il nous faut maintenant l'examiner avec sérénité. Ce texte n'est ni de gauche ni de droite ; il répond à une demande sociétale. Il permettra de combler le vide juridique qui existe depuis la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai. Il vise à protéger les victimes du harcèlement sexuel – en très grande majorité des femmes mais aussi, aujourd'hui, de jeunes garçons. Enfin, il vise à condamner avec fermeté les auteurs de tels actes.
C'est pourquoi il apparaît essentiel de donner une définition claire de l'infraction de harcèlement sexuel, prémunissant ainsi les victimes de tout nouveau risque d'anticonstitutionnalité.
Le harcèlement sexuel est un fléau qui a des répercussions néfastes, voire dramatiques : sur la santé des victimes, sur leur moral car il peut entraîner des actes désespérés, jusqu'au suicide, sur les familles, sur les entreprises par la perte de productivité ou une image de marque ternie et, enfin, sur la société tout entière par les conséquences des arrêts de travail, par exemple.
L'article 1er propose de réintroduire le délit de harcèlement sexuel dans une définition conforme aux exigences constitutionnelles, et de créer un délit assimilé.
J'ai cosigné l'amendement de Marie-Christine Dalloz qui propose de supprimer les mots « même non répété » à l'alinéa 3 de cet article. En effet, la définition même du harcèlement suppose une répétition d'actions sur une certaine période. Répété, en droit pénal, veut dire au moins deux fois dans un intervalle de moins de trois ans.
Rappelons que la jurisprudence n'a sanctionné jusqu'à aujourd'hui que des comportements multiples, des « agissements répétés à l'égard d'une victime », selon les textes mêmes du ministère.
Necessitas probandi incumbit ei qui agit : la nécessité de la preuve incombe à celui qui se plaint. J'en mesure la difficulté, mais il est également important de respecter la présomption d'innocence. C'est une lourde responsabilité pour les magistrats, mais c'est à eux seuls d'apprécier les faits.
Il n'y a qu'environ quatre-vingts condamnations pour harcèlement par an. C'est bien trop peu par rapport à l'ampleur réelle du phénomène.
Enfin, j'ai cosigné l'amendement de Philippe Goujon relatif à l'alinéa 7 de l'article 1er. En effet, pensez-vous vraiment qu'il faille faire une distinction entre les mineurs de moins de quinze ans et de plus de quinze ans dans un cas de harcèlement sexuel ? Un grand nombre d'articles du code pénal utilisent le simple terme de mineur, sans distinction entre la majorité sexuelle et la majorité civile.
Ce texte constitue un progrès certain dans la lutte contre le fléau du harcèlement sexuel, mais il ne faut pas tout attendre du législateur. L'éducation de nos enfants, dans nos familles et nos écoles, la prévention, dans le secteur public, mais aussi associatif et privé, permettront, en complément de la loi, de rendre la lutte encore plus efficace.
C'est pourquoi je voterai ce texte avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce texte est très attendu afin de réparer un fiasco juridique et judiciaire. Je vous félicite, mesdames, pour la méthode et l'esprit avec lesquels ce projet a été conjointement élaboré. Il aura aussi été présenté avec beaucoup de dignité.
En définissant avec précision le harcèlement sexuel, la loi va améliorer le respect des droits des victimes, mais aussi des auteurs, grâce à un nouveau cadre juridique sécurisé. La question est complexe, dès lors que l'on veut y répondre largement. La définition correcte du harcèlement devrait, en partie du moins, débloquer la situation. Ainsi, les préjudices nombreux et complexes résultant de cette infraction particulièrement pernicieuse qu'est le harcèlement sexuel seront enfin mieux pris en considération.
Permettez-moi de revenir sur les préjudices subis par les victimes de cette infraction, placée, à juste titre, au sein des agressions sexuelles dans notre code pénal.
Je commencerai avec les préjudices indirects, souvent les plus importants. Il y a, d'abord, des victimes qui s'ignorent complètement, qui savent que les actes subis sont socialement inacceptables mais dont la douleur se calfeutre à l'intérieur. Il s'agit là certainement de la catégorie la plus importante, celle des victimes qui ne déposeront jamais plainte et n'entameront jamais de démarche de soins.
Il y a, ensuite, les préjudices à retardement, c'est-à-dire ces victimes qui, au détour d'un autre choc de leur existence, prennent tout à coup conscience que ce qu'elles ont subi est à l'origine de leurs différents troubles. Leur image d'elles-mêmes est tellement dégradée qu'il leur a été impossible pendant longtemps de prendre le dessus. Dans ce cas, il est souvent trop tard pour déposer plainte, pour cause de prescription. C'est probablement pour ces victimes que les conséquences sont les plus lourdes, car au silence succèdent l'incompréhension, la révolte de ne pas être entendu ni d'obtenir réparation.
Il y a, enfin, le « harcèlement procédural ». En effet, les victimes qui décident de déposer plainte, souvent d'ailleurs accompagnées par des associations qui font un travail extraordinaire, doivent se préparer à subir un vrai parcours du combattant.
Cela commence par des auditions longues, agrémentées de questions pernicieuses, souvent intimes, la victime étant presque toujours amenée à décrire avec menus détails sa vie ou son absence de vie sexuelle, dans des locaux peu adaptés, face à des professionnels peu, pas ou mal formés. Je pense, par exemple, à des locaux de police où la plainte n'est pas recueillie dans des conditions de confidentialité absolue, ou alors dans un climat peu propice – avec, par exemple, des affiches ou des fonds d'écran d'ordinateur à caractère plus ou moins pornographique.
À cela succèdent les confrontations, les expertises psychologiques et psychiatriques auxquelles la victime est rarement préparée, les procédures souvent particulièrement longues, avec beaucoup de temps morts, et, bien sûr, l'aléa judiciaire qu'il faut se préparer à affronter, ainsi que le risque d'être accusé d'affabulation ou au moins d'exagération.
Venons-en aux préjudices directs. D'abord, il y a la honte et le sentiment de culpabilité, réactions souvent suscitées par l'entourage, qui ne joue pas son rôle protecteur, et par la pression sociale. Alors que l'auteur ne s'interroge que très rarement sur sa responsabilité pénale, la victime est souvent traitée comme un accusé.
La première et vraie difficulté pour la victime est d'abord d'être reconnue comme telle, afin de retrouver sa dignité et faire valoir ses droits. Cela tient en partie à la difficulté de produire des preuves, le harcèlement sexuel se faisant rarement en présence de témoins.
Ensuite, il y a les conséquences psychologiques et physiques, qui sont lourdes, comme Mme la ministre l'a très clairement exposé : angoisse, dépression, humiliation, désarroi, confusion, gêne, peur, intimidation, perte de confiance en soi, insécurité, isolement, troubles du sommeil et de l'alimentation, manque d'énergie, troubles sexuels.
Enfin, sur le plan professionnel, les dégâts sont quasiment toujours impossibles à réparer.
C'est toute la société qui souffre de ce poison. Cette loi et le débat qui l'entoure vont faciliter la prise de conscience, la prise de parole et le témoignage, qui sont des étapes essentielles dans la reconnaissance de la responsabilité pénale des auteurs, tout respect gardé de la présomption d'innocence, principe cardinal du droit français, mais aussi et surtout dans le processus de reconstruction des victimes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mesdames et messieurs les présidents et rapporteurs, mon propos paraîtra peut-être quelque peu décalé mais je voudrais faire le lien avec la mission sur les risques psychosociaux au travail qui fut menée sous la précédente législature.
Jean-Frédéric Poisson et moi avons travaillé ensemble sur ce thème. On pourrait même dire que M. Poisson était le rapporteur génétique de la mission – les plus anciens comprendront. Marisol Touraine en était la présidente.
A posteriori, il me semble que nous avons très peu parlé du harcèlement sexuel. Les auditions ont été nombreuses, mais ce sujet a été complètement écarté. Nous en sommes probablement responsables, tout comme les personnes auditionnées.
C'est regrettable, mais c'est révélateur.
Il est rare, je le sais, que l'on fasse aveu de faiblesse à cette tribune. Je le dis cependant franchement : je pense qu'il n'est pas de politique sans conscience. En l'occurrence, le curseur de ma propre prise de conscience s'est déplacé à mesure que j'étudiais ce texte.
Peut-être n'étais-je pas suffisamment conscient de ce problème à l'époque, peut-être comme d'autres parlementaires, peut-être comme la société encore aujourd'hui. Dans la Lettre d'un père à son fils, Montherlant écrit que le mensonge fait souvent moins de maux que la vérité. C'est un très mauvais conseil ! Las, beaucoup de victimes doivent l'entendre, et l'on peut trop souvent, en ces affaires, passer de la menace à la crainte, de la crainte au non-dit, et du non-dit à l'impunité.
Vous évoquiez la publicité, madame la garde des sceaux. Il n'est pas question d'agrafer le texte de cette loi à tout contrat de travail, à toute convention de stage, mais soyons, nous, législateurs, les prosélytes de cette loi ! Cela me semble extrêmement important.
Deuxième sujet qui remonte à la précédente législature : la violence faite aux femmes. L'avis que j'avais, pour ma part, exprimé était peut-être excessif, mais je m'étais demandé si nous ne devrions pas plutôt parler de la violence faite aux conjoints. Ma profession m'a effectivement appris qu'il y avait aussi un certain nombre d'hommes battus.
Ce texte est formidable car la justesse, l'égalité et la rigueur y ont toute leur place. On parle des hommes et des femmes, on parle des orientations sexuelles – voyez, à ce propos, les difficultés qu'a eues le président Obama pour revenir sur la loi Don't ask, don't tell en vertu de laquelle les militaires américains ne pouvaient avouer leur homosexualité.
La France est un beau pays. C'est le premier à avoir refusé de caractériser les transsexuels comme atteints d'une affection psychiatrique de longue durée. Cela date de l'année 2010 ; nous sommes le premier pays occidental à l'avoir fait.
Ce projet de loi est absolument formidable, parce qu'il marque un vrai progrès et nous place de beaucoup en avance.
Sur le harcèlement sexuel, on dispose de très peu d'études, de très peu de littérature. S'il s'en trouve beaucoup sur les violences faites aux femmes, ce n'est pas le cas sur le sujet qui nous occupe. Nous sommes obligés de nous appuyer sur des thèses, des procès et comptes rendus de procès en raison de ce manque de littérature.
Les vacances approchent. La plage est un endroit propice à la lecture de magazines, que nous trouvons, en dehors des vacances, dans les salles d'attente des dentistes. Il se trouve que les seuls sondages qui existent sur le sujet qui nous occupe sont publiés dans ces magazines. Pour conclure sur une petite note positive, et rappeler qu'il n'y a pas que des harceleurs, j'évoquerai le dernier sondage que j'ai lu, qui vaut ce qu'il vaut : 30 % des interrogés déclaraient avoir rencontré l'amour de leur vie au travail. Tout n'est donc pas totalement négatif ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, tout d'abord, je remercie Christian Hutin d'avoir rappelé notre travail commun. Il est vrai que nous n'avions pas traité ce sujet dans le cadre de la mission d'information qui nous avait réunis jusqu'en 2010. Précisons, à notre décharge, même si l'excuse est d'une relative faiblesse, que nous n'avions pas été sollicités ni alertés sur cette question. Sans doute étions-nous préoccupés par les suicides en nombre et les situations de stress au travail.
Nous aurions dû traiter la question du harcèlement sexuel mais nous ne l'avons pas fait. Ce soir, nous nous rattrapons en participant tous les deux à ce débat. J'en profite pour suggérer au président de la commission des lois une nouvelle étude à propos de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que l'on pourrait intituler « Conséquence des invalidations partielles sur le fonctionnement des missions d'information ». (Sourires.) Mais ce n'est pas le sujet de notre débat de ce soir…
Je partage, bien évidemment, l'ensemble des analyses développées par les précédents orateurs. Je souscris plus particulièrement à la volonté de donner une définition juridique précise du harcèlement. Je ne reviens pas sur la décision du Conseil constitutionnel, sinon pour regretter, comme un certain nombre d'entre nous, qu'elle n'ait pas été assortie d'une date d'application ; cela nous aurait permis de travailler dans des conditions quelque peu différentes. Cela dit, le harcèlement, par lequel on exerce une domination sur quelqu'un en le considérant comme un objet, constitue un acte de dépersonnalisation d'une gravité telle qu'il mérite toutes les condamnations que ce texte a pour objet de réintroduire dans notre droit pénal.
Je n'ai pas de commentaire général à faire sur l'économie du texte. Je tiens à saluer le travail accompli par le Gouvernement et le Parlement dans les délais qui nous étaient impartis. Nous souhaitons tous, bien sûr, qu'ils soient moins courts pour les prochains textes. Néanmoins, je formulerai trois réserves de fond et une réserve de forme.
Ma première réserve de fond porte sur la minorité de quinze ans, considérée comme une circonstance aggravante. Je ne comprends pas, madame la rapporteure, l'argumentation que vous avez développée tout à l'heure à cette tribune. Vous avez mentionné – je crois que ce sont vos propres mots – « l'affaiblissement de la capacité de résister », laquelle justifiait que l'on retienne ce seuil en cas de viol, mais je ne comprends pas non plus le parallèle que vous avez établi avec cette autre grave incrimination. Nous aurons l'occasion d'y revenir pendant le débat, j'en suis certain.
Ma deuxième réserve de fond porte sur la question de l'orientation et de l'identité sexuelles. Cela ne vous surprend pas, car nous en avons déjà débattu en commission. Tout d'abord, à mon sens, ces précisions n'ajoutent rien à la force du texte. Ensuite, je regrette que des questions aussi importantes soient traitées par notre assemblée au détour d'un amendement à un texte qui, malgré tout, ne les concerne pas tout à fait, du moins pas de manière appropriée ; je ne porte pas là un jugement péjoratif, je ne fais que décrire une réalité matérielle.
Ma troisième réserve de fond porte sur l'absence de suivi psychologique des personnes convaincues d'actes de harcèlement. J'ai bien compris que ce débat n'était pas forcément le lieu pour en traiter, et j'ai bien entendu Mme la ministre des droits des femmes nous annoncer la prochaine présentation d'un texte relatif aux violences faites aux femmes. J'imagine que nous pourrons alors revenir à ce sujet.
Ma réserve de forme porte, monsieur le président de la commission, sur notre manière d'écrire le droit. Comme je l'ai dit lors de nos débats en commission, comme je le répéterai peut-être de manière plus ramassée, je trouve dommage que nous ne profitions pas de toutes les occasions qui nous sont offertes pour écrire la loi de manière plus synthétique, moins répétitive et en donnant aux mots toute leur force. À l'évidence, en droit comme dans d'autres disciplines, l'affirmation d'un principe sans mention de circonstances particulières est bien plus forte que la même affirmation suivie de l'énumération des circonstances. Je regrette que le recours à un certain nombre d'adverbes – je ne répète pas ma démonstration de l'autre jour – nous conduise à un texte plus détaillé qu'il ne faudrait.
Je prie, enfin, Mme la garde des sceaux de bien vouloir remercier M. le ministre du travail d'avoir participé au début de nos travaux. S'il pouvait nous indiquer – peut-être est-ce une question que je pourrais poser aussi au nom de Christian Hutin – comment il compte traiter, au cours de cette législature, le problème de la prévention des risques psychosociaux en général, je suis de ceux que sa réponse intéresserait vivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer, à mon tour, la réactivité du nouveau gouvernement qui a élaboré ce projet de loi sur le harcèlement sexuel, et de féliciter nos collègues sénateurs ainsi que les membres de notre commission des lois pour leur vote unanime sur ce texte. Ainsi ont-il respecté l'engagement pris par le Président de la République d'aller vite sur ce sujet afin de combler le vide juridique.
Il est vrai que la brutalité de l'abrogation de la loi par le Conseil Constitutionnel a semé le trouble et le désordre, notamment s'agissant des procédures en cours, et laissé dans le désarroi des victimes en quête de réparation. Je veux donc vous féliciter, madame la garde des sceaux, d'avoir pris des mesures pour accompagner les victimes lésées par cette abrogation.
Cela dit, le nombre de procédures engagées et, surtout, le nombre très peu élevé des condamnations ont mis en lumière l'inefficacité de la loi abrogée.
Pourtant, vous l'avez dit, mesdames les ministres, ce délit est puni depuis vingt ans. Les enquêtes menées sur ce sujet étaient très révélatrices : d'abord, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, dite ENVEFF, menée en 2000 au niveau national et en 2003 dans les DOM-TOM, puis, plus récemment, en 2007, l'enquête conduite en Seine-Saint-Denis auprès d'un panel de 1 700 femmes a révélé que, si 45 % des femmes ont fait l'objet d'un harcèlement sexuel, 98 % des victimes n'ont pas engagé de poursuites judiciaires. Ce dernier chiffre le fait bien comprendre : le sujet reste encore tabou, c'est malheureusement la loi du silence qui s'impose. Vous avez bien décrit, madame la garde des sceaux, les différents motifs, les différentes causes de ce silence, entre autres la honte et la culpabilité.
Le nouveau texte a le mérite d'être plus précis en ce sens qu'il clarifie la définition du harcèlement sexuel. L'élargissement du cadre de l'infraction pénale au cercle familial et amical et aux relations de voisinage colle mieux à la réalité.
Ce projet de loi permet également de nombreuses améliorations : une meilleure protection, on l'a dit, des victimes de harcèlement sexuel ; une meilleure implication des associations, qui auront le droit d'ester en justice ; une meilleure protection des témoins ; surtout, une graduation des peines en fonction de la gravité des actes. Cette nouvelle loi devrait, par conséquent, encourager les victimes à briser le silence et, surtout, aider les juges à prendre leur décision.
Sur ce sujet, comme celui plus général des violences envers les femmes, nous devons avancer vite et bien. Je crois que, si consensus il doit y avoir, c'est sur ce genre de problème de société.
Les attentes sont considérables, de la part des victimes notamment mais aussi de celle des associations qui se battent sur le terrain, parfois avec peu de moyens. Je remercie M. le président de la commission des lois d'avoir, à juste titre, signalé ce problème. Je l'observe notamment à La Réunion, où le harcèlement sexuel est un véritable fléau. Je rappelle que l'enquête ENVEFF a révélé que les violences conjugales et le harcèlement sexuel étaient plus fréquents à La Réunion que dans l'hexagone. Ainsi, 15 % des femmes sont victimes de violences conjugales à La Réunion contre 9 % en métropole. De même, j'ai cru comprendre que la proportion de femmes victimes de harcèlement sexuel était de 0,6 % en métropole, alors qu'elle est d'environ 3 % à La Réunion.
C'est dire l'intérêt que je porte à l'observatoire des violences qui va être mis en place, qui devrait être un outil utile et efficace pour faire avancer cette cause. Il faudra aussi, bien évidemment, réactualiser les données par une nouvelle enquête nationale incluant les DOM-TOM. Votre engagement en ce sens, madame la ministre, ne peut être qu'apprécié.
Vous le savez, la loi ne règle pas tout. Pour traiter le mal à sa racine, il faut, à mon sens, un changement profond des mentalités et des comportements. Si nous voulons gagner cette bataille, nous devons agir en amont, en commençant par notre jeunesse, au sein de laquelle nous observons encore trop souvent des comportements machistes, voir sexistes. L'éducation doit prendre toute sa place pour impulser ce changement.
Des lois existent et quelques actions sont menées, mais il faut que le ministère de l'éducation nationale et le ministère des droits aux femmes travaillent main dans la main et de manière transversale.
La construction d'une société plus apaisée, plus respectueuse des libertés, d'une société plus fraternelle et plus égalitaire, chère à notre Président, ne sera possible que si nous arrivons, demain, à éradiquer ces formes de violence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'ont fait plusieurs intervenants à cette tribune, je prolongerai le débat sur la circonstance qui a provoqué l'examen de ce projet de loi tendant à rétablir l'incrimination de harcèlement sexuel dans notre droit pénal.
Cette censure constitutionnelle, qui faisait suite à une question prioritaire de constitutionnalité, a eu pour effet immédiat de supprimer l'une des incriminations pénales les plus emblématiques et les plus nécessaires. Elle a provoqué le désarroi et la rancoeur parmi les victimes, qui sont extrêmement mal accompagnées, voire presque systématiquement ignorées. Elle nous a obligés à légiférer dans l'urgence pour combler un vide insupportable.
Aussi douloureuse, exaspérante et désarmante que soit cette situation, et au-delà du remarquable travail que le Parlement, en lien étroit avec le Gouvernement, a accompli afin de rétablir, et même singulièrement améliorer, les modalités de l'incrimination du délit de harcèlement sexuel, cette censure me semble contenir les éléments d'une réflexion extrêmement bienvenue en ce début de mandature. En effet, elle nous invite à réfléchir sur le rôle du législateur, sur notre responsabilité de décider de la règle et de la norme sans jamais faillir au respect des principes fondamentaux de notre pacte républicain.
Il est plus difficile pour un État de droit, pour une démocratie, de faire progresser la justice, les droits et les libertés individuelles, que pour un État totalitaire de les faire régresser. Cette réalité, que nous connaissons tous, me conduit à affirmer que la question prioritaire de constitutionnalité est un progrès pour notre société et pour chacun de nos concitoyens.
En donnant aux justiciables la possibilité d'invoquer devant les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif l'atteinte éventuelle qu'une disposition législative porterait aux droits et libertés que la Constitution garantit, afin d'en provoquer l'examen, et parfois la censure, par le Conseil Constitutionnel, notre Constitution, par son article 61-1, dans sa rédaction issue de la révision du 23 juillet 2008, a fait progresser notre État de droit. Nous devons nous en féliciter, même si notre travail en devient plus difficile et plus compliqué qu'auparavant.
Il faut mesurer cette censure constitutionnelle à l'aune de sa portée véritable. Elle ne précise pas si la loi est bonne ou mauvaise, judicieuse ou non, ou si elle est un bon coup politique. Elle ne signifie qu'une seule chose : qu'une disposition législative a porté atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La censure souligne une réalité troublante : le législateur a, par la loi votée, porté atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit à ceux dont nous sommes les représentants et dont nous tirons notre légitimité.
Notre responsabilité et l'exigence dans laquelle doit s'inscrire notre travail législatif nous sont ainsi rappelées. Cette exigence de respect des principes fondamentaux du droit, de la philosophie du droit, du sens de la loi, de la doctrine, qu'il faut connaître, de la jurisprudence, qu'il faut comprendre, doit inciter le législateur à répondre aux aspirations de nos concitoyens. Parmi les attentes de ceux-ci figure l'adaptation permanente de ce patrimoine juridique à la réalité de notre société, à son évolution et aux conquêtes sociales, au rang desquelles nous pensons devoir inscrire la lutte contre les inégalités et les discriminations.
Il en est ainsi pour le harcèlement sexuel. La censure du Conseil constitutionnel était fondée sur l'imprécision de la loi pénale, qui violait, de ce fait, l'un des principes fondamentaux de notre droit, à savoir le principe de la légalité des délits et des peines. Ce principe protège nos concitoyens de l'arbitraire des poursuites infondées. Mais cette imprécision était aussi à l'origine de difficultés pour l'action publique à poursuivre certains faits. Cette imprécision était donc fondamentalement attentatoire aux droits des victimes et à leur capacité à faire reconnaître la culpabilité des auteurs de harcèlement.
L'excellent travail de définition des éléments constitutifs du délit du harcèlement sexuel que le Parlement a réalisé à l'occasion de l'examen de ce texte va, en définitive, rendre à beaucoup de victimes une nouvelle et réelle possibilité d'agir. Voilà ce que je voulais vous dire.
La question prioritaire de constitutionnalité nous permet de prendre conscience de cet enjeu. M. le président de la commission des lois nous l'a rappelé : le Parlement doit faire évoluer ce dispositif, pour en maîtriser les conséquences et réduire les catastrophes juridiques et humaines. Au-delà de ces imperfections, j'affirme que cette faculté donnée à nos concitoyens est un progrès. Il appartient au Gouvernement et au législateur d'y puiser un supplément d'exigence, de rigueur et de sagesse qui les rendra plus dignes de la légitimité qu'ils ont reçue du peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, suite à l'abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, nous examinons aujourd'hui un texte visant à définir à nouveau ce délit. Pour faire face rapidement au vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel, ce projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée. C'est juste et légitime. Il y a urgence, puisque toutes les procédures en cours sont annulées ou requalifiées, et qu'il est interdit d'engager de nouvelles poursuites sur le fondement du texte abrogé.
J'aborderai un aspect du sujet dont j'ai assez peu entendu parler au cours des débats. Quand on parle de harcèlement sexuel, on pense souvent aux femmes, mais les hommes subissent aussi, dans une proportion surprenante, des pressions à caractère sexuel de la part de leurs collègues. Ce phénomène a récemment été mis en lumière par une étude menée par des chercheurs de l'université de Lausanne.
On estime que les hommes représentent 10 % des victimes de harcèlement sexuel. Pour les experts, ce chiffre est probablement minoré du fait du tabou qui entoure ce sujet. Les hommes ont plus de mal à admettre qu'ils ont été, ou se sont sentis, harcelés par les avances d'un ou une collègue. Ils peuvent aussi ne pas être pris au sérieux, comme c'est également trop souvent le cas pour ce qui est des violences conjugales.
D'une manière plus générale, quelques bonnes initiatives méritent d'être évoquées, comme la mise en place d'un numéro vert et d'une cellule de prise en charge des victimes de harcèlement sexuel par les services de psychiatrie des hôpitaux Tenon et Saint-Antoine à Paris. C'est une première en France dont on peut espérer que d'autres établissements s'en inspireront.
Après un mois d'existence, une trentaine de femmes ont déjà composé ce numéro vert. Les témoignages rapportés dans le cahier de liaison tenu par la secrétaire médicale chargée de prendre les appels révèlent leurs souffrances. J'en mentionnerai quelques-uns : celui de Cécile, professeur ayant subi des menaces et des allusions sexuelles de la part d'un collègue ; celui de Denise, harcelée par son voisin depuis qu'elle est veuve ; d'Anne, infirmière de nuit, harcelée sexuellement par un collègue ; de Marie, cadre dans une grande entreprise, ayant subi, comme certaines collègues, des attouchements de la part de son patron, et qui pleure de rage, une fois rentrée chez elle, face au mur du silence et à l'impossibilité de se rebeller ; le témoignage de Camille, aussi, qui a perdu son travail suite à un harcèlement sexuel et a fait trois tentatives de suicide...
Perte de l'estime de soi, troubles du sommeil, anxiété, dépression, idées, voire gestes, suicidaires, les victimes de harcèlement sexuel présentent des symptômes proches de ceux associés au stress post-traumatique. Agression souvent répétée, le harcèlement sexuel est une pathologie grave, qui peut détruire.
Je ne reviens pas sur les détails du texte que mes collègues ont longuement rappelés. Je suis globalement satisfait. Ce texte condamne aussi bien le chantage sexuel que les propos graveleux ou misogynes visant un ou une collègue. Ces situations peuvent devenir invivables pour certains de nos concitoyens, qui n'ont d'autre choix que de se taire, étant même considérés, dans le cas de propos prétendument humoristiques, comme des rabat-joie manquant d'humour.
Cette protection est également étendue aux stagiaires et personnes en formation. C'est une très bonne chose, car leur situation de précarité dans les entreprises ou les administrations les rend encore plus vulnérables.
J'ai déposé, avec certains collègues, des amendements de précision ou de clarification. Le texte précédent a été jugé trop flou : gardons-nous donc de retomber dans des formules trop générales.
J'estime, toutefois, que les atteintes à la dignité n'ont pas à être qualifiées. Le juge est tout à fait capable d'apprécier la réalité de ces atteintes, d'autant plus qu'il est déjà souvent difficile pour les victimes de harcèlement sexuel de prouver ce qu'elles supportent.
La référence à l'âge de quinze ans est également une erreur, à mon sens, bien que cet âge soit souvent un palier dans notre droit pénal. Les victimes mineures doivent toutes être considérées de la même manière : ce n'est pas parce qu'on a atteint la majorité sexuelle qu'on a moins de difficulté à se défendre face à un maître d'apprentissage, un professeur ou un autre élève.
Ce texte est indispensable, je le voterai donc, tout en vous suggérant de donner un avis favorable aux amendements de mes collègues Philippe Goujon et Jean-Frédéric Poisson. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à souligner, comme nombre de mes collègues, ma satisfaction quant à la qualité du travail effectué par le Sénat lors de la première lecture du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui.
Ce texte donne une vraie définition du harcèlement sexuel, qui offrira une meilleure protection aux victimes et permettra de réprimer celui-ci sous toutes ses formes, y compris lorsqu'il est commis dans des circonstances particulières. Je pense, en particulier, à l'introduction dans le code pénal de la notion de vulnérabilité économique et sociale en tant que circonstance aggravante. Il faut saluer cette véritable innovation qui me tient particulièrement à coeur en tant que membre de la commission des affaires sociales de cette assemblée.
Nous savons, en effet, que les situations de précarité entraînent davantage de faits de violence. Nous savons aussi que le harcèlement sexuel, si on l'observe dans toutes les catégories sociales, touche plus massivement les personnes vulnérables et fragiles, principalement des familles monoparentales, et plus précisément des femmes seules avec enfants. L'étude réalisée en Seine Saint Denis en 2007 a démontré que les femmes mariées sont moins victimes de harcèlement sexuel. Nous savons qu'aujourd'hui, un tiers de ces femmes est en situation de pauvreté.
Au cours de la précédente législature, nous avions, aux côtés de Christophe Sirugue, défendu une proposition de loi visant à lutter contre la précarité professionnelle des femmes et le temps partiel subi pour 80 % d'entre elles. Une situation économique dégradée pour toutes ces femmes ne peut, malheureusement, que mener à toutes les dérives. Vous l'avez justement rappelé, madame la garde des sceaux, lors de l'examen de l'article 1er au Sénat.
J'évoquerai également une catégorie plus particulière dont on parle moins souvent : les femmes immigrées ou issues de l'immigration. L'enquête nationale sur les violences faites aux femmes réalisée en 2000 révélait déjà que l'exposition aux diverses formes de violences pouvait être accentuée par la situation de précarité dans laquelle se trouvent de nombreuses immigrées.
Cette situation particulière est soulignée par le rapport d'information réalisé en 2009 concernant les violences faites aux femmes. Ce rapport montrait combien certaines femmes avaient des sentiments ambivalents au sujet du harcèlement dont elles étaient victimes, et hésitaient à l'étiqueter comme tel, à la fois à cause de leur situation professionnelle et du manque de droits en matière de citoyenneté.
Tous les débats au Sénat et les auditions qui ont été menées l'ont montré, les harceleurs ne choisissent pas leurs victimes au hasard. Notre message vis-à-vis de ces prédateurs doit être clair : aucune femme, quelle que soit son origine, ne peut être harcelée sur le territoire national sans impunité.
Mme la ministre des droits des femmes a été claire : une grande campagne de sensibilisation et de communication sera engagée à l'issue du vote de cette loi. Un observatoire national des violences faites aux femmes va être créé, qui, comme vous nous l'avez expliqué, sera une plate-forme d'action, de prévention et de communication, oeuvrant certes pour une réactualisation de nos données qui nous manque cruellement, mais qui débouchera aussi, je l'espère, sur des actions spécifiques en fonction des territoires.
Je veux parler ici du monde rural pour lequel nous manquons de données, même si certaines études semblent montrer que les phénomènes de violence sont plus importants dans les régions urbaines que dans les régions rurales. Vous le savez, l'accès à l'information et à la santé est une question plus délicate dès lors qu'elle se pose à nos territoires ruraux. Contrairement aux femmes victimes vivant en zone urbaine, qui peuvent être prises en charge par des centres adaptés, les femmes des zones rurales ne bénéficient pas de telles structures, d'où la nécessité pour nous de réfléchir à plus long terme au développement de réseaux dans ces territoires, notamment à l'échelon départemental.
En conclusion, je pense que ce texte dont le but est de produire une règle de droit juste, précise, lisible et applicable répondra aux attentes fortes de nos concitoyennes et donnera le courage à celles qui hésitent encore de défendre leurs droits et leur dignité. (Applaudissements sur les sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le harcèlement sexuel est une survivance contemporaine du droit de cuissage, profondément intolérable dans une grande démocratie moderne. Il s'inscrit dans le champ, malheureusement plus large, des violences faites aux femmes, ce véritable fléau qui mine notre société. Évidemment, d'un point de vue juridique, la censure du Conseil constitutionnel s'avérait un mal nécessaire. Mais, au motif, d'ailleurs fort légitime, que la rédaction en vigueur ne définissait pas avec une précision suffisante les éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel, le Conseil constitutionnel a opté pour la forme la plus brutale d'abrogation. Sa décision a pris effet immédiatement et totalement, et elle s'applique à toutes les affaires non jugées à la date de sa publication. En fait, c'est un véritable remède de cheval qui a été appliqué au texte jugé malade. Les sages avaient su adopter une position infiniment plus souple sur la censure de certaines dispositions de la loi sur les OGM. Oserait-on en déduire que les plantes transgéniques méritent plus de considération que les victimes du harcèlement ? Bien évidemment, je force le trait !
On mesure le désarroi et le sentiment d'injustice que ressentent toutes les victimes qui avaient eu le courage de prendre la décision, souvent difficile, de porter plainte pour harcèlement sexuel et qui s'étaient engagées dans un long et pénible parcours judiciaire dans l'espoir que justice leur soit rendue. Une telle situation nous oblige à réagir en urgence, notamment envers toutes celles, mais aussi tous ceux, qui se retrouvent privés de recours et de protection. Aussi, je me réjouis que le nouveau gouvernement tout juste nommé se soit montré à la hauteur de l'enjeu en s'appuyant sur la procédure accélérée pour combler au plus vite ce terrible vide juridique. Je ne doute pas que nous parvenions, avec toute la bonne volonté qui se manifeste autour de ce grave problème, à un règlement non seulement rapide, mais aussi satisfaisant en termes juridiques.
Cela dit, nous ne pouvons pas nous en tenir là, car, quelle que soit l'efficacité du futur dispositif répressif que nous mettrons en place, il est patent, au vu des éléments épars issus des rares enquêtes sur le sujet, que l'ampleur du harcèlement sexuel dépasse de très loin les quelques centaines d'affaires qui connaissent une traduction judiciaire chaque année. Le phénomène est très largement sous-estimé et personne ne peut, en effet, sérieusement penser, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, que seules quelques centaines de femmes sont harcelées sexuellement chaque année en France, aujourd'hui.
À ce titre, l'absence d'une politique publique nationale d'évaluation en ce domaine n'est plus tolérable. Comment combattre ces agissements sans se donner les moyens de mieux les cerner ? C'est pourquoi je me joins à tous ceux et celles qui, sur les bancs de cette assemblée, au sein du Gouvernement, souhaitent la mise en place d'un observatoire national des violences envers les femmes. Cela nous permettrait de prendre, enfin, la mesure réelle du phénomène. Je me réjouis, donc, que vous-même, madame la ministre des droits des femmes, vous soyez récemment déclarée ouverte à la création d'un tel observatoire national.
Je vous félicite également de votre projet de lancement d'une campagne de sensibilisation sur le sujet qui nous mobilise aujourd'hui. Il nous faut impérativement mieux informer, mieux alerter et mieux sensibiliser. C'est ce que l'on peut appeler également la prévention, cette même prévention qui nous permettra de faire reculer ce fléau. Je vous suggère de lancer cette campagne autour de la date du 25 novembre, qui est, comme chacun le sait, la journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes. Je rappelle qu'aux termes de la loi du 9 juillet 2010, et sous l'impulsion du sénateur Courteau, le 25 novembre a, en effet, été institué comme journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes.
C'est bien la société dans son ensemble qu'il faudra faire évoluer sur ces questions. Et quel meilleur moyen de s'attaquer à ces causes que de sensibiliser dès le plus jeune âge, c'est-à-dire dès l'école, puis au collège et au lycée, les jeunes à la notion de respect et d'égalité entre garçons et filles et à la nécessité de lutter contre les préjugés sexistes, les discriminations et les violences faites aux femmes. Je rappelle, d'ailleurs, que de telles dispositions figurent bien dans la loi du 9 juillet 2010. Peut-être faudrait-il donner des instructions en ce sens aux chefs d'établissements scolaires pour que cette mesure soit véritablement appliquée. Il est regrettable que de telles instructions n'aient pas été données, par le passé, par le précédent gouvernement.
Pour conclure, ma conviction, vous l'aurez compris, c'est que la prévention est plus qu'un dispositif complémentaire et subordonné. Elle est le coeur de la lutte, la seule solution pour sortir durablement les victimes de l'ornière du silence et de l'isolement, terreau de tous les agissements méprisables évoqués aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans le cadre du débat sur les circonstances aggravantes du délit de harcèlement sexuel, il est apparu que des personnes pouvaient être particulièrement victimes de harcèlement sexuel, non pas dans le but d'obtenir de leur part des relations sexuelles, mais bien dans celui de leur infliger une humiliation. Les auditions par des membres du groupe de travail, tant au Sénat qu'à l'Assemblée, ont mis en évidence que le harcèlement sexuel n'avait pas toujours pour but d'obtenir des relations sexuelles ou d'autres actes de nature sexuelle, mais que, souvent, le harcèlement sexuel était commis par des personnes cherchant à humilier la victime.
Les femmes subissent, bien sûr, ce type de harcèlement, mais les homosexuels et les transsexuels en seraient particulièrement victimes, à travers des propos ou des agissements à connotation sexuelle portant atteinte à leur dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ou créant à leur encontre une situation hostile ou offensante. Environ 50 000 à 75 000 personnes sont directement ou indirectement concernées en France, si l'on tient compte des familles des 10 000 à 15 000 transsexuels, en raison de la détresse, voire de la marginalisation de la personne qui subit le harcèlement. Le taux de harcèlement est particulièrement élevé à l'encontre des transsexuels qui font leur transition. La discordance de leurs papiers d'identité et de leur apparence physique prédispose au harcèlement. Les transsexuels forment une population vulnérable, professionnellement, économiquement et psychiquement. Pourtant, le harcèlement à l'encontre des transsexuels a une visée strictement discriminatoire puisque c'est leur identité sexuelle qui est la cause du harcèlement et pas leur vulnérabilité supposée.
Dans le cadre du projet de loi relatif au harcèlement sexuel, la rapporteure Pascale Crozon a proposé, en commission des lois, par son amendement n° 37 , d'étendre la prise en compte de l'identité sexuelle à l'ensemble des dispositions de notre droit relatives aux discriminations. Le critère de l'identité sexuelle sera donc inclus dans le code pénal, dans le code du sport, ou encore du travail afin de lutter contre la transphobie dans tous les domaines. Cet ajout fait débat.
Un amendement de Jean-Frédéric Poisson tend à préciser que la notion de moeurs est suffisamment large, y compris dans la jurisprudence, pour inclure tout ce qui peut concerner de près ou de loin l'orientation sexuelle et que l'on pourrait même considérer qu'une orientation sexuelle est une partie des moeurs d'une personne. Cela sous entendrait également que l'identité sexuelle touche de loin à l'orientation sexuelle, et donc des moeurs. Or l'identité de genre d'une personne s'appuie sur le ressenti qui est le sien d'appartenir à un genre qui n'est pas celui auquel on associe son sexe biologique. Ce n'est pas une façon de vivre, mais bien un état de l'identité d'une personne.
Si certains voient dans la définition des moeurs, en dehors d'une approche morale, la notion d'us et coutumes, il apparaît à plusieurs d'entre nous que l'orientation sexuelle ou l'identité sexuelle n'est pas un choix de vie, au sens des us et coutumes, mais bien différemment une trajectoire qui s'impose aux personnes. Mme la rapporteure insiste sur la nécessité de la précision de l'identité sexuelle à côté du terme « moeurs » pour des raisons tant juridiques que d'opportunité. Le terme de « moeurs » n'est pas toujours explicite au point que le législateur fait cohabiter les deux références – orientation sexuelle et moeurs –, comme dans l'article 225-1 du code pénal ou dans les articles du code du travail relatifs à la définition de la discrimination. De même, la Cour de cassation, en 2001, a pu déclarer irrecevable la constitution de partie civile de certaines associations à l'occasion d'affichages homophobes.
La rapporteure rappelle également l'attente qui a émergé des auditions pour défendre les droits des personnes victimes de discrimination en raison de leur identité sexuelle et de la réponse symbolique apportée par cet ajout à la loi. Si le terme identité sexuelle plutôt qu'identité du genre ne satisfait pas complètement les attentes des associations de défense des droits dits LGBT, cette modification du texte est un grand pas en avant dans le débat du genre. La transphobie était jusque-là condamnée par la jurisprudence, qui l'assimilait de façon impropre à l'orientation sexuelle. L'ajout de la mention « identité sexuelle » vise à consacrer ces décisions dans la loi pour éviter tout retournement de jurisprudence. Cette expression a été préférée à « identité de genre », intellectuellement plus satisfaisante mais juridiquement indéfinie. Il était difficile de réprimer des discriminations sur la base d'un terme inconnu de notre droit. La portée est néanmoins juridiquement la même.
Il s'agit de dispositions transitoires, car le Gouvernement s'est engagé à inscrire la notion de genre dans notre droit. Cette demande est légitime et fait l'objet d'une demande croissante de la société civile. Elle engagera un débat de fond dans notre pays. La France est en retard par rapport à de nombreux pays dont les législations nomment le phénomène : l'identité sexuelle est reconnue autour de la notion de genre. C'est là un engagement pris par François Hollande pendant la campagne.
Ce combat peut contribuer à préserver la dignité au sens de l'article 16 du code civil et à assurer à chacun une vie digne et autonome. Ce combat pour l'égalité et la protection de la vie privée est essentiel pour que les conservatismes reculent et que les préjugés soient combattus.
Déjà, en 1983, la gauche dépénalisait l'homosexualité. Que la gauche revenue au pouvoir soit encore au rendez-vous des combats menés contre les discriminations et pour l'égalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'abrogation de l'article 222-33 de notre code pénal par le Conseil constitutionnel a créé un vide juridique insupportable. Bien sûr, les associations de lutte contre les violences faites aux femmes s'accordaient sur le fait que la définition du harcèlement sexuel telle qu'inscrite dans la loi de 2002 n'était pas satisfaisante. Mais la décision du Conseil constitutionnel a, d'une part, surpris et choqué – pour la première fois, cette décision n'était pas prise en faveur des victimes –, et a, d'autre part, empêché quelques dizaines de femmes de voir leur situation entendue et traitée par la justice. Elle a également conforté dans le déni de la gravité des actes perpétrés celles et ceux qui ont été accusés par le passé. Je tiens donc à saluer la rapidité avec laquelle le Sénat et le Gouvernement ont réagi et proposé, finalement, une loi améliorée et plus précise.
Le travail de la commission des lois, saisie au fond, mais aussi celui de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes, a permis de travailler à des amendements qui, je l'espère, affineront encore ce projet de loi. Il en est besoin, notamment à l'alinéa 2 de l'article 1er définissant l'acte unique de harcèlement sexuel.
Il nous faut anticiper la possible confusion qui permettrait de sanctionner l'agression sexuelle au niveau du harcèlement sexuel et, pour cela, éviter toute similitude dans la définition des deux actes.
Madame la ministre des droits des femmes, je tiens également à réaffirmer ici l'importance de compléter ce texte de loi par un travail approfondi sur le harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur. Qu'il s'agisse de mesurer le phénomène, de le prévenir et de permettre à la fois l'application des sanctions et, peut-être, le rehaussement de celles-ci, il faut obtenir une réforme des textes législatifs et réglementaires qui régissent la procédure disciplinaire au sein des établissements d'enseignement supérieur et mettre en place une politique de sensibilisation et d'information sur le harcèlement sexuel.
Plus généralement, les débats autour de ce texte ont montré le besoin manifeste que soit créé un observatoire des violences faites aux femmes, qui permettrait de mesurer ces enjeux de société pour lesquels les dépôts de plaintes ne peuvent constituer un indicateur pertinent.
Enfin, je parlerai de la communication autour de cette loi. Il faut la faire connaître autant des victimes que des auteurs potentiels, et il faudra éduquer plus largement et dès le plus jeune âge à la déconstruction des stéréotypes et aux sexualités. Dans les collèges, déjà, nous constatons des injonctions à caractère sexuel qui se rapprochent davantage d'un harcèlement banalisé que de la drague.
Pour que notre action législative ne soit pas qu'un pansement, il est important d'expliquer aux enfants, aux jeunes, quel est l'intérêt de cette loi, et, plus globalement, que le corps de l'autre ne nous appartient pas et que le consentement est le préalable à toute relation. Pour que ressente de la honte, non la femme ou la fille harcelée qui porte plainte, mais celui qui aura commis cette violence, pour que ces actes ne soient plus tolérables et mis sur le compte d'une tradition franchouillarde, celle-là même dont nous avons pu être les témoins encore récemment dans cette assemblée (Protestations sur les bancs du groupe UMP), pour qu'une relation sexuelle ne puisse être envisagée que libre et consentie, pour que la honte change de camp.
C'est seulement ainsi que l'on parviendra à élever le taux de plainte.
C'est, à mon sens, très symbolique de compter, parmi les premiers textes de la XIVe législature, ce projet de loi sur le harcèlement sexuel. Il nous permet d'avoir ici des débats sur les violences faites aux femmes, sur les inégalités entre les sexes, entre les genres, sur l'identité sexuelle. Il nous permet de débattre et d'enrichir un sujet qui doit être au coeur de notre projet, de nos projets de société : l'égalité.
Les causes de ce fléau que constitue le harcèlement sexuel sont notamment à chercher dans des rapports sociaux de sexe inégalitaires, et ce dans tous les domaines. Je souhaite que notre assemblée ne perde pas de vue ces débats et intègre la notion de genre dans les politiques publiques lorsqu'elle abordera les projets de loi de finances, les lois relatives à l'éducation, à la famille ou au développement économique.
Les rapports sociaux de sexe inégalitaires sont à l'origine des violences faites aux femmes puisqu'ils donnent une image dégradée, infériorisée et de vulnérabilité des femmes, à l'opposé de l'image de l'homme dominateur. C'est sur cette base que notre société est construite, et c'est ce qu'il faut déconstruire. Par nos débats, par la saisine en urgence et le travail de toutes et tous confondus sur ce texte, je crois, mes chers collègues, que nous venons de commencer ce chantier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, je vous remercie d'être aussi nombreux et d'avoir apporté votre contribution à ces débats qui s'annoncent riches. Je ne vous citerai pas tous, ce dont je vous prie de m'excuser, mais j'ai retenu un certain nombre de constats partagés.
D'abord, il est, évidemment, urgent d'adopter ce texte et de répondre au vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel. C'est un esprit de responsabilité qui vous anime les uns et les autres, et je vous en félicite. C'est un travail qui s'annonce constructif, les victimes et les femmes qui nous écoutent, dans le public en particulier, y sont sensibles.
Plusieurs d'entre vous sont revenus sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui me concerne tout particulièrement, source d'un grand nombre de phénomènes de violences faites aux femmes que nous constatons dans la société, dont le harcèlement sexuel. Vous avez absolument raison, tous ces sujets sont liés. Ainsi que le soulignaient Mme Crozon ou Mme Buffet, l'égalité réelle, l'égalité professionnelle est, en effet, un rempart contre le harcèlement sexuel puisque, tant que nous n'aurons pas d'égalité avérée entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, un sexe pourra considérer l'autre comme acquis. C'est contre cela que nous luttons.
J'ai noté, d'ailleurs, que, sur tous les bancs, il y avait un relatif consensus sur ce constat, tout comme de vrais points de convergence dans vos interventions sur la contribution essentielle des associations, non seulement à notre débat, puisque beaucoup d'entre elles ont participé à la réflexion sur ce texte, mais aussi à l'accompagnement des victimes de harcèlement sexuel. Leurs difficultés financières ont été rappelées. Le Gouvernement en a conscience, tout comme nous avons conscience du rôle qu'elles devront jouer, une fois le texte adopté, pour informer les victimes potentielles, en particulier dans les zones rurales évoquées par Mme Biémouret, où l'accès à l'information est particulièrement difficile, pour accompagner aussi les femmes, et les hommes quelquefois, devant les tribunaux.
Plusieurs d'entre vous, notamment MM. Urvoas, Tourret, Dolez, Clément et Le Bouillonnec, ont évoqué la question prioritaire de constitutionnalité. Si vos réflexions nous ont évidemment nourris, ce que nous devons avoir collectivement à l'esprit, ce soir, c'est que la décision du 4 mai dernier nous impose collectivement d'élaborer des textes précis. Celui qui vous est présenté aujourd'hui, avec les améliorations que vous y apporterez, répond bien à cette exigence.
J'ai relevé la demande répétée de mieux connaître les violences faites aux femmes, parmi lesquelles le harcèlement mais pas seulement. Mesdames Lagarde, Lemorton, Romagnan, Pompili, vous avez insisté sur la nécessité de relancer l'enquête ENVEFF, qui date maintenant de quasiment douze ans, en 2000. J'y travaille. C'est l'une de mes priorités parce que je suis persuadée que le silence qu'on fait peser autour des violences faites aux femmes est un silence coupable qui les entretient. Soyez donc rassurées sur ma volonté à la fois de travailler sur cette enquête, d'y intégrer des données spécifiques relatives au harcèlement sexuel et de mettre en place cet observatoire national des violences faites aux femmes que vous avez été nombreux à évoquer.
M. Geoffroy était bien placé pour rappeler que c'était un engagement passé de cette assemblée. Le Gouvernement est totalement déterminé à le mettre en place, pas simplement comme une plate-forme de réflexion intellectuelle d'étude ou d'enquête, mais aussi comme une plate-forme d'action qui soit en mesure d'évaluer en particulier les expérimentations menées ici et là dans les territoires. Nombreux, en effet, sont les départements qui sont en avance dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Le rôle du Gouvernement doit donc être aussi de faire essaimer, de généraliser les pratiques qui se révèlent intéressantes. L'observatoire sera là pour éclairer les politiques publiques que nous pourrions conduire. Barbara Romagnan le soulignait, cet observatoire, comme l'enquête ENVEFF que nous relancerons, nous servira peut-être aussi, dans deux ou trois ans, à évaluer la loi que nous sommes en train de préparer. C'est sans doute la meilleure façon d'en mesurer l'efficacité.
Monsieur Goujon, nous ne sommes, bien sûr, pas insensibles à la situation des étudiantes ou des doctorantes qui ne parviennent pas à faire sanctionner leur harceleur. J'en disais un mot dans mon propos introductif, avec ma collègue en charge de l'enseignement supérieur, nous ferons en sorte d'adopter les textes nécessaires pour améliorer les procédures disciplinaires, actuellement insatisfaisantes de l'avis quasi unanime. Nous travaillerons sur l'information et la prévention, car la sanction ne fait pas tout.
Un grand nombre d'entre vous ont évoqué la nécessité d'une réponse globale alliant prévention, éducation, information, formation, en plus du texte pénal que nous sommes en train d'adopter. Je confirme notamment à Mme Bello et Mme Fabre que, pour lutter dès le plus jeune âge contre les stéréotypes et les clichés qui sont à la source de tous ces maux que nous évoquons depuis le début de la soirée, c'est bien dans l'éducation nationale que cela se joue. Vous avez évoqué un certain nombre de textes qui sont restés un peu lettre morte. C'est un travail qui mérite d'être repris. Avec le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, nous nous apprêtons, dans les prochaines semaines, à signer la convention interministérielle relative à l'égalité entre les filles et les garçons à l'école, qui préconise un certain nombre de mesures pour apprendre le respect entre les sexes et l'égalité entre les filles et les garçons. C'est Maud Olivier qui évoquait ce sujet essentiel pour le débat qui nous réunit ce soir.
Plusieurs d'entre vous, dont M. Coronado, Mme Massonneau et Élisabeth Pochon, ont évoqué la question de l'identité sexuelle, soit pour regretter cette notion, soit pour estimer qu'on ne pouvait pas aller au-delà. Soyez assurés que le Gouvernement est très attentif à la question de l'identité de genre, mais ce n'est pas le lieu ni le moment, dans le temps si contraint de la procédure accélérée pour ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel, de poser la question de façon approfondie. Il serait sans doute beaucoup plus constructif de la renvoyer à un débat – un grand nombre de sénateurs s'étaient déclarés prêts à le lancer, pourquoi pas des députés ? – sur ce qu'on entend par identité de genre, expression encore inconnue du code pénal. Monsieur Coronado, vous évoquiez des textes internationaux qui, eux, la connaissent. Il n'en reste pas moins que, si nous devions traiter de cette question, cela mériterait un débat plus large pour mieux définir les concepts et que c'est un sujet dont les implications sont beaucoup plus larges que le seul champ du harcèlement sexuel, implications en matière professionnelle, en matière de santé, en matière sociale. Cela mérite vraiment un débat à part entière et, si vous êtes d'accord, je vous renvoie à une discussion future.
Monsieur Poisson, vous évoquiez les risques psychosociaux, et je vous confirme que, dans le travail que vous aviez réalisé, il n'était pas question de harcèlement sexuel. Lors de la conférence sociale qui a réuni un certain nombre de membres du Gouvernement, j'ai eu le plaisir de présider une table ronde consacrée à l'égalité professionnelle et aux conditions de vie au travail. Le harcèlement sexuel a été largement évoqué avec les partenaires sociaux puisqu'il y a un vrai désir, de la part des organisations syndicales comme patronales, de s'impliquer notamment dans la prévention de la pénibilité, dans laquelle la question du harcèlement trouve finalement aussi sa place. Soyez donc rassuré sur le fait que, pour tout le monde, c'est un sujet qui relève à part entière du monde du travail.
Mesdames, messieurs, j'espère avoir répondu à vos questions. Avançons maintenant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs, je vous remercie, d'abord, pour la qualité des échanges que nous avons eus, en commission et depuis le début de nos travaux dans l'hémicycle. L'Assemblée démontre, et il est symbolique que ce soit sur le premier texte de la nouvelle session, sa capacité à travailler sur une base transpartisane. Nous avons vu en commission que le dialogue était possible et vos différentes interventions cet après-midi ont démontré que vous étiez finalement mobilisés sur les mêmes problématiques et que les interrogations que vous portiez sur chaque sujet traité dans le texte se rejoignaient.
C'est un esprit qu'il faut saluer, car nous aurons sans doute, par la suite, de multiples occasions d'affrontements partisans, voire de guerres de tranchée, « guerres » au simple sens…
Absolument, merci ! Décidément, le soutien sémantique de votre côté de l'hémicycle, monsieur le député, est systématique depuis le début de l'après-midi, et je vous en sais gré ! (Sourires.)
Je souligne également la coproduction législative entre le Parlement et le Gouvernement. Elle a commencé au Sénat et s'est poursuivie à l'Assemblée. Je salue cet esprit, car la cause qui nous réunit est extrêmement importante.
La loi pénale détermine nos libertés, elle en définit les champs, en pose aussi les limites. Les juridictions pénales sont tenues à des interprétations strictes des textes ; c'est pourquoi la loi doit être précise. La présente loi pénale ne traite pas d'une matière ordinaire mais d'une matière essentielle : l'égalité entre les hommes et les femmes et, au-delà, l'intégrité et les droits de la personne. C'est pourquoi nous avons mis tant de soin à être précis, clairs, justes et juridiquement solides dans l'élaboration de ce texte. Vos interventions, mesdames et messieurs les députés, ont montré que vous partagiez ce souci.
À tout seigneur tout honneur, je commencerai par répondre au président de la commission. Tout comme Jean-Yves Le Bouillonnec, avec l'ardeur qu'on lui connaît, vous nous avez invités, monsieur le président, à la plus grande rigueur dans la rédaction des lois. Vous avez également soulevé la question des risques que nous encourons avec les questions prioritaires de constitutionnalité. M. Le Bouillonnec a bien rappelé que cette procédure représentait un progrès, et cela a été dit aussi par des députés de l'opposition. La QPC est indéniablement un progrès démocratique. Toutefois, nous avons des raisons sérieuses de nous interroger sur cette procédure, non pas pour la remettre en cause mais pour examiner la solidité de notre édifice juridique et peut-être anticiper certains aménagements indispensables afin d'éviter des déconvenues aussi préjudiciables que celle à laquelle nous faisons face depuis l'annulation de l'incrimination de harcèlement sexuel.
Je demanderai aux services de la Chancellerie, monsieur le président de la commission, de réaliser une estimation pour vous donner le compte exact des QPC qui ont été introduites. Nous mènerons, ensuite, un travail d'anticipation pour essayer de repérer les fragilités particulières de notre droit. Cela éclairera le Parlement, qui décidera en toute souveraineté de quels sujets il entend se saisir.
Plusieurs députés ont évoqué les victimes. Ces cinq dernières années, leurs associations ont vu leurs budgets chuter de 30 %, ce qui les a considérablement fragilisées. L'INAVEM, la fédération des associations de victimes, qui regroupe 140 associations réparties sur l'ensemble du territoire et accomplit un travail extrêmement intéressant, dense, permanent, signale que 60 % des associations sont en grande fragilité financière. C'est un enjeu majeur. Si nous élaborons des lois pour définir les libertés et leurs limites, si nous traquons l'arbitraire et les abus, sans donner aux victimes les moyens d'être accompagnées et soutenues à la suite d'agressions aussi fragilisantes sur les plans physique, psychologique et affectif, nous n'aurons émis que des voeux pieux.
Madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, Mme Coutelle, Mme Neuville, je vous remercie pour l'excellent travail que vous avez réalisé. La discussion des amendements nous donnera l'occasion de revenir sur des points précis que vous avez évoqués.
Le Gouvernement, madame Romagnan, est très sensible aux questions internationales. Le sujet du harcèlement sexuel, c'est-à-dire des droits de la personne, est universel et il est porté au sein des institutions multilatérales.
En ce qui concerne la façon de lutter contre le harcèlement sexuel, nous avons été nombreux à dire, moi-même, la ministre des droits des femmes, le ministre du travail, qui, parce que nous sommes en période d'arbitrages budgétaires, a été obligé de nous quitter…
Il avait prévu de s'adresser à vous. Il a tenu, par sa présence, à vous montrer son implication sur le sujet et il aurait été très attentif à vos propos. Mme la ministre des droits des femmes, monsieur Poisson, vous a assuré qu'elle lui transmettrait votre demande ; je contresignerai cette transmission.
La loi pénale est indispensable et il convient de lui assurer une solidité juridique. Je le répète de façon presque obsessionnelle, car il ne faut pas oublier les conditions dans lesquelles l'infraction de harcèlement sexuel a disparu. Le motif a été la non-conformité au principe de légalité des délits et des peines. Nous voulons éviter de prendre des risques, car trois mois de vide juridique, c'est trop pénible pour les victimes, en particulier celles qui avaient engagé une action, ont eu des frais, étaient pleines d'espoir.
En ce qui concerne l'action publique, il y a celle que mènera la ministre des droits des femmes et qu'elle vous a rappelée. Il y a également celle que mènera le ministre de l'éducation nationale. La ministre de la réforme de l'État conduira un travail particulier au sein de la fonction publique : nous légiférons pour modifier le code du travail, mais les dispositions relatives à la fonction publique sont, pour la plupart, d'ordre réglementaire. La ministre des sports sera également très impliquée, ainsi que la ministre des affaires sociales et de la santé.
S'agissant de la Chancellerie, je vous ai déjà parlé de la circulaire d'application du texte. J'ai également indiqué avoir demandé au parquet, début juin, de me faire remonter les éléments sur le traitement des procédures, non pas les éléments personnels, bien sûr, mais les données techniques et statistiques. Je lui demanderai également de faire remonter les informations relatives aux plaintes déposées sur le fondement de la nouvelle définition de cette incrimination.
Par ailleurs, je demanderai au directeur de l'École nationale de la magistrature d'organiser, en plus du module de déontologie qui concerne le comportement des juges, un module de sensibilisation des magistrats aux infractions à caractère sexuel.
De même que, ces dernières semaines, la question du harcèlement sexuel a été présente dans l'actualité, ce qui a ainsi engagé un travail d'information, les initiatives gouvernementales, à l'échelle de chaque ministère, permettront de maintenir la vigilance et de conduire un travail de sensibilisation sur la façon d'aborder cette question.
Je vais avoir une séance de travail avec le ministre de l'intérieur dans deux ou trois jours, et j'aborderai le sujet avec lui. C'est dans les locaux de la police que les victimes se rendent pour le premier contact. Il y a donc un travail à accomplir, en verticalité et en horizontalité, pour améliorer la sensibilisation des fonctionnaires de police, même si des progrès ont déjà été réalisés, de façon que les victimes soient reçues dans les meilleures conditions et informées.
Je passe très vite sur la question de la déqualification, car des amendements nous permettront d'y revenir. L'amélioration de la rédaction devrait nous permettre d'échapper à ce risque. Il n'en demeure pas moins que le maintien de l'acte unique est indispensable. À mon avis, le risque de déqualification a disparu du fait de la suppression, par amendement, des ordres, menaces et contraintes, ces deux dernières figurant également parmi les éléments constitutifs du viol et de l'agression sexuelle. Si nous supprimons l'acte unique, c'est tout un champ d'infractions qui ne sera pas couvert. L'acte unique est indispensable pour punir toutes les formes de harcèlement sexuel.
Je crois avoir dit l'essentiel sur les questions d'ordre général. Nous reviendrons, au cours de la discussion des amendements, sur l'identité de genre. Je présume que nous aurons un débat passionné, peut-être passionnel : nous avons le droit d'avoir du tempérament, y compris au milieu de la nuit (Rires),…
…mais il n'y a pas de doute que nous ferons progresser le débat dans la société.
Il a suffi de prononcer le mot « passion », et voilà le résultat ! (Mêmes mouvements.)
Une mention particulière doit être faite sur les outre-mer – Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Réunion, Guadeloupe –, où la prévalence du harcèlement sexuel est encore plus forte. Cela appelle une action publique et, incontestablement, une vigoureuse éducation de nos hommes, mais, pour ce que je connais des outre-mer, les femmes savent s'en charger ! (Rires et applaudissements sur divers bancs.)
Dans la mesure où aucun amendement ne me permettra de revenir sur la Polynésie, j'en dirai un mot. Il est certain que la consultation des collectivités locales est souhaitable en toutes circonstances. Il n'en reste pas moins qu'elle n'était pas obligatoire dans la présente circonstance, puisqu'elle ne l'est que dans les cas où la loi mérite une adaptation ou modifie des textes à caractère local. Or la précédente définition de l'incrimination, telle qu'elle figurait depuis 2002 dans le code pénal, s'appliquait à la Polynésie. Si, par courtoisie républicaine, nous avions consulté la collectivité territoriale, nous aurions prolongé le délai, et vous comprenez que nous ayons choisi, avec la sécurité, la célérité.
À l'avenir, chaque fois que l'obligation de consultation s'imposera, elle sera respectée ; dans certaines circonstances où elle ne s'imposera pas, le Gouvernement y recourra tout de même, mais, dans le cas présent, il nous fallait aller vite, « faire vite et bien », comme certains d'entre vous l'ont dit. C'est pourquoi le territoire de Polynésie n'a pas été consulté.
Les aménagements au code local du travail, lorsqu'il existe, comme à Mayotte, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, portent sur ce code, mais l'infraction pénale elle-même s'applique à l'ensemble du territoire et des citoyens. Les adaptations auraient également été possibles pour le statut des fonctionnaires.
Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie encore une fois pour la très belle contribution que vous avez tous apportée à ce débat. Nous allons, à présent, poursuivre nos travaux. Haut les coeurs ! car il y a du travail : quelque quatre-vingts amendements, je crois, ont été déposés. Certains sont très attachés à la prise en considération du contenu de leurs propositions. Si nous serons obligés, le coeur déchiré, de repousser celles-ci, nous aurons néanmoins ces débats, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
La parole est à M. Francis Vercamer, premier orateur inscrit sur l'article 1er .
Depuis la première séance, nous voyons qu'un consensus entoure ce texte sur le harcèlement sexuel, lequel redeviendra, j'espère, une infraction pénale.
Néanmoins, on peut se poser quelques questions, notamment sur l'échelle des peines. Vous l'avez dit, madame la garde des sceaux, c'est le premier texte symbolique examiné dans cet hémicycle depuis le début de la législature, et il recueille une certaine unanimité. Il serait dommageable qu'il sanctionne d'une peine inférieure à celle prévue pour un vol à la tire une infraction pénale telle que le harcèlement sexuel. C'est pourquoi le groupe UDI a déposé des amendements refixant une échelle des peines correspondant à une infraction que nous estimons grave, de même que sa récidive.
Un autre type d'amendement issu de notre groupe concerne les mineurs. Membres de la commission des affaires sociales, nous travaillons régulièrement sur le droit du travail, et nous savons combien le harcèlement sexuel peut être dommageable à l'entreprise, surtout s'il touche un mineur, et pas seulement de quinze ans. Un certain nombre de mineurs travaillent en entreprise dans le cadre de l'alternance ou de stages de l'éducation nationale, et il nous paraît falloir aggraver les peines lorsque le harcèlement touche un mineur même s'il n'a plus quinze ans.
Dernier point : le déclenchement du délai de prescription, après l'article 1er. Dans le cadre d'une relation contractuelle, comment voulez-vous qu'un salarié puisse déposer plainte contre son employeur alors qu'il est encore en activité dans l'entreprise ? C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement après l'article 1er, qui vise à faire démarrer le déclenchement de la prescription à l'issue du contrat de travail.
L'adoption de l'article 1er du présent projet de loi va enfin mettre un terme à une situation intolérable. Je pense ici aux victimes touchées par l'extinction des poursuites, mais aussi aux milliers de plaignantes potentielles qui attendent avec impatience un nouveau texte pour que des procédures soient susceptibles d'être engagées. Je pense aussi aux trop nombreuses femmes – car il s'agit très majoritairement de femmes – qui font l'objet de comportements et de pressions que notre société ne peut plus accepter.
La censure du Conseil constitutionnel a, certes, ouvert une période de vide juridique mais, vous l'avez dit au Sénat, madame la garde des sceaux, même sans la question prioritaire de constitutionnalité, nous avions l'obligation d'ouvrir le débat. L'article censuré par le Conseil rendait, il est vrai, très difficile la qualification juridique, et les législateurs que nous sommes ne pouvaient tolérer que moins de 10 % seulement des procédures engagées courageusement par les victimes aboutissent. C'est tout à l'honneur du Gouvernement, appuyé sur le Parlement, que d'avoir engagé en priorité l'examen de ce texte et du présent article définissant précisément le harcèlement sexuel.
L'adoption de l'article 1er va permettre enfin de construire une réponse précise, cohérente, graduée et claire contre ces agissements odieux. Cette adoption va également donner aux magistrats un outil leur permettant de mieux appréhender, mieux qualifier et donc mieux réprimer les actes de harcèlement réitérés ou uniques. C'est un élément très important de renforcement du dispositif.
Madame la garde des sceaux, vous l'avez souligné dans votre discours au Sénat, le harcèlement sexuel est une triste pratique courante de notre histoire nationale, que l'on pense au droit de cuissage seigneurial ou encore aux combats des ouvrières de Haviland à Limoges.
Madame la ministre des droits des femmes, vous avez raison de déclarer que l'adoption de cette loi par notre parlement, et de cet article en particulier, sera un signal fort permettant de mettre un terme à des pratiques d'un autre âge.
Dans l'Union européenne, 40 % à 50 % des femmes ont signalé une forme quelconque de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Les recherches indiquent que les femmes les plus exposées sont jeunes, financièrement dépendantes, célibataires ou divorcées et migrantes. Quant aux hommes, ils sont jeunes, homosexuels et membres des minorités ethniques.
Mais le harcèlement sexuel peut aussi devenir un prétexte et revêtir des aspects beaucoup plus sournois que la finalité sexuelle. L'objectif recherché par le harceleur, sous couvert de propos ou d'attitudes déplacés, peut, en réalité, cacher des intentions malveillantes à l'égard d'un ou d'une concurrente à un poste de travail. Le harcèlement sexuel peut devenir une procédure d'éviction, attitude doublement toxique car non seulement elle constitue une atteinte à la dignité de la personne, mais elle est de nature à remettre en cause la place de la victime dans l'entreprise. Nous touchons là à un véritable problème de société. Rappelons que cette attitude malsaine a trop longtemps bénéficié d'impunité.
Les souffrances psychologiques et la perte d'estime de soi entraînent souvent un isolement, une détérioration des relations dans l'entourage professionnel. La victime est affaiblie, isolée et, de ce fait, considérée comme devant être exclue car elle fragilise aussi l'entreprise. C'est d'ailleurs l'un des dommages collatéraux du harcèlement sexuel : le travail d'équipe sera compromis et l'entreprise forcément impactée. Nous dépassons, ici, largement l'ordre moral. Ne perdons pas de vue la nocivité de certaines stratégies consistant, bien souvent, à avancer masqué vis-à-vis des inégalités et de la précarité. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)
Mon intervention ne sera pas aussi bonne que celle de Françoise Dumas. Je remercie le Gouvernement d'avoir, en procédure accélérée, permis l'examen d'un projet de loi aussi nécessaire tant il est vrai que l'invalidation de la loi en vigueur et l'annulation des procédures engagées posent un problème majeur pour nombre de personnes harcelées.
Ce texte redéfinit le délit de harcèlement sexuel en s'appuyant sur deux directives européennes de 2004 et de 2006. La première rappelle que les discriminations fondées sur le harcèlement sexuel peuvent également survenir dans des domaines qui ne relèvent pas du marché du travail et faire obstacle à l'intégration complète et réussie des femmes et des hommes dans la vie économique. La seconde introduit une définition communautaire du harcèlement sur la base de laquelle les États membres sont appelés à légiférer. Il s'agit notamment d'encourager les employeurs et les responsables de formation à prendre des mesures préventives pour permettre aux intéressés, principalement des femmes, d'agir.
Dans cet esprit, et pour compléter éventuellement le projet de loi, j'attire votre attention sur les délais de prescription de l'action publique, délais somme toute assez réduits, ce qui peut poser un obstacle juridique à des poursuites. En effet, pour dénoncer leur harcèlement, les victimes doivent être physiquement, psychologiquement et matériellement en état de le faire. J'aimerais recueillir le sentiment du Gouvernement, de Mme la présidente de la commission des affaires sociale, voire de mes collègues sur cette question.
Nous pensons tous que l'article 1er a le mérite de préciser ce qu'est le harcèlement sexuel. Le projet reformule un texte qui avait complètement perdu son intensité au profit d'une élasticité que le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à notre légalité au sens large du terme. Ainsi, la définition du harcèlement, modifiée d'ailleurs à plusieurs reprises, a fini par ne plus donner suffisamment de précision aux éléments constitutifs de l'infraction. Le projet de loi rompt complètement avec cette logique puisqu'il porte particulièrement sur ces éléments constitutifs.
En effet, l'article 1er incrimine deux formes de harcèlement sexuel : le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des conduites sexuelles importunes ou créant un environnement hostile à l'égard de la personne harcelée ; une demande ou une conduite contraignante à l'égard d'une personne en vue d'obtenir un comportement sexuel. Est notamment visé ce que les juristes appellent le harcèlement quid pro quo, c'est-à-dire « quelque chose pour quelque chose », qui se produit lorsque quelque chose est subordonnée à la soumission et à l'acceptation d'avances sexuelles. Cette double lecture du harcèlement est un élément positif.
De plus, la rédaction proposée fait référence à un abus de pouvoir, ce qui, là encore, rapproche la définition normative de ce qui est vécu par de nombreuses femmes non seulement dans des situations de travail, mais aussi dans un large éventail de situations de la vie. Par cette double référence, le harcèlement paraît mieux cadré et peut relever soit de comportements importuns ou menaçants, soit de comportements généralisés ou aggravés.
Par cet article, la loi va répondre à l'injonction du Conseil constitutionnel et, au-delà, à un besoin social de protection contre les conduites et les comportements humiliants, offensants, agressifs, menaçant tant le psychisme profond que la vie et le travail des personnes harcelées.
En mai dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, pour motif d'imprécision, les nouvelles dispositions relatives au harcèlement sexuel, ce qui a entraîné une situation impossible pour les plaignants. Il est donc urgent de leur apporter une réponse très rapide. Le Sénat est allé en ce sens en votant à l'unanimité un nouveau texte.
Quelques points de l'article 1er méritent cependant d'être encore éclaircis.
La définition du harcèlement sexuel comporte, en toutes lettres, la notion de répétition. Mais toute pression, même unique, est aussi assimilée au harcèlement. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple de supprimer les mots : « de façon répétée » ?
Les propos ou agissements constitutifs de harcèlement sexuel sont considérés vis-à-vis du salarié sur le lieu de travail. Mais les pressions peuvent avoir lieu en dehors. Auront-elles alors la même gravité ?
Enfin, plusieurs collègues l'ont souligné en commission, si la majorité sexuelle est fixée à l'âge de quinze ans, il faut comprendre que cet âge-plancher n'est pas toujours de mise en cas de harcèlement. Je ne suis pas certain que la majorité sexuelle corresponde à la réalité.
D'une part, la pression psychologique est déroutante ; d'autre part, beaucoup de jeunes entre quinze et dix-huit ans, encore naïfs, ne sont pas forcément capables de réaliser de quoi il s'agit. Mieux vaudrait donc en rester à l'âge de la majorité, dix-huit ans, d'autant que le lien de subordination, par exemple pour un apprenti, un stagiaire ou un jeune en alternance, est un facteur aggravant. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, pour faire gagner du temps à notre assemblée, je renonce à mon temps de parole. J'aurai l'occasion de m'exprimer sur les amendements. (Applaudissements sur divers bancs.)
Je vous remercie, cher collègue.
La parole est à Mme Catherine Coutelle.
J'interviens très brièvement puisque Ségolène Neuville défendra nos amendements. En dépit du temps contraint, nous n'avons pas souhaité voter conforme le texte issu du Sénat parce que nous avons essayé de sécuriser encore plus les définitions et d'apporter des éléments nouveaux. Ce sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a apporté des modifications.
Je souligne deux modifications à l'article 1er.
Tout d'abord, au grand I du nouvel article 222-33, on s'est rapproché de la définition communautaire. Je rappelle à l'Assemblée que, lors de l'examen de la loi sur les violences – M. Geoffroy s'en souvient –, nous avions voté, à l'unanimité, une nouvelle définition du harcèlement, qui avait été recalée au Sénat, à la demande du Gouvernement. Peut-être n'était-elle pas encore assez précise. Ici, je le répète, nous nous rapprochons de la définition communautaire en reprenant le terme de « situation » et non pas d'« environnement », car il paraît plus clair.
Quant au II, qui mentionne l'acte unique, en accord avec la rapporteure de la commission des lois et afin de calmer les craintes de voir des agressions sexuelles, même uniques, être requalifiées en harcèlement, nous avons fait enlever les mots : « user d'ordres, de menaces de contraintes », pour garder ainsi le début de la phrase : « Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave… ». Nous espérons ainsi sécuriser la définition de l'acte unique comme harcèlement sexuel.
Je souhaitais avant toute chose saluer l'initiative du Gouvernement qui a placé la lutte contre le harcèlement sexuel au coeur de ses priorités, n'hésitant pas à faire du texte que nous examinons l'un des deux textes-phares des premiers travaux de cette nouvelle législature.
Il y avait bien entendu urgence puisque la décision du Conseil constitutionnel avait créé un vide juridique mais je veux y voir, au même titre que la création d'un ministère dédié aux droits des femmes, un symbole : que le Gouvernement place l'amélioration de la condition des femmes parmi ses priorités est une marque du changement.
Au-delà de ce symbole, cet article 1er représente un progrès indéniable car, dorénavant, un véritable délit de harcèlement sexuel est consacré et un cadre solide est fixé. L'infraction recouvre désormais non seulement le travail et le cercle familial mais aussi les relations de voisinage, la vie associative, le milieu universitaire et scolaire.
C'est un grand pas mais un premier pas seulement car la condition générale des femmes en France doit être améliorée. À cet égard, je tiens à souligner votre initiative, mesdames les ministres, en faveur d'un futur grand texte. Je me félicite également de l'initiative de ma collègue Monique Orphe, qui plaide pour une grande loi-cadre. Représentant comme moi La Réunion, elle mesure à quel point l'amélioration de la condition des femmes réunionnaises est un combat majeur. À La Réunion, en dehors de l'accès à certains emplois, les femmes sont moins concernées par les situations d'inégalité professionnelle. Ce sont davantage les situations de violences conjugales qui nous interpellent : les drames sont fréquents et les plaintes recensées atteignent un haut niveau, variant entre 1 500 et 1 700 chaque année.
En la matière, vous n'êtes pas sans savoir les difficultés à obtenir des statistiques fiables pour pouvoir réellement lutter contre ce phénomène. Pour cette raison, il serait bon dans les textes futurs d'ériger la fiabilité de l'outil statistique au rang de priorité. Il ne faudra pas non plus oublier la protection et l'accompagnement des victimes, l'accompagnement et le suivi des auteurs d'infractions, la formation des personnels policiers et judiciaires, le développement des services sociaux.
Par sa réactivité sur cette question de harcèlement sexuel, le Gouvernement a montré sa détermination. Mesdames les ministres, soyez assurées de notre concours et notre soutien actif.
La parole est à Mme Annie Genevard, dernier orateur inscrit sur l'article.
Ce texte fait l'objet d'un large consensus et je m'en réjouis. Beaucoup d'entre nous ont exprimé l'idée que la condamnation du harcèlement sexuel n'était ni de gauche ni de droite, ce que je crois également. Comme cela a été dit, nous voterons ce texte parce que c'est un bon texte et parce qu'il est éminemment utile.
La question qui est au coeur de notre discussion réside dans la définition du harcèlement sexuel, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel : qu'est-ce que le harcèlement sexuel ? Que n'est-il pas ?
C'est la raison pour laquelle je regrette les propos tenus par certains orateurs qui, pour évoquer le harcèlement sexuel, ont rappelé des réactions à la tenue vestimentaire d'une ministre. Rien n'autorise à les associer à l'objet de notre débat, quelque maladroites qu'elles aient pu être. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cette confusion me paraît préjudiciable à la cause même que nous défendons, laquelle consiste à lutter et à condamner le harcèlement sexuel, qui est une pathologie et une infraction pénale.
Quant à l'évocation de Pierre de Coubertin comme père fondateur d'un machisme qui serait lui-même une forme atténuée du harcèlement sexuel, elle me paraît également constituer une confusion dommageable.
Ses propos, certes éminemment contestables à la lumière de notre sensibilité contemporaine, ne sont que le reflet d'une époque. Il ne faut pas forcément les lire autrement.
…n'est pas forcément la meilleure façon de condamner, avec la plus extrême fermeté, un phénomène qui est malheureusement d'une cruelle actualité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous en venons aux amendements à l'article 1er.
La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l'amendement n° 73 .
Monsieur le président, je précise que j'associe à cet amendement mon collègue Dino Cinieri.
Je voterai, bien évidemment, ce texte in fine, madame la ministre, je le dis car je ne voudrais pas non plus donner le sentiment de briser le consensus…
…qui entoure ce sujet, en lui-même éminemment consensuel.
La difficulté de notre exercice législatif consiste à cerner ce type de comportements socialement et psychologiquement nocifs que l'on qualifie de harcèlement sexuel, véritables agressions sexuelles commises avec des mots, sans pour autant interdire les comportements de séduction, fussent-ils maladroits et voués à l'échec, sous peine d'enfermer notre société sous une chape de plomb morale insupportable.
Cela suppose que des critères incontestables et surtout prévisibles pour le justiciable soient retenus pour caractériser l'infraction. Si l'on comprend tous très aisément ce que recouvrent les notions de propos dégradants ou humiliants portant atteinte à la dignité, il n'en va pas de même pour la notion d'« environnement intimidant, hostile ou offensant ». Certes, cette terminologie est issue d'une directive européenne mais l'on peut se demander, j'ose le dire, si elle n'est pas surtout issue d'une culture marquée par le rigorisme et le puritanisme.
Si certains propos peuvent intimider une personne, il n'en sera pas de même d'une autre. Quant à l'hostilité, on ne peut la comprendre que comme une perception personnelle de l'individu qui se prétend victime car la sexualité, il faut quand même le rappeler, n'est a priori pas synonyme d'hostilité.
Enfin, la notion d'offense appartient davantage au vocabulaire religieux que pénal : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le flou de la rédaction proposée est contraire, je le crains sincèrement, au principe de légalité des peines. C'est précisément ce qui a valu au texte de subir la censure du Conseil constitutionnel.
C'est la raison pour laquelle je suggère, par mesure de sécurité madame la ministre, de supprimer une partie de cet article 1er. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur Fenech, votre amendement tend à supprimer la notion nouvelle de « situation intimidante, hostile ou offensante », laquelle permettra de caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement sexuel. Comme je l'ai déjà dit, le Sénat, à l'initiative du reste du groupe UMP, a remplacé le terme « environnement » qui figurait dans le texte initial par celui de « situation », déjà connu de notre droit pénal et moins subjectif.
Par ailleurs, on ne peut être d'accord avec votre amendement qui revient aux peines précédemment prévues pour le délit de harcèlement sexuel, d'autant que le Sénat, à juste titre là encore, a relevé les peines encourues pour les deux formes de harcèlement sexuel à deux ans de prison et 30 000 euros d'amendes.
Avis défavorable.
Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, n'y voyez pas malice, mais je remarque qu'après l'amendement de M. Fenech qui tend à réduire le quantum de peine, un autre amendement, issu de vos rangs, visera ultérieurement à le doubler… Après tout, il peut toujours y avoir de la transversalité interpartisane et des fissures intrapartisanes.
Ce n'est pas le sujet cependant.
Dans le texte issu de la commission des lois de votre assemblée, les diverses formes de harcèlement sont toutes punies de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Vous proposez dans cet amendement de revenir au quantum de peine lié à la précédente incrimination, qui impliquait qu'il y ait réitération.
J'ai entendu dans vos débats exprimer le regret que les atteintes aux biens sont souvent plus sévèrement punies que les atteintes aux personnes. Nous devrons y revenir : c'est une vraie question.
Le problème qui se pose, ce n'est pas seulement celui de l'échelle des peines, c'est aussi celui de notre échelle de valeurs, de l'importance respective que l'on accorde aux personnes et aux biens.
Je vois bien que nous sommes en train de nous acheminer vers l'unanimité. Elle est importante pour ce texte car, comme le disait Mme Buffet tout à l'heure, elle va lui conférer une puissance particulière. Nous pourrions le voter grâce à l'appui de notre seule majorité mais le Gouvernement est demandeur de cette unanimité car elle va apporter de la force à cette loi.
J'ai parlé de perturbation du code pénal : il y règne en effet un relatif désordre du point de vue de nos valeurs. Je l'ai dit à la tribune, c'est un chantier plus lourd que nous allons entamer. Que l'on sanctionne plus sévèrement les atteintes aux biens que les atteintes aux personnes est un vrai problème. Or vous abaissez encore la sanction pour harcèlement.
Deuxième point, plus important encore : vous restreignez le champ d'application du texte, et vous le faites délibérément. Pour notre part, nous savons aussi parfaitement ce que nous faisons en rédigeant la définition de l'incrimination de cette façon. Nous ne nous sommes pas exclusivement inspiré des directives européennes même si nous l'avons fait en partie, pour deux raisons. La première, c'est que ces directives comprenaient un spectre très large des situations possibles de harcèlement sexuel. La deuxième, c'est que notre droit interne est imprégné à 60 % de législation européenne. Reste que nous n'avons pas transposé ces directives puisqu'elles ne sont pas de source pénale et que leur rédaction retenait essentiellement des éléments subjectifs, c'est-à-dire ce que la victime pouvait ressentir. Nous avons introduit des éléments objectifs, évoquant « gestes », « propos » et « comportements ». Le Sénat a choisi de subsister aux termes « gestes », « comportements » et « tous actes » le terme « agissements ». Nous sommes dans l'objectif premier de l'identifiable, dans ce que le magistrat peut saisir et ce que le ministère public peut contribuer à mettre en lumière.
Voici les raisons pour lesquelles, monsieur le député, nous prenons acte de ce désaccord. Il n'y a pas de confusion : vous savez pourquoi vous avez choisi de restreindre le champ d'application, nous savons pourquoi nous avons choisi de rédiger ainsi l'article 1er. La réalité impose de prendre en compte, en dehors des cas de harcèlement qui se déroulent dans un bureau fermé, dans une relation bilatérale, la création d'une situation dégradante pour la victime.
Après ce long développement, voilà pourquoi j'émets au nom du Gouvernement un avis défavorable à votre amendement, monsieur le député.
Pardonnez-moi, monsieur le président, mes chers collègues, ce petit détour. Je n'étais pas inscrit sur l'article mais je souhaiterais revenir sur les propos de M. Lebreton.
La parole est libre, monsieur le président. Je n'en abuse pas, mon groupe non plus. J'aimerais me raccrocher au débat, vous comprendrez que le sujet mérite qu'on s'y attarde un peu.
M. Lebreton évoquait la loi du 9 juillet 2010 sur les violences conjugales – que je connais quelque peu… – et en appelait, comme certains autres de ses collègues, à une loi-cadre. Rappelons que nous sommes en train de voter une loi qui fait suite à une annulation par le Conseil constitutionnel de dispositions législatives jugées trop imprécises.
Nous avions eu ce débat au moment du vote de la loi en question, le 29 juin 2010. Nous avions tous convenu que nous mettions dans la loi tout ce qui relevait du domaine législatif, en application de l'article 34 de la Constitution, à la suite du rapport de la mission d'information dont j'étais le rapporteur.
Nous avions tous dit que nous avions besoin d'un dispositif-cadre qui, dans le respect de notre constitution, mette en place, à partir de la loi et autour de la loi, un ensemble de politiques publiques.
Prétendre encore que la loi du 9 juillet 2010 est incomplète et qu'il faut une loi-cadre, c'est une erreur de jugement qui ferait courir un risque grave si nous en arrivons là. Le Conseil constitutionnel l'a déjà fait pour d'autres lois dites d'orientation, en supprimant totalement les annexes programmatiques qui n'avaient pas de valeur législative. Il n'hésiterait pas à annuler les éléments de cette prétendue loi-cadre qui ne seraient pas de nature législative : rien de pire ne pourrait arriver à la politique que souhaitons mettre en place.
Je n'y reviendrai pas, monsieur le président, mais comme cela a été évoqué, je ne voudrais pas qu'on illusionne nos concitoyens avec l'idée qu'on peut faire mieux grâce à une loi-cadre, qui serait enfin la belle et grande loi qu'on n'avait pas osé ou pas voulu adopter jusqu'ici.
(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Je serai bref : cet amendement propose trois modifications par rapport au texte issu de la commission.
La première consiste à remplacer le mot « agissement » par le mot « comportement ».
La deuxième vise à maintenir le mot « environnement » plutôt que le mot « situation » : j'avoue ne pas comprendre en quoi la notion de situation serait plus objective que celle d'environnement. Peut-être un dictionnaire usuel me le permettrait-il...
Troisième modification, la plus importante : j'ai un doute sur la pertinence de l'expression « qu'il soit créé à son encontre une situation intimidante ». Comme je l'ai déjà dit en commission, il existe des situations qui malheureusement perdurent, et que des actes de harcèlement ne font que maintenir ou proroger dans le temps, sans les créer. Je me demande s'il n'y a pas là un problème.
C'est la raison pour laquelle nous proposons d'écrire, non pas « créé à son encontre », mais « la place dans un environnement ». Ce faisant, Monsieur le président, j'ai présenté l'amendement n° 34 , qui porte sur le même sujet.
Monsieur Poisson, vous venez d'aborder trois points.
Le premier réintroduit la notion d'environnement : or ce n'est pas souhaitable, car si nous avons retenu le terme de « situation », adopté du reste par le Sénat, c'est parce qu'il est beaucoup plus précis.
Le deuxième point concerne le remplacement des termes « créé à » par « placée dans un environnement », qui fait également l'objet de l'amendement n° 34 . Cela ne paraît pas davantage opportun, car cela donne une dimension plus subjective à la définition du délit et atténue l'exigence du lien de causalité entre le comportement du harceleur et les faits commis à l'encontre du harcelé.
Enfin, l'amendement restreint la définition du délit en rendant cumulatives des conditions qui sont alternatives dans le texte adopté par le Sénat. Les propos ou agissements à connotation sexuelle doivent avoir pour effet soit de porter atteinte à la dignité, soit de créer une situation intimidante, hostile ou offensante. C'est pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement.
Avis défavorable pour exactement les mêmes raisons que celles développées par Mme la rapporteure.
Le « et », qui n'a l'air de rien, a un effet cumulatif : il exige la réunion des deux conditions, alors que dans le texte actuel, issu de votre commission et qui était également celui du Gouvernement et du Sénat, seule l'une ou l'autre de ces conditions devait être remplie.
Il en va de même pour « place » : le harcèlement crée la situation, tandis que « la place » nous paraît plus imprécis.
Votre amendement rendrait donc le texte plus restrictif et restreindrait son champ d'application. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
S'il s'agit de sous-amender pour transformer le « et » en « ou », je suis ouvert à la discussion.
Cela étant dit, même si je comprends bien votre volonté de coller au texte qui provient du Sénat et de la commission, je n'ai toujours pas compris – et vous n'avez toujours pas répondu à ma question, Madame la rapporteure – en quoi le mot « situation » serait plus objectif que le mot « environnement », et en quoi les termes « place dans » seraient plus restrictifs que le mot « crée ».
Je n'insisterai pas pour cette fois, mais il serait souhaitable que l'on obtienne plus d'explications à l'avenir dans ce débat.
Je rappellerai juste que le texte du Gouvernement comportait les termes « comportement » et « environnement ». Puis, les débats au Sénat ont conduit à remplacer le premier par « agissement » et le second par « situation ».
Il aurait en effet été possible pour l'Assemblée de changer…
…mais les débats n'ont pas fait apparaître de nuance déterminante entre les deux, justifiant que nous compliquions le processus législatif.
J'insiste concernant le mot « place » : parce que l'incrimination « crée » la situation ou l'environnement : « créer » ou « placer », ce n'est pas la même chose du point de vue pénal. Le premier mot est plus précis, et constitue un élément plus objectif pour l'appréciation des magistrats.
Quant au mot « et », après tout, vous disiez que vous n'insisteriez pas, et que vous ne cherchiez pas être désagréable. Le plus simple serait donc que vous retiriez votre amendement, ce qui éviterait que nous soyons obligés, dans cette Assemblée si bien disposée, de vous infliger un vote négatif.
Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi, nous sommes bien disposés !
Madame la ministre, je vous remercie de cette invite, mais sauf exception, il n'est pas d'usage que je retire mes amendements. Je serai donc battu par l'Assemblée, mais je maintiens mon amendement.
La différence entre « environnement » et « situation », c'est que le premier concerne l'ambiance, alors que la seconde porte sur la personne elle-même : cette différence est essentielle.
(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Il s'agit d'un amendement de précision : après le mot « propos », il serait judicieux d'insérer les mots « désobligeants et équivoques ».
Cet amendement introduit des notions totalement inconnues dans notre droit et qui ne sont pas assez précises pour figurer dans un texte pénal.
Avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Madame la rapporteure, votre réponse est un peu étonnante : la loi est votée par le Parlement, il nous appartient donc de créer des notions de droit.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
Nous en avons déjà discuté Il s'agit, à l'alinéa 2, de substituer au mot « agissement » le mot « comportement ».
(L'amendement n° 54 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 3 .
Il s'agit d'un nouvel amendement de précision, qui vise à qualifier la caractéristique des gestes et propos, en ajoutant, après le mot « sexuelle », les termes « intempestifs et abusifs ».
Monsieur Decool, comme tout à l'heure, vous présentez un amendement qui contient des termes inconnus de notre droit, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)...
S'agissant du mot « abusif », la notion d'abus est certes connue de notre droit, mais il nous semble qu'elle est ici tout à fait inappropriée puisque le texte exige déjà que les propos et agissements soient imposés et répétés. J'émets donc un avis défavorable.
J'entends bien vos protestations et votre souhait de pouvoir légiférer librement. Je souhaite simplement rappeler le contexte dans lequel nous travaillons sur ce texte, et qui tient à notre obsession de la sécurité juridique. Plus nous précisons les termes, plus nous prenons des risques.
Il s'agit d'être précis sans excès : comment un magistrat pourrait-il apprécier des propos « intempestifs » ? À l'inverse, notre texte lui permettra d'apprécier des propos de nature à créer une « situation intimidante » ou portant « atteinte à la dignité ».
Il ne s'agit pas de brider l'Assemblée nationale en limitant sa capacité à produire de la norme, même avec une sémantique un peu effervescente…
… ou du moins peu productive.
Cela tient juste à notre souci de la sécurité juridique : plus vous précisez, plus vous restreignez le champ d'application de l'incrimination. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je tenais à vous livrer une réflexion à voix haute : en répondant tout à l'heure à notre collègue Poisson, madame la ministre disait que nous n'étions pas obligatoirement là pour remettre en cause ce qui avait été fait par nos collègues sénateurs.
Puis, lorsque Madame Crozon a proposé un amendement revenant sur ce qu'avaient décidé nos collègues sénateurs, elle a dit exactement l'inverse ; je m'interroge à haute voix…
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Madame la ministre, j'ai l'impression d'être victime d'un harcèlement textuel ! Rires sur les bancs du groupe UMP - (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous propose encore une fois un amendement de précision concernant le vocabulaire, qui élargit l'infraction en insérant le mot « blessant » après le mot « dégradant ».
Cet amendement n'apporte pas de réelle précision, et fait même courir le risque, en ajoutant un terme imprécis, de fragiliser la constitutionnalité du dispositif. Mon avis est donc défavorable.
(L'amendement n° 1 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
L'amendement n° 34 a déjà été défendu par M. Poisson. Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable, avec le même argumentaire que tout à l'heure, n'en déplaise à Monsieur Geoffroy. Mes arguments sur la différence entre « crée » et « place » sont parfaitement cohérents, et restent valables : nous y reviendrons.
La parole est à Mme la rapporteure pour la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour soutenir l'amendement n° 9 .
L'objectif de cet amendement est de faciliter la réunion des éléments de preuves. En effet, la plupart des plaintes n'aboutissent pas, car les victimes éprouvent des difficultés à apporter la preuve d'événements se déroulant la plupart du temps dans l'intimité.
Il s'agit donc d'ajouter une troisième notion dans la première partie de la définition, qui porte sur l'atteinte à la santé. En effet, dans de nombreux cas, la santé physique ou mentale est atteinte. Les arrêts de travail de successifs et les certificats médicaux établis à cette occasion peuvent ainsi s'ajouter au dossier, et permettre à la victime de prouver qu'elle a souffert de harcèlement.
Cet amendement, qui traduit une recommandation formulée par la délégation aux droits des femmes, pose deux problèmes.
Le lien de causalité entre les faits de harcèlement et l'altération de la santé pourra être difficile à établir, surtout s'agissant de l'altération de la santé mentale. À cet égard, on peut penser à des arrêts rendus en matière de harcèlement moral dans lesquels le lien de causalité n'a pas été retenu au motif que l'état de santé physique ou mental de la victime préexistait aux agissements litigieux, par exemple pour des salariés en dépression.
Au plan judiciaire, si une victime invoque l'effet sur sa santé du comportement du harceleur, celui-ci risque de formuler des demandes d'expertise médicale ou psychiatrique. Or cela peut avoir des conséquences importantes et inutilement pénibles sur des personnes en souffrance, surtout sur des femmes qui sont déjà dans une grande souffrance. Et l'on sait aussi quelle peut être la perversité de certains harceleurs.
Pour ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Nous avons beaucoup discuté de cet amendement et nous nous sommes demandés si nous devions introduire l'état de santé parmi les éléments constitutifs de l'incrimination. Certains députés nous ont signalé que, dans le cas du harcèlement moral, cet élément constitutif existe dans la définition de l'incrimination.
Le harcèlement moral est fortement lié à l'ambiance de travail. Le cadre professionnel comporte déjà toute une série de dispositions qui permettent la prise en considération de l'état de santé.
En introduisant cet élément constitutif dans l'incrimination de harcèlement sexuel, nous craignons qu'il devienne plus facile de réclamer des certificats comme élément de preuve, alors que nous introduisons un élément de progrès dans notre droit en indiquant qu'il peut y avoir une atteinte à la dignité.
Nous ne voudrions pas que les victimes se retrouvent pénalisées à plusieurs niveaux, et d'abord par le fait qu'on réclame systématiquement la preuve que la santé est altérée. Les victimes ont le droit, en effet, de ne pas avoir leur santé altérée et d'exiger que les faits de harcèlement cessent.
Ensuite, cela pourrait pénaliser les victimes. Imaginons qu'un certificat médical indique que les faits ont donné lieu à trois jours d'arrêt de travail. Cet élément pourrait être apprécié comme montrant un faible impact du harcèlement sur la victime.
Enfin, les éléments concernant la santé peuvent être de caractère psychiatrique. Dans ce cas, il n'est pas sûr qu'il soit souhaitable que la victime soit obligée de se soumettre à des examens de cette nature.
Pour toutes ces raisons, et malgré l'intention que nous percevons derrière cet amendement, le Gouvernement propose son retrait. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Nous allons retirer cet amendement, mais nous souhaitions avoir ce débat, en particulier pour montrer que la notion d'atteinte à la santé existe.
Par ailleurs, je ferai remarquer que de très nombreux orateurs ont fait part, à la tribune, de ces effets en termes de santé qui sont une conséquence du harcèlement sexuel.
(L'amendement n° 9 est retiré.)
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 17 .
Harceler ne se conçoit grammaticalement que par une répétition d'actions identiques ou différentes sur une certaine période de temps.
Il semble que lors des travaux préparatoires relatifs au code pénal, les rédacteurs aient souhaité que l'on puisse punir un fait unique du moment qu'il était suffisamment grave.
Jusqu'à présent, la jurisprudence n'a sanctionné que des comportements multiples. La survenance d'un seul acte suffisamment grave entre en effet nécessairement sous une qualification pénale différente : agression ou atteinte sexuelle, viol, etc.
La répétition constitue, dans la nouvelle rédaction de l'article 222-33 du code pénal, un élément matériel de l'infraction de harcèlement sexuel.
Il serait incohérent, au vu tant de la jurisprudence que du présent texte, de retirer la répétition de l'élément matériel des actes assimilés au harcèlement sexuel.
Aussi, je vous propose de supprimer, à l'alinéa 3 de l'article 1er, les mots « , même non répété ».
Nous ne contestons pas que, sur le plan sémantique, le harcèlement suppose la répétition d'un acte. Pour autant, certains comportements que l'on peut qualifier de chantage sexuel, s'apparentent de façon très proche au harcèlement bien qu'ils se traduisent par un acte unique. C'est la raison pour laquelle le projet de loi les incrimine en les assimilant au harcèlement sexuel. C'est d'ailleurs l'un des principaux apports du texte. Sans cette disposition nouvelle, des comportements pourtant extrêmement répréhensibles de chantage sexuel, notamment dans le cadre d'entretiens d'embauche ou de recherche d'un logement, ne seraient couverts par aucune dimension ou disposition pénale.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Derrière les mots, il y a des situations, des gens et des drames.
Comme je l'ai rappelé, le législateur s'était déjà rendu compte, en 1992, qu'il fallait traiter de l'acte unique, c'est-à-dire de la situation qui se présente une seule fois mais qui a des conséquences graves.
Prenons le cas d'une mère de famille qui élève seule ses enfants et qui a absolument besoin d'un emploi. Elle se voit proposer, lors d'un entretien d'embauche, un marchandage sexuel. Si elle ne cède pas, elle n'obtient pas cet emploi même si, par ailleurs, elle est parfaitement qualifiée pour exercer ce métier. Si nous supprimons cette disposition, la situation dont je viens de parler ne sera pas couverte, c'est-à-dire que nous laissons en déshérence des personnes qui se retrouvent une seule fois dans une situation qui les pénalise fortement et qui est assimilable dans notre texte à du harcèlement sexuel.
Nous sommes conscients que le harcèlement suppose la réitération. C'est la raison pour laquelle cette infraction est assimilée au harcèlement sexuel.
Le débat sur la déqualification a déjà eu lieu. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'amendement qui vise à supprimer les mots « ordres, menaces et contraintes ». Il y avait une crainte réelle de déqualification de la tentative d'agression sexuelle ou de la tentative de viol en harcèlement sexuel dans la mesure où les éléments constitutifs étaient identiques. En effet, on retrouve bien les contraintes et les menaces à la fois s'agissant de l'acte unique assimilé à du harcèlement sexuel et dans les tentatives de viol et d'agression sexuelle.
Il y avait donc un risque réel de déqualification. Par exemple, les délais en cour d'assises sont tels qu'il arrive, déjà pour des raisons pratiques, souvent avec l'accord de l'avocat de la victime, que des viols ou tentatives de viol soient déqualifiés de façon à passer plus rapidement en correctionnelle. Certes, il nous faudra régler ce problème de fonctionnement des juridictions, mais indépendamment de cela nous ne devions pas créer dans la loi des risques réels de déqualification.
Nous allons supprimer ce risque réel, mais il faut permettre que l'acte unique qui a des conséquences graves puisse être puni. C'est le but de cette incrimination assimilée au harcèlement sexuel.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Je vous propose, de supprimer, à l'alinéa 3 de l'article 1er, les mots « réel ou apparent ». En effet, cette formulation n'apporte rien à la caractérisation de l'élément matériel de l'infraction de harcèlement sexuel et peut être de nature à semer un doute dans l'esprit du juge quant à l'élément moral, à savoir l'intention de l'auteur.
Nous pensons qu'il n'y a pas de doute et que cette précision permettra précisément de faciliter la preuve de ce but qui, sans cela, pourrait être extrêmement difficile à prouver.
Monsieur Geoffroy, voici comment M. Alain Anziani a qualifié les termes « réel et apparent » : « Le choix de ces termes a pour but d'inviter les juges, dès lors que l'auteur des faits nie les avoir commis, ou affirme les avoir commis dans un autre but, une plaisanterie ou un simple jeu par exemple, à examiner un faisceau d'indices afin de déterminer si objectivement les pressions exercées par l'auteur tendaient à l'obtention d'une relation sexuelle ». Je trouve cette définition excellente et je fais miennes ces observations. Je considère que cette précision sera très utile pour les victimes de chantage sexuel.
Voilà pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement.
Même avis. Les termes « réel ou apparent » traitent à la fois du harcèlement qui vise l'aboutissement en acte sexuel, mais aussi l'humiliation. Le harceleur ne cherche pas systématiquement à obtenir une relation sexuelle.
Madame la garde des sceaux, cet après-midi, dans votre propos liminaire, il était question de volonté d'objectivité. Or les termes « réel ou apparent » n'apportent rien en matière d'objectivité à la notion d'agression sexuelle. Ils me paraissent de nature à tromper systématiquement le juge dans le cadre du traitement d'un dossier de ce genre.
(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Dont acte !
J'en viens à l'amendement n° 24 .
Le code pénal est plus sévère pour la protection des biens que pour celle des personnes. Comme l'a rappelé M. Vercamer, le texte prévoit que le harcèlement sexuel sera moins puni qu'un vol. Il y a là quelque chose d'illogique. On me répondra qu'il y a un grand désordre dans le code pénal, que les textes ont été adoptés au fil des années sans créer de hiérarchie des peines, ce qui serait pourtant logique. On va nous promettre un grand texte qui va réformer tout cela. Il n'empêche qu'aujourd'hui il n'est pas juste de moins punir le harcèlement sexuel que le vol. Nombre de nos collègues de la majorité ont parlé de justice. Avec cet amendement, nous proposons de passer de la parole aux actes.
Je le répète, punir davantage le harceleur sexuel que le voleur, voilà la justice. En tout cas, telle est la conception du groupe UDI. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
On ne peut pas ouvrir ce vaste chantier au détour d'un tel texte. C'est plutôt dans le cadre de la discussion d'un projet sur les violences de genre qu'il faudra avancer sur la question de la cohérence de l'échelle des peines. Il ne me semble pas que le texte doive dès aujourd'hui alourdir les peines pour harcèlement sexuel.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Cet amendement correspond à un vrai sujet, que nous avons déjà abordé tout à l'heure, celui de l'échelle des peines dans l'ensemble du code pénal, donc de l'importance – j'allais presque dire de la pondération, du coefficient – que nous accordons à la protection de la personne et à celle des biens.
Nous avions le choix entre deux niveaux de cohérence possibles. Nous pouvions envisager les choses du point de vue de la cohérence d'ensemble du code du pénal, auquel cas il aurait fallu fixer une peine supérieure à toute atteinte aux biens, ou en tout cas à peu près équivalente dans l'échelle des peines. L'autre choix, c'est celui que nous avons retenu, était la cohérence à l'intérieur des agressions sexuelles.
Si nous avions choisi la cohérence dans l'ensemble du code pénal, nous nous serions heurtés à une difficulté que j'illustrerai par deux exemples de textes récents. La loi du 15 juillet 2008 a aggravé la peine maximale punissant la dégradation d'un bien dans un lieu dépendant d'une personne publique, en la portant de trois à sept ans. La loi du 14 mars 2011 a aggravé la peine maximale punissant le vol commis dans un local destiné à l'entrepôt de fonds – c'est une circonstance touchant à des biens, qui précise un délit touchant lui aussi à des biens – en la portant de trois à cinq ans. C'est cela, le désordre dans le code pénal dont je parlais tout à l'heure !
Mais alors, si je considère – et je considère – que le harcèlement sexuel est, en raison des effets dévastateurs qu'il a sur la victime, d'une gravité bien supérieure à la dégradation d'un bien dans un lieu dépendant d'une personne publique, je devrais, si je me plaçais du point de vue de la cohérence d'ensemble du code pénal, le punir d'une peine de plus de sept ans.
Sauf que votre amendement ne réaménage pas toutes les peines d'infraction sexuelle. Si vous faisiez cela, on pourrait peut-être dire que c'est intempestif, mais au moins ce serait cohérent. Mais ce n'est pas ce que vous faites. Vous aggravez la peine uniquement pour le harcèlement sexuel. Or je vous rappelle l'échelle des peines en ce qui concerne les infractions sexuelles : l'exhibition sexuelle, c'est un an d'emprisonnement : le harcèlement, c'est deux ou trois ans, selon qu'il y a ou non des circonstances aggravantes ; les agressions sexuelles ou les atteintes sexuelles sur mineur, c'est cinq, sept ou dix ans ; et le viol, c'est quinze, vingt ou trente ans, selon qu'il y a ou non des circonstances aggravantes. Autrement dit, vous demandez aujourd'hui que seule la peine sanctionnant le harcèlement sexuel soit alourdie, sans considérer les agressions sexuelles plus graves.
Je le répète, il y a un travail de fond à faire, non pas simplement sur la base mécanique de l'échelle des peines, mais sur la base de la conception que nous avons de la gravité des atteintes aux personnes et des atteintes aux biens. Nous ne pouvions pas faire ce travail de cohérence sur l'ensemble du code pénal, comme le montrent ne serait-ce que les deux exemples que je vous ai cités. Nous avons choisi de le faire à l'intérieur des infractions sexuelles.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le député, malgré la bonne intention qui est la vôtre, nous émettons un avis défavorable à votre amendement.
Madame la garde des sceaux, j'entends bien qu'en matière de réforme de l'échelle des peines, le grand soir n'est pas à l'ordre du jour. De toute façon, si nous avions déposé un amendement de ce type, comme vous le suggérez, c'eût été un cavalier législatif.
Pour nous, il s'agit aujourd'hui de parler du harcèlement sexuel, et d'estimer que la peine proposée par votre texte n'est pas suffisante par rapport à d'autres délits, qui sont punis d'une peine plus lourde alors qu'ils nous paraissent moins graves. Voilà le problème.
Vous parliez tout à l'heure de symboles. Vous disiez que c'était le premier texte de la législature dont on aimerait qu'il soit voté à l'unanimité. Eh bien, je pense que c'est aussi le premier texte de la législature qui va fixer la justice que votre gouvernement va rendre. Et moi, je constate aujourd'hui que la justice est plus permissive.
Madame la rapporteure, je suis un peu étonné par votre argumentation. Qui peut le plus peut le moins.
Mais si. Ce n'est pas parce que, dans quelque temps, vous présenterez une loi qui révisera l'échelle des peines que nous sommes obligés d'intérioriser, en rejetant cet amendement, la situation actuelle. Et je pense que nos collègues de la majorité pourraient très légitimement estimer que M. Bourdouleix a raison. Pourquoi accepter aujourd'hui que la peine sanctionnant le harcèlement sexuel soit moins lourde que celle qui punit un vol ? J'ai du mal à comprendre le principe, même si je comprends les propos de Mme la garde des sceaux sur l'intelligence générale de l'échelle des peines. Je considère que de voter l'amendement de M. Bourdouleix est un devoir.
Mes collaborateurs appellent mon attention sur un article du code pénal qui indique l'échelle générale des peines d'emprisonnement : dix ans, sept ans, cinq ans, trois ans, deux ans, un an, six mois. Par conséquent, il faudrait changer cela. Mais je n'ai pas envie de vous opposer un argument pareil. Je voudrais juste vous préciser, monsieur Vercamer, que le Gouvernement ne rend pas la justice.
Cela ne me paraît pas si anodin. Je ne suis pas sûre qu'il se soit agi d'un lapsus de votre part. Et cela nous ramène à notre responsabilité. Nous sommes en train de faire oeuvre législative. Et nous veillons à le faire de la manière la plus précise et la plus cohérente.
Je fais des efforts considérables pour résister à la tentation de vous rappeler que, durant ces cinq dernières années, vous aviez l'occasion de réviser cette incrimination, de la rectifier – c'est notamment ce que demandait une association de femmes, parce qu'elle était trop imprécise – et d'aggraver le quantum des peines.
Cela étant dit, je ferme la parenthèse, et je vous dis que nous devons rester cohérents. Il ne s'agit pas ici de faire de la surenchère – à celui qui voudra punir le plus sévèrement cette infraction, et seulement cette infraction. Nous restons cohérents, et c'est dans ce souci que nous avons travaillé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En fait, chers collègues de l'opposition, vous essayez de ne pas changer votre méthode, celle qui a consisté, pendant une dizaine d'années, chaque fois qu'il s'agissait d'adopter une disposition pénale, à faire en sorte que la discussion débouche sur un alourdissement de la peine. C'est pour cela qu'il y a aujourd'hui un dérèglement total dans la hiérarchie des peines. Au lieu de s'inscrire dans une approche globale, qui tienne compte des éléments de comparaison, on a provoqué ce dérèglement, volontairement ou involontairement, au fil des textes qui se sont succédé, et dont certains ne faisaient que répondre à des faits divers dans le but de montrer, simplement en affichant une sévérité accrue, que le Gouvernement y était attentif.
La question de l'échelle des peines est une vraie question. Si l'on veut la traiter, il faut le faire à l'aune de l'article du code pénal que Mme la garde des sceaux vient de rappeler – article qui n'est pas à actuellement l'ordre du jour. Ensuite, il faut le faire en reprenant tous les textes, et pas seulement quelques-uns, ceux que l'on visite à l'occasion de la seule modification législative dont il est question dans un projet de loi donné. Il faut reprendre l'intégralité du modèle.
Ce problème de la hiérarchisation, il remonte à très loin, vous savez. Il remonte à 1981 : abolition de la peine de mort. Pour les faits les plus graves, il a été procédé à des harmonisations. Par contre, il n'y en a eu aucune dans les dispositions législatives qui se sont accumulées au fil des ans, resserrant la prévention, créant de nouvelles incriminations, ajoutant parfois à des incriminations existantes. À chaque fois, on a voulu afficher, à l'issue de la discussion d'un texte instaurant un nouveau dispositif pénal, un alourdissement de la peine qui n'a pas de sens.
Sur la question pertinente que vous posez, il faut construire une méthode, afin que la loi pénale se traduise aussi par une échelle des peines. C'est un travail extrêmement important. C'est pourquoi il ne faut surtout pas répéter, à l'occasion de l'examen de ce texte, les erreurs qui se sont accumulées au fil des ans avec des dispositifs qui n'ont fait qu'aggraver les sanctions dans une totale incohérence.
La cohérence de la sanction pénale, cela participe aussi du sens de la loi, notamment à l'égard des justiciables et de nos concitoyens.
Je ne crois pas que ce débat soit dépourvu de toute pertinence. Et d'ailleurs, personne ne le dit.
Je m'efforcerai de ne pas faire monter la température entre nous, parce que je pense que ce n'est pas utile. Je voudrais simplement mettre en évidence ce qui, dans nos propos et nos échanges, me semble être un petit danger d'incohérence. Je m'explique.
À partir de l'article dont nous parlons, en particulier du II du texte proposé pour l'article 222-33, qui prévoit que le harcèlement sexuel n'implique pas nécessairement un acte répété, nous ne cessons de dire que les amendements adoptés en commission ont supprimé des termes qui auraient pu entraîner – et je reprends le mot qui a été utilisé – le « déclassement » des agressions sexuelles en harcèlement sexuel. Or, en disant cela, nous disons, involontairement et maladroitement, que le harcèlement sexuel est « moins grave » que l'agression sexuelle.
Autrement dit, au moment même où nous voulons replacer le harcèlement sexuel au coeur de ce qu'il y a de plus grave dans les agissements et les comportements, nous le situons un cran en dessous de l'agression sexuelle. Il est juste de le faire, mais il est un peu délicat de le faire au moment où l'on vote une loi rétablissant l'incrimination pénale.
Et dans le même temps – je ne mets pas en cause ce que vous dites, madame la garde des sceaux, parce que la question de l'échelle des peines, en effet, dépasse le débat d'aujourd'hui –, lorsque certains de nos collègues font remarquer qu'il est quand même un peu surprenant que le harcèlement sexuel soit moins lourdement sanctionné qu'un vol, on se retrouve en quelque sorte pris en étau entre plusieurs considérations. Mais je ne voudrais pas que nos échanges soient interprétés comme un affaiblissement de la volonté qui est la nôtre – et qui est unanime : il s'agit bel et bien, pour nous tous, de réintroduire dans la législation un délit de harcèlement sexuel, avec toute la gravité qu'il revêt.
Ma remarque ne règle en rien la question qui est posée, mais elle veut témoigner du fait que, nonobstant la vraie question de l'échelle des peines, voter cet amendement – et c'est ce que je ferai, personnellement – n'est pas une démarche dénuée de toute pertinence.
Je voudrais répondre d'un mot, parce que nous avons entendu un propos que je ne pense pas pouvoir laisser passer. Nous ne considérons pas le harcèlement sexuel comme étant juste moins grave que l'agression sexuelle. Nous avons eu un débat tout à fait intéressant au Sénat, qui invitait à considérer que le harcèlement sexuel, c'est une incrimination d'une autre nature. Il n'y a pas une progression qui irait du harcèlement à l'agression. Ce sont des incriminations de nature différente.
Dans l'agression sexuelle, il y a contact physique. La loi distingue bien entre ce qu'elle appelle les actes préparatoires et le contact physique.
Ne perturbons pas les esprits en considérant que le harcèlement sexuel, c'est juste un peu moins grave que l'agression sexuelle. Ce sont des incriminations d'une autre nature, qui ont sur les victimes des effets d'une autre nature.
Et c'est pourquoi le quantum de peine n'est pas le critère.
(L'amendement n° 24 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour soutenir l'amendement n° 25 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Cet amendement appartient à une nouvelle catégorie, que je baptise « amendements enjoliveurs ». (Sourires.)
Je vous lis à haute voix l'alinéa 6 : « Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». Cela ne me paraît pas d'un niveau littéraire correspondant à une rédaction de français au collège. C'est la raison pour laquelle je vous propose le mode passif : « conférée par ». Cela ne change absolument rien, ni au poids des mots, ni à leur sens. Cela enjolive un peu la formulation. Ayant été malheureux, monsieur le président, en qualifiant de rédactionnel mon amendement précédent – qui était de même nature –, je tente ma chance en le qualifiant autrement.
Cet amendement n'améliore pas la rédaction du texte. Au contraire, comme je vous l'avais dit en commission, mon cher collègue, il créerait même une différence de rédaction entre le présent projet de loi et tous les autres textes du code pénal qui prévoient la circonstance aggravante d'abus d'autorité. Je vous avais d'ailleurs invité à vous reporter : à l'article 222-24, relatif au viol ; à l'article 222-30, relatif aux autres agressions sexuelles ; ou encore à l'article 225-7, relatif au proxénétisme. Vous aviez jugé ma réponse assez violente, mais je ne fais là qu'exposer une réalité.
Même avis. Grammaticalement, les mots « conférée par » sont peut-être meilleurs que les mots « que lui confèrent », mais on retrouve cette dernière expression dans de multiples articles du code pénal.
J'ai du mal à comprendre cette espèce de volonté systématique de s'aligner sur les textes existants quand bien même ils ne seraient pas très bien écrits. Il faut savoir ce que nous voulons.
Franchement, nous n'allons pas faire des bennes avec ce sujet mais je trouve que votre attitude procède d'une révérence vis-à-vis de la rédaction des textes en vigueur qui, en particulier en ces lieux, ne devrait revêtir aucun caractère obligatoire. Sommes-nous là pour écrire et modifier la loi ou non ?
Je ne prétends remplacer, d'un seul coup, partout dans le code, les mots « que lui confèrent » par les mots « conférée par ». Reste qu'une petite amélioration ne nuit pas.
Je me souviens qu'en commission notre collègue Poisson avait évoqué la lourdeur de cette phrase avec un « qui » et un « que » : « (…) qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». Je serais tenté de proposer une rectification à cet amendement, en récrivant ainsi l'alinéa 6 : « Par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». Et qu'on ne vienne pas m'objecter que le mot « abusant » ne conviendrait pas, parce que, à l'alinéa 10, on peut lire : « Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice. » Aussi, comme vous pouvez le constater, je viens de trouver la solution.
(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)
Nous abordons un des aspects les plus gênants de la rédaction du texte. Ainsi qu'on l'a déjà maintes fois évoqué, le projet ne considère comme une circonstance aggravante qu'un acte de harcèlement commis sur un mineur de moins de quinze ans. Or de nombreuses situations de harcèlement concernent évidemment des mineurs âgés de quinze à dix-huit ans.
Pour reprendre les mots que Mme la rapporteure elle-même a prononcés à la tribune avant la discussion générale, il s'agit bien de constater chez certaines personnes l'affaiblissement de la capacité à résister.
D'abord, je ne vois pas en quoi on serait davantage capable de résister à quinze ans et un jour qu'à quatorze ans et 363 jours…
Ensuite, j'ai bien entendu Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales nous expliquer que si le texte n'était pas nécessairement centré sur les relations de travail, il n'en visait pas moins des situations dans le cadre d'un contrat de travail ; or, à l'évidence, la majorité des personnes mineures, quand elles sont à même de signer un contrat de travail, ont plus de quinze ans en raison des dispositions mêmes du code du travail.
Enfin, j'ai entendu à plusieurs reprises, sans bien comprendre pourquoi, qu'il convenait d'aligner les dispositions du présent alinéa sur la notion de majorité sexuelle fixée à quinze ans et que nous retrouvons dans le code pénal. Je ferai les mêmes remarques que précédemment : d'abord, ce n'est pas parce que cette limite d'âge de quinze ans est celle fixée par ailleurs qu'il faut la reprendre partout ; ensuite, la notion de majorité sexuelle concerne des personnes consentantes, alors qu'il est question ici de capacité à résister, si je m'en tiens aux termes de Mme la rapporteure.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que cette limite de quinze ans soit purement et simplement supprimée parce qu'elle n'a pas de réel objet, qu'elle est dangereuse et qu'elle exclut du bénéfice des circonstances aggravantes de très nombreuses personnes qui pourraient ne pas se montrer plus résistantes que celles dont l'âge est inférieur à la limite fixée.
En commission puis lors de la discussion générale, j'ai bien entendu les arguments contre cet amendement mais, et notre collègue Poisson vient de le montrer, on ne peut pas exclusivement retenir la notion de majorité sexuelle puisqu'il n'y a pas ici de passage à l'acte comme dans le cas d'une agression sexuelle ou d'un viol.
De surcroît, si les circonstances aggravantes devaient s'appliquer jusqu'à l'âge de dix-huit ans, cela permettrait à de très jeunes stagiaires, à des apprentis d'être mieux protégés contre des agissements qu'ils ont d'autant plus de mal à dénoncer qu'ils sont, j'y insiste, jeunes et inexpérimentés. Toutes les situations ne peuvent certes être concernées par la circonstance aggravante d'abus d'autorité ; ainsi d'un mineur de seize ans, émancipé par ses parents et victime d'un harcèlement sexuel dans le cadre d'une recherche de logement.
Je ne reviens pas sur les arguments exposés par notre collègue mais j'aboutis à la même conclusion : il faut supprimer cette limite d'âge de quinze ans.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Nous parlons beaucoup de droit, de textes, mais soyons un peu humains et pensons à ce jeune qui essaie tranquillement de suivre une formation en entreprise et qui, tout à coup, se voit harcelé par son supérieur hiérarchique, un collègue de travail. Imaginez ce qui peut se passer dans sa tête. Ce jeune de quinze à dix-huit ans est en plein cursus scolaire, d'apprentissage ou en alternance, ou même, simplement, en train de réaliser un stage d'études dans le cadre de sa formation au sein de l'éducation nationale. Songez donc à la déstructuration psychologique dont il est victime.
Il me paraît important que ce mineur soit plus protégé que le salarié de base. La situation qu'il subit constitue bien une circonstance aggravante puisqu'il n'est pas salarié de l'entreprise mais qu'il y travaille temporairement.
Ces amendements visent donc à supprimer la limite d'âge de quinze ans, de façon que le mineur soit davantage protégé, que la peine encourue soit plus grave pour celui qui se rendrait coupable de harcèlement à l'encontre d'un mineur au sein d'une entreprise.
Monsieur Vercamer, dans le cas que vous citez, les circonstances aggravantes pour abus d'autorité sont prévues par le texte. Le problème que vous posez n'en est par conséquent pas un.
De plus, ces trois amendements proposent une modification qui remettrait en cause la cohérence des dispositions du code pénal relatives à l'âge de la majorité sexuelle.
La commission ne peut donc pas accepter ces trois amendements. Avis défavorable.
Il s'agit d'un sujet important. Il est incontestable que nous avons tous le souci de protéger les mineurs.
Seulement, les mineurs n'évoluent pas que dans le monde professionnel.
Et l'incrimination en question ne concerne pas que le monde professionnel au sein duquel il est peu probable qu'on trouve beaucoup de mineurs de quinze ans. Ils auront plutôt entre quinze et dix-huit ans.
N'oublions pas, cependant, les jeunes collégiens appelés à réaliser un stage d'une semaine, parfois six, en entreprise. Ils ont moins de quinze ans. Dans d'autres milieux, en revanche, on compte de nombreux jeunes – dans le monde sportif, par exemple.
Il ne s'agit donc pas de révérer le code pénal, comme l'un d'entre-vous nous en a soupçonné tout à l'heure.
Il s'agit de saisir les logiques de cohérence du code et de ne pas les défaire de façon inconsidérée. Dans le code pénal, concernant les mineurs, on trouve deux logiques d'impératif. Le premier impératif est la protection des mineurs de moins de quinze ans ; c'est pourquoi pour la plupart des infractions, à l'exception de la prostitution et de la corruption, la minorité retenue est celle de quinze ans. L'autre impératif, d'engagement, concerne les mineurs âgés de quinze à dix-huit ans et donc les cas de l'émancipation du mineur qui peut par exemple être autorisé à se marier – mariage encadré par le code civil.
Pour ce qui est du milieu du travail, nous avons la circonstance aggravante de l'abus d'autorité, évoquée par la rapporteure.
Mais si : il est très probable que tous les personnels d'une entreprise seront des supérieurs hiérarchiques d'un employé mineur.
En outre, je me suis engagée à préciser, dans la circulaire d'application du texte, la nécessité de prendre particulièrement en considération la situation des victimes mineures. Je suis sûre que les procureurs se montreront capables d'entendre que dans le cas d'un mineur victime, il y a lieu de considérer avec une attention particulière les circonstances aggravantes qui peuvent s'appliquer. Mais ne sous-estimons surtout pas, d'une part, les multiples situations où se trouvent des mineurs de moins de quinze ans qu'il est impératif de protéger et, d'autre part, cette cohérence qu'on peut toujours discuter.
On peut en effet, à l'occasion de la discussion de chaque texte de loi, en pleine nuit, décider de défaire la cohérence du code pénal, mais on peut aussi considérer qu'elle mérite une attention particulière. Et puisque l'ensemble du code pénal – à partir justement, en ce qui concerne les mineurs, de l'ordonnance de 1945 – a décidé de distinguer l'impératif de protection et l'impératif d'engagement, je vous propose d'en rester à la minorité de quinze ans que l'on retrouve dans la plupart des textes.
Votre argumentation, madame la rapporteure, madame la garde des sceaux, ne tient pas. Adopter l'un des trois amendements n'affaiblirait en rien la protection des mineurs de moins de quinze ans. Au contraire, il s'agit d'élargir aux mineurs de quinze à dix-huit ans la protection dont profitent les mineurs de moins de quinze ans. C'est donc l'inverse de ce que vous craignez.
Ensuite, il existe bien des cas où des stagiaires mineurs sont, au sein de l'entreprise, des coéquipiers comme les autres… L'abus d'autorité dans une relation de travail au sein d'une entreprise a un sens précis. On ne peut pas décider arbitrairement qu'il y a abus d'autorité. Le premier alinéa tel qu'il est rédigé ne règle pas les situations que tente de décrire le second.
Enfin, il ne s'agit pas de remettre en cause la cohérence du code pénal. Je peux me tromper, comme tout le monde, mais ledit code ne fixe pas la majorité sexuelle à quinze ans pour les mêmes raisons que vous voulez limiter la circonstance aggravante aux mineurs de moins de quinze ans. Il s'agit pour nous de définir une situation nouvelle. Je ne vois pas en quoi l'on peut transposer la situation que vous décrivez et qui figure dans le code à la situation que nous sommes en train de déterminer. Je souhaite obtenir une réponse précise au moins sur ce troisième point.
Je voudrais abonder dans le sens de notre collègue Poisson.
Vous avez dit, madame la garde des sceaux, et il faut vous en donner acte, que cette question est sensible et importante. Il est essentiel, en effet, de la traiter le mieux – ou du moins le moins mal – possible. Je voudrais mettre en relation vos propos et ceux de notre collègue Poisson avec l'article 3, que nous examinerons tout à l'heure. Nous avons tenu à ce qu'y soit mentionnée, parmi les victimes potentielles à protéger, toute personne « en formation ou en stage ».
Vous avez évoqué les enfants de moins de quinze ans qui, au cours de leur année de troisième, font un stage d'une semaine dans le monde du travail : ceux-ci rentreraient effectivement dans le cadre défini par le deuxième alinéa. Mais que faites-vous des jeunes gens, âgés de quinze à dix-huit ans, qui effectuent une formation en entreprise au cours de leur scolarité, par exemple dans le cadre d'un bac professionnel, ou qui font des stages liés à leur cursus scolaire, voire universitaire – puisqu'un certain nombre d'étudiants n'a pas dix-huit ans.
Comme Jean-Frédéric Poisson, je me permets de contester votre assertion selon laquelle, dans ce type de situation, tout adulte serait de facto en position de supériorité hiérarchique, et donc d'éventuel abus d'autorité, vis-à-vis d'un jeune âgé de quinze à dix-huit ans, effectuant un stage ou une formation. Je pense que ce n'est pas du tout le cas : il se peut fort bien qu'un jeune majeur de dix-huit ou dix-neuf ans côtoie un mineur de seize ans ou dix-sept ans, et que l'un se rende coupable sur l'autre, dans le cadre de la relation de travail, d'un acte de harcèlement sexuel, sans qu'il y ait entre eux aucune relation d'ordre hiérarchique.
Décider de protéger de la même manière tous les mineurs n'empêchera pas de très bien protéger les mineurs de moins de quinze ans.
Méfions-nous des arguments qui ont seulement l'apparence de l'autorité intellectuelle. Ce n'est pas une critique, et je veux bien entendre les exemples que vous donnez, mais je maintiens que, dans une entreprise, il est fort rare que les mineurs ne soient pas en situation d'infériorité hiérarchique par rapport à la très grande majorité, sinon à la totalité du personnel de l'entreprise.
Parler de cohérence et de respect des impératifs, c'est simplement rappeler que, dans les cas de viol, la minorité de quinze ans est actuellement retenue comme circonstance aggravante. Vous voudriez que l'on retienne l'âge de dix-huit ans pour le harcèlement sexuel et qu'on le maintienne à quinze ans pour le viol ?
S'agissant maintenant de l'âge du consentement sexuel, qui est fixé à quinze ans, vous nous dites qu'il n'a pas à être pris en compte car il n'est pas question de consentement dans les cas de harcèlement. C'est incontestable, mais il demeure que l'âge de quinze ans, qui est retenu dans tous les textes comme une circonstance aggravante, est aussi l'âge du consentement sexuel. Ce que dit l'ordonnance de 1945, c'est que le mineur de quinze ans, même lorsqu'il a consenti, n'est pas suffisamment éclairé pour être considéré comme consentant. Vous en êtes d'accord ? Si l'on touche à cela…
Si l'on accepte votre amendement, c'est à tout cela que l'on touche. Vous avez le droit de ne pas être d'accord et je prends cette discussion très au sérieux, mais je pense qu'il doit être possible de trouver un moyen de protéger les mineurs sans désorganiser le code pénal et sans y introduire des incohérences – car c'est une vraie incohérence de passer à dix-huit ans pour le harcèlement sexuel et de rester pour ainsi dire « tranquillement » à quinze ans pour le viol !
Vous avez un doute concernant l'abus d'autorité, et je pense, en ce qui me concerne, qu'il s'agit d'une circonstance aggravante qui pourra être invoquée pour les mineurs de quinze à dix-huit ans : les choses seront très clairement indiquées aux parquets généraux dans la circulaire d'application.
Je ne suis pas sûre que nous épuiserons le sujet cette nuit, mais je crois que nous avons eu, les uns et les autres, l'occasion de nous exprimer et d'exposer très clairement, en ce qui nous concerne, et avec la gêne que cela suppose, les raisons pour lesquelles nous estimons qu'il faut en rester à la minorité de quinze ans.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je voudrais résumer la situation à l'ensemble de nos collègues, qui ne sont pas tous des pénalistes avertis, et que les propositions de nos collègues de l'opposition peuvent avoir interpellés.
Cet amendement apporte-t-il quelque chose ? Nous ne le pensons pas, car les situations précises qui ont été décrites nous paraissent pouvoir être prises en compte par des éléments existant déjà dans le code, en particulier par la notion d'« abus d'autorité ».
Est-ce que l'adoption de cet amendement aurait des conséquences fâcheuses ? Nous le pensons. Depuis 1945, la majorité sexuelle est en effet fixée à quinze ans. Or, toucher à la majorité à propos de la question du harcèlement nous amènerait forcément, un jour ou l'autre, à nous poser la question du report de la majorité sexuelle à l'âge de dix-huit ans, ce que nous ne voulons pas.
Pour des raisons de principe et d'intangibilité de l'existant, et pour éviter les cascades, je suggère donc que nous soutenions la position de Mme la rapporteure et que nous rejetions l'ensemble des amendements portant sur cette question.
Je voudrais répondre à M. le président de la commission des lois, dont l'intervention m'a quelque peu surpris, et avec lequel j'ai de vrais points de désaccord. Comme le faisait justement remarquer Mme la garde des sceaux, c'est aussi l'une des vocations du débat parlementaire que de marquer les positions, quand elles sont destinées à demeurer divergentes.
Monsieur Urvoas, on n'est absolument pas certain – et cela transparaissait dans votre formulation – que tous les cas de figure impliquant des mineurs en entreprise pourront être traités par la première circonstance aggravante de votre texte. C'est tout à fait normal, car la loi ne peut prendre en compte tous les cas de figure. Avec la formulation que vous proposez, on accepte donc qu'un certain nombre de personnes ne soient pas couvertes par la première circonstance aggravante.
Mais ce n'est pas parce que les dispositions que nous nous apprêtons à adopter ne concerneront qu'un très petit nombre de personnes qu'il faut leur accorder moins d'importance : c'est précisément ce que nous voulons éviter, en essayant de faire disparaître la mention de l'âge de quinze ans.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le fait de ne pas respecter la limite de quinze ans dans ce texte devrait nous conduire, à terme, à modifier l'âge de la majorité sexuelle : il n'y a aucun lien entre ces deux questions, puisque nous ne parlons pas ici d'un acte sexuel, mais d'un acte de harcèlement subi : cela n'a rien à voir et je ne comprends pas cette association que vous faites sans cesse, au nom de je ne sais quelle cohérence.
Par conséquent, je suis au regret de devoir contredire, sur ce point, l'éminent président de la commission des lois.
L'ensemble des faits que vous mentionnez est déjà couvert par les circonstances aggravantes : il est fait référence, au premier alinéa, à la personne « qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. », et le troisième alinéa mentionne la « personne dont la particulière vulnérabilité » est « due à son âge »
Plusieurs députés du groupe SRC. Voilà !
Quant à l'alinéa 3 bis, il prévoit le cas d'« une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résult[e] de la précarité de sa situation économique ou sociale ». Sont ainsi regroupées trois situations de fait qui, dans le cadre d'une entreprise, peuvent concerner des jeunes gens âgés de quinze à dix-huit ans. Dans le cas où ceux-ci feraient appel à l'appréciation d'un juge, ce dernier pourrait condamner les coupables de harcèlement sexuel avec des circonstances aggravantes.
Comme l'a dit le président de la commission, l'ensemble des propositions que vous avancez ne fait pas progresser la protection des mineurs, telle qu'elle existe déjà. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 37 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l'adoption 38
contre 127
(L'amendement n° 37 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Cet amendement tend à corriger une formulation qui nous paraît étrange. Comme l'indique l'exposé des motifs, ou bien l'on considère que la dépendance est une forme de vulnérabilité, auquel cas il n'est pas nécessaire d'introduire le mot « dépendance », ou bien l'on considère que la dépendance est distincte de la vulnérabilité, auquel cas on le précise, mais alors il faut s'assurer que toutes les déclinaisons de la vulnérabilité sont bien mentionnées.
Il conviendrait donc, ou bien d'introduire l'adverbe « notamment » lorsqu'on évoque la dépendance, ou bien de supprimer ce mot. Pour les raisons que je viens d'exposer, j'opte pour la deuxième solution. Je ne nie pas que la dépendance soit une forme de vulnérabilité, bien au contraire, mais, précisément, puisqu'être dépendant, c'est être vulnérable, cette répétition est superflue.
Voici, M. Poisson, la définition de la vulnérabilité, et celle de la dépendance : la vulnérabilité résulte de circonstances personnelles à la victime, tandis que la dépendance renvoie à un rapport de forces, donc à des éléments qui peuvent être extérieurs à sa personne.
D'ailleurs, une personne en situation de dépendance n'est pas forcément vulnérable.
Par exemple, ont pu être considérés comme dépendants des stagiaires ou des apprentis qui effectuent un stage obligatoire, ou des travailleurs saisonniers obligatoirement hébergés sur place par leur employeur, ou encore des personnes âgées hébergées en maison de retraite. Il est donc justifié, et même tout à fait nécessaire, de prévoir dans notre texte à la fois la vulnérabilité et la dépendance.
(L'amendement n° 38 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Ségolène Neuville, pour soutenir l'amendement n° 10 .
Il s'agit par cet amendement d'ajouter au délit de harcèlement sexuel le facteur aggravant que constitue l'orientation sexuelle ou l'identité sexuelle.
En effet, les cas d'homophobie ou de transphobie sont fréquemment associés à des comportements de harcèlement sexuel, l'objectif du harcèlement étant alors non pas d'obtenir un acte de nature sexuelle, mais bien souvent uniquement d'humilier la victime. Par exemple, une femme ouvertement homosexuelle est particulièrement exposée au harcèlement sexuel de la part d'un homme.
De plus, l'orientation sexuelle est un facteur aggravant de l'agression sexuelle dans la définition qui figure actuellement dans le code pénal.
Enfin, nous avons utilisé l'expression « identité sexuelle » pour être en cohérence avec l'amendement du Sénat sur les critères de discrimination définis à l'article 225-1 du code pénal. Néanmoins, à titre personnel, je préfère bien sûr employer l'expression « identité de genre », qui est plus exacte.
Cet amendement soulève une difficulté de principe, parce qu'il aboutirait à pénaliser davantage le harcèlement homophobe que le harcèlement sexiste. En effet, compte tenu de la nouvelle définition du harcèlement sexuel figurant au premier alinéa de l'article 222-33, tous les comportements à connotation sexuelle imposés à une personne sont susceptibles d'être sanctionnés et ce, qu'ils soient sexistes, homophobes ou transphobes.
Dès lors, si l'on aggrave la répression pour les seuls comportements homophobes ou transphobes, cela crée une incohérence dans la répression, un harcèlement commis pour des motivations sexuelles devenant moins puni qu'un harcèlement commis en raison de l'orientation ou de l'identité sexuelle.
Je vous invite donc à retirer cet amendement, faute de quoi l'avis de la commission sera défavorable.
Même avis. Le choix d'inclure cette disposition parmi les circonstances aggravantes soulève des interrogations.
Nous connaissons la réalité de la société. Les clichés sexistes, l'homophobie et la transphobie en font partie. La dimension universelle de ce texte amène à considérer que toute victime de harcèlement sexuel est une victime qui doit être protégée de la même façon, au même niveau de sanction.
Pour ces raisons, nous avons retenu l'identité sexuelle dans les motifs de discriminations, mais pas parmi les facteurs aggravants. Je vous propose donc également de retirer l'amendement.
Nous retirons cet amendement, mais nous tenions à soulever cette question afin que ce problème soit abordé. De nombreux intervenants ont discuté de cette question de l'identité sexuelle et de l'identité de genre.
(L'amendement n° 10 est retiré.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l'article 1er. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 75 .
Cet amendement a été déposé par le Gouvernement à la suite d'une séance de travail à laquelle le député Alain Tourret faisait allusion tout à l'heure à la tribune.
L'expérience de députés ayant une pratique au sein des juridictions, soit en qualité de magistrat, soit en qualité d'avocat, nous a été précieuse pour bénéficier de retours sur les situations concrètes. Parmi ces restitutions d'expériences, il a été indiqué que souvent les victimes renoncent à dénoncer un harcèlement sexuel et ne portent plainte que pour harcèlement moral. En plus de données statistiques en ce sens, il apparaît empiriquement que les cas de harcèlement moral sont beaucoup plus nombreux que ceux de harcèlement sexuel.
En tout état de cause, à partir du moment où nous avons fixé le quantum des peines pour le harcèlement sexuel sous toutes ses formes à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, il n'était pas raisonnable de laisser le harcèlement moral puni d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
L'objet de cet amendement est donc d'aligner la sanction prévue pour le harcèlement moral sur celle prévue pour le harcèlement sexuel. Le harcèlement moral sera donc dorénavant puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
J'en profite pour signifier à M. Alain Tourret que j'ai bien entendu ses observations juridiques précises, ainsi que son souhait de voir des passerelles entre les juridictions sociales et les juridictions pénales. Je prendrais donc des dispositions pour que les parquets procèdent avec les conseils des prud'hommes à des échanges d'informations sur les affaires qu'ils ont à traiter.
J'observe que lorsque notre Assemblée propose des modifications à la gradation des peines, on nous répond que c'est absolument impossible parce que cela doit être fait dans un cadre plus général. Mais lorsque le Gouvernement présente un amendement portant article additionnel, tout le monde, rapporteurs compris, semble y être favorable. Il y a deux poids, deux mesures dans cet hémicycle !
L'amendement présenté par le Gouvernement ne peut qu'être approuvé. Le harcèlement sexuel est très souvent l'un des éléments du harcèlement moral et il serait donc absolument invraisemblable qu'il n'y ait pas les mêmes peines prévues pour sanctionner l'un comme l'autre.
Ce n'est donc pas un problème d'aggravation, mais un problème d'équilibre du quantum des peines qui sont ainsi prévues. Je crois que si nous ne le faisions pas, ce serait une grande erreur. L'expérience d'un certain nombre de juristes parmi nous démontre à quel point il y a plus de cas de harcèlement moral que de harcèlement sexuel.
Cette infraction est ressentie de manière très forte dans la chair et le coeur des gens, et vous noterez que le code prévoit bien toutes les incidences et l'altération physique et morale des victimes de harcèlement moral. C'est pourquoi nous devrions tous voter cet amendement du Gouvernement.
Une question de fond ne me paraît pas tranchée par l'argumentation de la garde des sceaux, qui évoque des incriminations jointes. J'ai tout de même un doute sur la pertinence d'aligner par principe les peines encourues par les auteurs d'actes de harcèlement moral sur celles encourues par les auteurs d'actes de harcèlement sexuel.
Ce n'est pas parce que dans la formulation précédente, ces deux types d'infractions étaient sanctionnés du même quantum de peine qu'il faut rétablir cette identité de traitement.
(L'amendement n° 75 , accepté par la commission, est adopté.)
La parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour soutenir l'amendement n° 28 .
Il s'agit de faire courir le délai de prescription à partir du moment où cesse le lien contractuel entre la victime du harcèlement et la structure dans laquelle il s'est déroulé.
Cela laisse la possibilité à la victime de se reconstruire professionnellement, psychologiquement, personnellement, et ainsi de pouvoir plus facilement porter plainte pour le harcèlement qu'elle a subi. Si le lien contractuel continue d'exister, la personne hésitera certainement à franchir le pas. En faisant ainsi courir la prescription à partir de la fin du lien, on renforce les possibilités pour la victime de défendre ses droits.
Cet amendement présente plusieurs défauts.
Tout d'abord, il pourrait créer une quasi-imprescriptibilité de fait. Prenons l'exemple d'une salariée qui subirait un harcèlement au sein d'une entreprise à l'âge de vingt ans, et qui y accomplirait toute sa carrière. Elle pourrait continuer à agir pendant trois ans à compter du jour de sa retraite, plus de quarante ans plus tard. Une telle prorogation du délai de prescription serait dans ces conditions jugée contraire à la Constitution parce que totalement disproportionnée.
Par ailleurs, sur le plan de la preuve, s'agissant d'une infraction par nature difficile à prouver, allonger le délai de prescription ne serait pas forcément rendre service aux victimes. Comme l'a justement dit madame la garde des sceaux hier, le temps n'est pas l'allié des victimes de harcèlement sexuel, et la disposition proposée ne ferait que créer de faux espoirs pour les victimes. L'avis est donc défavorable.
Ce débat s'est également tenu au Sénat, j'espère ne pas vous froisser en me référant aux débats qui s'y sont déroulés, il s'agit simplement du cheminement de ce texte.
Nous comprenons cette demande de prorogation de la prescription. Mais le travail que nous avons effectué sur le plan pénal et celui qui sera fait en politiques publiques, toutes les politiques et toutes les actions que la ministre des droits de femmes a déjà commencé à piloter, et que d'autres ministres vont également lancer, tout cela va changer la donne.
Vouloir donner plus de temps à la victime se conçoit dans un contexte d'isolement de la victime, lorsque l'incrimination est difficile à prouver, et qu'il existe une espèce d'indifférence générale, que j'appelle une acceptabilité collective, de ces faits-là.
Dès lors que nous combattons cet état de fait, que nous créons une incrimination de plusieurs natures, de formes diverses, que nous sanctionnons, que nous punissons davantage les discriminations, que nous protégeons davantage le témoin, que nous menons des actions publiques, nous souhaitons faire en sorte que la victime puisse agir le plus tôt possible.
Ce sont deux logiques contradictoires. L'une consiste à laisser à la victime le plus de temps possible, en sachant que les preuves sont parfois compliquées et difficiles à rassembler. La démonstration du refus est souvent difficile. Les témoins étaient dans des situations de retrait et d'autoprotection. Nous sommes en train de changer tout cela.
Notre but est que la victime puisse agir le plus tôt possible. Il n'est pas de son intérêt de laisser passer le temps car plus le temps passe, moins il y aura de témoins, de traces et de preuves.
C'est un faisceau d'actes qui nous pousse à créer les conditions pour que la victime puisse agir. C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à la prolongation de la prescription.
Si mon amendement comporte peut-être des défauts, la réponse de Mme la rapporteure présente, elle, le défaut majeur de tomber dans la caricature. Imagine-t-on qu'une personne harcelée à l'âge de vingt ans attende de partir à la retraite, quarante ans plus tard, pour envisager une action ? Nous sommes là dans l'exagération.
Donner dans la caricature n'est pas forcément défendre l'intérêt du texte.
Je ne pense pas que notre amendement soit un frein à la rapidité, bien au contraire. Une personne harcelée, qui reste dans son environnement, voire sous l'autorité de la personne qui la harcèle et qui sera menacée dans son emploi et sa vie professionnelle si elle déclenche une procédure contre le harcèlement, sera encore plus hésitante.
Alors que si l'on donne à la victime la possibilité de quitter son travail, de se reconstruire, voire de trouver un autre emploi, avant d'engager une procédure, nous la protégeons en faisant démarrer le délai de prescription à l'instant où la relation contractuelle qui unissait la victime à la structure au sein de laquelle les faits ont été commis a pris fin.
En vous écoutant, monsieur le député, je pensais à des faits différents qui ont suivi des logiques analogues. Pendant très longtemps, face aux violences conjugales, on a laissé les femmes complètement démunies. Les bureaux d'aide aux victimes n'existaient pas et les policiers n'avaient pas reçu de formation suffisante pour faire face à ces situations.
La victime, qui subissait les violences conjugales, devait se débrouiller pour quitter l'appartement – alors qu'elle pouvait être dépendante économiquement –, et pour faire entendre sa cause et la faire prendre en charge etc. Heureusement, nous avons changé les choses.
La logique à l'oeuvre est à peu près la même. Aujourd'hui, dans le cas de violences conjugales, c'est celui qui frappe qui doit s'en aller et se débrouiller. Concernant ce qui se passe dans l'entreprise, je préfère que ce soit le harceleur qui soit mis en difficulté et en situation soit de cesser, soit de trouver un emploi ailleurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)
Nous cherchons à protéger la victime en la traitant comme sujet de droit, non en la maternant, mais en l'armant juridiquement de façon qu'elle puisse faire valoir ses droits et faire respecter son intégrité. Notre logique est totalement différente : nous devons faire en sorte que la victime puisse agir, mais en aucune manière contribuer à créer un effet psychologique qui l'entraînerait à penser que sa situation est insupportable, mais qu'elle finirait bien par s'en aller un jour et, ce jour-là, le harceleur verrait bien. Non, il ne verra pas grand-chose parce que la victime n'aura pas les éléments pour démontrer quoi que ce soit.
Nous créons les conditions psychologiques pour que la victime soit incitée à agir rapidement et nous faisons, je l'avoue sans état d'âme, peser un peu d'insécurité sur les harceleurs.
(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, premier orateur inscrit sur l'article 2.
Avec l'article 2, la loi française va se caler sur des dispositifs équivalents qui, à l'étranger, ont pris de plus en plus d'importance.
Dans bon nombre d'États, la loi interdit déjà de traiter différemment et défavorablement les victimes et d'exercer des représailles contre toute personne victime, ayant déposé une plainte, témoigné ou aidé dans une procédure engagée contre du harcèlement sexuel ou qui s'est opposée à de telles pratiques.
Dans un certain nombre de ces États, il y a davantage d'actions visant à réprimer la discrimination, exercée notamment par les employeurs, que d'actions visant le harcèlement sexuel.
Ainsi, cette incrimination revêt et revêtira une importance croissante par son utilisation et par les droits ainsi reconnus aux différentes catégories de victimes.
En faisant du harcèlement sexuel une catégorie juridique et une cause de discrimination, la loi permet de la poursuivre en tant que telle.
En droit, il ne suffit pas que la personne qui a du pouvoir sur une autre ne l'aime pas pour diverses raisons et se comporte différemment et négativement avec elle pour que l'allégation de discrimination soit recevable et fasse l'objet de poursuites et de réparations.
Demain, une fois la loi votée, les cas de harcèlement sexuels seront une catégorie à laquelle les discriminations pourront être rattachées et faire l'objet à la fois d'actions publiques et de réparations. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Dans la logique de la lutte contre le harcèlement, l'article 2 prévoit de punir pénalement les discriminations exercées envers des personnes qui ont subi ou refusé de subir le harcèlement et pour lesquelles la vie sur le lieu de travail devient un facteur de stress.
Cette précision est importante pour les suites de la vie au travail et de la vie privée de la personne harcelée car le harceleur, vexé de n'avoir pas su imposer ses vues, peut exercer une sorte de vengeance. La qualité pénale des peines constitue un facteur de réflexion pour le harceleur ou la harceleuse.
Cependant, puisque nous instituons une peine grave, il me semble qu'il faut aussi prévoir comment punir les fausses déclarations de harcèlement lesquelles peuvent détruire vie et réputation d'un supérieur hiérarchique mal accepté. Les cas ne sont pas si rares, mes chers collègues. En la matière, les interprétations peuvent varier selon l'humeur des intéressés. Or une personne qui s'est crue harcelée ou qui a cru refuser de se laisser harceler, de bonne ou de mauvaise foi, peut avoir tendance à mal comprendre une décision ultérieure la concernant qu'il s'agisse de promotions manquées, d'installations dans des bureaux éloignés ou de l'attitude de ses collègues.
Il semblerait juste que cette personne subisse également une peine grave lorsque le non-harcèlement est prouvé. Il en va de l'équilibre du texte et de l'équité des situations.
L'expression « faits de harcèlement sexuel » permet de viser de façon très claire les éléments qui constituent le délit de harcèlement sexuel, au I de l'article 222-33 du code pénal, mais en écartant pour le délit de discrimination la condition de répétition nécessaire pour le délit de harcèlement. Cette formulation permettra de faire apparaître de façon plus nette que le délit de discrimination de l'article 2 requiert comme condition préalable non que le délit de harcèlement sexuel soit constitué, mais que certains de ces éléments soient réunis.
Si, à la suite d'un unique propos sexiste, mais sans chantage sexuel, une employée qui a protesté est licenciée pour cette raison, le délit de discrimination sera alors constitué. Dans cette situation, la discrimination sera punissable bien que le harcèlement en lui-même ne le soit pas, parce qu'il n'aura pas été commis de façon répétée.
Avis favorable, madame la rapporteure. Votre nouvelle formulation permet davantage de clarté. Tous les cas de discrimination post-harcèlement sexuel doivent pouvoir être réprimés, aussi bien une discrimination advenue après un fait unique de harcèlement sexuel, ou après des faits répétés et avérés de harcèlement sexuel, mais aussi, un seul fait – Pascale Crozon vient de l'évoquer – non répété, mais à connotation sexuelle.
Cette amélioration d'ordre sémantique, madame la rapporteure, apporte de la clarté au texte.
Je continue de ne pas être convaincu par la discussion que nous avons eue en commission sur l'expression « subir des faits ». Je ne suis pas certain que l'on subisse des faits.
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on prend la peine, dans la fin de l'article, de dire que la loi doit s'appliquer. Dans la mesure où l'on assimile au harcèlement le fameux acte unique dont on a parlé au début de la soirée, je ne vois pas quel intérêt il y a à mentionner que la discrimination concerne aussi les personnes qui auraient refusé de se soumettre à un acte unique.
Dans la mesure où l'amendement que j'ai déposé va tomber du fait de l'adoption de celui de Mme la rapporteure, j'en ai profité pour défendre par anticipation mon amendement défunt. (Sourires.)
La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l'amendement n° 7 rectifié portant article additionnel après l'article 2.
Le présent amendement a pour objet d'incriminer le fait de rendre publique sur un support écrit, radiophonique, audiovisuel ou par tout moyen de communication l'identité d'une personne ayant déposé plainte pour des faits de harcèlement sexuel, faits punis d'une amende de 50 000 euros.
Tout ou presque a été dit sur le harcèlement sexuel. Et tout ce qui a été dit est vrai et pertinent. Le harcèlement sexuel atteint la victime dans sa vie privée, dans la chair de son histoire. Or, très souvent, et l'expérience, hélas, le démontre, la publication de son identité lorsque la victime ne le veut pas – dans le cas contraire, il n'y a rien à dire –, ajoute un traumatisme à sa souffrance. Il ne s'agit pas d'empêcher la presse de relater des faits de harcèlement sexuel, il s'agit de protéger la victime de l'exposition de son histoire, de sa vie dans les médias quand elle ne le veut pas.
Une affaire a récemment défrayé la chronique et à propos de laquelle les noms des victimes ont abondamment été diffusés dans la presse. À l'école, la fille de l'une des plaignantes était surnommée « la fille de la suceuse de pieds » !
Encore une fois, il ne s'agit pas de limiter la liberté de la presse, mais lorsqu'une victime de harcèlement qui est atteinte dans son histoire, sa vie privée, ne veut pas que l'on parle d'elle et que l'on raconte son histoire, la moindre des choses serait que l'on puisse interdire la diffusion de son nom.
Cet amendement procède d'une intention louable, celle de protéger les victimes. Mais il ne m'apparaît pas acceptable dans la mesure où il porte atteinte de façon disproportionnée au principe de publicité de la justice.
La publicité est un principe fondamental du fonctionnement de notre justice. Consacré par l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ce principe se justifie par le fait que la justice est rendue au nom du peuple.
Les citoyens doivent donc pouvoir en contrôler l'exercice quotidien. Qui dit publicité, dit nécessairement droit d'informer, également protégé au niveau européen par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Je termine, monsieur Collard.
Les possibilités de déroger à ce principe sont strictement encadrées. Les dérogations doivent être proportionnées et justifiées par des considérations tenant à l'intérêt général ou à l'intérêt des parties.
Les exceptions à ces principes que connaît notre droit concernent les mineurs – qu'ils soient victimes ou auteurs d'infractions – et les victimes de viols ; elles sont prévues par la loi de 1881 sur la presse, par l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et par l'article 306 du code de procédure pénale.
Étendre l'interdiction de publication des éléments relatifs à l'identité d'une victime de harcèlement sexuel paraît dès lors totalement disproportionné eu égard à l'importance du principe de publicité de la justice dans une société démocratique.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Monsieur le député, si votre souci est de protéger l'anonymat des victimes et de sanctionner les manquements à ce respect par la presse, il est déjà satisfait par l'article 39 quinquies de la loi sur la presse de 1881, lequel punit de 15 000 euros d'amende la diffusion par les médias de l'identité ou de l'image des victimes d'agression ou d'atteinte sexuelles.
Cet article 39 quinquies a été introduit dans la loi de 1881 sur la presse par la loi du 15 juin 2000. Le harcèlement sexuel fait partie des agressions et atteintes sexuelles puisque dans le code pénal, la section agressions sexuelles comprend le viol, les agressions sexuelles stricto sensu, l'exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel.
Par conséquent, cet amendement n'a pas lieu d'être : la presse est déjà soumise à cette interdiction, sauf autorisation expresse, écrite donc, des personnes concernées. D'ailleurs la pratique générale des médias consiste à flouter les visages à l'image et à indiquer « les prénoms ont été changés » à l'écrit.
Il n'empêche que la loi permet déjà de sanctionner les transgressions à cet interdit par une amende de 15 000 euros que vous proposez de porter à 50 000 euros. Encore ne s'agit-il que de l'amende, c'est-à-dire de la somme versée à l'État, et non pas de l'indemnisation de la victime qui peut atteindre un montant d'un tout autre ordre.
La circulaire d'application de la loi rappellera aux magistrats qu'ils sont fondés à poursuivre les médias qui ne respecteraient cet anonymat dès lors que les personnes concernées n'auraient pas donné leur accord écrit. Je ne suis pas persuadée qu'un tel rappel soit nécessaire, mais je n'ai aucune réticence à le faire. En outre, le ministère public informera le justiciable qu'il dispose de cette protection.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 7 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à M. Sergio Coronado, premier orateur inscrit sur l'article 2 bis.
Dans les débats qui nous occupent depuis quelques heures, j'ai entendu l'argument d'opportunité pour s'opposer à l'introduction de la notion d'identité de genre. C'est un argument d'usage souvent utilisé dès qu'il s'agit des discriminations, notamment pour s'opposer aux revendications féministes.
Je ne comprends pas nécessairement les arguments qui ont été développés. Mme la rapporteure, pendant la discussion générale, et Mme Neuville, à titre personnel, ont indiqué qu'elles préféreraient l'utilisation de l'expression « identité de genre ». Finalement, l'expression introduite dans le texte ne recouvre pas la situation des discriminations que subissent les transsexuels et les personnes transgenres.
Cette expression, je le répète, ne figure ni dans nos textes ni dans les directives européennes ni dans les textes internationaux. Rappelons aussi que pendant les débats portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, Patrick Bloche avait porté un amendement visant à introduire l'orientation de genre dans le dispositif juridique. L'actuelle opposition avait voté contre tandis que l'actuelle majorité avait approuvé cet amendement.
Je voudrais une cohérence dans le temps parce que la population que nous voulons protéger, lorsque nous faisons référence aux transsexuels et aux transgenres, est extrêmement discriminée comme en témoignent ces chiffres éloquents les concernant : 6 % des adultes et 12 % des mineurs ont subi des agressions sexuelles ; 80 % des jeunes ont été l'objet de harcèlement ; cette population est également soumise à des violences graves.
Quel dispositif sera-t-il choisi par le Gouvernement pour introduire un jour la question de genre ?
Après l'avoir fait déjà en commission des lois, je voudrais revenir sur cette notion d'identité sexuelle.
Nous voyons, à la faveur de nos échanges, que les choses ne sont pas nécessairement claires et, pour ma part, je ne souhaite pas que l'on introduise cette notion d'identité de genre, surtout pas en catimini, au détour d'une discussion. Entre une rapporteure qui souhaite que l'on introduise cette notion et d'autres qui ne le souhaitent pas, je trouve que les réponses sont un peu ambiguës.
Rappelons que cette théorie du genre est radicale : c'est une forme de révisionnisme anthropologique à proprement parler révolutionnaire, je n'hésite pas à le dire, sachant que mes propos susciteront le débat. À partir du moment où cette théorie repose sur des éléments sociologiques et philosophiques – que je veux bien comprendre – voire plutôt politiques et militants, je m'étonne que l'on puisse l'introduire dans un texte de droit positif, sur un tel sujet qui cherche plutôt à nous rassembler.
J'aimerais que mesdames les ministres puissent à nouveau nous rassurer sur le fait que l'identité sexuelle dont il est question dans le texte de ce soir n'a rien à voir avec cette théorie du genre que nous sommes nombreux à récuser sur les bancs de l'opposition.
(L'article 2 bis est adopté.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, premier orateur inscrit sur l'article 2 quater.
Je souscris aux propos tenus par notre collègue Gosselin : il me paraît un peu hasardeux d'inclure dans un texte de droit positif des notions provenant de développements intellectuels qui ne sont pas fondés de manière certaine. Je fais partie de ceux qui considèrent que la théorie du genre est extrêmement fragile, qu'elle repose sur des outils conceptuels insuffisamment élaborés pour la juger certaine et en faire une source de droit positif. Il serait donc très mal venu de l'utiliser comme matériau de notre loi.
Permettez, monsieur le président, que je présente en même temps l'amendement n° 40 que j'ai déposé sur cet article. Je suis gêné, je le répète, de devoir préciser sans cesse des choses qui sont en principe contenues dans les formulations actuelles.
En commission, nous avons eu un échange assez rapide sur la portée du mot « moeurs » qui fait l'objet de cet amendement. Madame la rapporteure pour avis, c'est vous, il me semble, qui m'aviez objecté que le mot « moeurs » ne pouvait inclure l'idée d'orientation sexuelle puisqu'il avait une connotation morale.
Sous le contrôle de notre président de la commission des lois, j'indique que la notion de « bonnes moeurs », reconnue en droit, possède bien une connotation morale contrairement au terme « moeurs » qui, dans le langage commun, inclut l'ensemble des usages, des comportements d'une population ou d'un individu et me paraît suffisamment précis pour pouvoir rester en l'état. À chaque fois qu'on ajoute des déterminations, on affaiblit le texte.
Le fait de discriminer quelle que personne que ce soit et pour quelle raison que ce soit doit être très sévèrement condamné, j'en suis absolument convaincu, cela ne souffre pas l'ombre d'une hésitation de mon point de vue. Cela étant, je pense que la rédaction du texte qui nous est soumise ici affaiblit la portée de ce genre d'exigence.
L'Espagne, le Portugal et l'Argentine ont introduit l'orientation de genre dans leur dispositif législatif. Ces pays-là ne connaissent pas le droit positif, c'est bien connu.
Chers collègues de l'opposition, n'ayez pas peur : l'orientation de genre n'est pas une théorie radicale, c'est le constat d'une discordance entre le sexe biologique – l'état civil – et ce que l'ont pourrait appeler le sexe social. C'est cela qui pose problème : l'impression d'avoir affaire à une situation totalement incontrôlable. Cela recouvre des situations de discrimination extrêmement graves. Cette discordance provoque des violences, des attaques et des discriminations qu'il faut empêcher et que le texte devrait nommer avec précisions, avec minutie.
J'en profite également pour défendre l'amendement n° 79 . L'expression choisie par le Gouvernement, suite au débat devant le Sénat, ne me paraît pas appropriée. Le souci de précision qui s'est manifesté ici, dans le but d'assurer la sécurité juridique du texte, imposerait que l'on revoie l'expression choisie et que l'on décide d'introduire l'identité de genre, expression appropriée pour protéger les personnes transgenres.
Avis défavorable également pour une raison simple : nous avons beaucoup parlé de la nécessité de ne pas être approximatifs dans les termes choisis et, pour le coup, le mot « moeurs » me paraît particulièrement imprécis. En tout état de cause, votre commission a mené un travail de coordination des différents textes et codes, lequel était très attendu par le Gouvernement et par le Sénat. Il me semble de bon augure d'utiliser les mêmes qualifications dans le code de procédure pénale et dans le code pénal.
(L'amendement n° 40 n'est pas adopté.)
Cet amendement soulève une question très importante, celle de l'identité de genre. C'est justement parce qu'elle est essentielle et complexe qu'il me semble hasardeux de la traiter au détour de ce seul amendement.
Elle concerne des disciplines diverses et elle implique la discussion de thématiques elles-mêmes multiples : l'inné et l'acquis, le statut des femmes, le déterminisme, etc. En outre, la consécration de la notion de genre dans les différents pans du droit concerné requiert de s'entourer de toute l'expertise et de toute la concertation qui sont nécessaires.
Après avoir travaillé sur cette question avec Michèle Delaunay et rédigé avec elle une proposition de loi au cours de la dernière mandature, je préférerais que nous puissions avoir une vision et une discussion beaucoup plus globale du présent amendement pour qu'il prenne en compte la thématique du changement d'état civil et bien d'autres sujets.
Une telle question, qui fait écho à la souffrance d'un certain nombre de nos concitoyens, ne doit pas être traitée au détour d'un amendement, de nuit, en catimini. Elle mérite un large débat dans cette assemblée.
Défavorable. Les propos de M. Gosselin ont suffisamment démontré, s'il en était besoin, à quel point les imprécisions sont nombreuses sur ces questions d'identité de genre. Il y a une certaine méconnaissance du sujet en général, puisqu'on a entendu parler de la théorie du genre alors qu'elle n'a en réalité pas grand-chose à voir avec la situation des personnes transsexuelles.
Ce sont deux sujets très différents, qui n'ont pas à être évoqués d'un seul trait.
C'est pourquoi je suis plutôt favorable, comme Mme la rapporteure, à un débat parlementaire qui pose de façon plus globale la question de la situation professionnelle, de l'accès à la santé, de l'insertion sociale de ces personnes. Mais pour ce qui est du présent texte, je vous suggère de conserver la solution à laquelle nous avions abouti au Sénat, qui consiste à mentionner à l'article 225-1 relatif aux discriminations la notion d'identité sexuelle, ce qui permet de lutter contre la transphobie, mais sans ajouter la notion d'identité de genre dans le texte. Entendons-nous déjà sur cette notion avant d'aller plus loin !
(L'amendement n° 79 n'est pas adopté.)
(L'article 2 quater est adopté.)
La parole est à M. Gérard Sebaoun, premier orateur inscrit sur l'article.
Cet article propose une harmonisation entre le code pénal et le code du travail, en reproduisant in extenso dans ce dernier la définition du délit de harcèlement sexuel telle qu'elle figure à l'article premier. Il intègre par ailleurs les personnes en formation et en stage, qui bénéficieront de la même protection que les salariés. Il étend enfin les capacités d'intervention des délégués du personnel, de l'inspection du travail et des services de santé au travail – on a vu tout à l'heure l'importance de ces différents acteurs. Ce sont les propositions faites aux alinéas 15, 16 et 17, reprenant les articles L. 2313-2, L. 4622-2 et L. 8112-2 du code du travail.
Je m'interroge simplement sur la situation dans les entreprises de moins de onze salariés. Ces salariés, qui courent les mêmes risques qu'ailleurs, n'ont pas de délégué du personnel, sauf disposition conventionnelle. Comment les défendre en cas de harcèlement sexuel ?
La raison d'être de l'article premier est de définir précisément le harcèlement en introduisant dans le code pénal un article 222-33. Or, l'article 3 du projet de loi introduit cette notion dans le code du travail, mais avec une rédaction différente.
Nous souhaitons tous un texte clair et net en réponse à la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai. Ne serait-il pas plus simple de faire référence au nouvel article 222-33 du code pénal, qui donnerait ainsi la seule et unique définition valable, sans interprétation divergente possible ? Cette remarque vaut également pour l'article 3 bis relatif aux fonctionnaires.
L'amendement n° 50 de Mme la rapporteure est de coordination. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement est attaché à la cohérence des définitions entre le code du travail et le code pénal. Avis favorable.
(L'amendement n° 50 est adopté.)
L'amendement n° 41 de M. Jean-Frédéric Poisson a déjà été défendu. Quel est l'avis de la commission ?
Même avis. Nous sommes disposés à offrir la protection la plus large possible. Nous l'avons étendue par exemple aux stagiaires lors du débat au Sénat. Mais en l'occurrence, il me semble que la formulation « aucun candidat à quelque situation que ce soit » est trop indéfinie et peut être sujette à des interprétations diverses. Je vous demande de retirer cet amendement.
J'ai vraiment du mal à comprendre comment la formulation « aucun candidat à quelque situation que ce soit » pourrait être imprécise. J'ai peut-être un problème de comprenette, mais je ne retirerai pas cet amendement non plus.
(L'amendement n° 41 n'est pas adopté.)
C'est un amendement de coordination et de clarification qui avait été demandé par tous les membres de la commission.
(L'amendement n° 47 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l'amendement n° 43 rectifié tombe.)
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 10, pour des raisons déjà évoquées.
Harceler ne se conçoit, grammaticalement, que comme une répétition d'actions, identiques ou différentes, sur une certaine période. Jusqu'à présent, la jurisprudence n'a sanctionné que des comportements multiples. La survenance d'un seul acte suffisamment grave entre en effet nécessairement sous une qualification pénale différente.
La répétition constitue dans la nouvelle rédaction de l'article 222-33 du code pénal un élément matériel de l'infraction de harcèlement sexuel. Il serait incohérent de retirer la répétition de l'élément matériel des actes assimilés au harcèlement sexuel.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Il s'agit de supprimer le même alinéa, mais pas pour les mêmes raisons – j'ai déjà exposé les miennes tout à l'heure.
Nous avons déjà eu ce débat sur l'amendement n° 39 , je ne le referai pas. Avis défavorable.
Il s'agit de prévoir une obligation d'affichage, sur les lieux de travail ou d'embauche, des articles du code pénal définissant les délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral ainsi que les peines encourues, et cela par analogie au titre IV du code du travail, ayant trait à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui prévoit cette obligation d'affichage à l'article L. 1142-6.
C'est une demande de terrain qui renforce le caractère dissuasif du dispositif. Il faut faire connaître la loi. L'affichage est aussi un bon moyen d'interpeller l'employeur et le salarié et de l'aider à identifier le harcèlement.
La parole est à Mme la rapporteure pour donner l'avis de la commission et présenter le sous-amendement n° 80 .
La commission a accepté cet amendement s'inspirant du code du travail, lequel prévoit l'affichage des dispositions du code pénal sur les discriminations. Il permettra d'assurer la bonne information des salariés sur l'interdiction du harcèlement sexuel et moral ainsi que sur les sanctions pénales encourues pour ces deux délits.
Toutefois, je vous demande de ne pas prévoir d'affichage sur les lieux d'embauche concernant le harcèlement moral, puisque celui-ci ne peut logiquement concerner que des personnes déjà engagées dans une relation de travail. C'est d'ailleurs pour cette raison que les candidats à un recrutement ne sont aujourd'hui jamais mentionnés par les textes sur le harcèlement moral alors qu'ils le sont dans les textes sur les discriminations et le harcèlement sexuel.
Cet amendement a son intérêt. Il va dans le sens d'une plus grande pédagogie sur un sujet dont on sait bien qu'il n'avancera pas beaucoup sans information et sans prévention. Cela n'enlève rien à la nécessité d'une campagne d'information plus globale, mais si elle peut être complétée par ce vecteur d'information, j'y suis favorable. Je suis également favorable au sous-amendement.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission des affaires sociales. À titre personnel, je partage le souci d'améliorer la prévention et la sensibilisation des salariés à ce phénomène, même si cela ne me paraissait pas indispensable.
S'agissant de sensibilisation, Mme Genevard a tout à l'heure contesté le lien établi par certains entre l'attitude de certains députés à l'égard d'une ministre et le débat sur la question du harcèlement sexuel. Il me semble au contraire, et vraiment sans volonté de polémique, que ce lien existe. Si l'on trouve normaux certains comportements pour le moins déplacés de députés dans le lieu de la représentation nationale à l'égard d'une ministre de la République, il ne faut pas s'étonner que d'autres, qui n'ont pas notre degré de prise de conscience et qui n'ont pas à voter une loi sur le harcèlement sexuel, s'autorisent des « blagues », des hommages plus ou moins délicats sur les décolletés et de bonnes vieilles tapes sur les fesses de leurs salariées ou de leurs stagiaires (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
(Le sous-amendement n° 80 est adopté.)
(L'amendement n° 29 , ainsi sous-amendé, est adopté.)
Il s'agit de remplacer « délégué » par « représentant » du personnel. Cet amendement vise à étendre à l'ensemble des représentants du personnel la possibilité prévue aujourd'hui à l'article L. 2313-2 du code du travail pour les seuls délégués du personnel de saisir l'employeur d'une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, qui résulterait notamment de faits de harcèlement sexuel ou moral.
C'est un amendement important. Toute l'expérience que j'ai pu acquérir en droit du travail me l'a montré : dans de nombreuses entreprises, il n'y a pas de délégué du personnel. Lorsqu'il n'y a pas de délégué du personnel dans une entreprise de plus de onze personnes, un procès-verbal de carence est dressé et il n'y a plus de représentation du personnel. Or de graves atteintes aux droits des personnes, comme des faits de harcèlement, peuvent être commises, par exemple dans telle ou telle entreprise de plus de cinquante salariés, où les organisations syndicales peuvent désigner un délégué syndical. Bien mieux, il pourrait aussi y avoir un comité d'entreprise, sans qu'il y ait pour autant un délégué du personnel.
En remplaçant le mot « délégué » par le mot « représentant », lequel englobe les délégués du personnel, les membres du comité d'entreprise, les membres du comité d'établissement, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail et les délégués syndicaux, on donne sensiblement plus de possibilités au salarié de prouver l'atteinte dont il est victime. Ne pas l'admettre, c'est finalement porter une atteinte extrêmement grave aux droits des victimes.
Dans un premier temps, vous m'aviez écoutée, madame la rapporteure. Las, j'ai cru comprendre que – solidarité avec le Gouvernement oblige – vous ne me suiviez plus. Je souhaite vous faire revenir à un point de vue plus juste. C'est une atteinte très grave aux droits des victimes que l'on est en train de préparer. On ne peut pas s'en satisfaire.
Toute mon expérience me conduit à vous le dire : en cette matière, le droit de la preuve est essentiel et les représentants du personnel sont les meilleurs alliés des victimes. Ne pas leur permettre d'intervenir en vertu de la loi est, à mon sens, une faute gravissime qui porte atteinte aux droits des victimes.
Vous posez, monsieur Tourret, une question extrêmement importante. Elle me semble cependant devoir être traitée dans un autre cadre, celui d'une réflexion plus large sur la démocratie sociale et le rôle des représentants des salariés. Du reste, la question des compétences et des moyens des différentes institutions représentatives du personnel fait actuellement l'objet – les ministres le diront mieux que moi – de discussions entre les partenaires sociaux à la suite de la conférence sociale qui s'est tenue au début du mois de juillet.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Je répondrai peut-être un peu plus longuement à propos de cet amendement. Je pense qu'on vous doit des explications, qui vous permettront de bien comprendre notre raisonnement.
Des explications qui vous permettront de bien retirer votre amendement, monsieur Tourret ! (Sourires.)
Non, mais je pense que vous allez voir où je veux en venir.
Aujourd'hui, le code du travail donne aux délégués du personnel – je ne vous l'apprends pas – le droit d'engager une procédure d'alerte pour assurer, dans l'entreprise, la protection effective des droits des personnes, auxquels l'employeur pourrait porter atteinte.
Ce droit d'alerte est propre aux délégués du personnel, conçus comme des représentants du personnel de proximité, dont la mission spécifique est de présenter à l'employeur les réclamations des salariés. Ils disposent d'un certain nombre de moyens pour remplir cette mission, par exemple le pouvoir de saisir le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.
Vous envisagez de donner aux représentants du personnel les prérogatives jusqu'alors spécifiques des délégués du personnel, mais c'est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît. La catégorie des « représentants du personnel » est extrêmement large. Elle inclut aussi bien les délégués du personnel que les membres du comité d'entreprise, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et les délégués syndicaux. Or le code du travail dote chacune des instances représentatives du personnel de prérogatives propres, définies en fonction de leur capacité à agir, et des moyens appropriés, par exemple un crédit d'heures pour remplir leur mission.
Mine de rien, votre proposition remettrait tout de même en cause l'équilibre assez subtil qui caractérise l'actuelle répartition des rôles des instances représentatives du personnel. Cela pose, à mon sens, une difficulté de fond, d'abord parce que cela crée un vrai risque de confusion dans un domaine assez sensible pour les organisations syndicales, attachées au partage des compétences des IRP, ensuite parce que cela ouvre tout un nouveau champ de compétences aux représentants autres que les délégués du personnel dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, en leur donnant le pouvoir de saisir le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.
Vous le constatez, votre amendement ébranlerait beaucoup de choses.
Par ailleurs, comme l'a rapidement indiqué Pascale Crozon, après la conférence sociale organisée il y a quelques semaines par le Gouvernement, les partenaires sociaux nous ont confirmé leur volonté de mener des négociations sur le rôle des IRP. Légiférer maintenant sur ce sujet ne serait donc pas très opportun. L'intervention d'une loi ne serait pas particulièrement bienvenue à l'heure où nous avons décidé de laisser place à la négociation.
Cela étant, j'entends bien ce que vous me dites. Je vous rappelle d'ailleurs que les délégués du personnel sont les représentants du personnel que l'on a le plus de chances de trouver dans le plus grand nombre d'entreprises. Le seuil au-delà duquel les entreprises doivent compter un délégué du personnel est effectivement de onze salariés seulement. Le délégué du personnel est donc la représentation de proximité la plus fréquente qui soit, celle qui, du coup, nous paraît la plus sécurisante pour ces sujets.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
(L'amendement n° 23 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l'amendement n° 78 rectifié .
Cet amendement porte sur les principes généraux de prévention prévus par le code du travail. La planification de la prévention en matière de risques est de la responsabilité de l'employeur.
Nous proposons, par cet amendement, de prendre en compte, en plus des risques liés au harcèlement moral, ceux liés au harcèlement sexuel défini à l'article L.1153-1 du code du travail tel que modifié par le présent projet de loi.
Actuellement, seul le harcèlement moral est généralement considéré comme un risque systémique directement lié à l'activité de l'entreprise, à sa situation ou à son mode de management. D'ailleurs, la définition du harcèlement sexuel censurée par le Conseil constitutionnel nous invitait à n'y voir qu'un dérapage individuel, par définition difficile à planifier et à prévenir. Nos auditions nous ont cependant confirmé que tous les secteurs d'activité ne sont pas égaux devant le harcèlement sexuel. Le risque est directement lié à la tolérance d'un sexisme ambiant, qui reflète lui-même les inégalités qui ont cours dans le secteur considéré.
La nouvelle définition du harcèlement sexuel prend en compte cette dimension potentiellement systémique du harcèlement sexuel. Il devient donc envisageable d'intégrer la prise en compte du harcèlement sexuel dans l'obligation de prévention des risques incombant à l'employeur.
C'est pourquoi j'émets un avis favorable.
Il me paraît intéressant de prendre en compte les facteurs collectifs ou structurels qui peuvent amener au harcèlement sexuel comme au harcèlement moral. Je suis donc plutôt favorable à votre amendement qui témoigne, monsieur le député, d'un souci de développer la prévention du harcèlement sexuel.
Pour que ma réponse soit bien complète, je précise simplement que le code du travail impose déjà à l'employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les faits de harcèlement sexuel.
Au fond, si votre amendement est un plus, on peut considérer que le code du travail répondait déjà à l'exigence dont il procède, d'autant que la jurisprudence de la Cour de cassation interprétait plutôt les dispositions en vigueur comme imposant une obligation de résultat.
Je n'en suis pas moins favorable à l'adoption de votre amendement.
(L'amendement n° 78 rectifié est adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
C'est dans la perspective légitime d'établir une symétrie avec les dispositions du code du travail qu'il apparaît nécessaire de mettre en conformité avec celles-ci les dispositions relatives aux droits et obligations des fonctionnaires.
Au-delà de cet objet principal, cet article a une autre vertu. En effet, la fonction publique a ceci de particulier que la stabilité et le caractère durable des affectations peuvent mettre en présence, sur de longues périodes, des harceleurs et des victimes potentielles. Des actes répétés risquent d'autant plus de survenir. Aussi ne peut-on que saluer le message très clair qu'adresse cet article. Il témoigne du souci d'une égale protection des salariés du privé et des agents du public, il témoigne aussi du souci de voir la dignité des fonctionnaires respectée.
À ce titre, il ne sera pas inutile, comme l'avait indiquée la garde des sceaux lors de son audition par la commission des lois, de prévoir une sensibilisation des élèves de l'École nationale de la magistrature mais aussi, comme je l'avais suggéré, de l'École nationale d'administration.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Cet amendement vise à supprimer, à l'alinéa 5, les mots « même non répétée », pour les raisons que j'ai déjà développées.
Nous avons déjà débattu, madame projet de loi, de la nécessité d'incriminer les pressions graves, même non répétées. Je n'y reviendrai pas et j'émets un avis défavorable.
Défavorable pour les mêmes raisons, déjà développées tout à l'heure.
(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l'amendement n° 18 .
Cet amendement vise à insérer, après l'alinéa 5, un alinéa ainsi rédigé : « L'autorité hiérarchique prend toutes les dispositions en vue de prévenir les actes visés au premier alinéa. » Il s'agit d'introduire la prévention du harcèlement sexuel à l'égard des fonctionnaires au même titre que pour les salariés du privé.
Ce débat a déjà eu lieu au Sénat. Il s'est conclu par le constat suivant : l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail, ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, prévoit déjà que les chefs de service sont chargés de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. Il n'y a donc pas lieu de prévoir d'insérer un tel dispositif dans la loi de 1983, dont l'objet est, au demeurant, de poser les principes, plus généraux, des droits et obligations des fonctionnaires.
J'émets donc un avis défavorable.
Non seulement le principe de prévention figure déjà – de façon intrinsèque, allais-je dire – dans le statut de la fonction publique mais, en outre, introduire une disposition législative pour préciser la nécessité de la prévention risquerait même d'être compris à contresens : cela impliquerait que, lorsque la nécessité de la prévention n'est pas précisée, les autorités administratives ne se sentent pas obligées de faire de la prévention !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, qui ne retire rien à la nécessité de mener, avec ma collègue Marilyse Lebranchu, des actions de prévention dans la fonction publique et d'actualiser un certain nombre de circulaires pour rappeler la nécessité de lutter, par exemple, contre le harcèlement sexuel et de le prévenir. Nous ferons ce qu'il faut mais je ne suis pas favorable à une nouvelle disposition législative.
(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)
Le Gouvernement est favorable à cet amendement de coordination.
(L'amendement n° 62 est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 3 bis.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Cet article additionnel serait ainsi rédigé : « la première phrase de l'article L. 232-2 du code de l'éducation est complétée par les mots : ‘‘après avoir entendu l'intéressé ou son conseil ainsi que, le cas échéant, le plaignant ou son conseil'' ».
Je voudrais engager Mme la rapporteure pour avis à relire mon intervention : elle verra que l'interprétation qu'elle en a faite ne correspond pas exactement à ce que j'ai dit.
Je vous répondrai à la fois sur l'amendement n° 26 et sur les amendements n°s 31 , 32 , 45 , 44 , 33 , 35 et 72 , auxquels je donnerai un avis également défavorable. Je développerai ainsi un argumentaire général sur l'ensemble des amendements relatifs à la question du harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur.
Le débat sur cette question a déjà eu lieu en commission. J'avais été prévenue qu'il aurait lieu, à nouveau, dans l'hémicycle. Près d'une dizaine d'amendements ont été déposés par l'ensemble des groupes parlementaires à ce sujet. Ils visent à mieux prendre en compte une réalité dont je sais l'importance : les situations de harcèlement sexuel à l'université.
Les auditions ont montré à quel point ce sujet est essentiel, et combien la fragilité des étudiants face aux enseignants, dans un certain nombre de situations, est grande. Nous savons aussi que le droit est, sur ce point, lacunaire. Il faut donc trouver des réponses. Néanmoins, comme je l'ai dit en commission, ce projet de loi ne me paraît pas le meilleur moyen pour répondre aux préoccupations qui motivent ces amendements, et cela pour deux raisons.
D'abord parce que cette matière est – au moins pour partie – réglementaire. Il est vrai que certains amendements sont destinés à modifier, sur des points particuliers, certains articles de nature législative du code de l'éducation. Toutefois, le détail de la procédure figure souvent dans la partie réglementaire du code, comme à l'article R. 232-38.
Il me semble surtout difficile d'entreprendre une réforme de la procédure disciplinaire dans son ensemble par un texte de loi dont l'objet est bien défini. Cela aurait pour conséquence de modifier tous les contentieux disciplinaires en cours, sans se limiter à la question du harcèlement sexuel. Cette considération prime dans notre volonté de rejeter ces amendements.
Je crains que, faute de recul, nous nous décidions trop rapidement sur ce point, et fassions donc fausse route. Il est en particulier indispensable de procéder à une concertation avec tous les acteurs du monde de l'éducation. Une telle concertation s'impose.
Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté l'ensemble de ces amendements. Je sais, parce que les ministres y ont fait allusion en commission, que le Gouvernement réfléchit actuellement aux moyens réglementaires envisageables pour apporter des réponses pratiques à la question capitale du harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur. La constitution d'un groupe de travail sur la question est notamment évoquée. Je souhaiterais entendre Mmes les ministres sur cette question. Pourraient-elles nous faire part de leurs intentions, et nous donner, si possible, le calendrier des mesures envisagées ?
Je répondrai sur l'amendement 26 .
J'entends bien l'argument selon lequel il convient de protéger davantage les victimes lors des procédures disciplinaires à l'université, afin de lutter contre le harcèlement qui y est, visiblement, monnaie courante.
Cela étant, je ne suis pas convaincue que la question se pose dans les termes que vous employez. J'ai rencontré longuement la ministre en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons également sollicité l'opinion d'un certain nombre d'associations. Nous avons donc, comme l'a rappelé Pascale Crozon, réfléchi à la façon dont on pourrait réformer les procédures disciplinaires en matière de harcèlement sexuel.
Sur le fond comme sur la forme, votre amendement ne semble pas aller dans le bon sens.
Sur le fond, d'abord, son efficacité est assez limitée. La principale difficulté pour les victimes, à l'heure actuelle, réside dans la compréhension des procédures qui existent au sein de l'université, et dans l'accès au conseil de discipline. Très souvent, les plaintes des victimes sont classées sans suites et ne parviennent jamais jusqu'au niveau du CNESER.
Avant de réformer la procédure d'appel, il convient de rendre plus efficace pour les victimes le premier niveau de la procédure. C'est parce que ce premier niveau ne fonctionne pas qu'aujourd'hui, de fait, quasiment aucune affaire de harcèlement sexuel n'arrive devant le CNESER. La modification que vous proposez n'est donc pas prioritaire.
Sur la forme, ces modifications relèvent du niveau réglementaire, et pas du niveau législatif, puisqu'elles portent sur la procédure en vigueur devant le CNESER. C'est donc au niveau réglementaire qu'elles seront introduites.
Je ne peux, pour ces raisons, qu'être défavorable à votre amendement.
La procédure qui consiste à donner la parole à la rapporteure et à la ministre sur des amendements que je n'ai pas encore présentés est assez inattendue !
Si vous le souhaitez, monsieur le Président.
Il faut tenir compte d'une situation particulière, qui a trait à la spécificité de l'enseignement supérieur. Des victimes, qui sont des usagers du service public de l'enseignement supérieur, sont confrontées à ce que l'on pourrait appeler un total déni de justice, au vu de l'absence de sanctions et de procédures au niveau du CNESER.
Des exemples nombreux, concrets et précis d'étudiants et de doctorants qui ne sont pas couverts par la protection statutaire dont bénéficient les agents publics ont été cités, aussi bien au cours des débats sénatoriaux que dans le rapport d'information sénatorial. Il n'y a pas d'égalité des armes entre l'agresseur et la victime, puisque les procédures disciplinaires ne permettent pas aux victimes de se présenter ou d'être représentées devant le CNESER.
C'est la raison pour laquelle ces amendements – que je ne détaillerai pas tous – proposent d'introduire le principe du contradictoire au sein du CNESER réuni en formation disciplinaire. Cela permettrait à la victime de faire entendre sa voix, ou d'être représentée, ce qui n'est pas possible actuellement.
Nous pourrions également considérer que, dans le cas où le CNESER serait saisi de faits susceptibles de poursuites judiciaires ayant par ailleurs entraîné la condamnation au pénal du mis en cause, il devrait en tenir compte dans sa décision. J'ai même proposé un amendement de repli pour exiger que la décision du CNESER soit simplement motivée. La victime doit bénéficier au moins des mêmes droits que l'agresseur. C'est pour cela que la motivation des décisions du CNESER est importante.
Dans ces situations, le CNESER devrait également être composé aussi bien de représentants des enseignants que de représentants des usagers.
Par ailleurs, la formulation de l'article L. 232-3 du code de l'éducation, qui concerne la composition du CNESER, est assez ambiguë. Cette ambiguïté concerne tout particulièrement la restriction portant sur le rang des membres du CNESER.
L'amendement n° 46 , que nous examinerons dans un instant, permettrait d'aligner les missions des services de santé universitaire visés par le code de l'éducation, en matière de prévention du harcèlement sexuel, avec les missions des services de santé au travail visés par le code du travail, qui sont, en la matière, déjà élargies par ce projet de loi.
Je rappellerai pour terminer que le législateur, en adoptant ces amendements, resterait dans son rôle, qui est de légiférer en toute opportunité. Le fonctionnement du CNESER tel que nous souhaitons l'amender est décrit par la partie législative du code de l'éducation. Plusieurs députés appartenant à différents groupes l'ont d'ailleurs souligné lors de l'examen du projet par la commission des lois.
Ces amendements corrigent à la source le problème de l'inégalité des victimes par rapport aux agresseurs dans la procédure devant le CNESER. Ces modifications législatives constituent un complément, et pas un substitut, à la réforme des textes réglementaires que vous avez évoquée – pour laquelle je vous soutiens tout à fait.
(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)
(Les amendements n°s 31 , 32 , 45 , 44 , 33 et 35 , ne sont pas adoptés.)
J'associe à cet amendement Mmes Coutelle et Neuville, ainsi que M. Denaja.
La gravité des situations rencontrées par les usagers des universités a été soulignée au cours de nos débats. Je suis heureux, madame la rapporteure et madame la ministre, que nous nous saisissions de cette question. L'opacité et la complexité des relations entre les différents intervenants à l'université nous poussent à une vraie réflexion.
Je partage avec mon cher collègue Philippe Goujon l'avis qu'il sera nécessaire, à l'avenir, de mettre au moins sur un pied d'égalité les plaignants et les accusés en matière de harcèlement sexuel. Dans une commission disciplinaire, comme dans un procès public, la présence de la victime apporte à ceux qui doivent rendre la justice une vision plus concrète de l'affaire. Cette dimension de chair et d'os est très importante.
L'amendement que nous présentons vise à faciliter la saisine du CNESER. En effet, il y a souvent des blocages à l'université. Les victimes n'ont, la plupart du temps, pas recours au CNESER. Elles peuvent en être, par exemple, dissuadées par le poids de la relation avec leur maître de stage ou leur professeur référent.
C'est pourquoi nous avons imaginé qu'un tiers pourrait se pencher sur ces difficultés au moment du dépôt de la plainte. De nombreux chefs d'établissements bloquent en effet le déroulement de la procédure au moment de sa transmission au CNESER. Le Médiateur de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur pourrait être saisi de la question de la transmission au CNESER de ces plaintes et transmettre un avis au chef d'établissement.
J'entends bien vos arguments. Vous aurez compris, d'après ma réponse aux amendements précédents, que la priorité pour nous est de faciliter l'accès aux instances disciplinaires.
Je prends note de votre proposition. Mettre en place un filtre sous la forme d'une personne extérieure pourrait être une piste de travail pertinente.
Il est prévu, avec la ministre de l'enseignement supérieur, de mettre en place un groupe de travail réunissant les associations oeuvrant contre le harcèlement sexuel en milieu universitaire et la mission de la parité et de la lutte contre les discriminations du ministère de l'enseignement supérieur. Ce groupe de travail sera très rapidement constitué et se verra confier trois chantiers en vue de réformes. Tout d'abord, un travail d'étude permettra de mesurer le phénomène qui, faisant l'objet d'assez peu de statistiques, est mal connu. Suivra une réforme par décret, que j'ai évoquée tout à l'heure, de la procédure disciplinaire dans les établissements. Cette réforme prendra en compte ce que vous avez évoqué, sans que l'on puisse, aujourd'hui, donner un avis favorable à votre proposition. En tout cas, nous aurons à l'esprit cette piste de travail lorsque nous élaborerons le décret. Ce groupe de travail mènera, enfin, à bien la refonte de la circulaire de 2005 une fois que notre propre loi sur le harcèlement sexuel sera votée. Cela permettra, entre autres, de préciser la définition du harcèlement.
Par ailleurs, plusieurs actions de sensibilisation seront menées dans les universités par voie d'affichage. Des actions s'inscriront dans le cadre de la communication plus générale sur le harcèlement en tant que violence.
Vous le voyez, nous avons un certain nombre de pistes de travail. Toutefois, à l'heure actuelle et tel qu'il est présenté, je suis obligée de donner un avis défavorable à votre amendement.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je voulais souligner que les délégations du Sénat et de l'Assemblée ont pris des recommandations sur ce sujet. Notre délégation demande que, dans l'enquête qui sera diligentée, un volet particulier traite de la réalité des atteintes sexuelles et harcèlements sexuels dans l'enseignement supérieur. Sans reprendre exactement les mêmes termes que le Sénat, qui allait plus loin, la recommandation n° 11 demande une amélioration de la protection des étudiants et doctorants à travers une réforme de la saisine et de la composition des sections disciplinaires. Elle souhaite que, lorsque des faits d'une gravité manifeste sont avérés, des sanctions puissent être assorties d'une interdiction temporaire ou définitive d'enseigner. Nous pensons que ce sont là des sujets très graves, qui se répètent. Il ne s'agit pas seulement de réformer le CNESER, qui est un des éléments de l'appel, mais toutes les procédures permettant de protéger les étudiants et les doctorants.
Nous entendons vos souhaits. J'en ai discuté avec Mme la ministre de l'enseignement supérieur qui est très consciente de ces problèmes, car, depuis qu'elle occupe ce poste, des cas lui sont déjà revenus de harcèlements à l'université.
Nous serons donc très attentifs à ce que la question évolue.
Cet amendement tend à renforcer – et qui peut y être hostile ? – les missions de prévention du harcèlement sexuel à l'université en ajoutant, dans le code de l'éducation, cette mission supplémentaire des services de santé universitaires.
Il est préférable, comme y invite, aujourd'hui, la lettre de l'article L. 831-1 du code de l'éducation, de prévoir au cas par cas, selon les besoins du terrain, l'inclusion de cette mission dans les programmes régionaux d'accès à la prévention. Il me semble que ce n'est pas à ce niveau que l'on doit retrouver la disposition proposée par cet amendement.
Il convient aussi de réfléchir aux moyens concrets d'améliorer la prévention dans les universités.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Pour les mêmes raisons que celles évoquées par Mme la rapporteure, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Cependant, l'idée de permettre aux services de médecine, d'une façon ou d'une autre, de lutter contre le harcèlement est intéressante. Nous allons examiner les conditions d'une distribution systématique, dans les services de médecine préventive, de brochures traitant du harcèlement, et nous porterons à la connaissance des victimes les procédures disciplinaires à leur disposition. Nous ne perdons, par conséquent, pas de vue ce sujet intéressant.
(L'amendement n° 46 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Sébastien Denaja, pour soutenir l'amendement n° 30 .
Cet amendement prévoit l'insertion, dans le code du sport, de l'interdiction des agissements de harcèlements à l'égard des sportifs et plus particulièrement des sportives. Ce dispositif, nous le croyons, protégerait les sportives et sportifs potentiellement sujets à discrimination par un dispositif juridique qui se veut, avant tout, préventif. Les auditions que nous avons pu mener, que ce soit à la commission des lois ou à la délégation aux droits des femmes, ont souligné l'existence, malheureusement bien établie, de nombreux actes de harcèlement sexuel dans le monde du sport, qui devrait pourtant être, par excellence, un domaine d'exemplarité.
Comme Mme Brigitte Martel-Baussant, secrétaire générale de la coordination pour le lobby européen des femmes, auditionnée par le Sénat, en mai dernier, par le groupe de travail sur le harcèlement, j'estime, mais c'est sans doute, je le crains, un point de vue isolé, qu'il ne faut pas se borner à une réécriture du code du travail ou à un ajustement du statut de la fonction publique. Le harcèlement sexuel dans le monde sportif n'a rien d'anecdotique. En 2007, le Comité international olympique y a consacré un rapport alors que, en 2005, le Parlement européen avait voté une résolution invitant les autorités publiques à agir pour prévenir les agissements de harcèlement sexuel.
En votant cet amendement, nous enverrions, à quelques jours de l'ouverture des jeux Olympiques, un signal fort à la communauté sportive, dans une perspective, je le répète, avant tout préventive.
Nous avons déjà eu cette discussion, monsieur Denaja, y compris dans les couloirs !
Cet amendement, je vous l'ai dit, correspond à une préoccupation tout à fait légitime, mais il soulève de nombreuses difficultés d'application. Tout d'abord, il restreint l'interdiction des discriminations au cadre de l'activité sportive. Ensuite, il procède à un renvoi au code pénal, contrairement à l'option que nous avons retenue. Je rappelle, au demeurant, que le code pénal permet la répression de tels agissements.
Enfin, il ne vise que les situations où la personne est candidate, mais jamais le stade suivant, quand la personne est devenue salariée ou praticienne du sport.
Cet amendement soulève, en outre, la question de l'interdiction extra-pénale de tous les comportements dans l'ensemble de la vie quotidienne. Nous voyons bien, par-delà son intention louable, les limites d'une telle démarche.
Aussi, me semble-t-il préférable, monsieur Denaja, de mettre en oeuvre des moyens concrets pour prévenir de tels agissements, en concertation, bien sûr, avec tous les acteurs du monde sportif. Mmes les ministres nous en diront peut-être plus sur leurs intentions et sur celles de la ministre des sports en la matière.
Avis défavorable.
Monsieur le député, je prendrai, là encore, un peu de temps pour vous répondre sur un sujet essentiel, même si je conclurai mon propos en vous demandant de bien vouloir retirer votre amendement !
La ministre des sports, Valérie Fourneyron, avec qui j'ai discuté de cette question, m'a confirmé qu'en mars 2008, une enquête sur les violences sexuelles avait été diligentée par le ministère des sports. Il en est ressorti que le phénomène était très loin d'être anecdotique et qu'il devait, en conséquence, être pris en compte dans les politiques que nous conduisons. Cette enquête brisait surtout certaines représentations et certains clichés que nous pouvons avoir en tête : plutôt que l'entraîneur abusant de la jeune sportive isolée auprès de lui, ce sont surtout les violences horizontales qui sont surreprésentées dans le milieu sportif.
Pour en venir à votre amendement, nous devons toujours avoir à l'esprit que le délit de harcèlement sexuel réprimé par le code pénal concernera tout le monde dans tous les secteurs. Les sportifs n'y échapperont donc pas.
Nous sommes défavorables à votre amendement, non pas parce que nous ne voulons pas agir, mais parce que la ministre des sports le fait déjà en recourant à d'autres moyens qui nous semblent plus efficaces que la réintroduction d'une nouvelle disposition législative. Sont ainsi menées des actions de sensibilisation, de prévention et d'organisation du suivi des victimes potentielles. Une charte de bonne conduite dans le milieu sportif a été signée par la plupart des fédérations et prend en compte ce sujet. Des sessions d'information et de sensibilisation à la problématique des violences sexuelles sont régulièrement organisées. Valérie Fourneyron me confirmait son souhait de pérenniser l'ensemble des actions en cours et surtout de relancer, à une plus grande échelle, une campagne de communication sur ce sujet.
Je ne manquerai pas de vous tenir informé de ce qui sera fait. En attendant, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
C'est de très bonne grâce que je me range aux arguments qui viennent d'être avancés en retirant cet amendement.
(L'amendement n° 30 est retiré.)
Sur l'article 4, je suis saisi par Mme Pascale Crozon d'un amendement de cohérence, n° 65.
(L'amendement n° 65 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Mme Pascale Crozon a présenté un amendement de coordination, n° 52.
(L'amendement n° 52 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Mme Pascale Crozon a présenté un amendement de coordination, n° 48.
(L'amendement n° 48 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 4 .
Se référant à un arrêt de la Cour de cassation du 6 juin 201, cet amendement tend à insérer les mots « de bonne foi ». Un salarié ne saurait être protégé s'il a relaté des faits de mauvaise foi.
Cet amendement vise effectivement à reprendre dans la loi une règle récemment énoncée par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, laquelle a jugé valable un licenciement prononcé contre une salariée ayant témoigné d'agissements de harcèlement sexuel de mauvaise foi. La Cour a, d'ailleurs, relevé que la dénonciation était mensongère.
Cet arrêt ne soulève pas de difficulté de principe et n'appelle pas de consécration dans la loi, comme le propose l'amendement n° 4 . Cela présenterait, d'ailleurs, deux inconvénients. Le premier serait de créer un fort risque d'a contrario pour toutes les dispositions du code du travail ainsi que d'autres codes qui ne comprennent pas cette précision : si un texte ne limite pas la protection au salarié ayant témoigné de bonne foi, est-ce à dire que le salarié ayant témoigné de mauvaise foi peut également être protégé ? Le second inconvénient serait de risquer de dissuader les salariés de témoigner des faits de harcèlement sexuel ou moral se déroulant dans leur entreprise par crainte de se voir, ensuite, reprocher leur mauvaise foi si les faits dénoncés ne sont finalement pas condamnés, pas nécessairement, d'ailleurs, parce qu'ils ne sont pas constitués, mais parce qu'ils ne sont pas suffisamment prouvés.
Pour ces raisons, monsieur Decool, la commission a rejeté cet amendement.
Les arguments développés par Pascale Crozon sont très justes. J'insisterai, pour ma part, sur le second : il ne faudrait pas qu'une précision comme celle que vous proposez constitue un frein au témoignage des salariés. Or quand on connaît la difficulté à rassembler des preuves en matière de harcèlement sexuel, on sait que les témoignages sont absolument indispensables et qu'il ne faut pas les réfréner en faisant craindre aux salariés d'être accusés de mauvaise foi.
Un salarié ne peut impunément être de mauvaise foi mais c'est au juge qu'il revient d'apprécier la bonne foi. Il faut laisser une certaine souplesse. Je suis donc défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
Mme Pascale Crozon a présenté un amendement de cohérence, n° 67.
(L'amendement n° 67 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 4, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 5 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Mme Pascale Crozon a présenté un amendement de cohérence, n° 68.
(L'amendement n° 68 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Mme Pascale Crozon a présenté un amendement de coordination, n° 53.
(L'amendement n° 53 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Mme Pascale Crozon a présenté un amendement de coordination, n° 49.
(L'amendement n° 49 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Mme Pascale Crozon a présenté un amendement de cohérence, n° 70.
(L'amendement n° 70 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 6, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Axelle Lemaire, pour soutenir l'amendement n° 76 , portant article additionnel après l'article 6.
L'amendement vise à étendre à tous les lieux de travail placés sous l'autorité des administrations la double obligation d'inclusion et de publicité au moyen des règlements intérieurs du corpus juridique relatif au harcèlement sexuel.
À l'heure actuelle, la loi se contente d'obliger les employeurs du secteur privé à utiliser le règlement intérieur pour rappeler à leurs salariés les règles du code du travail relatives au harcèlement. Rien dans la loi ne semble être prévu pour les administrations à destination des fonctionnaires et des agents de droit public.
Peut-être considérerez-vous que cette question de l'affichage relève du domaine réglementaire et non pas de la sphère législative et que, au demeurant, il appartient au ministre de la fonction publique de s'intéresser au sujet, mais permettez-moi de réfuter l'argumentation.
D'abord, rien n'empêche des mesures d'ordre réglementaire de figurer dans la loi. De nombreux codes, à commencer par le code du travail, mais vous avez également cité le code de l'éducation, comportent de telles dispositions pourtant introduites par l'outil législatif.
Ensuite, la question est suffisamment importante pour revêtir elle-même l'habit de la loi. Je ne trouve pas d'explication au fait que le volet préventif, déjà mince, ignore les agents de la fonction publique. Ne serait-il pas plus efficace de solliciter directement les universités, les hôpitaux, les prisons, par exemple, sans attendre pour cela la publication de décrets spécifiques ?
La question du harcèlement ne doit pas être confinée aux prétoires mais doit entrer dans la sphère sociale, imprégner concrètement les lieux pour marquer les discours et les consciences. Il est, pour cela, essentiel d'élever les questions de prévention au rang d'obligations normatives, y compris au sein des administrations, au même titre que le volet répressif de la loi, afin que la norme soit intégrée en amont par les acteurs sociaux, que la menace de la sanction soit pensée collectivement afin que le mal ne soit pas subi individuellement.
Pour ces raisons, j'invite l'Assemblée à adopter l'amendement.
Cet amendement soulève une vraie question mais nous avons déjà eu, à l'article 3 bis, un débat sur l'amendement n° 18 s'agissant des obligations de prévention dans les administrations prévues par un décret de 1982 pour la fonction publique de l'État. Une telle précision n'a pas à figurer dans la loi de 1983, relative aux principes généraux concernant les droits et obligations des fonctionnaires.
Nous sommes ici davantage sur le terrain des bonnes pratiques, qui n'ont pas vocation à figurer dans un texte de nature législative. Nous souhaitons que ce texte ne soit pas un fourre-tout et soit vraiment relatif au harcèlement sexuel.
Toutefois, le Gouvernement pourrait peut-être s'engager aujourd'hui à prendre une circulaire allant dans le sens de cet amendement, en tout cas, à étudier la question avec la ministre concernée.
La commission est défavorable à cet amendement.
Défavorable, cela ne vous surprendra pas, pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure. Il y a ce qui est d'ordre législatif et ce qui est d'ordre réglementaire et la matière que vous évoquez est d'ordre réglementaire.
Je comprends votre souci que s'appliquent dans la fonction publique les mêmes obligations que dans le secteur privé, mais ayez à l'esprit que, aux yeux des administrations, les circulaires et les instructions ministérielles ont une autorité égale à celle de la loi. Ce sont tout de même des vecteurs extrêmement efficaces et opérationnels et je vous confirme, madame Crozon, que la ministre en charge de la fonction publique, Marylise Lebranchu, s'apprête à adopter une circulaire interministérielle qui viendra préciser les obligations d'information pour les administrations. Il y a donc déjà une volonté de compléter le texte.
Au bénéfice de ces précisions, je vous demande, madame Lemaire, de bien vouloir retirer votre amendement.
Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Non sans une petite déception mais en comprenant, et, surtout, compte tenu de votre engagement de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour assurer la prévention du harcèlement également dans les administrations, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 76 est retiré.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 71 rectifié et 82 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour défendre l'amendement n° 71 rectifié .
Une telle disposition est nécessaire non seulement pour faciliter l'action indemnitaire exercée par les victimes de faits de harcèlement sexuel qui ne sont plus poursuivables pénalement, mais aussi pour éviter des situations qui ne manqueront pas d'être perçues comme des dysfonctionnements du service public de la justice, voire, plus largement, de l'État.
En effet, dans l'affaire qui a donné lieu à la QPC, ainsi que dans toutes les affaires où l'extinction de l'action publique sera constatée au stade de la cassation, il est probable qu'en l'absence d'une telle disposition, les conséquences seraient les suivantes.
La Cour de cassation cassera l'arrêt de condamnation et renverra le dossier à la cour d'appel, une cassation sans renvoi semblant exclue puisqu'il est nécessaire de permettre aux juges du fond de vérifier que les faits ne peuvent pas être poursuivis sous une autre qualification. Dans quelques mois, la cour d'appel constatera l'extinction de l'action publique et déboutera les parties civiles. Les parties civiles seront alors informées par le parquet, comme le leur aura demandé la ministre de la justice par circulaire, de la possibilité d'engager une procédure civile. On peut, d'ores et déjà, anticiper que de nombreux articles dans les journaux et médias feront sans doute état de l'incompréhension des victimes expliquant que la procédure a déjà duré plus de trois ans.
Quelques mois plus tard, il y aura sans doute décision civile de première instance condamnant l'auteur à des dommages et intérêts, mais un appel de la personne condamnée est à prévoir, de même que de nouveaux articles de presse expliquant le parcours du combattant des victimes. Viendra ensuite la décision civile en appel, puis, sans doute, un pourvoi en cassation.
Enfin, avec de tels délais, on ne peut pas exclure que ces victimes portent plainte devant la CEDH pour violation de leur droit à voir leur cause jugée dans un délai raisonnable, en application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
C'est pour éviter de tels feuilletons judiciaires et médiatiques, qui risquent de se dérouler dans quelques dizaines d'autres affaires, que l'adoption du présent amendement est souhaitable.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 82 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 71 rectifié .
Je l'annonce d'emblée, le Gouvernement va retirer son amendement. Je vais expliquer néanmoins pourquoi il existe.
L'initiative de la rapporteure est bienvenue. Nous connaissons, en effet, la situation des victimes. Nous savons que les éléments statistiques juridiques sont sans commune mesure avec la probable réalité sociologique du harcèlement sexuel et que le nombre de condamnations est dérisoire par rapport au nombre de plaintes déposées, les classements sans suite représentant en moyenne 60 % des plaintes.
L'annulation de l'incrimination a fait tomber toute une série de plaintes. Or, la durée entre le dépôt de la plainte et le jugement étant en moyenne de vingt-sept mois, des victimes avaient eu le temps de s'engager dans un processus difficile, de dépenser de l'argent, et se retrouvaient face à une extinction de l'action publique. Nous étions donc très sensibles à la nécessité de trouver une solution pour leur permettre au moins d'être indemnisées de leurs frais, si le tribunal en décidait ainsi, bien entendu.
Nous sommes attachés au principe de non-rétroactivité de la loi. La loi pénale ne peut pas être rétroactive, sauf dans les cas où la nouvelle incrimination est moins sévèrement punie que la précédente.
Nous sentions bien que nous ne pouvions pas simplement opposer aux victimes le principe de non-rétroactivité ; nous ne pouvions pas rester indifférents à la réalité statistico-juridique de ces plaintes et de ces condamnations. Par conséquent, l'initiative prise par la rapporteure est bienvenue.
Nous avions simplement une réticence sur la formulation de cet amendement. L'article 470 est une très bonne référence. Cette disposition, introduite par Robert Badinter, est bienvenue dans le code mais elle ne retient pas l'élément intentionnel. Qui plus est, elle est relative à la relaxe et, pour le harcèlement sexuel, compte tenu des délais de prescription, introduirait dans le code de procédure pénale un dispositif transitoire.
Pour ces raisons, nous avons souhaité sous-amender l'amendement, mais le service de la séance a transformé le sous-amendement du Gouvernement en amendement. Il était hors de question de concurrencer l'amendement de la rapporteure, parce qu'elle a bien vu le problème, qu'elle l'a bien embrassé, bien formulé. Notre réserve portait juste sur ce caractère transitoire.
Sous réserve de préciser que cette disposition, justement parce qu'elle est transitoire, n'entrera pas dans le code de procédure pénale, l'avis du Gouvernement est favorable, et je vous confirme le retrait de l'amendement n° 82 .
(L'amendement n° 82 est retiré.)
Nous avons évoqué cette question lors des travaux en commission. La première mouture de l'amendement de notre rapporteure avait été retirée au profit de celle que nous avons sous les yeux et dont la proposition du Gouvernement diffère peu.
Je voudrais répéter ce que j'ai dit en commission et lors de la discussion générale. La volonté de la rapporteure et du Gouvernement est unanimement partagée : nous avons le devoir de nous pencher sur la situation créée par la décision du 4 mai. En revanche, je crains fort que l'amendement n° 71 rectifié ne soit l'amendement de tous les dangers.
Cet amendement maintient une partie civile alors qu'a disparu toute raison pour qu'il y ait un procès pénal. Or l'existence d'une partie civile est intimement et de manière incontournable liée à un tel procès. Que ce procès se soit conclu par une décision ou par une autre, y compris la relaxe, qu'il ait donné lieu ou non à une amnistie, puisqu'il est fait référence à cette notion dans l'exposé sommaire, toujours est-il qu'il existe à la base une incrimination pénale ayant débouché sur un procès pénal, avec deux parties au procès, la personne mise en cause et la partie civile. Il n'y a pas de partie civile sans procès pénal.
Je comprends que vous ayez envisagé cette mesure et, dans le fond, nous aimerions pouvoir vous rejoindre, mais c'est l'amendement de tous les dangers. Comment voulez-vous que les auteurs des faits qui bénéficient aujourd'hui – c'est scandaleux mais c'est ainsi – du fait qu'il n'y a plus d'incrimination pénale, au moment où, du fait de cet article de loi, ils se retrouveraient devant le juge civil, ne saisissent pas à nouveau les juridictions, cour d'appel ou Cour de cassation, en vue d'une question prioritaire de constitutionnalité ? Si ce nouvel article de loi fait l'objet d'une QPC et que le Conseil constitutionnel prononce une nouvelle censure, c'est la double peine pour les victimes !
J'adhère à mille pour cent aux souhaits de la commission et du Gouvernement, mais je vous alerte sur l'extrême fragilité juridique de ce qui est proposé. Je ne sais pas ce qu'il faudrait proposer mais, très sincèrement, je ne pourrai pas, et je crois que le groupe UMP ne pourra pas voter un amendement qui est, au sens étymologique du terme, monstrueux sur le plan juridique.
L'amendement, monsieur Geoffroy, est calqué sur l'article 470-1 du code de procédure pénale.
L'article 470-1 s'applique à une procédure pénale ayant conclu à une relaxe sur une incrimination qui existe. Là, il n'y a plus d'incrimination ! Vous ne pouvez donc pas fonder sur cette mesure l'article du projet de loi qui dispose qu'il est passé outre la décision du Conseil constitutionnel quant aux conséquences civiles d'un procès pénal qui n'avait pas plus de raison d'être. Le parallèle est plus qu'audacieux, extrêmement dangereux.
Je souhaite nuancer le propos de M. Geoffroy.
L'amendement répond au besoin des victimes de recourir à l'action civile. L'incrimination étant annulée, l'action publique en juridiction pénale est éteinte. Nous ne sommes pas sur la définition de l'incrimination, monsieur Geoffroy : ne brandissez donc pas le spectre d'une nouvelle annulation à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité.
La QPC nous renvoie à un problème de fond. Lorsque le Conseil constitutionnel annule une infraction pénale, il ne vise pas à priver les victimes de la réparation du préjudice qu'elles ont subi. La démarche est, en fait, une dérogation au principe electa una via : l'amendement permet à la victime, l'action publique étant éteinte au pénal, plutôt que de recommencer le processus devant une juridiction civile, de rester devant le tribunal correctionnel qui a constaté l'extinction de l'action publique. Ce tribunal est déclaré compétent pour prononcer les dommages et intérêts. Nous facilitons ainsi le processus pour la victime. Nous sommes attentifs à vos observations, monsieur Geoffroy, mais le problème de fond, c'est la possibilité pour la victime, sur la base d'une extension de l'article 470-1 du code de procédure pénale, de rester devant le tribunal correctionnel pour poursuivre l'action civile en dommages et intérêts.
La référence à la décision du Conseil constitutionnel limite l'application de cette disposition au cas précis de l'annulation de l'infraction de harcèlement sexuel. Ce n'est pas une ouverture générale, et c'est pourquoi j'ai parlé de disposition à durée limitée.
(L'amendement n° 71 rectifié est adopté.)
Dans les explications de vote sur l'ensemble du texte, la parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.
La décision du Conseil constitutionnel d'abroger l'article relatif au harcèlement sexuel nous a contraints, l'urgence s'est imposée. Je tiens, néanmoins, à saluer le travail parlementaire accompli, et d'abord celui des sénateurs : il y a eu au Sénat sept propositions de loi, une cinquantaine d'auditions, des recommandations, dont certaines ont été rappelées dans cet hémicycle. Nous n'avons pas bénéficié du même temps de préparation pour nos débats, mais la séance que nous venons d'avoir a démontré l'esprit de responsabilité de tous. Le Gouvernement a agi vite ; il devait le faire. Il devait se mobiliser, donner un signe fort aux victimes et combler le vide juridique occasionné par l'abrogation.
Notre groupe a voté le texte au Sénat, comme les autres. Ainsi que je l'ai annoncé lors de la discussion générale, même si nous avons eu quelques divergences ou quelques nuances sur le choix des mots, nous sommes très heureux de participer, dans cette assemblée, à un vote, que j'espère unanime, sur un texte aussi important.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le groupe GDR votera ce texte que nous jugeons nécessaire et utile. Non seulement il rétablit le délit de harcèlement sexuel, mais il en améliore la définition, ce qui permet d'appréhender les différentes formes de ce comportement. Il renforce de manière très significative le dispositif légal de lutte contre le harcèlement sexuel, notamment en harmonisant les dispositions du code du travail avec la nouvelle définition du délit, en prévoyant des dispositions spécifiques applicables à la fonction publique, en créant un nouveau délit de discrimination faisant suite à des faits de harcèlement sexuel, et en facilitant l'action des victimes par l'extension des possibilités d'action des associations.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.
Ce sont trois mois de vide juridique qui auront été comblés ce soir. Grâce à la prise en compte immédiate par le Gouvernement des attentes des victimes de ce fléau sournois de notre société, le Parlement aura redonné de l'espoir à toutes les victimes du harcèlement sexuel. Définition plus large, plus claire, plus précise : nous avons répondu, je crois, aux critiques du Conseil constitutionnel, au cours d'un débat constructif, nécessaire à un texte qui répondra au principe de légalité des délits et des peines. Nous avons évité les risques de déqualification. Nous avons également apporté de la cohérence dans l'échelle des peines en matière d'agression et de harcèlement sexuels.
Par notre débat, nous avons mis l'accent sur un phénomène qui traverse de trop nombreuses situations, et la publicité donnée à ce débat constituera la première des préventions.
Un autre signe fort, c'est l'unanimité que nous réunirons sur le vote de ce texte, comme un avertissement sans frais à celles et ceux qui contreviendraient encore à cette définition du délit de harcèlement sexuel aux contours désormais clairement définis. Je pense, en effet, que nous avons pris la mesure des termes utilisés, dans un souci de sécurité juridique pour tous.
Pourtant, nous savons que jamais une sanction, fût-elle renforcée, n'a empêché qu'un délit pénal ou une infraction ne soit encore commise. C'est pourquoi nous attendons les décrets ou circulaires d'application que vous prendrez, mesdames les ministres, pour donner sa pleine mesure à l'espérance des victimes de cette violence, comme nous attendons l'inscription de ce délit dans tous les textes à venir sur les thèmes développés ce soir.
Éclairé sur des sujets qui font encore débat, le groupe SRC votera ce texte avec empressement, parce qu'il est nécessaire à des personnes qui l'attendent depuis déjà longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je commencerai mon propos en disant que nous avons bien travaillé. Ce que nous avons fait en commission, puis en séance aujourd'hui, après ce qu'ont fait les sénateurs, à l'initiative du Gouvernement et parce qu'il était nécessaire de le faire, c'est du bon travail. Je pense que c'est ce qui restera de nos travaux, de ceux de la commission mixte paritaire et, à n'en pas douter, du texte qui résultera de cette CMP et qui sera approuvé définitivement la semaine prochaine, pour clore notre session extraordinaire de manière positive.
Nous avions le devoir de nous retrouver sur une définition claire, qui soit juridiquement la plus incontestable, du délit de harcèlement sexuel. Je crois que nous y sommes parvenus.
Nous avions également la nécessité de clarifier les positions de notre assemblée sur un certain nombre de sujets induits par l'ensemble de ces réflexions. Nous avons su nous arrêter là où il le fallait, sans exclure de reprendre les nécessaires débats, en particulier sur les questions de genre, de vraies questions sur lesquelles il y a manifestement des divergences d'appréciation et qui n'avaient pas leur place pour solde de tout compte ici et maintenant. Elles devront, un jour, trouver leur prolongement dans d'autres débats législatifs. Le groupe UMP votera donc ce texte, comme il l'avait annoncé dès le début, sans aucune réserve.
Je formulerai, malgré tout, un regret et une perspective.
Le regret c'est qu'aucun de nos amendements, alors qu'ils étaient tous de bonne volonté et ne visaient pas à casser le texte ou à en amoindrir la portée, n'ait trouvé grâce aux yeux de la commission et du Gouvernement, et donc aux yeux de notre assemblée. C'est dommage. Je ne souhaite pas y voir un signe qui pourrait nous inquiéter : si, quand nous sommes d'accord sur un texte, nos amendements ne passent pas, que dire des chances qu'ils auraient de passer lorsque nous ne serions pas d'accord sur le fond ? La question se pose, je l'évoque sereinement, sans que cela altère le moins du monde tout le bien que nous pensons du texte.
La perspective, heureuse, que je voudrais ouvrir est de pouvoir assurer, en ma qualité de co-rapporteur, avec ma collègue pascale Crozon, le suivi de la mise en oeuvre de cette loi. Nous avons déjà travaillé ensemble sur la problématique des violences faites aux femmes. Nous restons dans la thématique de la lutte pour la dignité de la personne humaine. C'est, je crois, le plus important à tirer de ces débats. Dans ce travail de suivi, nous veillerons également à bien vérifier que tout ce que le Gouvernement a suggéré de ne pas mettre dans la loi parce qu'il avait décidé de le faire lui-même, il aura bien commencé à le faire. C'est la règle du jeu. Parmi mes grands défauts, j'ai celui d'avoir une excellente mémoire, et je ne manquerai pas de me rappeler à votre bon souvenir s'il y a lieu, mesdames les ministres.
Le groupe UMP rejoint donc sur ce texte l'ensemble des autres groupes. Nous avions le devoir de bien travailler, nous l'avons fait ; nous avons le devoir d'être unanimes, et nous le serons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et RRDP.)
Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
La délégation a pris toute sa place dans ce débat. Nous avons tenu à nous associer aux auditions de la commission des lois et à faire des recommandations dont nous espérons qu'elles seront suivies d'effet.
La délégation sera, bien évidemment, attentive à l'application de la loi, qui devrait faciliter le dépôt des plaintes des victimes. C'est le souhait que nous avons exprimé tout au long de la soirée. On n'en a pas beaucoup parlé, mais nous demandons que l'on puisse diffuser les pratiques innovantes mises en place pour accompagner les victimes et pour mener les poursuites. Certains tribunaux ont, à cet égard, des pratiques très innovantes et leur diffusion permettrait d'améliorer le sort des plaintes qui sont déposées. Nous serons aussi attentives aux engagements qui ont été pris s'agissant de l'enquête, de l'observatoire et des mesures de prévention.
Le vide juridique est maintenant comblé et les associations vont pouvoir continuer leur travail auprès des femmes en étant sécurisées, avec des moyens supplémentaires, comme l'a demandé M. le président de la commission des lois.
Notre délégation suivra donc avec beaucoup d'attention la mise en oeuvre de ce texte qui vient d'être voté à l'unanimité de l'Assemblée.
Je voulais rappeler, en particulier aux nouveaux élus, que, dans cet hémicycle, les textes de loi pour les droits des femmes sont pratiquement toujours votés à l'unanimité. Guy Geoffroy l'a dit tout à l'heure, et c'est un point que je veux souligner. J'en étais très fière au cours de la mandature précédente, et c'était une fierté partagée. Après tout le travail que nous avions fait, il était important que les droits des femmes s'installent de cette façon.
Un mot pour vous dire le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous tous. J'avais beaucoup de crainte, au départ, notre président Urvoas m'ayant rappelé que dans le cadre de la procédure accélérée, il fallait aller vite, et il est vrai qu'il est compliqué et difficile de travailler dans la précipitation. Et cela n'a pas toujours été simple pour nous tous et toutes, en effet. Je voulais vous dire, mesdames les ministres, que cela fut un plaisir de travailler avec vous ainsi qu'avec vos collaborateurs, comme ce fut un plaisir de travailler avec vous tous, mes chers collègues, et avec les collaborateurs de l'Assemblée. Ce moment partagé avec vous, pas toujours évident, fut vraiment très agréable. Merci à tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Mesdames, messieurs les députés, j'aimerais que tous les débats parlementaires ressemblent à celui-ci, mais quelque chose me dit que ce ne sera pas le cas. En tout cas, je vous remercie de m'avoir offert, pour ce premier texte présenté au Parlement, la chance, inédite pour moi, de participer à des débats d'une qualité incomparable. Qu'il s'agisse du Sénat ou de l'Assemblée nationale, j'ai eu le sentiment qu'y compris grâce aux amendements qui ont été rejetés ou retirés, la réflexion a permis de progresser dans le bon sens, celui de la protection renforcée des victimes de harcèlement sexuel, celui d'une sanction plus forte que par le passé et d'une application plus systématique. Ma collègue Christiane Taubira vous reparlera sans doute de la circulaire qu'elle transmettra au parquet à cet effet.
Cette loi, grâce aussi à vos apports, c'est également la prise en compte des suites du harcèlement sexuel, notamment des faits de discrimination qui en résultent, c'est aussi l'ouverture, au-delà du monde du travail, aux mondes de l'enseignement supérieur et du sport, qui méritent qu'on y mette un peu plus souvent notre nez et que l'on avance en ce domaine. Le Gouvernement a pris, ici, un certain nombre d'engagements qui seront évidemment respectés.
J'ai noté, ce soir, de réelles convergences sur la nécessité de mieux dire les violences faites aux femmes et de mieux lutter contre elles. J'espère que nous nous retrouverons ensemble, tous bancs confondus, pour faire face à cette nécessité, à cette urgence, dans les tout prochains mois.
J'ai été vraiment très heureuse que le texte finisse par être adopté à l'unanimité, ici aussi. Vous rendez fiers de vous l'ensemble des Françaises et des Français, qui attendaient des parlementaires qu'ils se saisissent de ce sujet et qu'ils ne le lâchent pas. Non seulement nous ne l'avons pas lâché mais, en plus, nous leur offrons une réelle protection. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Mesdames, messieurs les députés, j'exprime, à mon tour, des remerciements, déjà pour votre présence – mais je connais la résistance des parlementaires –, ensuite, pour la qualité des travaux de cette nuit, après la très grande qualité des travaux en commission.
Monsieur Geoffroy, je n'ai pas perçu d'amertume dans vos propos, mais même si les députés de l'opposition ont eu le sentiment que leurs amendements étaient systématiquement rejetés, sachez que ce n'est pas le cas, qu'ils ont tous été utiles car ils ont provoqué des discussions sur des sujets de fond. C'est une contribution significative et appréciable à nos travaux.
Je vous dis à tous, y compris à vous, l'opposition, puisque vous avez voté à l'unanimité : merci d'avoir donné cette force à ce texte qui va s'appliquer dès sa promulgation. Vous avez fortement contribué, y compris pour les débats futurs. Il y a des sujets qui reviendront inévitablement. Ils n'ont pas été épuisés. Je pense, au premier rang d'entre eux, à la question du genre. C'est un sujet déjà présent dans la société, qui la traverse, et qui ne fait pas encore l'unanimité, ne serait-ce que sur les termes mêmes dans lesquels le débat doit être posé. Les propos qui ont été échangés ce soir contribueront à ce débat.
Je pense aussi à la question de la minorité, qui nous préoccupe très sérieusement. Le fait d'avoir choisi de ne pas déstructurer le code pénal ne signifie pas du tout qu'il y a une position tranchée entre ceux qui pensent qu'il faut protéger les mineurs indépendamment de toutes les conséquences de cette protection spéciale, et ceux qui pensent qu'il faut conserver le parallélisme du code pénal.
Tous les débats ont contribué à éclairer les intentions du législateur. Les magistrats pourront avoir besoin de s'y référer, et ils se reporteront à nos travaux, ce qui leur permettra de voir ce que nous avons voulu faire avec ce texte.
Je veux vraiment vous remercier parce que c'est une belle symbolique que d'ouvrir la législature sur un texte pareil, et avec un vote unanime. Nous avons eu l'occasion de nous entendre sur des choses essentielles : les valeurs républicaines et les valeurs humanistes qui fondent notre société. C'est pourquoi nous avons un vote à l'unanimité.
Nous devons donner à cette loi toute sa portée. Pour ma part, je me suis engagée à introduire un certain nombre de points précis dans une circulaire d'application. Je veillerai à ce que celle-ci soit prête dans les vingt-quatre heures qui suivront la promulgation de la loi.
Ma gratitude est immense parce que je m'octroie le privilège de vous adresser la gratitude de toutes les victimes, qui sont empêtrées dans le désarroi et qui n'étaient pas sûres d'être suffisamment armées pour faire appel à la protection de la justice, et pour qui, grâce à vous, cette nuit, se lèvent quelques rais d'une aube nouvelle. Je vous en remercie et vous souhaite une bonne nuit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Prochaine séance, mercredi 25 juillet, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Prestation de serment des juges de la Cour de justice de la République ;
Discussion, en procédure d'examen simplifié, de cinq projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales ;
Discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération entre la France et l'Afghanistan ;
Discussion de la proposition de loi visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 25 juillet 2012, à trois heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron