Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, le délit de harcèlement sexuel a été introduit dans notre droit par la loi du 2 novembre 1992 et a même connu une évolution substantielle avec la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, qui a élargi son champ d'application au-delà des relations de travail.
Cependant, ce délit a été rayé du code pénal par la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012, en raison de son libellé évasif contraire aux principes de la légalité des délits et des peines et de clarté de la loi. Il en est résulté un vide juridique justifiant une nouvelle législation de toute urgence.
Il nous appartient, aujourd'hui, de voter la définition de ce qui relève du harcèlement sexuel afin de ne pas le confondre avec une agression sexuelle, sanctionnée plus sévèrement, ou une simple attitude de séduction.
À ce sujet, j'ai tenu, la semaine dernière, dans ma circonscription de Saône-et-Loire, près de Chalon-sur-Saône, conformément à mes engagements de campagne, une réunion, un atelier législatif citoyen. Sur les projets ou propositions de loi particulièrement importants et sur lesquels je m'investis, il s'agit de rassembler le public, les citoyens ordinaires et des personnes particulièrement concernées, en raison de leur profession, de leur engagement associatif ou autre. En 1'occurrence, l'association L'Écluse, qui gère un centre d'hébergement et de réinsertion sociale pour les femmes avec enfants, victimes de violences, a participé à cet atelier.
De cet échange, il est ressorti des réflexions ou remarques que l'on a retrouvées dans nos travaux ou ceux du Sénat, à propos notamment des difficultés d'apporter la preuve des faits de harcèlement, de la solitude et des discriminations rarement combattues.
Au-delà de ces observations, deux points apparaissent clairement. D'abord, se manifeste un réel intérêt pour le projet et l'idée d'un renforcement de la répression du harcèlement sexuel. Les propos entendus – qui ne provenaient pas seulement d'intervenantes – montrent clairement que ces pratiques sont réellement perçues comme intolérables. Leur sanction correspond une tendance lourde de notre société qui ne s'accommode plus de ces comportements portant atteinte à la dignité des êtres humains, en particulier des femmes.
Deuxième point : l'attente est d'autant plus forte en ce qui concerne la vertu dissuasive de ladite loi que la procédure contentieuse est particulièrement incertaine, difficile au regard de la charge de la preuve, longue, douloureuse.
La définition claire apportée au délit de harcèlement sexuel y contribue déjà, en ce qu'elle permet à la victime comme à l'auteur de l'infraction d'identifier les faits et leur caractère punissable. Elle permet également, dans les entreprises, aux représentants du personnel de jouer pleinement leur rôle comme relais auprès de l'administration ou comme modérateurs susceptibles de mettre un terme au harcèlement avant 1'action en justice.
Pour donner au dispositif législatif toute sa force dissuasive, il nous semble donc utile de prévoir aussi une obligation d'affichage d'extraits significatifs de la loi sur le lieu de travail. Certes, ce n'est pas la panacée qui fera disparaître toutes les difficultés que la législation sur le harcèlement rencontre. Il s'agit d'une technique somme toute assez banale puisqu'elle est appliquée dans des cadres juridiques aussi divers que le code électoral, le code des débits de boisson, les parcs nationaux et les réserves naturelles.
On pourrait objecter aussi qu'à l'heure de la révolution des techniques de communication, le procédé classique de l'affichage paraît bien vieillot. Cependant, il ne manque pas de vertus. Sur le plan pédagogique, il rappelle à ceux qui seraient tentés d'enfreindre la loi que l'infraction de harcèlement existe et qu'elle est punissable. L'affichage présente aussi l'avantage de montrer d'une manière tangible, concrète, bref visible, l'existence de la loi.
Enfin, il n'exclut pas les campagnes de sensibilisation, inscrites nécessairement dans la durée, que prévoit le Gouvernement, ni aucune autre mesure telle que la mise en place d'un observatoire des violences.
Telles sont les observations recueillies sur le terrain dont je tenais à vous faire part. C'est sur cette base que nous aurons l'honneur de vous soumettre un amendement relatif à l'obligation d'affichage (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)