Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 21h30
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, tout d'abord, je remercie Christian Hutin d'avoir rappelé notre travail commun. Il est vrai que nous n'avions pas traité ce sujet dans le cadre de la mission d'information qui nous avait réunis jusqu'en 2010. Précisons, à notre décharge, même si l'excuse est d'une relative faiblesse, que nous n'avions pas été sollicités ni alertés sur cette question. Sans doute étions-nous préoccupés par les suicides en nombre et les situations de stress au travail.

Nous aurions dû traiter la question du harcèlement sexuel mais nous ne l'avons pas fait. Ce soir, nous nous rattrapons en participant tous les deux à ce débat. J'en profite pour suggérer au président de la commission des lois une nouvelle étude à propos de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que l'on pourrait intituler « Conséquence des invalidations partielles sur le fonctionnement des missions d'information ». (Sourires.) Mais ce n'est pas le sujet de notre débat de ce soir…

Je partage, bien évidemment, l'ensemble des analyses développées par les précédents orateurs. Je souscris plus particulièrement à la volonté de donner une définition juridique précise du harcèlement. Je ne reviens pas sur la décision du Conseil constitutionnel, sinon pour regretter, comme un certain nombre d'entre nous, qu'elle n'ait pas été assortie d'une date d'application ; cela nous aurait permis de travailler dans des conditions quelque peu différentes. Cela dit, le harcèlement, par lequel on exerce une domination sur quelqu'un en le considérant comme un objet, constitue un acte de dépersonnalisation d'une gravité telle qu'il mérite toutes les condamnations que ce texte a pour objet de réintroduire dans notre droit pénal.

Je n'ai pas de commentaire général à faire sur l'économie du texte. Je tiens à saluer le travail accompli par le Gouvernement et le Parlement dans les délais qui nous étaient impartis. Nous souhaitons tous, bien sûr, qu'ils soient moins courts pour les prochains textes. Néanmoins, je formulerai trois réserves de fond et une réserve de forme.

Ma première réserve de fond porte sur la minorité de quinze ans, considérée comme une circonstance aggravante. Je ne comprends pas, madame la rapporteure, l'argumentation que vous avez développée tout à l'heure à cette tribune. Vous avez mentionné – je crois que ce sont vos propres mots – « l'affaiblissement de la capacité de résister », laquelle justifiait que l'on retienne ce seuil en cas de viol, mais je ne comprends pas non plus le parallèle que vous avez établi avec cette autre grave incrimination. Nous aurons l'occasion d'y revenir pendant le débat, j'en suis certain.

Ma deuxième réserve de fond porte sur la question de l'orientation et de l'identité sexuelles. Cela ne vous surprend pas, car nous en avons déjà débattu en commission. Tout d'abord, à mon sens, ces précisions n'ajoutent rien à la force du texte. Ensuite, je regrette que des questions aussi importantes soient traitées par notre assemblée au détour d'un amendement à un texte qui, malgré tout, ne les concerne pas tout à fait, du moins pas de manière appropriée ; je ne porte pas là un jugement péjoratif, je ne fais que décrire une réalité matérielle.

Ma troisième réserve de fond porte sur l'absence de suivi psychologique des personnes convaincues d'actes de harcèlement. J'ai bien compris que ce débat n'était pas forcément le lieu pour en traiter, et j'ai bien entendu Mme la ministre des droits des femmes nous annoncer la prochaine présentation d'un texte relatif aux violences faites aux femmes. J'imagine que nous pourrons alors revenir à ce sujet.

Ma réserve de forme porte, monsieur le président de la commission, sur notre manière d'écrire le droit. Comme je l'ai dit lors de nos débats en commission, comme je le répéterai peut-être de manière plus ramassée, je trouve dommage que nous ne profitions pas de toutes les occasions qui nous sont offertes pour écrire la loi de manière plus synthétique, moins répétitive et en donnant aux mots toute leur force. À l'évidence, en droit comme dans d'autres disciplines, l'affirmation d'un principe sans mention de circonstances particulières est bien plus forte que la même affirmation suivie de l'énumération des circonstances. Je regrette que le recours à un certain nombre d'adverbes – je ne répète pas ma démonstration de l'autre jour – nous conduise à un texte plus détaillé qu'il ne faudrait.

Je prie, enfin, Mme la garde des sceaux de bien vouloir remercier M. le ministre du travail d'avoir participé au début de nos travaux. S'il pouvait nous indiquer – peut-être est-ce une question que je pourrais poser aussi au nom de Christian Hutin – comment il compte traiter, au cours de cette législature, le problème de la prévention des risques psychosociaux en général, je suis de ceux que sa réponse intéresserait vivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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