Intervention de Monique Orphé

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 21h30
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer, à mon tour, la réactivité du nouveau gouvernement qui a élaboré ce projet de loi sur le harcèlement sexuel, et de féliciter nos collègues sénateurs ainsi que les membres de notre commission des lois pour leur vote unanime sur ce texte. Ainsi ont-il respecté l'engagement pris par le Président de la République d'aller vite sur ce sujet afin de combler le vide juridique.

Il est vrai que la brutalité de l'abrogation de la loi par le Conseil Constitutionnel a semé le trouble et le désordre, notamment s'agissant des procédures en cours, et laissé dans le désarroi des victimes en quête de réparation. Je veux donc vous féliciter, madame la garde des sceaux, d'avoir pris des mesures pour accompagner les victimes lésées par cette abrogation.

Cela dit, le nombre de procédures engagées et, surtout, le nombre très peu élevé des condamnations ont mis en lumière l'inefficacité de la loi abrogée.

Pourtant, vous l'avez dit, mesdames les ministres, ce délit est puni depuis vingt ans. Les enquêtes menées sur ce sujet étaient très révélatrices : d'abord, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, dite ENVEFF, menée en 2000 au niveau national et en 2003 dans les DOM-TOM, puis, plus récemment, en 2007, l'enquête conduite en Seine-Saint-Denis auprès d'un panel de 1 700 femmes a révélé que, si 45 % des femmes ont fait l'objet d'un harcèlement sexuel, 98 % des victimes n'ont pas engagé de poursuites judiciaires. Ce dernier chiffre le fait bien comprendre : le sujet reste encore tabou, c'est malheureusement la loi du silence qui s'impose. Vous avez bien décrit, madame la garde des sceaux, les différents motifs, les différentes causes de ce silence, entre autres la honte et la culpabilité.

Le nouveau texte a le mérite d'être plus précis en ce sens qu'il clarifie la définition du harcèlement sexuel. L'élargissement du cadre de l'infraction pénale au cercle familial et amical et aux relations de voisinage colle mieux à la réalité.

Ce projet de loi permet également de nombreuses améliorations : une meilleure protection, on l'a dit, des victimes de harcèlement sexuel ; une meilleure implication des associations, qui auront le droit d'ester en justice ; une meilleure protection des témoins ; surtout, une graduation des peines en fonction de la gravité des actes. Cette nouvelle loi devrait, par conséquent, encourager les victimes à briser le silence et, surtout, aider les juges à prendre leur décision.

Sur ce sujet, comme celui plus général des violences envers les femmes, nous devons avancer vite et bien. Je crois que, si consensus il doit y avoir, c'est sur ce genre de problème de société.

Les attentes sont considérables, de la part des victimes notamment mais aussi de celle des associations qui se battent sur le terrain, parfois avec peu de moyens. Je remercie M. le président de la commission des lois d'avoir, à juste titre, signalé ce problème. Je l'observe notamment à La Réunion, où le harcèlement sexuel est un véritable fléau. Je rappelle que l'enquête ENVEFF a révélé que les violences conjugales et le harcèlement sexuel étaient plus fréquents à La Réunion que dans l'hexagone. Ainsi, 15 % des femmes sont victimes de violences conjugales à La Réunion contre 9 % en métropole. De même, j'ai cru comprendre que la proportion de femmes victimes de harcèlement sexuel était de 0,6 % en métropole, alors qu'elle est d'environ 3 % à La Réunion.

C'est dire l'intérêt que je porte à l'observatoire des violences qui va être mis en place, qui devrait être un outil utile et efficace pour faire avancer cette cause. Il faudra aussi, bien évidemment, réactualiser les données par une nouvelle enquête nationale incluant les DOM-TOM. Votre engagement en ce sens, madame la ministre, ne peut être qu'apprécié.

Vous le savez, la loi ne règle pas tout. Pour traiter le mal à sa racine, il faut, à mon sens, un changement profond des mentalités et des comportements. Si nous voulons gagner cette bataille, nous devons agir en amont, en commençant par notre jeunesse, au sein de laquelle nous observons encore trop souvent des comportements machistes, voir sexistes. L'éducation doit prendre toute sa place pour impulser ce changement.

Des lois existent et quelques actions sont menées, mais il faut que le ministère de l'éducation nationale et le ministère des droits aux femmes travaillent main dans la main et de manière transversale.

La construction d'une société plus apaisée, plus respectueuse des libertés, d'une société plus fraternelle et plus égalitaire, chère à notre Président, ne sera possible que si nous arrivons, demain, à éradiquer ces formes de violence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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