Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 21h30
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

En donnant aux justiciables la possibilité d'invoquer devant les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif l'atteinte éventuelle qu'une disposition législative porterait aux droits et libertés que la Constitution garantit, afin d'en provoquer l'examen, et parfois la censure, par le Conseil Constitutionnel, notre Constitution, par son article 61-1, dans sa rédaction issue de la révision du 23 juillet 2008, a fait progresser notre État de droit. Nous devons nous en féliciter, même si notre travail en devient plus difficile et plus compliqué qu'auparavant.

Il faut mesurer cette censure constitutionnelle à l'aune de sa portée véritable. Elle ne précise pas si la loi est bonne ou mauvaise, judicieuse ou non, ou si elle est un bon coup politique. Elle ne signifie qu'une seule chose : qu'une disposition législative a porté atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La censure souligne une réalité troublante : le législateur a, par la loi votée, porté atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit à ceux dont nous sommes les représentants et dont nous tirons notre légitimité.

Notre responsabilité et l'exigence dans laquelle doit s'inscrire notre travail législatif nous sont ainsi rappelées. Cette exigence de respect des principes fondamentaux du droit, de la philosophie du droit, du sens de la loi, de la doctrine, qu'il faut connaître, de la jurisprudence, qu'il faut comprendre, doit inciter le législateur à répondre aux aspirations de nos concitoyens. Parmi les attentes de ceux-ci figure l'adaptation permanente de ce patrimoine juridique à la réalité de notre société, à son évolution et aux conquêtes sociales, au rang desquelles nous pensons devoir inscrire la lutte contre les inégalités et les discriminations.

Il en est ainsi pour le harcèlement sexuel. La censure du Conseil constitutionnel était fondée sur l'imprécision de la loi pénale, qui violait, de ce fait, l'un des principes fondamentaux de notre droit, à savoir le principe de la légalité des délits et des peines. Ce principe protège nos concitoyens de l'arbitraire des poursuites infondées. Mais cette imprécision était aussi à l'origine de difficultés pour l'action publique à poursuivre certains faits. Cette imprécision était donc fondamentalement attentatoire aux droits des victimes et à leur capacité à faire reconnaître la culpabilité des auteurs de harcèlement.

L'excellent travail de définition des éléments constitutifs du délit du harcèlement sexuel que le Parlement a réalisé à l'occasion de l'examen de ce texte va, en définitive, rendre à beaucoup de victimes une nouvelle et réelle possibilité d'agir. Voilà ce que je voulais vous dire.

La question prioritaire de constitutionnalité nous permet de prendre conscience de cet enjeu. M. le président de la commission des lois nous l'a rappelé : le Parlement doit faire évoluer ce dispositif, pour en maîtriser les conséquences et réduire les catastrophes juridiques et humaines. Au-delà de ces imperfections, j'affirme que cette faculté donnée à nos concitoyens est un progrès. Il appartient au Gouvernement et au législateur d'y puiser un supplément d'exigence, de rigueur et de sagesse qui les rendra plus dignes de la légitimité qu'ils ont reçue du peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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