Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 21h30
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je vous remercie d'être aussi nombreux et d'avoir apporté votre contribution à ces débats qui s'annoncent riches. Je ne vous citerai pas tous, ce dont je vous prie de m'excuser, mais j'ai retenu un certain nombre de constats partagés.

D'abord, il est, évidemment, urgent d'adopter ce texte et de répondre au vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel. C'est un esprit de responsabilité qui vous anime les uns et les autres, et je vous en félicite. C'est un travail qui s'annonce constructif, les victimes et les femmes qui nous écoutent, dans le public en particulier, y sont sensibles.

Plusieurs d'entre vous sont revenus sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui me concerne tout particulièrement, source d'un grand nombre de phénomènes de violences faites aux femmes que nous constatons dans la société, dont le harcèlement sexuel. Vous avez absolument raison, tous ces sujets sont liés. Ainsi que le soulignaient Mme Crozon ou Mme Buffet, l'égalité réelle, l'égalité professionnelle est, en effet, un rempart contre le harcèlement sexuel puisque, tant que nous n'aurons pas d'égalité avérée entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, un sexe pourra considérer l'autre comme acquis. C'est contre cela que nous luttons.

J'ai noté, d'ailleurs, que, sur tous les bancs, il y avait un relatif consensus sur ce constat, tout comme de vrais points de convergence dans vos interventions sur la contribution essentielle des associations, non seulement à notre débat, puisque beaucoup d'entre elles ont participé à la réflexion sur ce texte, mais aussi à l'accompagnement des victimes de harcèlement sexuel. Leurs difficultés financières ont été rappelées. Le Gouvernement en a conscience, tout comme nous avons conscience du rôle qu'elles devront jouer, une fois le texte adopté, pour informer les victimes potentielles, en particulier dans les zones rurales évoquées par Mme Biémouret, où l'accès à l'information est particulièrement difficile, pour accompagner aussi les femmes, et les hommes quelquefois, devant les tribunaux.

Plusieurs d'entre vous, notamment MM. Urvoas, Tourret, Dolez, Clément et Le Bouillonnec, ont évoqué la question prioritaire de constitutionnalité. Si vos réflexions nous ont évidemment nourris, ce que nous devons avoir collectivement à l'esprit, ce soir, c'est que la décision du 4 mai dernier nous impose collectivement d'élaborer des textes précis. Celui qui vous est présenté aujourd'hui, avec les améliorations que vous y apporterez, répond bien à cette exigence.

J'ai relevé la demande répétée de mieux connaître les violences faites aux femmes, parmi lesquelles le harcèlement mais pas seulement. Mesdames Lagarde, Lemorton, Romagnan, Pompili, vous avez insisté sur la nécessité de relancer l'enquête ENVEFF, qui date maintenant de quasiment douze ans, en 2000. J'y travaille. C'est l'une de mes priorités parce que je suis persuadée que le silence qu'on fait peser autour des violences faites aux femmes est un silence coupable qui les entretient. Soyez donc rassurées sur ma volonté à la fois de travailler sur cette enquête, d'y intégrer des données spécifiques relatives au harcèlement sexuel et de mettre en place cet observatoire national des violences faites aux femmes que vous avez été nombreux à évoquer.

M. Geoffroy était bien placé pour rappeler que c'était un engagement passé de cette assemblée. Le Gouvernement est totalement déterminé à le mettre en place, pas simplement comme une plate-forme de réflexion intellectuelle d'étude ou d'enquête, mais aussi comme une plate-forme d'action qui soit en mesure d'évaluer en particulier les expérimentations menées ici et là dans les territoires. Nombreux, en effet, sont les départements qui sont en avance dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Le rôle du Gouvernement doit donc être aussi de faire essaimer, de généraliser les pratiques qui se révèlent intéressantes. L'observatoire sera là pour éclairer les politiques publiques que nous pourrions conduire. Barbara Romagnan le soulignait, cet observatoire, comme l'enquête ENVEFF que nous relancerons, nous servira peut-être aussi, dans deux ou trois ans, à évaluer la loi que nous sommes en train de préparer. C'est sans doute la meilleure façon d'en mesurer l'efficacité.

Monsieur Goujon, nous ne sommes, bien sûr, pas insensibles à la situation des étudiantes ou des doctorantes qui ne parviennent pas à faire sanctionner leur harceleur. J'en disais un mot dans mon propos introductif, avec ma collègue en charge de l'enseignement supérieur, nous ferons en sorte d'adopter les textes nécessaires pour améliorer les procédures disciplinaires, actuellement insatisfaisantes de l'avis quasi unanime. Nous travaillerons sur l'information et la prévention, car la sanction ne fait pas tout.

Un grand nombre d'entre vous ont évoqué la nécessité d'une réponse globale alliant prévention, éducation, information, formation, en plus du texte pénal que nous sommes en train d'adopter. Je confirme notamment à Mme Bello et Mme Fabre que, pour lutter dès le plus jeune âge contre les stéréotypes et les clichés qui sont à la source de tous ces maux que nous évoquons depuis le début de la soirée, c'est bien dans l'éducation nationale que cela se joue. Vous avez évoqué un certain nombre de textes qui sont restés un peu lettre morte. C'est un travail qui mérite d'être repris. Avec le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, nous nous apprêtons, dans les prochaines semaines, à signer la convention interministérielle relative à l'égalité entre les filles et les garçons à l'école, qui préconise un certain nombre de mesures pour apprendre le respect entre les sexes et l'égalité entre les filles et les garçons. C'est Maud Olivier qui évoquait ce sujet essentiel pour le débat qui nous réunit ce soir.

Plusieurs d'entre vous, dont M. Coronado, Mme Massonneau et Élisabeth Pochon, ont évoqué la question de l'identité sexuelle, soit pour regretter cette notion, soit pour estimer qu'on ne pouvait pas aller au-delà. Soyez assurés que le Gouvernement est très attentif à la question de l'identité de genre, mais ce n'est pas le lieu ni le moment, dans le temps si contraint de la procédure accélérée pour ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel, de poser la question de façon approfondie. Il serait sans doute beaucoup plus constructif de la renvoyer à un débat – un grand nombre de sénateurs s'étaient déclarés prêts à le lancer, pourquoi pas des députés ? – sur ce qu'on entend par identité de genre, expression encore inconnue du code pénal. Monsieur Coronado, vous évoquiez des textes internationaux qui, eux, la connaissent. Il n'en reste pas moins que, si nous devions traiter de cette question, cela mériterait un débat plus large pour mieux définir les concepts et que c'est un sujet dont les implications sont beaucoup plus larges que le seul champ du harcèlement sexuel, implications en matière professionnelle, en matière de santé, en matière sociale. Cela mérite vraiment un débat à part entière et, si vous êtes d'accord, je vous renvoie à une discussion future.

Monsieur Poisson, vous évoquiez les risques psychosociaux, et je vous confirme que, dans le travail que vous aviez réalisé, il n'était pas question de harcèlement sexuel. Lors de la conférence sociale qui a réuni un certain nombre de membres du Gouvernement, j'ai eu le plaisir de présider une table ronde consacrée à l'égalité professionnelle et aux conditions de vie au travail. Le harcèlement sexuel a été largement évoqué avec les partenaires sociaux puisqu'il y a un vrai désir, de la part des organisations syndicales comme patronales, de s'impliquer notamment dans la prévention de la pénibilité, dans laquelle la question du harcèlement trouve finalement aussi sa place. Soyez donc rassuré sur le fait que, pour tout le monde, c'est un sujet qui relève à part entière du monde du travail.

Mesdames, messieurs, j'espère avoir répondu à vos questions. Avançons maintenant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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