Le problème qui se pose, ce n'est pas seulement celui de l'échelle des peines, c'est aussi celui de notre échelle de valeurs, de l'importance respective que l'on accorde aux personnes et aux biens.
Je vois bien que nous sommes en train de nous acheminer vers l'unanimité. Elle est importante pour ce texte car, comme le disait Mme Buffet tout à l'heure, elle va lui conférer une puissance particulière. Nous pourrions le voter grâce à l'appui de notre seule majorité mais le Gouvernement est demandeur de cette unanimité car elle va apporter de la force à cette loi.
J'ai parlé de perturbation du code pénal : il y règne en effet un relatif désordre du point de vue de nos valeurs. Je l'ai dit à la tribune, c'est un chantier plus lourd que nous allons entamer. Que l'on sanctionne plus sévèrement les atteintes aux biens que les atteintes aux personnes est un vrai problème. Or vous abaissez encore la sanction pour harcèlement.
Deuxième point, plus important encore : vous restreignez le champ d'application du texte, et vous le faites délibérément. Pour notre part, nous savons aussi parfaitement ce que nous faisons en rédigeant la définition de l'incrimination de cette façon. Nous ne nous sommes pas exclusivement inspiré des directives européennes même si nous l'avons fait en partie, pour deux raisons. La première, c'est que ces directives comprenaient un spectre très large des situations possibles de harcèlement sexuel. La deuxième, c'est que notre droit interne est imprégné à 60 % de législation européenne. Reste que nous n'avons pas transposé ces directives puisqu'elles ne sont pas de source pénale et que leur rédaction retenait essentiellement des éléments subjectifs, c'est-à-dire ce que la victime pouvait ressentir. Nous avons introduit des éléments objectifs, évoquant « gestes », « propos » et « comportements ». Le Sénat a choisi de subsister aux termes « gestes », « comportements » et « tous actes » le terme « agissements ». Nous sommes dans l'objectif premier de l'identifiable, dans ce que le magistrat peut saisir et ce que le ministère public peut contribuer à mettre en lumière.
Voici les raisons pour lesquelles, monsieur le député, nous prenons acte de ce désaccord. Il n'y a pas de confusion : vous savez pourquoi vous avez choisi de restreindre le champ d'application, nous savons pourquoi nous avons choisi de rédiger ainsi l'article 1er. La réalité impose de prendre en compte, en dehors des cas de harcèlement qui se déroulent dans un bureau fermé, dans une relation bilatérale, la création d'une situation dégradante pour la victime.
Après ce long développement, voilà pourquoi j'émets au nom du Gouvernement un avis défavorable à votre amendement, monsieur le député.