Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 19 décembre 2016 à 16h00
Régulation responsabilisation et simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « il s’agit d’un texte de circonstance, qui ne règle absolument rien pour l’avenir. En fait […] la loi arbitre entre deux capacités de nuisance. Et ceux qui l’emportent sont ceux qui ont une capacité de nuisance plus forte, parce qu’ils sont plus anciens et mieux organisés. Elle ne prépare absolument pas l’avenir, car elle met des barrières qui ne tiendront pas. » Ces propos, auxquels je souscris, sont ceux d’une parlementaire socialiste, Nicole Bricq.

Au lieu de procéder à un diagnostic global, vous avez choisi, encore une fois, d’édicter une loi, qui ne sera qu’une rustine de plus. L’évaluation de la loi Thévenoud a été passée sous silence : les leçons de son échec n’ont visiblement pas été tirées, tandis que les bonnes idées étaient oubliées et passaient inaperçues. Je pense au registre numérique des taxis, géré aux frais de l’État, sans que les chauffeurs ne soient pour autant obligés de s’y inscrire, ou à la couleur unique des véhicules. Faut-il mettre des barrières à un secteur qui créé des emplois ? La réponse de la majorité est implicite et elle est positive. C’est un choix étonnant, alors que notre pays compte plus de 3 millions de chômeurs.

Dès lors, sans surprise, on ne peut que regretter l’absence de vision globale de la part du Gouvernement. D’une part, sur le numérique et les grosses plateformes, le sujet est avant tout fiscal : par pitié, essayons de favoriser le développement des plateformes françaises ou, du moins, de ne pas l’entraver ! D’autre part, il convient de distinguer entre professionnels et non professionnels : le statut du travailleur indépendant est sans doute un sujet sur lequel il faudra plancher en 2017 ; au lieu de cela, vous regardez du côté des LOTI, du côté des données, et nous le regrettons.

Cela étant dit, la rédaction à laquelle la commission mixte paritaire a abouti est un vrai progrès par rapport au texte initial : le travail du Sénat a permis des compromis bienvenus sur la plupart des articles. Nous avons soutenu ces modifications, qui vont dans le bon sens et qu’il aurait sans doute été plus difficile d’obtenir en cas de nouvelle lecture.

Je pense notamment à l’article 2, dont le champ a été réduit et encadré : on ne pouvait raisonnablement pas absorber autant les données d’entreprises privées.

Nous saluons également l’exclusion claire et nette du covoiturage, lequel n’avait rien à faire dans le champ de cette proposition de loi. Nous l’avions demandée, en vain, en première lecture, notamment avec mes collègues Virginie Duby-Muller et Martial Saddier.

Le seul point sur lequel un compromis n’a pas été trouvé est l’article 6, qui confie systématiquement l’examen des chauffeurs de VTC aux chambres de métiers et de l’artisanat, alors que ce n’était jusqu’alors qu’une possibilité. Un comité national comprenant des représentants de l’État et des professionnels du secteur accompagnera cette mesure. Cette nouvelle instance, dont les modalités seront fixées par décret, a l’aspect d’un énième comité Théodule ; en fait, on comprend que l’essentiel des modifications à venir pour le secteur ne passera pas par cette loi mais par des actes réglementaires.

De nombreuses questions restent donc en suspens, monsieur le secrétaire d’État. À quoi servira ce comité national, qui ne pourra formuler que des recommandations ? Avez-vous déjà commencé à travailler sur sa composition ? Pouvez-vous confirmer que l’examen pratique n’a pas pour but de limiter l’accès à la profession de chauffeur de VTC et que le flux d’entrée dans la profession – 10 000 entrants par an – sera maintenu ? Sans parler de certaines barrières saugrenues au niveau théorique, on voit que la fréquence des examens est de plus en plus aléatoire et que les démarches administratives sont particulièrement lentes. Quel sera le coût de l’article 6 pour le budget de l’État ?

Enfin, qu’en est-il du fonds de compensation pour les licences de taxi ? Où en est ce dossier ? Combien coûtera-t-il ?

Toutes ces incertitudes ne seront malheureusement pas levées à l’issue du vote de la proposition de loi. En résumé, là où il aurait fallu concilier la lutte contre la concurrence déloyale dans ce secteur et la modernisation de la profession de taxi, le tout au bénéfice du consommateur et de l’innovation, cette proposition de loi n’apporte qu’une réponse partielle aux défis posés : si certaines de ses mesures sont pertinentes, elles sont contrebalancées par davantage de bureaucratie.

Aussi, bien que satisfait par le texte auquel le Parlement a abouti, si on le compare au texte initial, le groupe Les Républicains s’abstiendra, tout comme en première lecture, pour les raisons que j’ai évoquées.

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