Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 21 décembre 2016 à 15h00
Ordonnances relatives à la production d'électricité et aux énergies renouvelables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, nous sommes conviés à examiner un projet de loi de ratification que nous pourrions qualifier de bicéphale car il ratifie, d’une part, l’ordonnance qui vise à favoriser le développement de l’autoconsommation et, d’autre part, l’ordonnance relative visant à favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables dans la production d’électricité

En outre, le projet de loi propose, dans six articles distincts, des dispositions qui ont en commun de modifier diverses dispositions du code de l’énergie, concernant les conditions de raccordement des énergies renouvelables aux réseaux publics de distribution d’électricité, les sites fortement consommateurs d’électricité ou de gaz naturel ou la valorisation des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable bénéficiant de l’obligation d’achat. Ces ordonnances ont certes pour commun dénominateur de s’inscrire au coeur de la transition énergétique. Nous regrettons néanmoins que l’on mélange la production d’énergies renouvelables et l’autoproduction, ou autoconsommation.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes très favorables au développement de l’autoconsommation, laquelle représente un formidable enjeu en termes de complémentarité du bouquet énergétique et d’utilité sociale de la production. Elle est, à bon droit, une priorité de la transition énergétique. Or, jusqu’à présent, même si le nombre d’autoconsommateurs augmente rapidement, l’autoconsommation reste encore trop marginale dans notre pays.

Nous le devons notamment au fait que la production d’électricité renouvelable bénéficie de tarifs d’achat très supérieurs au prix de vente de l’électricité par EDF : les producteurs d’énergie ont donc intérêt à revendre leurs électrons au tarif d’achat, et à racheter sur le réseau les volumes nécessaires à leur consommation.

Étant donné que l’autoconsommation, individuelle ou collective, est appelée à connaître un développement important, l’ordonnance que ratifie ce projet de loi est bienvenue. Elle fixe un cadre pour l’autoconsommation et lève certains obstacles, rendant ainsi possible les opérations d’autoconsommation collective. En outre, elle prévoit un tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité spécifique pour les installations de moins de 100 kilowatts. Enfin, elle permet aux installations d’une puissance installée maximale fixée par décret de déroger à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommée.

Cette dernière disposition répond notamment à l’attente des propriétaires de petites installations, qui pourront désormais injecter leur surplus dans le réseau sans dispositif de comptage. Elle s’inscrit ainsi dans la dynamique de la transition énergétique, en favorisant un outil de lutte, même modeste, contre le réchauffement climatique.

La production d’électricité à partir d’énergies renouvelables est l’objet de la seconde ordonnance, qui comporte de nombreuses dispositions, parmi lesquelles la possibilité de recourir à d’autres procédures de mise en concurrence que l’appel d’offres. Celle-ci pourra notamment être remplacée par la procédure de dialogue concurrentiel, inspirée du dialogue compétitif utilisé en matière de commande publique.

Si la mise en place de cette nouvelle procédure de mise en concurrence pour les installations de production d’électricité a été saluée par la Commission de régulation de l’énergie, elle nous éloigne un peu plus de l’objectif d’une maîtrise publique accrue du secteur de l’énergie renouvelable. Devons-nous continuer dans la voie du développement de ces filières très capitalistiques pour le plus grand profit de quelques opérateurs privés ?

De la même manière, devons-nous continuer de faire payer aux consommateurs le surcoût de l’aide aux investisseurs éoliens, répercutée dans la contribution au service public de l’électricité – CSPE –, alors que ces filières ont atteint la maturité économique et que le chiffre d’affaires de l’éolien, en France, est aujourd’hui de plus de 10 milliards d’euros ? Surtout, n’est-il pas temps d’introduire plus de régulation et plus de démocratie ?

Nous n’aurons de cesse d’insister pour notre part sur la nécessité de conserver une maîtrise publique sur le secteur de l’énergie. S’il faut aider au développement de l’énergie renouvelable, ce n’est pas pour garnir le portefeuille des actionnaires, mais pour garantir un mix énergétique équilibré, sûr et au moindre coût pour le consommateur.

À nos yeux, nous l’avons dit et répété au cours de cette législature, les marchés et le recours exclusif au secteur privé, avec leurs logiques de profit à court terme, ne peuvent nous permettre de nous hisser à la hauteur des enjeux de la transition énergétique, qui nécessitent des temps longs et d’importants investissements publics.

Ces considérations nous conduisent à approuver les dispositions de l’article 2, qui interdit la valorisation des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable bénéficiant déjà d’un soutien public. En empêchant que la production d’électricité renouvelable ne bénéficie à la fois d’un soutien sous la forme d’obligation d’achat et de la valorisation des garanties d’origine attachées à la production de cette électricité, nous limitons les effets d’aubaine.

N’en déplaise à certains de nos collègues, le Conseil d’État abonde en ce sens, lorsqu’il souligne dans son avis que la situation actuelle « n’a pas de justification, si l’on prend en considération l’ampleur de l’effort financier nécessaire pour soutenir le développement des énergies renouvelables, la maturité économique atteinte par certaines filières et le fait que le soutien à ces énergies est supporté par les consommateurs d’électricité eux-mêmes. »

Pour les mêmes motifs, nous sommes opposés aux dispositions de l’article 3, qui introduisent une réfaction des coûts de raccordement des productions à partir d’énergies renouvelables, qui sera supportée in fine par les consommateurs via les tarifs d’utilisation des réseaux. Les énergies renouvelables, en effet, disposent déjà d’un mécanisme de soutien pour rentabiliser leurs projets.

En introduisant le principe de réfaction pour les installations de production, les coûts de raccordement non supportés par les producteurs seront répercutés dans le tarif d’acheminement national, ce qui revient à faire payer deux fois aux consommateurs le soutien aux énergies renouvelables, directement par la CSPE et, de manière déguisée, par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité – TURPE.

Nous avons bien compris que l’effet de l’élargissement de la réfaction tarifaire sur le TURPE sera modeste.

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