Intervention de Christophe Premat

Séance en hémicycle du 21 décembre 2016 à 15h00
Ordonnances relatives à la production d'électricité et aux énergies renouvelables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Premat :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, renforcer la consommation des énergies renouvelables, faciliter le développement de leur autoproduction et de leur autoconsommation tout en définissant mieux leurs contours, permettre une meilleure intégration de ces énergies au marché électrique et au marché du gaz tout en veillant à sécuriser les installations, mettre en cohérence notre code de l’énergie au regard des nouvelles procédures d’appel d’offres, voilà brièvement résumés les principaux objectifs du présent projet de loi.

À travers les quatre articles qu’il contient, ce texte permet de parachever en quelque sorte la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte que nous avons adoptée en août 2015, loi qui fixe l’objectif ambitieux mais néanmoins accessible de porter la part des énergies renouvelables à un tiers de la consommation finale brute d’énergie d’ici à 2030. À titre de comparaison, le Danemark, pionnier de l’électricité éolienne et pays dont la production par habitant d’électricité à partir du vent est la plus forte, vise une production énergétique issue à 100 % des énergies renouvelables en 2050.

L’article 1er du projet de loi ratifie deux ordonnances de juillet et août 2016 relatives respectivement à l’autoconsommation d’électricité et à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et adapte aux énergies renouvelables les dispositions applicables aux réseaux de distribution de gaz et d’électricité.

La première ordonnance donne une définition large de l’autoconsommation, qui inclut la possibilité pour un groupe de producteurs et de consommateurs de consommer collectivement tout ou partie de l’électricité qu’ils produisent. Elle fait obligation aux gestionnaires de réseau de faciliter les opérations d’autoconsommation. Elle organise l’établissement d’une tarification de l’usage du réseau adaptée aux installations en autoconsommation. Elle offre enfin aux installations en autoconsommation de petite taille la possibilité d’affecter sans frais le surplus de leur production aux pertes du réseau.

La seconde ordonnance permettra, quant à elle, une meilleure intégration des énergies renouvelables au marché électrique et étend à l’ensemble des contrats d’achats la possibilité pour les producteurs de céder leurs contrats à de nouveaux organismes agréés par l’État. Elle assurera une meilleure intégration des énergies renouvelables au système électrique et autorise l’utilisation, pour les appels d’offres, d’une procédure de dialogue concurrentiel plus adaptée.

L’article 2 du projet de loi vise à développer les projets de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables en favorisant l’émergence de nouveaux modèles de financement fondés sur la valeur de la garantie d’origine, qui permet de prouver qu’une certaine quantité d’électricité produite est d’origine renouvelable. Dans ce domaine, force est de constater que nos voisins européens ont depuis plusieurs années une longueur d’avance : en 2012, l’Allemagne et l’Italie étaient respectivement les premier et deuxième producteurs mondiaux d’électricité solaire, le Royaume-Uni le leader mondial pour l’éolien en mer ; l’Espagne, quant à elle, se situait au troisième rang pour la production d’électricité d’origine éolienne, derrière les États-Unis et la Chine, au quatrième rang pour la production d’électricité solaire et au deuxième rang pour la production d’électricité solaire thermodynamique.

Le coût du raccordement au réseau se révélant un obstacle pour la réalisation de certains projets, l’article 3 étend le bénéfice de la réduction tarifaire pour le raccordement au réseau électrique aux installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables. Cette mesure, qui concerne plus particulièrement le milieu rural, aura pour effet de diminuer le coût du raccordement au réseau pour le consommateur, tout en ayant un impact négligeable sur le tarif d’utilisation du réseau et sur la facture du consommateur.

L’article 4 précise les missions assurées par les gestionnaires de réseau de transport et de distribution de gaz naturel dans le cadre de la conversion prochaine du réseau de gaz naturel à bas pouvoir calorifique situé dans le nord de la France en vue de l’alimenter en gaz à haut pouvoir calorifique, comme le reste du réseau français. Cette conversion permettra de préparer la réduction des livraisons de gaz naturel à bas pouvoir calorifique en provenance des Pays-Bas, en assurant la continuité d’approvisionnement des 1,3 million de clients concernés, qui représentent aujourd’hui 10 % de la consommation française.

Compte tenu de l’ampleur du projet et de la nécessité de prévenir tout risque pour la sécurité des biens et des personnes, en veillant en particulier à l’adaptation et au bon réglage des appareils et équipements gaziers des consommateurs concernés, il est proposé que les gestionnaires de réseaux de distribution assurent la coordination des opérations de conversion et d’adaptation des installations raccordées à leur réseau.

On aurait pu introduire un article précisant que la réalisation du raccordement par le producteur, dans les conditions techniques définies par le gestionnaire de réseau, est un droit du producteur – alors que le code de l’énergie prévoit que le producteur peut exécuter « à ses frais exclusifs les travaux de raccordement par des entreprises agréées par le maître d’ouvrage selon les dispositions d’un cahier des charges établi par le maître d’ouvrage ». Tel est le sens de l’amendement que Sabine Buis, Patrick Mennucci, Jean-Luc Bleunven et moi avons déposé après l’article 4.

Comme cela a été dit, la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie, le 27 octobre dernier, constitue un élément essentiel de la transition énergétique car elle donne des perspectives aux entreprises et permet la création des emplois de la croissance verte, rend irréversible la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables et, surtout, place la France au premier rang des pays du monde qui ont commencé d’appliquer concrètement l’accord de Paris sur le climat.

Monsieur le président, mes chers collègues, à travers ce projet de loi il nous est demandé d’adopter des dispositions qui permettent de mettre en oeuvre une transition non seulement énergétique mais aussi comportementale face à la consommation d’énergie, et ce par une évolution très progressive d’une politique de production centralisée à une production décentralisée.

Ce texte permettra à la France d’intégrer pleinement le smart grid, le réseau intelligent de distribution d’électricité, grâce à l’optimisation de la production, de la distribution et de la consommation d’énergie, pour rendre plus efficient l’ensemble des mailles du réseau électrique, du producteur au consommateur final, pour améliorer l’efficacité énergétique en minimisant les pertes en lignes et pour rendre optimaux, en temps réel, les moyens de production par rapport à la consommation.

Le smart grid suppose surtout une implication croissante des consommateurs dans la production et permet, ce faisant, d’éviter la surproduction et les consommations superflues : il permet donc d’améliorer les économies d’énergie et l’efficacité énergétique.

Ce projet de loi nous renvoie également à la question de la sécurisation de l’approvisionnement, alors que treize des cinquante-huit réacteurs du parc français ont été mis à l’arrêt par l’Autorité de sûreté nucléaire, dont quatre pour une durée prolongée, et que d’autres devraient l’être en janvier. En cette période hivernale, où la sollicitation énergétique est plus forte, et dans un contexte de demande toujours croissante, la France, grâce au présent texte, s’inscrit progressivement dans un mouvement européen d’amélioration de la sécurisation de l’approvisionnement énergétique, que la Commission européenne encourage dans le clean energy package publié le 30 novembre dernier, avec l’objectif d’éviter une rupture d’approvisionnement, voire le black out que certains de nos voisins ont eu à déplorer. La nécessité d’une Europe de l’énergie a aussi été rappelée lors du Conseil européen de la semaine dernière.

En intégrant les énergies renouvelables et en augmentant leur part dans le mix énergétique, ce projet de loi accompagne la mutation du secteur de l’énergie impulsée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La France se dote enfin d’une politique volontariste en matière d’énergies renouvelables en associant des mesures économiques et des mesures légales ; à nous, mes chers collègues, de permettre que cette politique s’accompagne, partout sur le territoire, d’une transition comportementale.

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