Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi que nous nous apprêtons à examiner une nouvelle fois constitue le dernier grand volet de l’acte III de la décentralisation que nous avons entreprise sous cette législature, par le biais, principalement, de l’adoption de la loi MAPTAM – loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – et de la loi NOTRe. En effet, il manquait à cet ouvrage ambitieux une dernière pierre, et non des moindres, puisqu’il s’agissait de traiter de la situation particulière de la capitale et de certaines métropoles, qui constituent, comme nous le savons tous, des moteurs essentiels du développement économique de notre pays.
Je souhaite rappeler une fois encore, avec Patrick Mennucci, mon excellent co-rapporteur que je remercie de son engagement sur ces thématiques, que ce projet de loi n’est pas un texte partisan. Au contraire, il aborde des questions pragmatiques et n’a pour seule ambition que de moderniser la gouvernance des territoires concernés pour conforter leur dynamisme. Le travail que nous avons réalisé en première lecture à l’Assemblée nationale en est d’ailleurs la meilleure illustration.
Alors que le Sénat avait souhaité faire de ce texte un outil plutôt politique et très polémique, dont l’objet se limitait à remettre en question la légitimité de la maire et du conseil de Paris, comme vous venez de le rappeler excellemment, monsieur le ministre, nous pouvons nous féliciter de lui avoir redonné une cohérence et de l’avoir remis au service des Parisiens et des Franciliens, mais également des nombreux territoires concernés par les mesures qu’il contient en faveur de l’aménagement métropolitain.
Nous avons, en ce sens, considérablement enrichi le texte initial du Gouvernement, puisque le nombre d’articles a quasiment doublé, passant de quarante et un à soixante-dix-neuf dans le projet adopté par notre assemblée. Ce doublement tient au moins à trois raisons.
En premier lieu, il nous a semblé préférable d’approfondir la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale – loi PML ou PLM – portée par Gaston Defferre en 1982 plutôt que d’introduire des dispositions particulières pour la seule ville de Paris. Notre commission des lois a ainsi étendu les mesures qui pouvaient l’être à Marseille et à Lyon pour garantir la cohérence du droit applicable aux trois plus grandes villes françaises.
Deuxièmement, nous avons souhaité aborder les principales problématiques auxquelles est confrontée l’agglomération francilienne, devenue un acteur indissociable de la dynamique parisienne et de la dynamique nationale. Nous avons ainsi adopté des mesures spécifiques relatives à l’organisation des transports et à l’accès au logement, qui constituent deux enjeux décisifs pour l’avenir de notre agglomération.
Enfin, nous avons souhaité tirer les conséquences de la métropolisation progressive du territoire national depuis la loi MAPTAM. Nous avons entendu les élus des sept établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – souhaitant accéder à ce statut, ainsi que leurs motivations. Certains d’entre eux ont pu, dans ce même hémicycle, nous faire part de l’importance de leur projet pour le développement de leur territoire et de la concertation locale ayant permis d’aboutir à un consensus politique autour du projet de métropolisation. Notre assemblée a soutenu ces démarches, en reconnaissant le rôle joué par ces EPCI au sein de leur territoire, ainsi que l’intérêt des pôles métropolitains qui pourraient en résulter.
En plus des quatre collectivités qui étaient concernées par le texte initial du Gouvernement, soit la communauté urbaine de Dijon, celle de Saint-Étienne, la communauté d’agglomération d’Orléans et celle de Toulon, notre assemblée a étendu ce statut aux communautés d’agglomération de Tours, de Clermont-Ferrand et de Metz.
À l’issue de la première lecture, l’opposition de vues entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur ces différents points a conduit à ce que seuls sept articles soient adoptés dans des termes identiques. En accord avec le rapporteur du Sénat, M. Mathieu Darnaud, nous avons été contraints de constater l’échec de la commission mixte paritaire convoquée le 22 décembre dernier.
Cela ne signifie toutefois pas qu’aucun point de convergence avec le Sénat n’ait été trouvé. Par exemple, l’expérimentation sur les clubs de jeux, que je laisserai Patrick Mennucci présenter, émane de la volonté du Sénat de ne pas légiférer par ordonnance et de travailler concrètement le sujet. Nous avons considéré que nous pouvions encore travailler ensemble, en examinant en nouvelle lecture les soixante-douze articles restant en discussion, dont un certain nombre sont issus d’amendements du Gouvernement, en repartant du texte que nous avions adopté en première lecture. Je me contenterai de rappeler les thématiques abordées par certains de ces articles, en laissant à Patrick Mennucci, complice de ce texte, le soin de compléter et d’élargir ma présentation.
En matière d’aménagement, notre apport a été substantiel, puisque nous avons adopté une série de mesures visant à favoriser la conduite de grands projets. À cet égard, la gouvernance de Grand Paris Aménagement est modernisée par l’article 37, tandis que les outils de portage et d’aménagement sont renforcés par l’article 35 sur la mutualisation entre établissements et par l’article 36 créant des SPLA-IN – sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national.
Les articles 39 à 40 decies procèdent à plusieurs ajustements du cadre juridique applicable à la société du Grand Paris, qui assure la maîtrise d’ouvrage de l’un des plus grands projets de transport mené ces dernières décennies, et dont l’impact en termes d’aménagement urbain ne peut plus être méconnu aujourd’hui. Sur ce point, je remercie la commission des lois et le Gouvernement, car nous avons trouvé plusieurs solutions de compromis permettant de prendre en compte les spécificités de ce chantier hors norme ainsi que les demandes des communes concernées, notamment en matière d’aménagement des gares, qui doivent être intégrées dans leur paysage urbain.
L’article 40 undecies, introduit à l’initiative de notre collègue Seybah Dagoma, permet de traiter la situation particulière de la gare du Nord, en permettant à SNCF Mobilités de constituer une société d’économie mixte à opération unique – SEMOP – pour la conduite des travaux de rénovation de cette gare, engagés dans le cadre du projet « Gare du Nord 2024 ».
Par ailleurs, d’autres mesures plus spécifiques méritent d’être mentionnées. Vos rapporteurs se sont engagés à prendre en compte les situations dans lesquelles il était utile de desserrer, sans la dénaturer, la loi NOTRe. S’agissant des conditions dans lesquelles la métropole du Grand Paris se mettait en place, l’Assemblée a ainsi adopté un article 40 ter qui porte de un à deux ans le délai dans lequel la propriété des zones d’aménagement concerté devra être transférée aux établissements publics territoriaux. Nous avons une opposition avec le Gouvernement sur ce point, qui pourra se résoudre, je l’espère, au cours de nos travaux.
Une disposition relative aux règles d’urbanisme commercial a également été adoptée à l’article 40 bis qui suscite un certain nombre d’interrogations et de questions qu’on ne peut pas écarter, même si la légitimité de l’article apparaît largement acquise. Les rapporteurs ont essayé d’apporter une solution de compromis sous la forme d’un dispositif expérimental permettant de tirer le bilan de cette mesure avant son éventuelle extension hors de Paris, dans l’ensemble des centres urbains.
Nous avons adopté à l’article 37 sexies une disposition permettant la création de la Société de livraison des équipements olympiques si l’attribution des Jeux à Paris était effective – et elle le sera, mes chers collègues, nous devons partager cette volonté ! – de manière à permettre à la capitale de disposer du cadre juridique le plus complet dans cette perspective. Enfin, nous avons introduit, à l’initiative du Gouvernement, une série de dispositions visitant la problématique du logement dans l’agglomération parisienne, dont une en particulier, à l’article 37 ter, permet la création de la « Foncière solidaire » chère à M. Thierry Repentin, que je suis heureux d’évoquer à cette occasion. Cette société constituera l’instrument de portage pouvant recevoir des terrains de l’État ou du foncier privé destinés à la construction de logements sociaux.
Voilà, mes chers collègues, certains des enjeux de ce projet de loi ; Patrick Mennucci complétera cette présentation. Je souhaite souligner, en conclusion, que le fil rouge de nos travaux aura été de nous attacher aux réalités locales et aux attentes des élus, en traduisant l’engagement de ces derniers dans les grands projets de modernisation des territoires dont ils ont la responsabilité.