Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 17 janvier 2017 à 15h00
Statut de paris et aménagement métropolitain — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, après l’échec de la commission mixte paritaire du fait des désaccords subsistant avec nos collègues du Sénat.

Pourtant, sur ce texte, ce qui rassemble les deux chambres est plus important que ce qui les oppose. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, sept articles ont été adoptés conformes. Nous sommes favorables à la création de la Ville de Paris, collectivité territoriale avec un statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution. On vient de dire que ce statut était obsolète depuis trente ans : il est urgent de s’y atteler ! Cette ville-monde disposerait ainsi des compétences de la commune et du département. Un tel statut permettrait de rationaliser la gouvernance de cette métropole européenne et contribuerait à favoriser la lisibilité de ses compétences et des responsabilités de ses élus locaux.

En outre, les précisions apportées par certains amendements, comme le report à 2021 du transfert des compétences communales de la voirie vers la métropole, le transfert de certaines polices spéciales et de certains agents de la préfecture de police vers la mairie de Paris, le transfert de la gestion des espaces verts de proximité aux maires d’arrondissement ou encore la faculté que ceux-ci auront de financer, via la dotation d’investissement, des dépenses de petit équipement sont autant d’éléments d’accord.

Bien évidemment, il reste des désaccords, notamment sur trois points : la suppression par notre assemblée du renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement, le regroupement des quatre premiers arrondissements de Paris, et l’élargissement des droits de police du maire de Paris. On comprendra aussi la déception de certains de nos collègues que l’on ne soit pas allé plus loin en première lecture, en refusant le report de l’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains. Regret d’autant plus vif que le texte que nous avions voté en première lecture prévoyait de nouvelles dispositions en matière d’aménagement métropolitain, afin de revenir sur des scories de la loi MAPTAM et de la loi NOTRe.

À ce stade, je voudrais revenir sur les dispositifs intercommunaux et sur l’idée de métropole, qui se développe.

La mise en place de métropoles peut être un succès, à condition qu’elle soit bien préparée. Je pense à celle de Lyon, qui, grâce à un accord préalable entre élus et administrations, est une grande réussite. En revanche, une intégration trop rapide, mal préparée ou mal comprise peut manquer son objectif, comme cela a été le cas pour la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Pour notre part, comme vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes favorables aux métropoles, à partir du moment où elles tiennent compte des territoires dits « arrières », zones souvent rurales qui ne manquent pas de richesses, même si elles ont une densité dispersée.

Le présent texte accompagne l’essor métropolitain en France, au-delà de Paris. Cette modernisation devrait donc embrasser l’ensemble des réalités de la France : pas uniquement les centres urbains, mais aussi les zones périphériques et périurbaines. Après Saint-Etienne, Dijon et Toulon, nous espérons, dans le sud de l’Aisne, pouvoir nous engager nous aussi dans la création d’une métropole avec nos voisins rémois et marnais.

Le groupe parlementaire auquel j’appartiens n’est pas opposé à la fusion des départements en milieu très urbain, comme à Lyon ou, prochainement, à Paris, mais il souhaite leur maintien en milieu rural. Si l’échelon départemental n’a plus beaucoup de sens en milieu dense, il a tout intérêt à être renforcé en milieu dispersé. Cela a été rappelé : en milieu rural, il est la collectivité qui symbolise la proximité et la solidarité. Pour cette raison, et après l’interrogation en première lecture d’Olivier Dussopt sur la nécessité, l’avenir et le rôle des départements, vous comprendrez que légiférer à nouveau en faveur des territoires urbains puisse nous inquiéter.

Nous connaissons, monsieur le ministre, votre attachement aux départements. Comme votre secrétaire d’État Estelle Grelier l’a dit : « Il faut en effet traiter la nature des territoires dans une vraie synergie de développement au lieu d’opposer systématiquement […] territoires urbains et ruraux, qui ont tant à s’apporter pour concourir à l’intérêt général ». J’ajouterais volontiers qu’il faut aussi prendre en compte la diversité territoriale – et la diversité des métropoles.

Si nous convenons de la pertinence du renforcement du maillage territorial de notre pays, nous nous inquiétons de l’accumulation de toutes ces réformes qui, il faut bien le reconnaître, manque de pertinence et de cohérence. Le renforcement de la capitale ne doit pas faire oublier les territoires situés à la périphérie. Comme nous n’avons jamais cessé de le dire, Paris est la capitale, elle n’est pas la France !

Pour l’élu rural que je suis, de nombreux exemples concrets alimentent au quotidien cette inquiétude, qui s’exprime dans nos nombreuses cérémonies de voeux. Ainsi en est-il de la mise en place de la fibre, sujet que vous connaissez particulièrement bien, monsieur le ministre. Les opérateurs mettent en place gratuitement la fibre à Paris et dans les zones denses, avec un retour sur investissement certain. En revanche, à la périphérie, dans le sud de l’Aisne par exemple, malgré les soutiens financiers du département, de la région et de l’Europe, soutiens renforcés, grâce à votre intervention, par l’aide de la mission Très Haut Débit, les communautés de communes rurales sont amenées à financer le déploiement de la fibre à hauteur de 47 millions d’euros. Cette discrimination est inacceptable ! Dans un si petit périmètre, les inégalités territoriales sont nombreuses ; je le constate aussi en matière de logement et de culture.

Améliorer la qualité des transports grâce à la liaison entre la gare de l’Est et Roissy, le Charles-de-Gaulle Express, c’est bien ; c’est même indispensable pour les Parisiens et pour les touristes dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, que nous soutenons avec force. Mais comment expliquer à nos concitoyens que pour le financement de cette infrastructure, l’État trouve 3 milliards d’euros, alors que chez nous, on ferme des lignes et que les transports quotidiens souffrent de nombreux dysfonctionnements, qui trouvent leur origine dans le manque de moyens financiers ? Cherchez l’erreur !

L’accessibilité des gares en Île-de-France est une chose indispensable, mais nous souhaiterions que les zones périurbaines et rurales en bénéficient aussi. Comment faire comprendre à nos habitants que tout cela est possible en Île-de-France, mais pas dans l’Aisne ; que c’est possible à Meaux, à la Ferté-sous-Jouarre, mais pas à Château-Thierry ? Comment ne pas comprendre le sentiment de déclassement qui envahit nos territoires ruraux ?

Nous sommes bien conscients qu’il faut une capitale moderne pour une France offensive. Il reste qu’il ne faut pas oublier les territoires ruraux, qui sont l’identité de notre pays et un atout pour la France. Je ne peux bien sûr m’empêcher de penser à la fable Le rat des villes et le rat des champs de Jean de la Fontaine – né à Château-Thierry, dans le sud de l’Aisne, à la périphérie du Grand Paris…

Au-delà de ces réflexions elles-mêmes un peu périphériques, ce texte permet une clarification, une modernisation et surtout une normalisation du statut de Paris et du Grand Paris. Vous comprendrez donc que la majorité du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste vote en sa faveur.

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