La proposition de loi qui nous rassemble aujourd’hui est symptomatique de l’immense difficulté que nous éprouvons à aborder collectivement la question de la conciliation des intérêts économiques et environnementaux dans notre pays. Il faut dire qu’à l’instar de celui de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en avril 2010, les souvenirs des catastrophes environnementales liées à l’activité minière sont enracinés dans la mémoire collective et nous forcent à la plus grande prudence dès qu’il s’agit d’aborder un sujet source de débats passionnés.
Cette frilosité générale à répondre à la fameuse question de la conciliation des intérêts économiques et environnementaux explique sûrement en partie le fait que la modernisation de notre droit minier, enclenchée il y a maintenant une décennie, se soit muée en véritable serpent de mer, allant de rebondissement en rebondissement telle une mauvaise telenovela.
Je ne vous cache donc pas ma satisfaction qu’ait enfin été inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée cet effort de réforme du droit minier. Il est temps de mettre un terme à une situation qui fragilise considérablement notre cadre normatif et qui ne permet en l’état ni la relance de l’industrie minière voulue par ce gouvernement, ni l’encadrement des externalités négatives de ces activités.
Je rappelle au passage, et à toutes fins utiles, que le nouveau code minier n’a toujours pas valeur législative, puisque tous les efforts de ratification de l’ordonnance no 2011-91, objet de l’article 1er de la présente proposition de loi, ont échoué, et que la volonté de recodification à droit constant de la partie réglementaire du code, initiée en 2005, est apparemment tombée aux oubliettes.
À la lecture du texte présenté aujourd’hui, et en dépit des efforts consentis en commission du développement durable, je ne puis m’empêcher de songer à la fameuse fable de Jean de La Fontaine La Montagne qui accouche. Où sont donc passées les ambitions affichées dès le début du quinquennat ? Que sont devenues les préconisations du groupe de travail animé par le conseiller d’État Thierry Tuot ? Nous espérions une réforme majeure et nous nous retrouvons finalement avec une proposition de loi réduite à sa plus simple expression, laissant de côté de nombreuses questions soulevées tant par les opérateurs miniers que par les associations de protection de l’environnement et la société civile.
Certes, nul ne niera qu’il s’agit là d’un pas dans la bonne direction, et je tiens à remercier Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui nous a permis de débattre de ces questions avant la fin de la législature. Permettez-moi cependant d’exprimer le souhait que la démarche actuelle constitue la première étape d’une réforme ambitieuse et complète de notre droit minier.
En effet, chers collègues, est-il si difficile que cela de concilier protection de notre biodiversité et développement de l’industrie minière ? Cette question prend une ampleur toute particulière en Guyane, où la filière aurifère occupe la troisième place dans l’économie locale, sur un territoire couvert à 98 % par une forêt amazonienne renfermant à elle seule près de 50 % de la biodiversité française.
Certes, la question est épineuse, mais la réponse se fait désespérément attendre, alors qu’il nous faut trouver de nouveaux relais de développement et de croissance pour cette région minée par le chômage et par l’orpaillage clandestin, tout en affirmant notre volonté d’assurer une protection optimale du patrimoine naturel.
Les opérateurs miniers, désormais engagés dans une démarche de mine responsable, sont prêts à signer un pacte garantissant une gestion durable de nos ressources. Encore faudrait-il que nous, législateurs, soyons capables de créer un cadre juridique clair, efficace et fiable, fruit d’une réflexion concertée autour des axes incontournables que sont l’optimisation de la transparence, la sécurité juridique des décisions, la modernisation et la simplification des procédures, l’information et la participation du public, la prise en compte des enjeux environnementaux, le partage équitable des retombées économiques et enfin la gestion de l’après-mine.
Si les questions liées à l’information et à la participation du public ainsi qu’à la prise en compte des enjeux environnementaux semblent partiellement réglées par la proposition de loi, on voit bien que le champ de réflexion reste vaste, et nos marges d’amélioration appréciables.
J’apporterai donc mon soutien à ce texte, dans la mesure où il doit être considéré comme la première pierre d’une plus vaste réforme, dont la Guyane attend les retombées positives pour son développement économique.
J’ai déposé un amendement qui traite des recettes issues de l’or illégal saisi sur le territoire de la Guyane, monsieur le secrétaire d’État. J’ai cru comprendre qu’il avait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Sachez simplement que la Guyane nous observe. Vous savez les ravages qu’occasionne l’orpaillage illégal sur ce territoire : il est temps de se pencher très sérieusement sur cette problématique et d’examiner comment ces recettes pourraient valablement soutenir la lutte contre ce fléau.