Tout en étant désolé de devoir commencer de cette façon, je ne peux que regretter à mon tour que cette proposition de loi arrive si tard. Les chances que nous puissions aller au bout de la navette parlementaire m’apparaissent comme à beaucoup infimes. Pourtant ce sujet aurait mérité bien meilleure prise en compte.
Permettez-moi, chers collègues, de prendre l’exemple de ma région. La Bretagne a un lourd passé minier. On peut même dire qu’elle a été un « champ de mines », notamment de mines d’uranium. Les conséquences sanitaires et environnementales en sont évidentes encore aujourd’hui. Certains en sont morts, pas nécessairement directement mais, en tout état de cause, en raison des effets sanitaires et environnementaux de l’extraction et des rejets dans l’environnement des déchets de ces mines.
Il faut aussi parler de l’après-mine, qui a été gérée de façon lamentable. Areva ramasse ainsi, aujourd’hui, un peu partout en Bretagne, des terres polluées qui seront stockées notamment à Persquen, petite commune de ma circonscription. Pendant des années ces sédiments ont servi à des constructions de toutes sortes : des routes, des allées de jardins, des jeux de boules, pour ne pas évoquer les bacs à sable pour enfants ! Et aujourd’hui nous constatons la délivrance de nouveaux permis d’exploration de ce qu’on appelle des « terres rares », ce qui ne manque pas de poser encore une fois de graves problèmes environnementaux et sanitaires. Environnementaux notamment, car la Bretagne a un réseau hydrographique fermé. Le centre-Bretagne, où se concentrent les permis, est un peu le château d’eau de la Bretagne : toute pollution serait une catastrophe environnementale et sanitaire.
J’ai ainsi été amené à conduire une délégation d’élus au cabinet de M. Macron, fin 2015. On nous parlait à l’époque de mines propres, de consultation de la population, alors que les élus concernés, qui m’accompagnaient, avaient été mis devant le fait accompli, avec des informations minimales et très tardives, que la population ignorait totalement.
Il est donc urgent de réformer ce code minier obsolète et complètement dépassé. Les débats que nous avons eus en commission ont permis, il faut le reconnaître, certaines avancées. En ce qui concerne l’instruction des demandes d’octroi et d’extension des titres miniers ainsi que de prolongation de titres d’exploitation, les citoyens apparaissent davantage impliqués, notamment grâce à une procédure renforcée d’information et de concertation du public, même si un doute persiste sur son caractère obligatoire ; avec d’autres collègues, je défendrai d’ailleurs un amendement pour préciser ce point.
Cette procédure devra être mise en place par le représentant de l’État en charge de l’instruction locale de la demande de titre, notamment si deux tiers des communes ou 30 % des électeurs du territoire affecté d’un point de vue environnemental, sanitaire ou socio-économique le demandent – on peut bien sûr discuter des pourcentages, j’y reviendrai. Elle sera mise en oeuvre par un groupement participatif, au sein duquel les collectivités territoriales et les populations locales seront intégrées. Il restera, là aussi, à s’assurer que l’information des élus ou des citoyens arrive suffisamment tôt et soit assez claire pour qu’ils puissent se saisir réellement de cette nouvelle procédure. En effet, l’octroi des permis est évidemment la phase déterminante. Ces différents sujets feront donc l’objet d’amendements.
Au titre des regrets, je citerai aussi le fait que les délais dans lesquels le groupement participatif doit rendre ses conclusions sont trop courts, d’autant que l’on applique le principe selon lequel le silence vaut acceptation : compte tenu des intérêts en jeu et des moyens juridiques des industriels, j’aurais préféré le principe contraire.
Concernant l’après-mine, dont j’ai évoqué la gestion catastrophique en Bretagne, quelques avancées ont aussi été obtenues – mais je dois répéter qu’il n’y a pas de mines propres. Si les éventuels dommages immobiliers, sanitaires et environnementaux sont un peu mieux définis, on connaît d’expérience la puissance juridique des industriels : il est facile de présager les difficultés auxquelles se heurteraient les collectivités, et a fortiori les citoyens, pour obtenir réparation.
Je crois donc que nous pouvons encore améliorer ce texte. C’est la raison pour laquelle je souhaite, avec certains de mes collègues écologistes, l’amender à nouveau aujourd’hui, au moyen des amendements que j’ai évoqués mais aussi, pour ce qui a trait à la souveraineté de l’État, par d’autres amendements relatifs à l’octroi de titres d’occupation du sol à des entreprises privées. Il nous semble en effet primordial que l’État soit véritablement en mesure de refuser l’octroi d’un titre s’il existe un risque de dommage à l’environnement, ou si une telle décision n’est pas conforme à notre politique nationale de ressources et d’usages miniers. Pour l’heure, cette faculté n’est pas reconnue par le texte.
Dans un souci de clarté, nous défendrons également l’interdiction d’exploration et d’exploitation de l’ensemble des hydrocarbures non conventionnels, au sens large, y compris des gaz de couche, issus de la houille et du charbon.
Chers collègues, le code minier soulève naturellement beaucoup de questions, en particulier parce qu’il est le symbole d’un monde ancien, qui reposait sur une consommation à outrance – surtout des énergies fossiles, que nous avons consommées sans nous soucier de leur impact sur l’environnement. Aujourd’hui, la transition est engagée : pas assez vite, pas assez fortement certes, mais nous ne reviendrons pas en arrière.
En attendant, ce code minier doit nous permettre de limiter les dégâts et de préserver, autant que faire se peut, notre planète. D’où l’importance de nos débats. Espérons que nous pourrons aller au terme de la démarche parlementaire et qu’une vraie volonté se manifestera en ce sens.