Intervention de Delphine Batho

Séance en hémicycle du 24 janvier 2017 à 15h00
Adaptation du code minier au droit de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Face à l’entre-soi des grands corps de l’État, je veux rendre hommage aux citoyens. Ce sont eux qui ont déjoué les stratégies des compagnies pétrolières, ce sont eux qui ont contrecarré la décision de l’État d’accorder des permis d’exploitation du gaz de schiste, ce sont eux qui ont mis à jour la guérilla judiciaire lancée par les compagnies pétrolières, et c’est à eux que le Conseil constitutionnel a donné raison sur la loi de 2011, qui est une conquête démocratique.

Chers collègues, cette proposition de loi est, pour moi, un acte de résistance du Parlement contre ceux qui voudraient que tout continue comme avant et que la réforme du code minier ne soit toujours pas inscrite à l’ordre du jour. Ce combat pour la transparence et la démocratie n’est toujours pas achevé. À cet égard, j’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous fournirez des explications sur l’amendement du Gouvernement no 252, qui a pour objet une habilitation à légiférer par ordonnance sur des sujets très importants, avec des mesures modifiant le code de l’environnement ou adaptant le code minier pour les outre-mer, dont on sait qu’ils concentrent l’essentiel des ressources.

Ce combat n’est pas achevé, parce que le moment est venu de prendre une décision souveraine sur les énergies fossiles, et pas seulement sur les hydrocarbures non conventionnels. Je connais par coeur le raisonnement selon lequel il faut substituer aux importations massives d’énergie fossile une production française de ce type d’énergie. Ce raisonnement me semble anachronique et caduc. Il est de surcroît faux, d’un point de vue économique, car ce n’est pas en portant de 1 à 2, ou même à 5 % la part de la production française d’hydrocarbures dans la consommation nationale que nous allons réduire le déficit de la balance commerciale en matière d’énergies fossiles. Il faut en réalité organiser la sortie des énergies fossiles. C’est de cette façon que nous pourrons mener la reconstruction industrielle de la France, en accordant la priorité au secteur des transports, qui représente 74 % de la consommation d’énergie fossile en France. Monsieur le secrétaire d’État, tel est l’enjeu des discussions que nous avons eues sur l’avenir de l’industrie automobile. Je souhaite que cet objectif de sortie des énergies fossiles, en cohérence avec l’accord de Paris, soit inscrit dans la proposition de loi.

À ce sujet, certains évoquent, mal à propos, un prétendu obscurantisme. C’est tout l’inverse : nos engagements, notre volonté se fondent sur la connaissance scientifique. De fait, ce sont des scientifiques qui établissent que l’année 2016 est la plus chaude qu’il y ait jamais eue sur Terre, et que nous sommes entrés dans une nouvelle ère : l’Anthropocène. L’idée que, mécaniquement, spontanément, le système, de lui-même, allait nous orienter vers une économie bas carbone, est fausse : il faut décider, comme le dit Jean Jouzel, prix Nobel de la paix, de laisser 80 % des réserves d’énergies fossiles dans les sous-sols.

Enfin, le combat n’est pas achevé, chers collègues, car deux candidats à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron et François Fillon, veulent revenir sur nos décisions concernant le gaz de schiste – même si, évidemment, ils ne le présentent pas comme cela. Il fut un temps où l’on distinguait exploration et exploitation ; c’est aujourd’hui au nom de la recherche que l’on justifie la remise en cause de la loi de 2011. La recherche est le cheval de Troie de cette remise en cause, puisque l’article 1er de la loi de 2011 interdit la fracturation hydraulique, de façon générale et absolue, y compris pour des recherches ou l’évaluation des ressources françaises.

C’est la raison pour laquelle, sur cette question majeure qui engage notre rapport à la planète, à défaut d’une adoption de ce texte avant la fin de la législature, j’espère que le débat sur la réforme du code minier permettra de dévoiler les intentions des uns et des autres et de déterminer, grâce à des échanges parfaitement transparents, qui pense quoi, qui répète les arguments de qui, et qui est soutenu par quel lobby.

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