Intervention de Chantal Berthelot

Séance en hémicycle du 24 janvier 2017 à 15h00
Adaptation du code minier au droit de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Berthelot :

En préambule je souhaite, après chacun des précédents orateurs, saluer à mon tour la démarche engagée par le président de la commission du développement durable et rapporteur de ce texte, cher Jean-Paul Chanteguet, qui a agi en responsabilité et décidé, avec le soutien du groupe socialiste, écologiste et républicain, de déposer une proposition de loi visant à moderniser le code minier pour mieux prendre en compte les normes constitutionnelles de la Charte de l’environnement et les engagements internationaux de la France.

Ce texte vise à offrir aux activités aurifères un cadre vertueux, en veillant notamment à ce qu’elles s’inscrivent et se développent dans des conditions environnementales, sociétales, sanitaires et économiques acceptables, tout en leur assurant une meilleure sécurité juridique. Il a aussi pour objet de créer un espace de débat national et d’améliorer l’information et la participation du public sur les procédures minières : c’est tout l’objet du groupement participatif d’information et de concertation défini à l’article 3. J’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à ce que ce groupement soit également mis en place dans les territoires ultramarins. Par ailleurs, il vise à mieux prendre en compte les enjeux environnementaux, rénover le dispositif de gestion de l’après-mine et surtout développer une solidarité nationale d’après-mine, qui sera importante pour la Guyane, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de l’orpaillage illégal. Il a enfin pour ambition d’améliorer la prise en compte des particularités de nos territoires d’outre-mer.

Le nom de la Guyane a été beaucoup cité dans la discussion. De fait, pays de tradition minière depuis le XIXe siècle, la Guyane est aujourd’hui le premier territoire français en ressources minières. Patrimoine de la nation, ces ressources font l’objet d’un pillage incessant depuis plus de quinze ans. Grâce au soutien indéfectible de notre majorité et à l’engagement continu de la commission du développement durable, la lutte contre l’orpaillage illégal a fait l’objet de nombreuses mesures législatives, souhaitées par les acteurs de terrain, notamment dans le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. La Guyane se félicite de ces avancées, bien que le combat soit encore long et nécessite des moyens supplémentaires.

L’enjeu crucial pour la Guyane – vous ne serez pas surpris que je centre mon propos sur la Guyane – réside dans la structuration et le développement de la filière minière. À ce jour, on recense une trentaine d’entreprises artisanales, employant en moyenne dix salariés, en complément de cinq PME, qui se consacrent à une exploitation semi-industrielle. À l’horizon 2020, trois projets de mines industrielles portés par des multinationales verront certainement le jour dans l’ouest guyanais, avec pour objectif de produire 450 tonnes d’or sur vingt ans et de créer 2 400 emplois directs et 9 600 emplois indirects. Parallèlement, l’université de Guyane a mis en place une offre de formation en géologie, dans le cadre de la licence « Sciences de la vie et de la Terre ».

Caractérisé par une croissance démographique exponentielle et un taux de chômage qui dépasse 20 %, avec des chiffres de plus de 40 % chez les moins de 25 ans et de 70 % dans certaines communes de l’intérieur, le territoire guyanais se doit de saisir les opportunités que propose cette filière. Comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons pas le choix.

Si ce secteur offre de nombreux débouchés et des perspectives en termes d’emplois, de formation, d’investissements structurants et de production, les retombées fiscales qu’il engendre localement sont bien trop faibles. Ce sujet n’est pas abordé dans le code.

Il est important de rappeler ici quelques chiffres : alors que prix du kilo d’or se situe actuellement à 36 000 euros, les collectivités ne perçoivent que 138 euros au titre de la redevance communale, 27 euros pour la redevance départementale et, en fonction de la taille de l’entreprise, entre 336 et 672 euros au titre de la taxe sur l’or. Autrement dit, la Guyane ne perçoit, en moyenne, que 700 euros sur chaque kilo d’or extrait. Ces chiffres sont une aberration, une insulte pour la Guyane eu égard aux besoins des Guyanais ! Ils devront être mis en adéquation avec ces besoins. Après le vote de ce texte, il vous appartiendra, monsieur le secrétaire d’État, de revoir la fiscalité de l’or en Guyane.

Dès lors, la responsabilité des pouvoirs publics, notre responsabilité, est de garantir que cette activité minière perdure et se développe d’une manière acceptable d’un point de vue environnemental, social, sanitaire et fiscal. Notre responsabilité est de considérer ces ressources épuisables comme un précieux héritage que nous devons préserver et valoriser, pour nous, tout d’abord, afin de répondre à des réalités quotidiennes, mais surtout pour les générations futures. Nous devons donc trouver un équilibre entre l’exploitation de ces ressources – en faisant en sorte que celles-ci profitent à la Guyane et aux Guyanais – et la préservation de la biodiversité et le nécessaire respect du droit de l’environnement.

Telle est l’équation, et finalement le défi, que la nation et la Guyane doivent relever ensemble. J’espère que vous adopterez les amendements que j’ai déposés et qui visent à répondre à ce défi, dans les outre-mer et en Guyane en particulier.

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